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Le Scorpion

Summary:

(Univers alternatif)
En Espagne au 18è siècle, un bandit connu sous le nom du "Scorpion" sème la peur dans le cœur des nobles tandis que les habitants de la basse-ville le considèrent comme un héros. Adulé des femmes, respecté et craint des hommes, le Scorpion va vivre une aventure mêlée de complots, d'amour, de trahison et de mystère...

Notes:

Salut à tous!

Ce texte est ma toute première fanfic sur Saint Seiya, rédigée et publiée de 2013 à 2014 et elle a une place toute particulière dans mon cœur. C'est grâce à elle que j'ai rencontré énormément de personnes incroyables, de lecteurs et d'auteurs, d'amis et d'amies qui sont parfois devenus des confidents... Je lui dois beaucoup :')

L'idée d'un Milo bandit et de son acolyte aristocrate, Camus, me trottait dans la tête depuis un certain temps et quel meilleur cadre pour cela que l'Espagne du 18e siècle ;) Au niveau de la forme et de la mise en page, entre autres, elle mériterait clairement que je la relise et que je l'améliore mais, comme j'en en ai malheureusement pas le temps, je la publie ici sous sa forme initiale. J'espère qu'elle vous plaira malgré tout :)

Bonne lecture à vous!

Chapter 1: Prologue

Chapter Text

Espagne, début du 18è siècle

La carriole s’engouffra au petit trot dans la ruelle pavée, faisant s’écarter les mendiants sur son passage. Penché en avant, accroupi au sommet d’un toit, un homme esquissa un sourire et ses doigts effleurèrent la garde de sa rapière puis, il se ravisa: nul besoin de tuer, juste voler et faire naître la peur.

L’homme ajusta sa longue cape sombre et se laissa tomber, les bras en croix. Le vent joua avec ses boucles blondes tout le temps que dura sa courte chute puis, il atterrit souplement sur le toit de la calèche.

Le conducteur se retourna en un sursaut et s’écria :

- Hé! Qu’est-ce que vous fich…

Ses yeux s’écarquillèrent lorsqu’il reconnut l’homme qui venait de s’inviter sur la calèche:

- Oh mais vous êtes..?!

L’homme aux cheveux blonds sourit:

-Hé ouais coco !

D’un mouvement vif, son pied cueillit le conducteur dans le menton, l’envoyant proprement valser au sol.
Sans un cri.
Lhomme s’empara des rênes et stimula les andalous de la voix, faisant claquer les rênes :

-Yah !

Les chevaux démarrèrent au triple galop en hennissant. Le bandit éclata de rire, grisé par la réussite.
Un pavé mal placé fit rebondir une roue arrière et des cris de surprise résonnèrent dans la calèche :

- Hé cocher!

La tenture qui séparait le conducteur de ses passagers s’entrouvrit rageusement sur un homme portant une perruque :

- Pourquoi allez-vous si vite tout à…

Mais la fin de sa phrase s’étrangla dans sa gorge. Le bandit blond fit un clin d’œil :

-Tout va bien, Señor ! Ceci est un enlèvement de courtoisie !

-Comment osez-vous ! La Duchesa se trouve ici ! Elle vous fera arrêter puis exécuter si vous osez ne fut-ce que nous…

S’exclama l’homme à la perruque en cherchant fébrilement son pistolet qui se trouvait…

Dans la main de leur ravisseur ?! Mais il ne l’avait même pas vu bouger !
Ebahi, le garde du corps balbutia :

-Mais… Mais comment ?!

-Je vous conseille de rester bien sagement assis, Señor… Profitez du paysage, sourit le bandit en le tenant en joue quelques instants avant de se tourner vers la route.

Blanc comme un linge (ou bien était-ce dû au fond de teint de cette époque ?), l’homme se rassit et tapota la main d’une femme à la lourde robe qui venait de défaillir en poussant un petit cri de souris. Le bandit ricana et rajusta son masque noir sur ses yeux bleus : tout se passait pour le mieux ! Ils passèrent la porte de la ville et quelques minutes plus tard s’arrêtèrent à l’ombre d’un olivier perdu au milieu de nulle part. Le bandit descendit de son perchoir et ouvrit la portière et fit descendre ses passagers, tendant galamment la main aux deux dames présentes. Seule la dame de compagnie osa accepter cette aide.

-Que voulez-vous, bandit ?

Souffla l’homme en se plaçant courageusement devant les deux femmes. Le blond sourit :

-Ce que je veux ? Mais vos bourses mes bons Seigneurs.

La Duchesa s’écria en portant la main à sa bouche :

-Rho ! Mufle !

Le bandit éclata de rire sans cesser de tenir « le garde du corps le plus inutile de tout le Royaume d’Espagne » en joue :

-Je dois bien vivre Duchesa : les bourses je vous prie.

Termina-t-il en tendant l’autre main en souriant :

-Mais qui êtes vous pour vous permettre un tel acte ?!

S’énerva la Duchesse en abandonnant sa bourse à regret. Une lueur rouge éclaira les superbes yeux bleus de l’homme tandis que ses lèvres s’étiraient en un sourire malicieux :

-Peu de gens connaissent mon nom… Mais on me surnomme « Le Scorpion »… Peut-être que cela vous dit quelque chose Duchesa…

Siffla-t-il, s’amusant de la lumière de peur qui traversait les prunelles de ses proies. Les yeux de la Duchesse s’écarquillèrent et elle blêmit:

-Le… Scorpion : le bandit le plus dangereux de la région…

Une fois les bourses rangées, le Scorpion détacha un étalon et se jucha dessus d’un bond. Il fit se cabrer le cheval et effectua un semblant de salut avec son chapeau en riant :

-Ce fut un réel plaisir, mes seigneurs !

La Duchesse s’appuya au bras de son garde du corps, tétanisée, tandis que la dame de compagnie rougissait en s’éventant de la main.
D’une pression des talons, le démon blond fit démarrer le cheval au galop, laissant ses victimes derrière lui.

Milo Antarès, plus connu sous le nom du « Scorpion », sourit : mission réussie !

Chapter Text

Milo poussa la porte de la taverne. Tous les regards se tournèrent vers lui et le silence se fit quelques secondes. Le Scorpion sourit et s’avança vers le fond de la salle : les hommes s’écartèrent respectueusement sur son passage tandis que les femmes gloussaient en agitant leurs éventails.

En lançant une pièce d’or au tavernier, Milo demanda :

-Une pinte

La pièce disparut rapidement de sa vue et le tavernier hocha la tête. Une serveuse s’approcha de sa consoeur et feula :

-Il s’assied de mon côté de la salle ! Il est pour moi !

-Tu rêves ! (répliqua la seconde) Il m’a sourit en passant à côté de moi : c’est à moi qu’il revient l’honneur de le servir !

Milo s’assit en face d’un homme dissimulé dans l’ombre et croisa les pieds sur la table en soufflant :

-Ha ! Si c’est pas la belle vie ça ! N’est-ce pas, Camus ?

L’homme avait de longs cheveux bruns-roux presque rouges attachés en une sorte de demi-queue extrêmement distinguée, laissant échapper deux mèches devant ses oreilles, et un visage fin très pâle, parsemé de taches de rousseur. Droit, anachronisme de raffinement parmi les poivrots de la taverne, Camus répondit calmement, le regard neutre et les sourcils froncés :

-Tu attires fort l’attention « Scorpion » Es-tu sûr qu’on ne risque pas de se faire dénoncer ?

Milo chassa la réplique d’un geste impatient de la main :

-Les hommes savent qu’il ne faut pas me chercher et m’évitent : ils craignent mon épée et mon courroux. Quant aux femmes, elles m’adorent : elles sont fascinées par ma prestance mystérieuse et envoutante. (Il sourit, faisant briller ses yeux pâles) Je ne risque rien et toi encore moins !

Camus haussa un sourcil et Milo sut que son ami était amusé malgré son visage neutre :

-Heureusement que le narcissisme ne fait pas partie de tes défauts…

Le Scorpion haussa les épaules :

-Je ne dis que la vérité : admire plutôt.

La deuxième serveuse s’avança vers eux, une pinte à la main. Elle la posa sur la table et se pencha en avant plus que nécessaire, dévoilant son décolleté plongeant et faisant au passage un clin d’œil malicieux à Milo qui esquissait son sourire le plus charmeur. Comme elle se redressait, sa consoeur se jeta sur elle, toutes griffes dehors :

-PUTA !!! J’avais dit que c’était MOI qui devait le servir !!

Tandis que les deux femmes s’envoyaient des coups de poings et des injures en tout genre, Milo se mordait la lèvre inférieure pour ne pas éclater de rire. Camus lui, assistait au « spectacle » avec dédain. Le Scorpion se pencha vers son ami et lui chuchota à l’oreille :

-Maintenant je vais me sentir obligé de récompenser la gagnante !

-He bien elle risque d’être amochée.

Camus détourna le regard et se leva :

-On s’en va, Milo.

-Déjà ! Mais on commençait seulement à s’amuser !

S’effara Milo en désignant les deux combattantes d’une main tandis que de l’autre il s’emparait de sa pinte :

-Je ne tiens pas à voir la garde rappliquer pour une stupide dispute de bonnes femmes nymphomanes! J’ai une réputation à tenir moi.

Gronda Camus d’un ton sans appel. Il enfila sa cape et s’avança dans la taverne, les gens s’écartant sur son passage, impressionnés par son attitude noble et glaciale…

Milo souffla et fit la moue avant d’avaler sa pinte à toute vitesse, râlant de ne pouvoir en profiter : mais il savait très bien que son ami ne l’attendrait pas et ils avaient à parler. Il hésita à jeter une pièce aux combattantes mais se ravisa. En se levant, il s’approcha d’une femme brune qui détourna le regard, faussement gênée. Milo lui chuchota à l’oreille :

-Je n’en ai pas pour longtemps, ma belle…

La fille rougit légèrement et, lorsque Milo eut quitté la pièce, elle se rendit compte qu’une superbe rose rouge était déposée sur ses genoux. Elle la porta à son visage et inspira profondément :

-Et je t’attendrai, Scorpion…

Milo ferma la porte de la taverne et s’avança à la suite de Camus dans la rue, éclairée seulement par une pleine lune de juillet …

L’homme blond eut vite fait de rattraper son meilleur ami et ils marchèrent silencieusement côte à côte. Enfin, Camus rompit le silence qui s’était installé et Milo se félicita de s’être mordu la langue tout ce temps :

-Ta mission c’est bien passée ?

-Au poil : trois bourses dont celle de la Duchesa Maria Capella !

Fanfaronna le Scorpion en souriant et en bombant le torse, fier comme un paon. Camus leva les yeux au ciel :

-Tant mieux…

Milo pencha la tête sur le côté :

-Quelque chose ne va pas Camus

C’était une affirmation, pas une question. Milo connaissait Camus par cœur et l’inverse était vrai aussi. C’est pour ça que Camus n’essaya pas de mentir : Milo l’aurait deviné. Alors il avoua :

-Je pense que tu devrais te faire plus discret pendant un moment : on commence à parler de toi, même dans la haute ville. Et on ne te voit pas vraiment bien si tu vois ce que je veux dire… Le seigneur Aphrodite Pisces met ses hommes à tes trousses et je ne voudrais pas qu’il t’arrive malheur.

Milo fit la moue : c’était donc ça qui tracassait son ami... Il s’inquiétait pour lui. Le Scorpion le prit par l’épaule et sourit :

-J’ai volé de quoi tenir au moins une semaine ! Je peux m’abstenir ce temps là si tu veux.

Camus se dégagea :

-Je ne dis pas ça pour moi mais pour ta sécurité, je te le demande.

Milo sourit et ajusta son chapeau : Camus n’avait jamais aimé les effusions de sentiments. Le relationnel n’avait jamais été son fort !

-Et sinon, rien de neuf dans la haute ville ?

Camus secoua la tête, faisant voler une mèche de cheveux :

-Pas grand-chose : c’est pour ça que j’ai eu le temps de passer te voir ce soir.

Milo hocha la tête :

-Et la nouvelle domestique dont tu m’as parlé la semaine dernière ?

Une légère rougeur enflamma les joues pâles de Camus qui dissimula son trouble en ajustant le pli de son long manteau vert : personne n’aurait pu remarquer ce changement d’attitude si ce n’est Milo :

-Je.. hum ! Ah Léna ? Elle fait bien son travail.

Un sourire étira les lèvres de Milo tandis que ses sourcils se fronçaient :

-Tu lui as parlé ?

-Je n’ai pas à parler avec les domestiques de ma maison enfin Milo!

Répondit Camus en fronçant les sourcils, peu désireux d’aborder le sujet.

Milo n’insista pas : d’autant qu’il se souvienne, Camus n’avait jamais été à l’aise lorsqu’il s’agissait de parler de ses sentiments. Il s’en était bien rendu compte le jour de leur rencontre, 10 ans plus tôt… Et le souvenir qu’il gardait de cette rencontre était le regard de glace de son sauveur. Regard qui se voulait froid mais qui était en fait empreint d’une grande tristesse…

Chapter Text

Dix ans auparavant

Camus Deverseau se promenait dans la ville, seul : il avait 10 ans et pouvait enfin sortir sans être accompagné par ses gardes du corps !
Le jeune garçon était arrivé en Espagne 1 an plus tôt lorsque son père l’avait emmené avec lui pour s’installer à Ronda, en Andalousie. Son père, Albert Deverseau, aristocrate français, était venu en Espagne pour agrandir sa renommée.

Camus marchait et arriva sur une place bondée : c’était un jour de marché. Alors qu’il regardait distraitement les différents étals, il fut soudain bousculé par une furie blonde qui trébucha puis se reprit et continua sa course effrénée sans même s’excuser. Un peu irrité, Camus lissa sa tunique :

-Aucun respect, ces paysans! Ils ne manquent pas d’air !

Songea-t-il. Alors qu’il pensait pouvoir finir sa promenade en paix, il dût bien vite se pousser à nouveau du chemin lorsque trois gardes déboulèrent à toute allure, brandissant leurs lances en criant :

-Stop !! Arrête immédiatement, sale voleur !

Interloqué, Camus les suivit du regard jusqu’à ce que l’enfant blond ne tourne dans une ruelle pour… Se jeter droit dans les bras d’un quatrième garde !

-Ha ! On te tient enfin sale garnement ! On devrait te trancher la main pour ce que tu oses faire!

S’exclama le garde tandis que le petit garçon se démenait comme un diable pour se défaire de la poigne du soldat, distribuant coups de pieds et coups de poings :

-Lâchez-moi !!

Criait-il dans l’espoir que quelqu’un vienne à son secours, pauvre petit orphelin qu’il était. Mais voyant que personne ne réagissait, il se mit à hurler :

-Noon !!! Ne touchez pas à ma tunique !! Au viooool !!!!!!!!!

Camus eut du mal à se retenir de sourire devant la mine déconfite du garde face à la manière radicale qu’avait trouvé le jeune voleur de se débarrasser de sa triste destinée. Autour d’eux, les gens commençaient à regarder les cinq personnages avec les sourcils froncés :

-Quelle honte !

-Ce n’est qu’un enfant !

-Et ça se dit protecteur de la ville !

-Rhoo !!

Et la furie blonde continuait de crier :

-A moooii *humpf*

La voix du garçon fut étouffée par la main gantée du garde qui siffla :

-Silence, vaurien ! Ta main je vais la prendre ici même !

Les yeux du garçon s’écarquillèrent et il secoua la tête. Le garde ricana et sortit une fine dague tandis qu’il étendait de force le bras droit du voleur.
Camus intervint alors :

-Cessez cela !

Les gardes se tournèrent vers lui et le garçon blond lui jeta un regard effrayé et rageur. Le garde demanda :

-Retourne chez toi petit : ça ne te regarde pas.

Puis, reconnaissant les armoiries de la famille Deverseau sur la tunique de Camus, le garde pâlit et baissa la tête :

-Oh ! Pardonnez-moi, Señor Deverseau : je ne vous avais pas reconnu !

Le jeune voleur fronça un sourcil et un *hum ?!* interrogatif sortit de derrière le gant du garde. Camus demanda alors :

-Qu’a-t-il fait de si grave pour qu’il mérite un tel châtiment ?

-Il a volé deux pommes, Señor !

Camus haussa un sourcil :

-C’est une blague j’espère.

-Je… Je ne comprends pas, Señor ?...

Souffla le garde, dépité :

-Vous voulez couper la main d’un malheureux qui a juste volé deux pommes ?

Le garde baissa les yeux :

-He bien… Je ne…

-Menez moi au marchand : je vais les payer ces pommes.

-Oh mais... Senñr Deverseau !

-C’est un ordre ! Et quand cela sera fait vous relâcherez ce malheureux !

Siffla Camus d’une voix sans appel. Le garçon blond s’en fut, soufflant un « merci » avant de disparaître. Camus sortit deux pièces de sa poche (pas besoin de sortir sa bourse et de risquer de se la faire piquer !) et s’en retourna chez lui, plutôt satisfait de sa bonne action.

Mais alors qu’il n’avait traversé que quelques rues, il entendit une voix l’appeler:

-Hé ! Attends !

Camus se retourna à peine : c’était le garçon blond qu’il venait de sauver. Plutôt grand, sale, la tunique déchirée dévoilant une épaule brunie par le soleil, les pieds nus et les cheveux en batailles, il lui manquait une dent de devant : un vrai paysan ! Le jeune français jeta un regard dédaigneux au garçon puis se remit en marche :

-Hé !

Le garçon lui agrippa la manche et Camus se dégagea vivement: c’est qu’il allait tacher sa belle tunique cet énergumène !

-Ne me touche pas avec tes sales pattes, le gueux !

Le garçon recula d’un pas et esquissa un sourire :

-Ca ne te dérange pas ?

-Je ne vois pas de quoi tu parles.

Avait répliqué Camus, agacé par cet envahissant personnage : il lui sauvait la main et voilà qu’il se retrouvait affublé d’un véritable pot-de-colle !
Le garçon blond leva la main :

-Que je t’emprunte ta bourse.

Camus écarquilla les yeux et porta la main à sa poche.
Vide.

Le jeune français leva les yeux sur la paume du garçon où se trouvait sa bourse. SA bourse était entre les mains de ce vaurien de pacotille ! Camus tendit la main :

-Si, ça me dérange profondément et saches que ta présence m’irrite énormément !

Le garçon blond fronça les sourcils en souriant, jonglant avec la bourse :

-Oh… He bien alors je m’en vais. Encore merci pour…

-Hé !

Le voleur se retourna :

-Hum, lança-t-il, narquois.

-Ma bourse : j’aimerais beaucoup la récupérer.

Camus se mordit l’intérieur de la joue : lui, d’ordinaire si calme, avait énormément de mal à contenir son énervement face à se vaurien !
Le blondinet se gratta le sommet du crâne en souriant :

-Pourquoi tu m’as sauvé ?

-J’avais un peu de temps à perdre. Ma bourse.

Le garçon tendit l’objet tant convoité et Camus récupéra son bien avant de le glisser dans sa poche. Il se détourna :

-Bon hé bien ad…

-Dis…

Camus soupira sans pour autant s’arrêter :

-Quoi ?!

-Pourquoi tu as l’air si triste ?

Le français s’arrêta et se retourna lentement : le blond était quelques pas derrière lui et le regardait avec…
Pitié ?!

Un simple paysan avait pitié de lui ?! Camus Deverseau !
Pourtant, il fut touché par le regard d’un bleu si pur du petit garçon qui lui faisait face. La voix rauque, Camus murmura :

-Je… Je n’ai pas l’air triste voyons ! Qu’est-ce que tu racontes ?!

Le garçon le fixa intensément pendant de longues secondes et Camus fut incapable de se soustraire à ce regard bleu perçant :

-Si tu n’es pas triste… Pourquoi tu fais cette tête là ?

Camus sentit son cœur se serrer :

-Je… Je vais très bien ! Je ne suis ni malheureux ni…

-Toi aussi ta maman est partie ?

Demanda innocemment le garçon, lui coupant la parole. Camus se tut, les yeux écarquillés et la bouche entrouverte :

-Comment peux-tu le savoir ?

Souffla-t-il. Le garçon pencha la tête et sourit :

-Je faisais cette tête là quand elle m’a laissé. Je sais ce que c’est de perdre quelqu’un qu’on aime : surtout sa maman.

Camus cessa de respirer et sa main se serra sur le pendentif que lui avait légué sa mère, Sophie Deverseau… Morte de maladie en France, peu avant leur départ pour l’Espagne.

-Je sais que pour aller mieux, il faut s’entourer de gens de confiance, des amis. Tu ne dois pas en avoir des masses dans ta grande maison vide.

Camus était estomaqué : comment ce garçon pouvait-il le toucher autant ? Lui, dont le cœur s’était endurci au point de ne plus rien montrer de ses émotions ! Le garçon tendit la main en souriant :

-Je m’appelle Milo. Et toi ?

Camus hésita un instant devant la paume sale de… Milo. Puis ses yeux furent happés par ceux du garçon qui allait devenir son meilleur ami. Alors, Camus sut qu’il pouvait faire confiance à ce garçon. Il tendit la main et la posa sur celle de Milo.

Ils se serrèrent amicalement la main et le jeune français, pour la première fois depuis la mort de sa mère, esquissa un semblant de sourire :

-Camus.

Chapter Text

Milo se réveilla aux côtés de la jeune femme aux cheveux bruns de la veille : Andrea… Non ! Camilla ! Ou bien était-ce Maria ? Bref : il se réveilla et s’étira discrètement. Il se leva et s’habilla silencieusement et comme toujours, son regard se posa sur le tatouage sur son épaule droite, celui qui représentait l'animal dont il avait pris le nom.

Milo enfila ses bottes puis se pencha sur la jeune femme et l'embrassa sur la jour. La fille sourit dans son sommeil puis, Milo s’en fut, silencieux comme une ombre, posant son chapeau sur sa tête. Le Scorpion inspira profondément une goulée d’air frais puis souffla en souriant, ravi de la façon dont s’était déroulée la mission de la veille :

-Ah … Le succès est une si belle chose !

Murmura-t-il pour lui-même, descendant les quelques petites marches du perron avant de s’avancer dans la rue pavée.

Instinctivement, Milo porta la main à sa poche, là où se trouvaient les trois bourses volées.
Le sourire aux lèvres, le bandit se mit à siffloter joyeusement.

Comme il marchait, les mains dans les poches et les yeux perdus dans la contemplation d’une superbe jeune femme aux épais cheveux sombres, il fut légèrement bousculé par un jeune garçon dont la casquette était enfoncée jusqu’à son front baissé. Comme premier réflexe, Milo se tourna rageusement vers lui, prêt à remettre ce garnement à la place qui était la sienne mais il se ravisa et se contenta de grogner un simple :

-Regarde un peu où tu marches !

Puis il n’y prêta plus attention, ne pouvant s’empêcher de sourire, ravi de ce qu’il venait de faire.

De son côté, le jeune garçon marcha calmement jusqu’à une ruelle et s’y précipita en pouffant :

-Pff ! Quel imbécile: il ne s’est rendu compte de rien !

S’esclaffa-t-il en entrouvrant son manteau pour sortir la bourse qu’il venait de…
Le vaurien étouffa un juron : non seulement il n’avait pas réussi à voler la bourse de cet homme mais en plus il avait réussi à se faire piquer la sienne !

Le garçon jeta un coup d’œil sur la rue et pencha la tête en fronçant les sourcils : l’homme avait disparu ! Volatilisé !

Comme le vaurien laissait échapper un « Hein ?! » interrogatif, une main ferme lui agrippa le poignet et lui tordit le bras dans le dos, lui faisant pousser un cri plus de surprise que de douleur.
Milo se pencha et chuchota à l’oreille du voleur :

-L’attrapeur attrapé bonhomme. Tu as vraiment cru que je ne me rendrais compte de rien ? Tu t’en es pris à la mauvaise personne !

Le garçon grogna et se démena pour se dégager mais la poigne de Milo se resserra : il était trop fort pour lui !

-Je ne vais pas te tuer parce que je sais ce que c’est d’avoir faim et de ne rien pouvoir faire pour se nourrir si ce n’est de voler. Mais cherche à ne plus chercher le Scorpion petit !

Termina Milo en desserrant un peu sa poigne. Soudain, le voleur se retourna vivement et essaya de frapper le blond au visage. Son poing fut stoppé net par la deuxième main du Scorpion dont l’expression venait de perdre toute trace de bonté.
Une lueur rouge éclaira ses yeux et il feula :

-Tu viens d’essayer de me frapper ? Moi ?

Milo n’avait pas beaucoup de défauts : il était grand, beau, rusé, humble… Sa seule imperfection, la seconde étant sa difficulté à rester concentré sur un sujet qui ne l’intéressait pas, était qu’il se mettait rapidement en colère.
Très rapidement !

Alors lorsque ce vulgaire moins que rien ose ne fut-ce que tenter d’abimer son visage, sa fierté ! Il vit rouge en moins d’une demi-seconde.

De rage, Milo poussa le garçon contre un mur et le chapeau qui couvrait la tête du voleur tomba, dévoilant une longue tresse blonde.
Le Scorpion écarquilla les yeux, toute colère disparue:

-Mais… Tu es une fille ?!

S’écria-t-il, ébahi.

Zut ! Ma cote de popularité auprès des femmes risque de redescendre dangereusement !

Songea-t-il en se mordant la lèvre inférieure. La jeune femme essuya le mince filet de sang qui s’écoulait de sa bouche et leva les yeux vers lui, narquoise :

-Et alors ? Tu as peur pour ta réputation ? Le grand Scorpion, détroussé par une femme ?!

Milo aurait dû se sentir insulté, sa main aurait dû la démanger, il aurait dû gifler cette insolente donzelle. Mais pas celle-là…
Comme elle se redressait, il souffla, les sourcils froncés dans une mimique interrogative :

-Attends une minute…

La femme se retourna, sourcils froncés et Milo n’eut plus aucun doute sur l’identité de la personne qui lui faisait face :

-Ariane ?!

La jeune femme se figea et plongea son regard dans celui de Milo. Son visage perdit petit à petit toute trace d’animosité et elle murmura :

-Ces yeux… (Elle esquissa un sourire ému et écarquilla les yeux.) Milo ?

Le Scorpion sourit à s’en faire mal aux joues et se jeta sur la jeune femme pour la serrer dans ses bras en riant :

-Ariane ! Ca fait si longtemps !!

Ariane se mit à rire à son tour, refermant ses bras sur son ami :

-Oh Milo ! Tu as tellement grandi !

Le Scorpion sourit et lui tapota le sommet du crâne :

-Dans le genre grand, tu n’es pas mal non plus tu sais !

-Qu’est-ce que tu veux ? En 11 ans on prend des centimètres !

-11 ans ! Ouaw ! Tu es sûre ?!

Hésita Milo, la main perdue dans ses épaisses boucles blondes :

-Ha ha ! Oui ça fait un… bail…

Termina Ariane dans un murmure. Le silence se fit soudain, lourd de remords et de non-dits.
Après quelques longues secondes, Milo esquissa un sourire enjôleur :

-Ca me revient maintenant : on avait 9 ans quand tu es partie… Et quand j’ai échangé mon premier baiser avec une charmante demoiselle…

Ariane rougit violement et frappa l’épaule de Milo :

-Charmeur va !

Le Scorpion éclata de rire et prit son amie par l’épaule.

Le souvenir de leur séparation, pourtant bien loin derrière eux, restait une blessure encore vive dans le cœur de Milo…
C’était une vieille cicatrice qui venait de se rouvrir…

Chapter Text

Onze ans plus tôt

-Milo ?! Tu es là ?!

Le jeune garçon blond se retourna et sourit de toutes ses dents :

-Ici Ariane !

La petite fille en habits de garçons jeta un coup d’œil sur le toit et sourit :

-Ah ! Te voilà enfin !

Elle enjamba une tuile et trottina vers son meilleur ami :

-J’ai une grande nouvelle !

Milo l’invita à s’assoir à ses côtés et lui tendit une pomme :

-Tout juste cueillie pour toi.

-Oh et bien merci !

Sourit Ariane en saisissant la pomme puis en se laissant tomber à côté de Milo en soupirant d’aise. Ils avaient 9 ans et demi et la vie n’était pas rose tout les jours. Pourtant ils s’accrochaient et continuaient de se soutenir l’un l’autre, volant pour survivre et aussi pour la communauté de voleurs dont ils faisaient partie.

Sous leurs pieds, la ville s’étirait dans toute sa splendeur et devant eux, le soleil se couchait, teintant le ciel de superbes lueurs orangées, rouges et roses.

-Magnifique, chuchota Ariane.

Milo se frotta le nez en lui jetant un coup d’œil malicieux:

-Comme toi.

Elle rougit et croqua dans la pomme pour cacher son trouble. Milo baissa les yeux en se mordillant la lèvre et rit doucement :

-Bah quoi c’est vrai non ?

-Charmeur !

Milo ricana :

-Oui je sais !

Ils restèrent silencieux un moment puis il porta le poing à sa bouche et toussota :

-Hum… Alors ! Cette grande nouvelle, Ari’ ?

La petite fille se redressa :

-Tu vas être fier de moi : j’ai trouvé un travail !

Le garçon pressa affectueusement l’épaule de sa comparse :

-Un travail ? Mais c’est super Ariane ! Et c’est quoi au juste ? Tu vas aller vendre des fruits à l’échoppe de Rosalita ?

-Mieux que ça : je vais être femme de chambre dans une grande maison ! Je commence ce soir !

La pomme que Milo tenait en main s’écrasa sur le sol en contrebas et explosa sous le choc.
La voix rauque, le petit garçon murmura :

-Ce… Ce soir?..

-Oui : on m’attend dès ce soir à la demeure des Pisces !

S’exclama Ariane, euphorique, inconsciente du trouble qui agitait l’esprit de son meilleur ami. Milo cligna plusieurs fois des yeux :

-C’est… (il se forgea un sourire en vitesse) C’est super Ariane !

-Est-ce que ça va ? Tu as l’air tout drôle d’un coup.

S’inquiéta la petite fille blonde en jetant un regard interrogatif à son ami. Milo se secoua mentalement et se leva vivement :

-Oh si ! Tout va pour le mieux ! Ha ha ! Je suis si… content pour toi.

Finit-il en un soupir. Ariane se leva à son tour :

-Milo : je te connais et je sais que quand tu fais cette tête là tu n’es pas dans ton assiette. Tu peux tout me dire tu sais.

Finit-elle en souriant. Milo sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine et il souffla, la tête basse :

-Je… Je ne veux pas te perdre Ariane…

La petite fille esquissa un triste sourire :

-Milo… C’est une opportunité qui ne se représentera peut-être jamais : je ne peux pas me permettre de rester ici et de vivre à jamais dans les rues.

Ariane se redressa et inspira, les yeux fermés :

-Je veux vivre autre chose qu’une vie de mendiante. Et j’ai enfin la chance de prouver au monde que je vaux mieux que ça !

Elle se tourna vers son ami :

-Tu comprends ?

Milo ne dit rien : ainsi positionnée, Ariane semblait auréolée de la lumière du soleil couchant et il ne pouvait pas s’empêcher de la trouver magnifique. Ne sachant que dire de plus pour égoïstement retenir son amie, il s’avança vers elle et… La serra contre lui avec l’énergie du désespoir. Ariane hésita puis referma ses bras autour de Milo :

-Je comprends… Mais je ne peux pas imaginer vivre sans toi, Ariane.

Il releva le menton de son amie et sourit :

-Parce que ma vie se résume en un mot : toi.

Des larmes d’émotion dans les yeux, Ariane murmura :

-Milo…

-Et vivre sans toi ce n’est pas une vie Ariane.

Le garçon se pencha en avant et chuchota à l’oreille de sa «plus qu’amie» de toujours :

-Parce que je t’aime.

Il avança son visage vers elle et leurs lèvres s’effleurèrent, d’abord timidement puis plus franchement.
Ariane hésita puis ferma les yeux, serrant Milo contre elle : c’était donc ça… C’était ça qui rendait son ami si malheureux…

Mais elle devait saisir l’opportunité de ce travail ! Elle ne pouvait pas se permettre de risquer de mourir de faim… Mais son cœur lui disait que…
Qu’elle devait…

Ariane recula et baissa la tête. Milo rougit légèrement et chuchota :

-Désolé si je t’ai offensé… Mais…

-Je dois y aller, Milo.

Les épaules du garçon retombèrent soudain, amèrement déçues… Désorienté, Milo balbutia :

-Tu… Je… Nous… Et moi alors ?

Termina-t-il en désespoir de cause.
Ariane essaya de sourire mais ses lèvres restèrent tristement figées en un rictus qui se voulait encourageant :

-Tu es un grand garçon, Milo : tu te débrouilles mille fois mieux que moi. J’ai foi en ton potentiel.

Elle passa une main hésitante sur la joue de son ami :

-Ne me déçois pas…

Elle déposa un baiser furtif sur la joue de Milo puis recula lentement :

-Ariane, je…

Tenta une dernière fois le garçon blond en tendant la main vers elle :

-S’il te plaît Milo… Ne rends pas les choses plus difficiles qu’elles ne le sont déjà. (elle sourit) On se reverra, c’est une certitude.

Elle se détourna, hésita puis lança à Milo :

-Embrasse les autres pour moi d’accord ?

-Ariane !

-A bientôt.

Elle sourit.
Pour la dernière fois.

Et en moins d’une seconde, Milo se retrouva seul sur le toit.
Seul avec sa frustration.

Le garçon blond se laissa tomber sur les tuiles : les yeux embués mais son orgueil l’empêchait de pleurer sa peine, son amour déçu et sa rage.
Il avait pensé qu’en avouant à Ariane ce qu’il ressentait, elle serait restée avec lui mais…
Elle avait d’abord pensé avec sa tête, laissant son cœur se refermer.

Milo s’ébroua et s’essuya rageusement les yeux du revers du bras :

-C’est bien qu’elle ait trouvé du travail ! C’est une bonne chose ! Je n’ai pas le droit d’être égoïste et de ne penser qu’à moi ! Elle va être heureuse, se trouver un mari riche, vivre dans une grande maison, avoir des enfants et moi… Je la protégerais pour toujours… C’est juré !

Se sermonna le jeune garçon en se levant. Il regarda un instant la ville en contrebas puis se détourna : la réunion allait bientôt commencer et Angelo serait furieux s’il arrivait en retard.

-Adieu, Ariane.

Souffla Milo. Seul le vent lui répondit, d’une caresse sur le visage.
Il descendit du toit, décidé à oublier cet épisode.

Arriver au repaire ne lui prit que quelques minutes. Le regard dans le vide, il fit un signe distrait de la main à la sentinelle et descendit lentement dans la cave qui leur servait de cachette. Là étaient réunis une bonne dizaine d’orphelins maigres et craintifs, volant pour survivre, partageant leurs biens avec la communauté.

Assis sur son trône de fortune, un grand garçon à la courte tignasse bleue foncée presque noire récoltait les maigres butins de la journée :

-C’est tout ce que j’ai.

Balbutia une petite fille en déposant une poignée de pièces de bronze aux pieds de leur chef, Angelo. Le garçon se pencha en avant et jeta un regard dédaigneux à la fillette :

-Tu te fiches de moi ?

-N…non mais je n’ai pas…

-Hors de ma vue sale chialeuse !

S’écria rageusement Angelo en donnant une gifle magistrale à la petite fille, l’envoyant valser sur le sol :

-Puisque t’es même pas capable de voler quoi que ce soit de consistant, tu n’auras pas droit à ta part !

Une lueur sadique éclaira le regard sombre d’Angelo et il siffla, caressant la lame de son poignard du bout du doigt :

-Je ferais mieux de te couper la main !

Comme la gamine reculait à quatre pattes en tremblotant, Milo s’avança :

-Pas besoin : j’ai largement de quoi payer sa part et la mienne.

Et il jeta une bourse aux pieds d’Angelo. Le sachet de cuir s’ouvrit et un contenu doré se déversa sur l’estrade. Des murmures ébahis s’élevèrent :

- C’est de l’or !

-Ouaw !

Milo sourit. Angelo porta une pièce à ses yeux et murmura, comme pour lui-même:

-Ben mon gars…

Il resta un instant immobile puis la pièce disparut et le garçon adressa un sourire mauvais à Milo :

-Toi au moins tu es efficace !

Le garçon blond accepta le compliment sans broncher et releva la fillette qui s’accrocha à son cou en sanglotant :

-Oh merci Milo merci !

Le blond sourit et souleva la fillette dans ses bras. Angelo souffla alors :

-Et personne n’a des nouvelles d’Ariane ? Il ne manque plus qu’elle !

Milo fit un pas en avant, espérant de tout cœur que son trouble ne se verrait pas :

-Elle est partie : elle a trouvé un travail et ne reviendra plus.

Angelo resta silencieux un court instant, semblant hésiter entre s’énerver et rire. Il choisit la deuxième option et éclata d’un rire effrayant :

-Haha !! Et bien tant pis ! Une bouche de moins à nourrir !

Milo grinça des dents et déposa la petite fille brune au sol. Il s’accroupit et essuya les yeux rougis de l’enfant avec un bout de sa propre tunique. C’est alors qu’Angelo cracha avec mépris :

-Et après tout, nous voilà débarrassés de cette sale petite peste orgueilleuse !

Le doigt de Milo s’immobilisa et sa main se mit à trembler. Les dents serrées, il se redressa et se tourna lentement vers le grand garçon :

-Qu’est ce que tu viens de dire ?

Sa voix s’était faite aussi tranchante que la lame d’un couteau et Angelo sentit un frisson lui parcourir l’échine. Il fronça les sourcils et répliqua d’une voix grinçante :

-Qu’est-ce que ça peut te faire ?!

-Répète… Immédiatement… Ce que tu viens… De dire !

Gronda Milo, les poings serrés et la rage aux yeux.

Angelo semblait perturbé par ce changement de comportement puis il lut dans les yeux de Milo la réponse qu’il cherchait. Il esquissa un sourire mauvais :

-Oh… Est-ce que le petit Milo serait amoureux ? He bien je le redis puisque tu sembles être un peu dur d’oreille : Nous voilà débarrassés de cette sale peste orgueilleuse !

Milo aurait dû essayer de se contrôler. Il aurait dû se détourner.
Il aurait dû.

Au lieu de ça, il se redressa vivement et son poing frappa la joue d’Angelo de plein fouet. Et comme la tête du garçon était projetée sur le côté sous la violence du coup, les enfants poussèrent des cris effarés. Milo siffla :

-Ne redis… Plus jamais ça !

Angelo resta interdit quelques secondes puis se redressa et sourit sans sympathie :

-Tu m’as frappé ?

Il se craqua les poings et se dressa de toute sa hauteur devant Milo dans une attitude menaçante :

-Tu m’as frappé ? Moi ? Ton chef ?

Milo ne recula pas, au contraire il serra les poings, la rage au ventre :

-Et je suis prêt à recommencer : je n’ai plus qu’assez de toi et de ta manière de traiter les plus jeunes !

Angelo se craqua la nuque et feula :

-Alors prends ça gamin !

Et il frappa Milo au visage, violemment. Le garçon blond retint un cri et cracha le sang qui venait d’envahir sa bouche. Une dent de devant s’écrasa sur le sol : tant pis, elle bougeait de toute façon !

Milo se frotta la bouche, les sourcils froncés : Angelo ne se battait jamais pour rien. Quand il se battait, c’était pour tuer... Il devait donc gagner ou mourir.

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Les deux garçons s’affrontèrent du regard un instant, évaluant les forces de l’autre. Une fois encore, Milo maudit sa tendance à vouloir frapper avant de parler ! Toujours à vouloir aller trop vite ! Angelo était plus grand, plus expérimenté et surtout plus fort que lui ! Le grand garçon le railla :

-Je croyais que tu valais beaucoup mieux que ça mon pauvre, Milo !

-Tais-toi !

Gronda le blond en grimaçant de rage. Mais Angelo prenait un malin plaisir à le faire enrager :

-Tu n’es pas le premier à qui cette diablesse ait fait des avances! Elle ne perd pas son temps, la peste !

Milo sentit une boule de haine se former dans son ventre pour remonter dans sa gorge et il se jeta sur Angelo, toutes griffes dehors :

-La ferme !!

Le grand garçon esquiva le coup et donna un violent coup de poing dans le ventre de Milo, lui coupant le souffle. Le garçon blond tomba à genoux, les bras pressés sur son ventre, haletant à la recherche d’air. D’une main tout sauf délicate, Angelo empoigna Milo par les cheveux et lui redressa la tête de force, un horrible sourire sur les lèvres :

-C’est toujours la même chose avec toi Milo : tu t’énerves pour un rien. Ha ha ! Tu es d’un prévisible !

Il posa son pied sur le torse de Milo et le repoussa avec force. Le garçon s’écroula sur le sol de la cave en grimaçant : il avait toujours été trop impulsif ! Et voilà que maintenant ce stupide trait de caractère allait lui couter la vie… C’était trop bête !

-Reprends-toi Milo ! (Songea-t-il à toute vitesse) Réfléchis !

L’adolescent s’avança vers lui en ricanant :

-C’est trop facile !

Il se redressait lorsqu’Angelo lui shoota dans le ventre, le faisant se plier en deux sous le choc :

-Comme tu as toujours été haut placé dans mon estime, je t’offre, dans ma grande majesté, une seconde chance. Alors ? Tu en penses qu…

Le crachat du blond atterrit sur sa joue mate et Milo, malgré sa position plus que délicate, ricana :

-T’as cru toi ?

L’œil d’Angelo fut secoué d’un tic nerveux :

-Ah c’est comme ça ?!

Il agrippa Milo par le col, le releva brusquement et le plaqua contre le mur tellement fort que sa tête heurta les pierres, le faisant presque s’évanouir sous le choc. Angelo sortit son poignard et caressa distraitement la joue de Milo avec la lame, laissant une ligne de feu sur son visage :

-Puisque tu n’en fais qu’à ta tête, je vais te tuer sur le champ.

Les lèvres d’Angelo s’étirèrent en un sale sourire pervers : trois fois il avait déjà tué.
La première fois, malgré lui, lors d’un combat contre un rival, et les deux autres fois pour se dégager une voie de repli après des vols qui avaient mal tournés.

La première fois, il s’était réfugié sur les toits de la ville et avait pleuré longuement, extrêmement chamboulé par ce qui lui était arrivé… Il avait longtemps été hanté par le visage sans vie du garçon qu’il avait battu. Puis il s’était endurci, avait grandi et avait fondé la « communauté », gardant les bénéfices et ne laissant à la quelque trentaine d’enfants sous ses ordres qu’une maigre part à diviser entre eux…

Angelo ne se considérait pas comme un assassin mais il ne craignait pas de faire couler le sang. Sans compter qu’en égorgeant ce rebelle, il assurait encore plus sa domination et son pouvoir suprême sur les autres.
Aucun autre membre de la communauté n’oserait plus jamais lui désobéir.

Comme il approchait son couteau de la gorge du renégat, un cri horrifié retentit dans la cave : la petite fille que Milo avait consolée porta les mains à sa bouche, les larmes aux yeux :

-Accroche-toi Milo !!

S’écria-t-elle soudain. Angelo se figea et se tourna lentement vers elle :

-Quoi ?

L’adolescent lâcha Milo qui glissa sur le sol, à moitié assommé et sans forces. La petite recula tandis que leur chef s’avançait vers elle dans une attitude menaçante, son couteau à la main :

-Tu oses soutenir l’adversaire de ton supérieur ?

-Je… Je ne…

Balbutia l’enfant, terrorisée. Angelo sourit :

-Je m’occuperai de toi après avoir réglé le compte de cet insolent.

Il se retourna vers Milo puis se ravisa et, du revers de la main, frappa la petite fille qui s’effondra en sanglotant.
S’en fut trop.

Un voile rouge obscurcit le regard clair de Milo. Le sang pulsait dans ses oreilles et sa respiration s’accéléra. Il se releva vivement et attrapa un bâton qui trainait là pour le brandir en hurlant. Angelo ouvrit de grands yeux effarés : il pensait Milo aux portes de la défaite et voilà que cet énergumène se relevait !

-Prends-ça !!

Le bois s’abattit sur les doigts du grand garçon qui lâcha son arme en criant. Malgré la douleur, Angelo attrapa Milo par le col et siffla :

-T’es foutu mon gars !

Il abattit son poing sur Milo.
Essaya, du moins.

Beaucoup trop vif pour l’état dans lequel il se trouvait, le garçon blond se jeta sur le sol et se faufila entre les jambes écartées d’Angelo, insaisissable. L’adolescent le tenait toujours par le col et, trop abasourdi et soufflé par la vitesse soudaine de son adversaire, il dut suivre le mouvement imposé par Milo, bascula en avant et s’écrasa sur le sol la tête la première.

Les enfants se retinrent de pouffer devant le ridicule de la situation dans laquelle se trouvait leur chef et Angelo se releva d’un bond en grondant, furieux. Hors de lui, il leva le poing et... Milo se contenta de glisser sur le côté et abattit son bâton sur le coude d’Angelo. Un craquement horrible retentit et le grand garçon poussa un hurlement de douleur. Milo frappa une seconde fois, au niveau du genou, et le cri de son adversaire résonna dans la cave. Milo lâcha son arme, devenue inutile : il savait précisément où frapper pour asséner le coup de grâce.

Il leva le pied, les lèvres étirées en un sourire sadique :

-Et bam !

Angelo se plia en deux lorsqu’il reçu un grand coup de pied dans la partie la plus sensible de son anatomie. Le sourire de Milo s’élargit et son adversaire s’affala sur le sol et se roula en boule. Mais Milo n’en avait pas fini avec lui. Il s’assit sur lui et l’agrippa par le col :

-Tu retire immédiatement ce que tu as dit, sale ordure !

Ne lui laissant pas le temps de répondre quoi que se soit, il lui asséna un coup de poing à chaque syllabe qu’il prononçait :

-Retire ! Ce que ! Tu as ! Dit !! TOUT DE SUITE !!!

Hurla-t-il, hors de lui. Angelo se protégeais le visage du mieux qu’il pouvait avec son bras valide et se mit à geindre :

-Arrête ! Arrête !! Je retire ce que j’ai dit !! Arrête je t’en supplie !! STOP !!

Sanglota-t-il soudain. Personne ne l’avait jamais vu dans un tel état de faiblesse.

Ce fut comme un électrochoc pour Milo. Voir les larmes roule sur les joues d’Angelo, bleuies par les coups le fit s’arrêter, le poing en l’air. Il resta immobile quelques longues secondes, essoufflé, les mains en sang d’avoir trop frappé… Il lâcha son adversaire qui retomba sur le sol en sanglotant, sa main valide pressée sur le visage.

Il se leva et s’avança vers la fillette en souriant :

-Merci d’avoir fait diversi…

La gamine recula et il sursauta :

-Oh mais…

Il regarda autour de lui et se rendit compte que les enfants semblaient…
Effrayés.

Milo ressentit un coup au cœur : ils avaient peur de lui ? Lui qui avait toujours veillé sur eux ?

Il se rendit alors compte qu’il devait être dans un état désastreux : le visage en sang, la lèvre fendue, la joue bleuie… Il devait sans aucun doute faire peur à voir…

Milo fit un pas en avant et les enfants reculèrent comme un seul homme. Le dépit se lut distinctement dans les yeux clairs du garçon et la petite fille brune s’avança alors. D’abord hésitante, elle se jeta bien vite dans les bras de son sauveur en soupirant :

-Merci Milo… Enfin : « chef », se rattrapa-t-elle en se reculant.

-Moi, balbutia Milo, mais je… Je ne…

Il se reprit et se tourna vers Angelo qui faisait mine de ramasser son couteau qui trainait toujours par terre. Milo s’avança et écrasa les doigts de l’adolescent avec son talon :

-On n’insulte pas une fille ! Jamais ! Ok ?

Angelo hocha la tête et Milo insista :

-Quoi ? Répète un peu je n’ai pas bien entendu.

Angelo marmonna un oui inintelligible et Milo se pencha pour ramasser le couteau. Immédiatement, l’adolescent se roula en boule :

-Non ! Ne me tue pas ! Je t’en prie !

-Je ne vais pas te tuer.

Angelo écarquilla les yeux :

-Mer… Merci Milo tu ne le regretteras pas…

-Vide tes poches : tu vas faire profiter la communauté de tes biens !

Angelo acquiesça en se retenant prudemment de grommeler. Des breloques en argent, une bague, quelques pièces de bronze et d’argent, voilà ce que contenaient les poches d’Angelo. Quand elles furent vides, il leva un regard suppliant vers Mi… Son chef.

-Ca va comme ça ?

-Tu vides tes poches entièrement !

Feula Milo en faisant un pas menaçant vers le garçon meurtri qui leva une main :

-D’accord d’accord !! Voilà !

Une bourse rejoignit les biens d’Angelo sur le sol et quelques pièces d’or tintèrent en s’échappant du sac de cuir:

-Que veux-tu que je fasse d’autre ?

Avec un reniflement dédaigneux, le blond se détourna :

-Va-t-en ! Pars et ne remets jamais les pieds ici !

Le visage d’Angelo ne fut plus que stupeur et désarroi et il balbutia :

-Que je parte ?! Mais tu ne…

-Tu as trente secondes.

-Oh mais Milo tu ne peux pas me faire un coup pareil !

-Un. Deux. Trois.

Commença Milo, toujours dos à son lui. Angelo tenta une dernière fois de défendre sa cause :

-Attends attends ! S’il te plaît Milo !

-Quatre. Cinq.

Continuait le garçon sans tenir compte des supplications de son adversaire. Angelo se redressa péniblement et se dirigea en clopinant vers la sortie. Milo se détourna et le grand garçon cracha comme parole d’adieu :

-Tu me le paieras un jour ! C’est juré !

Puis il s’en fut, cahin-cahan. Heureusement pour Milo parce qu’il n’était pas sur qu’il aurait réussi à compter jusqu’à tente sans faire de fautes…

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La cave resta silencieuse un long moment après le départ d’Angelo et Milo n’avait toujours pas bougé : la tête basse, les poings serrés, son corps était parcouru de quelques brefs tremblements.

La petite fille brune lui prit doucement la main :

-Ca va chef ?

Se hasarda-t-elle. Milo laissa échapper un bref sanglot audible de lui seul, puis se tourna vers elle et esquissa une sorte de sourire (en tout cas c’est ce que cette grimace pitoyable était censée représenter) :

-Je ne suis le chef de personne.

Des cris surpris résonnèrent dans la cave et la petite fille s’exclama :

-Mais.. !

-Ecoutez-moi ! Ecoutez-moi bien !

S’écria-t-il d’une voix étonnement forte en grimpant sur l’estrade, dominant l’assemblée de deux têtes :

-Si je suis intervenu, c’est parce que je ne pouvais plus supporter le comportement d'Angelo ! Je n’ai pas fait ça pour prendre sa place et devenir votre chef ! Vous êtes votre propre chef ! A vous de décider de votre destin… Je n’ai aucune envie de commander qui que ce soit !

Un garçon roux s’avança et demanda timidement :

-Mais… Et on fait quoi alors si on n’a pas de chef ?

Milo sembla hésiter puis leva la tête :

-Ce que vous voulez. Si vous souhaitez continuer de faire partie de ce groupe et repenser son fonctionnement faites-le. Qu’en pensez-vous ?

Il y eut un bref silence rompu par des cris de joie et Milo termina :

-Et pour ceux qui préfèrent s'en aller, prenez tous un bout du « trésor » et filez. Vous êtes des braves enfants et l’orphelinat de la ville est dirigé par une gentille femme: allez la voir. Elle vous traitera bien c’est sur et vous aurez une vie heureuse.

Plusieurs enfants (environ une quinzaine) s’avancèrent timidement vers les richesses éparpillées sur l’estrade puis lancèrent un « Merci Milo » collectif à leur sauveur. Puis ils s’en furent. Les autres restèrent et le garçon blond allait descendre de l’estrade lorsque la petite fille demanda alors :

-Et toi Milo ? Tu fais quoi ?

Le garçon massa distraitement sa joue meurtrie et sourit :

-Je m’en vais.

Le visage de l’enfant ne fut plus que déception et elle soupira :

-Oh mais et moi alors ? Qui va me protéger ? Si j’ai plus de grand frère on va m’embêter c’est sûr !

Les yeux embués de larmes d’émotion, Milo descendit de l’estrade et l’enlaça en soupirant :

-Ne t’inquiète de rien… Je veillerai toujours sur toi… Reste avec Alexio et sois bien sage d’accord ?

Le dénommé Alexio, un garçon aux cheveux sombres, s’avança et prit doucement l'enfant par la main :

-Encore merci Milo…

Souffla-t-il, des étoiles d’admiration plein les yeux. Milo sourit et passa sa langue dans le trou que formait désormais sa dent en moins :

-Bon… He bien qui sait, peut-être à bientôt.

Il s’avança, les enfants s’écartant sur son passage et lorsqu’il arriva aux marches, Dina s’écria :

-Tu sais à quoi tu m’as toujours fait penser ? A un Scorpion du désert : discret, classe et pourtant super dangereux ! Et moi j’adore les Scorpions!

Sourit-elle. Milo resta interdit quelques secondes puis sourit et s’en fut, silencieux comme une ombre.
Une fois dehors, il inspira profondément puis se courba en grimaçant :

-Ouille…

Grogna-t-il en pressant son ventre douloureux : Angelo n’y était pas allé de main morte ! Oh et son pauvre visage qui n’était que souffrance ! Il avança lentement dans les rues, la douleur le faisant se plier en deux de temps en temps. Il se retrouva sur les toits, là où il avait toujours aimé se être. Dans le ciel, les étoiles scintillaient d’un magnifique éclat et Milo repensa aux dernières paroles de la petite :

-Un… Scorpion…

Murmura-t-il. Il croqua dans une pomme puis étala délicatement un peu d’onguent (vieux d’au moins deux ans) sur son visage en grimaçant.
Il leva les yeux et esquissa un sourire :

-Ca pourrait le faire…

Quelques mois plus tard, alors qu’il chapardait une ou deux pommes, il tomba sur une petite patrouille et se fit prendre en chasse. Il bouscula un jeune garçon ma foi fort bien habillé et hop ! Ni vu ni connu, lui chipa sa bourse dans le même mouvement.
Tout à son succès, il se jeta littéralement dans la gueule du loup et ne dut la main sauve qu’à ce jeune seigneur…

Il le rattrapa et ils discutèrent un instant : Milo était intrigué par ce garçon au regard froid et pourtant si triste… Il sentait qu’il devait y avoir une sorte de lien entre eux deux parce qu’il adorait la présence de cet étranger ! Il se sentait…
A sa place.

Après quelques minutes, ils se serrèrent la main et Milo murmura :

-Dis Camus ?

-Qu’y a-t-il ?

Milo jeta un coup d’œil à gauche, à droite, puis se pencha en avant, jusqu’à avoir ses lèvres se trouvent à seulement quelques centimètres de l’oreille de son nouveau meilleur ami qui retint un frisson :

-Oh Dieux du ciel : faites qu’il n’ait pas des poux !

Songea-t-il avec horreur. Alors, Milo murmura:

-Tu m’apprendras à lire et à compter ?

Camus hocha la tête, assez fier de lui : ils se connaissaient depuis à peine 5 minutes et il avait déjà une très bonne influence sur son meilleur ami !

-D’accord.

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-He alors, qu’est-ce que tu deviens ?

Milo empoigna sa pinte sans pouvoir quitter Ariane des yeux :

-Doux Jésus… Elle est magnifique…. Superbe même!

Songea-t-il, rêveur. La jeune femme blonde, un humble verre d’eau à la main, répondit :

-Pas grand-chose : j’ai quitté la maison des Pisces de mon plein gré pour rejoindre celle des Atalante.

-Hein ?! Mais pourquoi ?

-Parce que je me suis rendue compte que le Señor Aphrodite, qui a peut-être à peine 3 ans de plus que nous, était un sale gosse pourri gâté ! Je ne voulais pas continuer à servir une personne comme lui… J’ai travaillé cinq ans chez lui et je viens de quitter la maison des Atalante.

-Aussi ? Quoi, ton patron était un sale gosse lui aussi ?

La railla Milo, narquois sur les bords. Ariane hésita à le frapper (et cela en toute amitié bien sûr), le sourire aux lèvres, et passa distraitement son doigt sur le rebord de son verre :

-He bien… En fait quand je suis arrivée, l’homme qui dirigeait la maison était encore le Señor Shion Atalante, un homme juste et bon. Il avait adopté ses neveux, dont les parents avaient perdus la vie dans un naufrage, et était comme un père pour eux. Il s’est toujours montré gentil et même poli avec moi…

Ariane soupira, la tête basse :

-C’était une personne exceptionnelle…

Milo resta silencieux quelques instants puis craqua :

-Et… Qu’est-ce qui s’est passé ?

Ariane cligna des yeux, comme si elle sortait d’un mauvais rêve, puis elle continua :

-Il est mort. Laissant l’héritage non pas à ses neveux comme tout le monde pensait, mais à un certain Señor Saga Gemini dont le Señor Shion était le mécène, ou le protecteur si tu préfères.

Milo fronça un sourcil et leva la main pour arrêter la jeune femme quelques instants:

-Attends attends: Saga Gemini ? Il n’a pas un frère cet oiseau là ?

-Pas que je sache. (Ariane haussa les épaules) Le fait est que dans le courant de cette triste semaine, Mû et Kiki - les neveux du Señor Shion - ont disparu : on ne sait pas si ils ont été enlevés ou si ils sont morts… Je suis restée encore quelques temps dans la demeure des Ata… Enfin du Señor Gemini, puis j’ai préféré partir. Ce Saga, autant il me paraissait sympathique et gentil du temps où le Señor Shion dirigeait la maison, autant il me faisait presque peur à peine devenu mon seigneur et maître. J’ai demandé ma démission et je suis partie.

Le silence se fit quelques instants, Ariane ressassant ses souvenirs et Milo respectueux de son silence. Jusqu’à ce que sa langue le démange :

-Ha… Oh et bien… Si c’est ce que tu préférais faire…

Le Scorpion avala une gorgée de son exquis breuvage puis Ariane demanda poliment :

-Enfin, assez parlé de moi: comment vont les affaires pour toi… « Scorpion » ?

Milo sourit malicieusement :

-Ma foi pas trop mal ! Des assassinats à gauche à droite, des vols par ci par là, la routine quoi !

Il avala une nouvelle gorgée et contempla son verre quelques instants :

-Ca… C’est la meilleure bière de toute la région ! Je ne m’en lasserai jamais !

Ariane esquissa un sourire et se pencha en avant pour murmurer:

-Et c’est tout ce que tu as à me dire sur ta vie de hors-la-loi ?... Pas même un détail croustillant pour ta meilleure amie ?

Milo se pencha à son tour, les lèvres étirées en un sourire mystérieux :

-Ca t’intéresse tant que ça ? Je ne te savais pas si curieuse, Ariane.. ;

La jeune femme souffla :

-Et quoi si je l’étais ?

Ils restèrent ainsi quelques secondes, face à face, les nez à quelques centimètres l’un de l’autre, le regard perdu dans les yeux de la personne qui leur faisait face… Comme les gens de la taverne semblaient ne rien avoir d’autre à faire si ce n’était les fixer avec insistance, Milo se recula calmement et s’assit plus confortablement sur sa chaise :

-Je fais une petite pause d’une semaine… J’attends patiemment mon heure.

-Tu attends ?

-Oui : mon contact me conseille la prudence.

Ariane étouffa un éclat de rire :

-La patience et la prudence n’ont jamais été ton fort, Milo : je parie mon chapeau que tu ne tiendras même pas deux jours !

Milo fit semblant de se vexer et croisa les bras en se détournant :

-Même pas vrai ! Je pensais que tu avais plus confiance en moi que ça !

La jeune femme se leva et se rapprocha de lui :

-Je rigole Milo, : j’ai une confiance absolue en toi et tu le sais…

Elle se pencha sur lui, puis un peu plus, puis encore un petit peu plus… Et comme le Scorpion retenait un sourire victorieux, Ariane se recula soudain. Milo resta interloqué quelques secondes :

-Ah ben ça… C’était le plus beau vent de ma vie !

Songea-t-il en essayant de faire reprendre à ses joues une couleur neutre. Il se redressa et bouda :

-Ah ben merci ! Tu me fais espérer comme ça ! Merci ma chère, merci ! Et mon pauvre petit cœur, tu y as pensé ?

Un drôle de sourire sur les lèvres, Ariane murmura :

-Allons, Milo, toi et moi ça n’a jamais été une histoire simple…

Elle s’avança vers la sortie mais s’arrêta une fois la main posée sur la porte. Se retournant à moitié, elle lança à son ami toujours assis :

-On se reverra très vite mon cher : sois patient.

Elle lui fit un clin d’œil puis désigna son verre vide du menton. Milo baissa les yeux vers la table et ricana :

-Et c’est à moi de te payer ton verre en plus ! Non mais, sans gêne va !

Ariane sourit et sortit de la taverne, rayonnante comme à son habitude. Milo se balança en arrière, la chaise en équilibre sur deux pieds et murmura rêveusement :

-Ahlala… Quelle femme !

Comme les trois hommes de la table d’à côté fixaient toujours la porte, bouche-bée, le Scorpion se tourna vers eux et sourit :

- N’est-ce pas, messieurs ?

Ils sursautèrent et le plus courageux des trois osa baragouiner un vague « Tout à fait ! Un vrai bout de femme ! ».
Milo lui adressa un signe de tête avant de se lever et de lancer deux pièces au tavernier :

-Merci pour les boissons mon brave.

Il ajusta son chapeau sur sa tête et se retourna soudain vers les trois hommes, un sourire diabolique dessiné sur les lèvres. Il gronda :

-Ne vous avisez pas de poser ne fut-ce que les yeux sur elle : elle est à moi !

Les hommes acquiescèrent vivement, tous tremblants et Milo leur adressa un signe de tête :

-C’est bien.

Dit-il d’une voix plus douce, voire même joyeuse, puis il sortit, tout sourire. Le Scorpion leva la tête vers le ciel et inspira profondément avant de souffler :

-Ah… Ariane...

Milo se mit à avancer d’un pas décidé : il allait espionner ce monsieur Gemini, en savoir plus sur ce qui faisait peur à Ariane et…

-Patience, Scorpion…

Milo sursauta et se retourna pour se retrouver face à un individu aux longs cheveux blonds qui semblait l’attendre. Le Scorpion esquissa un sourire amusé :

-Excusez-moi mais on se connait ?

L’étranger sourit :

-Toi non mais moi je sais qui tu es, Milo.

Le Scorpion fronça un sourcil : mais… Qui c’était ce mec ?

-Hein ? Mais comment connaissez-vous mon nom ? Je ne sais même pas qui vous êtes !

L’homme s’avança, faisant voler sa longue chevelure d’or derrière lui, telle une couronne lumineuse, et passa tranquillement à côté de Milo qui n’arrivait même pas à bouger :

-Les réponses viendront avec le temps, Scorpion. En attendant, sois patient : tu peux en savoir plus sur Saga Gemini par un autre moyen….

Milo balbutia :

-Mais… Comment est-ce que vous savez tout ça ?!

Comment pouvait-il le savoir ?! Milo n’avait rien dit et cet homme semblait lire dans ses pensées !
A côté de lui, le Scorpion se sentait petit et insignifiant.
Comme si il était redevenu un enfant solitaire et perdu…

Il frissonna et se rendit soudain compte que l’homme avait les yeux fermés, ajoutant de l’étrange à cette drôle de situation :

-Mais qui êtes-vous ?!

S’énerva-t-il. L’homme se retourna lentement et entrouvrit un œil : Milo se sentit happé par les yeux d’un bleu si pur de cet inconnu et il sentit ses jambes flageoler :

-Patience, Scorpion… Patience…

Un sourire puis, l’homme ne fut tout simplement plus là.
Milo était seul dans la ruelle.
Tremblant et seul.

Chapter Text

-Votre calèche est prête, Señor.

Camus remercia le domestique d’un signe de tête. Il s’assit délicatement et une fois que la porte fut refermée, il souffla en s’affaissant sur son siège bordeau : certes, Aphrodite était son « ami » (même si « connaissance d’enfance » correspondait mieux au lien qui les unissait) mais qu’est-ce qu’il parlait longtemps ! Et pour ne rien dire en plus !

Camus se pinça l’arête du nez et ferma les yeux en soupirant : vivement ce soir qu’il puisse se remettre à sa lecture adorée, dans le calme de sa grande maison, aux côtés de sa chère et tendre Lén…

Le jeune seigneur sursauta et se gifla mentalement : mais qu’est-ce que c’était que cette idée malsaine ?! Lui, Camus Deverseau, vivant aux côtés d’une simple domestique ?! Il serra le poing : c’était forcément Milo qui commençait à déteindre sur lui avec ses idées saugrenues et ses conquêtes à n’en plus finir!

Un pavé fit rebondir la calèche et le choc se répercuta dans l’habitacle. Camus n’y prêta pas attention et entrouvrit la tenture : Aphrodite n’habitait pas loin, il serait vite chez lui. Néanmoins il devrait sans doute traiter quelques affaires sans importance et qui lui faisaient perdre un temps précieux, comme par exemple : les comptes, une histoire de réception, l’archivage,…

Rien que d’y penser, Camus sentait le mal de tête poindre : déjà avec Aphrodite qui parlait fort et vite, le seigneur aurait dû se douter qu’il ne sortirait pas indemne de cette entrevue avec son « ami ». Et tout ça pour qu’il dise sans cesse qu’il craignait d’un jour voir le fameux Scorpion qui aurait comme but de l’assassiner ! Camus avait eu beau tenter de le rassurer, Aphrodite était et serait toujours Aphrodite : impossible de le calmer.

Néanmoins, Camus avait réussi à le convaincre de ne pas envoyer ses hommes aux trousses de Milo. Du moins il l’espérait… Parce que si Aphrodite voulait quelque chose, il l’obtenait.

Enfin, la calèche s’arrêta et la porte s’ouvrit :

-Bienvenue chez vous, Señor. Le trajet s’est-il bien passé ?

-Très bien merci, vous pouvez disposer.

Le domestique salua et s’en fut vers la maison, obéissant au doigt et à l’œil de son seigneur et maître. Camus attendit que les serviteurs soient hors de sa vue et descendit de la calèche : il avait besoin d’être seul quelques instants. Avec un peu de chance, il allait pouvoir se reposer quelques instants au jardin avant de…

-Camus !

Il sursauta tellement fort qu’il manqua de tomber et poussa un léger « argh ! » de surprise avant de se retourner d’un bond. Ebloui par le soleil, Camus aperçu un homme aux cheveux blonds tranquillement allongé sur le toit de SA calèche ! Le visage agité d’un léger tic dû au stress, Camus glapit :

-Milo ?!

-He oui ! Moi !

Rit le Scorpion en s’asseyant en tailleur, penché en avant et machouillant un brin de paille :

-Mais qu’est-ce que tu fais là ?! Tu es complètement fou ma parole ! J’ai failli faire un arrêt cardiaque !

-Moi aussi je suis content de te voir, mon pote !

Sourit Milo avant de sauter de la calèche pour atterrir aux côtés de son ami :

-Ah et au cas où…

Ses lèvres s’étirèrent en un sourire tordu et il ricana :

-J’ai toujours été là Camus…

Si le jeune homme aux cheveux rouges en fut effrayé, il ne laissa rien paraître hormis un léger plissement d’œil :

-Quoi ?

Milo éclata de rire et frappa amicalement dans le dos de son ami :

-Je rigolais t’en fais pas ! Haha tu verrais ta tête !

Non il ne la verrait pas ! Non seulement Camus avait cru un instant que son meilleur ami était un espèce de psychopathe mais en plus quand Milo avait voulu le rassurer en le « frappant » (oh mais oui c’est logique voyons! Quand on est ami avec quelqu’un on le lui fait comprendre en le frappant!!), lui explosant une ou deux côtes au passage, il avait failli se retrouver le nez dans le sable de sa propre propriété !

La honte.

Camus ajusta son nœud papillon et se racla la gorge, essayant de canaliser l’énervement qui tentait de l’envahir :

-Ne t’énerve pas, Camus… Ne t’énerve pas… Inspire, expire…

Il souffla profondément et se tourna vers son ami, un sourire crispé sur les lèvres :

-Ah ah ah. Toujours aussi drôle Milo.

-Sérieux ?

S’étonna le Scorpion : Camus avait plutôt l’air d’avoir de terribles maux d’estomac. Le jeune homme aux cheveux rouges grinça :

-Ca ne se voit pas ? : Je suis mort de rire.

Milo songea, se retenant difficilement de rire , qu'il avait oublié que Camus n'avait aucun humour.

-Qu’est-ce que tu fais là Milo ? C’est du suicide de venir ici en plein jour au nez et à la barbe des soldats.

Le Scorpion sourit et murmura à toute vitesse :

-Arianeestrevenue !Elleestencoreplusbellequedansmessouvenirsetelle…

-Quoi ? Parle moins vite, bon sang, je ne comprends rien de ce que tu… hum, tente de me dire.

Le jeune homme blond souffla et tenta de parler à une vitesse normale :

-C’est Ariane ! Elle est revenue ! Oh, Camus, elle est encore plus belle que dans mes souvenirs…

Le jeune seigneur retint un sourire amusé :

-La fameuse Ariane dont tu me rabats les oreilles depuis qu’on se connait ?

Milo hocha la tête à toute vitesse :

-Voui : celle-là même !

Camus resta silencieux quelques instants puis demanda calmement :

-Et c’est pour me dire ça que tu t’es invité sur ma calèche, que tu as failli me faire faire un infarctus et que tu t’incruste chez moi… Pour me dire que ton ancienne amie d’enfance a refait surface et que tu as sans doute passé la nuit avec elle et…

-Heu… Pas tout à fait… (Milo se passa la main dans les cheveux) Mais je ne viens pas que pour ça.

-Alors va-y je t’écoute.

Soupira Camus en levant les yeux au ciel (même si il était tout de même content pour son ami : il savait à quel point il tenait à cette fameuse Ariane). Milo jeta un regard alentour et chuchota :

-J’aurais besoin que tu me dises tout ce que tu sais sur un certain Saga Gemini qui aurait hérité de la maison des Atalante.

Camus haussa un sourcil puis se détourna :

-Suis-moi.

Chapter Text

Avachi dans un magnifique fauteuil, les pieds croisés sur l’accoudoir, Milo regardait les fresques du plafond, ébahi. Camus déposa délicatement un gros livre sur son bureau et s’assit :

-Tu veux boire quelque chose ?

Milo haussa les épaules :

-Non merci ça ira. C’est quoi ce livre ?

Camus posa une paire de lunette sur son nez et parcouru les lignes du bouquin tout en répondant distraitement à son ami :

-Un livre qui parle des généalogies de seigneurs de la ville et qui… Je peux savoir pourquoi tu rigole ?

Gronda-t-il soudain sans lever la tête de son ouvrage. Milo pouffa :

-Ca fait bizarre de te voir avec des lunettes !

Camus leva les yeux au ciel :

-Pourquoi moi ?...

Songea-t-il avec dépit. Se replongeant dans sa lecture il réprimanda quand même son comparse :

-Milo.

-Hm ?

-Tes pieds. Sur le fauteuil. Pourquoi ?

Le Scorpion haussa les épaules, une mimique étonnée sur son visage « naïf » :

-Hein ?

-Les accoudoirs sont faits, comme leurs noms l’indiquent, pour poser les coudes. Pas les pieds. En plus tes bottes sont toutes crottées. Je te demanderais de ne pas salir ce fauteuil avec des traces de boues absolument horrible à nettoyer.

Milo soupira et posa ses pieds sur le sol, avec toute la délicatesse qui le caractérisait. Camus soupira une nouvelle fois puis pointa son doigt sur une ligne :

-A aucun moment on ne parle de famille noble du nom de « Gemini » dans l’histoire de la ville. Par contre, assez récemment, il est écrit qu’un homme du nom de Saga Gemini est devenu le protégé de Shion Atalante, le faisant monter en grade. Il est aussi écrit que le Señor Atalante avait laissé son héritage à ce Saga.

-Ca je le sais, parle moi de ce qu’il y a de plus récent : ses activités, son caractère…

Camus leva un œil vers lui et tourna une ou deux pages :

-Normalement ce genre d’informations tu les obtiens par toi-même « Scorpion ».

Milo sourit et croisa les jambes :

-J’ai promis à mon meilleur ami de ne plus chercher les ennuis : tu devrais être content non ?

Le Scorpion hésita à parler de l’homme mystérieux qui l’avait abordé mais renonça : son ami le prendrait sans doute pour un fou ! Camus haussa les épaules :

-Il est dit ici que Saga est un homme gentil, intelligent, poli, raffiné,… Rien à redire.

-Rien ?

-Rien.

-Rien… Pas même un passé chargé ?

Camus grommela :

-Tu as toujours eu une idée précise de ce que tu voulais Milo... Toujours… Iil y eut un court silence le temps que Camus lise puis il dit: ) Rien d’intéressant dans son passé.

Milo soupira et se leva :

-Bon ben tant pis ! Merci quand même Cam…

-Ah ! Attends un peu ! Ici… Il est mis que Saga a un frère jumeau : turbulent, mauvais comme la peste, diabolique sur les bords… Tout l’opposé de son frère. Son nom n’est pas cité mais on dit que c’est Saga lui-même qui l’aurait fait emprisonner après son accession au titre de maître de la maison des Atalante! Ca alors je n’en savais rien !

S’étonna Camus en ôtant ses lunettes. Milo réfléchit quelques secondes :

-Je me disais bien que le nom « Gemini » ne m’était pas inconnu…

-Comment ça ?

-Je te dirai quand je serai sûr de ce que j’avance mais en attendant tu ferais mieux de…

On frappa à la porte et Camus toussota puis ajusta son nœud papillon avant d’inviter le domestique à entrer. Une jeune femme rousse s’avança timidement vers le jeune seigneur aux yeux de glace et déposa un verre de vin devant lui :

-Voici votre verre, Señor.

-Merci, Léna. Vous pouvez aller.

Léna s’inclina et s’en fut calmement. Quand la porte se fut refermée, Milo se tourna lentement vers son meilleur ami qui tentait de noyer son trouble dans la gorgée de vin qu’il venait d’avaler :

-Mais c’est qu’elle est mignonne, mon petit Camus!

-Tais-toi ! (Souffla Camus en lui faisant signe de la main) Elle pourrait t’entendre !

Milo ricana :

-Camus, je vais t’expliquer le concept : elle te plaît et, m’est avis que, vu les yeux qu’elle te fait, que tu lui plais aussi. Ce que tu dois faire c’est bêtement lui parler ! Ca ne doit pas être trop dur : c’est ta domestique, tu peux lui parler à n’importe quel moment de la journée ou même… De la nuit…

Camus secoua les mains :

-Chut ! Chut ! Et mon innocence tu en fais quoi ?!

Milo rit doucement et s’approcha de son ami dans une attitude qui se voulait menaçante : Camus se recula peu à peu et le Scorpion siffla :

-Tu vas lui parler. Vu ?

Camus déglutit et hocha la tête :

-Mais je ne sais pas quoi lui dire !

Souffla-t-il en jetant un regard effrayé vers la porte. Milo secoua la tête :

-N’importe quoi de romantique ! Parle-lui de la superbe couleur de ses yeux, de ses cheveux soyeux, de son intelligence et tout et tout. Ok ?

-Ok.

Comme Camus ne bougeait pas, Milo crut bon d’insister :

-Tu veux que je te montre ?

-Surtout pas ! (S’exclama le jeune seigneur en se levant d’un bond) Je vais le faire moi-même... Je vais… l’inviter à diner avec moi un de ces soirs.

Milo leva les yeux au ciel et leva les mains :

-Pourquoi moi ?...

Camus sembla hésiter sans pour autant se départir de son regard neutre :

-C’est bien non ?

Milo prit son ami par les épaules :

-Un truc qui déchire, conseil d’ami qui marche à tout les coups : tu la fais appeler, elle entre et demande de sa douce voix enchanteresse (Milo mima une voix plus fluette) : « Vous désirez quelque chose, monsieur ? » (il reprit sa voix normale et continua:) alors, à ce moment, tu serais assis… Ici !

Milo se jeta sur un canapé à moitié dissimulé dans l’ombre et termina :

-Alors, d’une voix chaude et virile, tu lui répondras : « Vous, charmante demoiselle…» ou alors : « La seule chose qui me fait envie en ce bas monde… C’est vous… Délicieuse créature ».

Grogna le Scorpion en mimant des griffes avec ses mains. Camus ne put retenir un regard dépité devant cette vulgaire tentative de séduction puis Milo termina :

-Et alors tu te lèves… Tu t’approches d’elle lentement puis tu l’embrasses : d’abord doucement, tendrement puis avec passion et ardeur avant de...

-STOP ! (s’écria Camus en secouant les mains) Stop… Le… L’invitation à diner ce sera très bien. Merci quand même pour tes conseils… Judicieux.

Milo salua et attrapa son chapeau :

-Quand tu veux mon pote, et encore merci pour les infos sur ce… Saga. Je vais mener ma petite enquête dès ce soir.

-Milo.

-Hm ?

Camus pressa l’épaule de son ami :

-Rappelle-toi de ce qu’on a convenu : rien pendant un petit temps. D’accord ?

Milo frissonna en repensant que l’homme blond de tout à l’heure avait dit presque les même mots et il sourit :

-Ne t’en fais pas pour moi. Mais toi : je t’ai à l’œil ! Va lui parler !

Il pointa deux doigts sur ses yeux puis désigna Camus avec et sortit de la pièce à reculons.
Camus s’affala sans délicatesse aucune dans son fauteuil, la tête entre les mains : cette fois c’était sûr, il avait définitivement un énorme mal de crâne !

Le regard de glace de Camus fut encore une fois attiré par le gros livre et il reposa ses lunettes sur son nez, curieux d’en savoir plus…

Chapter Text

Le soir tombait et les rues se vidaient peu à peu. Milo avançait d’un pas décidé, sa longue cape sombre volant derrière lui : il avait espionné la maison de ce Saga Gemini et n’avait rien remarqué d’anormal.
Rien rien rien : un homme exemplaire.

Néanmoins, le Scorpion était perturbé : qu’est-ce qui faisait donc peur à Ariane si cet homme était irréprochable?
Milo haussa les épaules : bah, après tout, ce n’étaient pas ses affaires. Il avait d’autres chats à fouetter.

Il avança jusqu’à une petite taverne et écarta le rideau qui servait de porte. Milo jeta un œil à gauche puis à droite avant d’entrer. La salle était presque vide : un ou deux poivrots, quelques joueurs de cartes, rien d’affolant. Il pourrait faire son petit passage sans se faire remarquer.

Le Scorpion s’avança jusqu’au bar et s’assit :

-Une pinte

La pièce d’or roula sur le bois avant qu’une petite main fripée ne se pose dessus :

-Tout de suite, Monsieur.

Milo se retint de pouffer : son vieil ami ne l’avait pas encore reconnu. Il toussota et le vieux barman écarquilla les yeux :

-Oh ! C’est toi, Scorpion ! Je ne t’avais pas reconnu !

-Salut Dohko ! Comment vas-tu ?

-Ma foi pas trop mal ! Qu’est-ce qui t’amène? La dernière fois que tu es venu ça devait être il y 3 ou 4 jours.

-Depuis quand ai-je besoin d’une excuse pour passer voir ma plus vieille connaissance?

Milo regarda passer un jeune garçon aux cheveux noirs assez longs portant un plateau et se tourna vers son vieil ami, le regardant avec de grands yeux:

-Attends : ce garçon… C’est ton petit fils ?!

Dohko bomba le torse (enfin, autant que possible), fier comme un (vieux) paon :

-Héé oui ! Shiryu vient d’avoir 14 ans.

Milo souffla en se passant la main dans ses boucles blondes :

-Ben ça alors ! Je me sens vieux d’un coup ! C’est fou comme il a grandi !

Le vieil homme sourit avant de chuchoter, penché en avant:

-Je suis sur que tu as une bonne raison de passer ici ce soir et ce n’est sans doute pas pour parler de Shiryu. Parlons donc affaires: j’ai un client pour toi dans la salle arrière.

-Désolé mon vieux, pas ce soir.

Sourit Milo. Ce n’était pas au gout du vieil homme qui semblait effaré:

-Comment ça « pas ce soir » ? Je lui dis quoi moi ?!

-He bien je… Heu… Dohko ?

-Quoi ?

-Le verre plein c’est une bonne idée mais trop de bière tue la bière si tu veux mon avis…

Tout en parlant, Milo désignait son futur verre du doigt et le vieux serveur baissa les yeux : le breuvage coulait tant et si bien qu’il débordait. Dohko poussa un juron et le Scorpion retint un éclat de rire qui menaçait de franchir la barrière de ses lèvres.

Quand la «petite « catastrophe » fut réglée, le vieux serveur se pencha de nouveau :

-Bon, où en étions-nous ? Tu refuses de prendre un client ? Même si…

-Je fais une petite pause avant de…

-Il est riche Milo. Plus riche que la majorité de tes clients de d’habitude.

Une lueur dorée éclaira les prunelles pâles du Scorpion, attirées par l’appât du gain :

-Voyez-vous ça… Un noble, ici ? Dans ce trou perdu ? Sans vouloir te vexer bien sûr !

Dohko secoua les mains en souriant :

-Pas de soucis : j’assume. Franchement Milo, je pense que tu ferais mieux de faire une pause après ce job-ci. Il en vaut la peine, fais moi confiance.

Milo hésita quelques secondes, pesant le pour et le contre:

-Bon : Camus et ce drôle de mec de tout à l’heure me recommandent la prudence, Ariane parie son chapeau que je ne tiendrais pas deux jours… Le mieux serait de…

Le Scorpion avala une gorgée de pinte puis se leva en souriant:

-Tu as dit qu’il était où ton bonhomme encore ?

Dohko se frotta les mains et désigna la salle arrière du menton :

-Juste derrière cette porte.

Comme Milo allait s’avancer, le vieil homme le rappela :

-Ah au fait : il veut garder son anonymat. Je ne sais ni son nom ni son rang : rien à part le fait qu’il est noble.

Le Scorpion haussa les épaules :

-Chacun son truc.

Il poussa la porte et la referma derrière lui. La pièce était sombre, éclairée seulement par une bougie. Milo cligna des yeux pour s’accoutumer à la soudaine obscurité et aperçu son mystérieux client : assis dans l’ombre, les jambes croisées, l’homme l’attendait :

-Vous êtes le Scorpion ?

Sa voix était grave et assurée : Milo lui donna immédiatement entre 25 et 30 ans.

-Et vous êtes mon client.

Affirma Milo, son chapeau baissé de telle sorte que l’homme ne pouvait voir son visage. Il tira une chaise et s’assit tranquillement, se balançant tranquillement en arrière, les pieds croisés sur la table qui se trouvait entre eux. L’homme resta silencieux puis sembla chercher quelque chose dans ses poches. Quand ce fut fait, il grogna :

-Détournez le regard.

-Pourquoi ?

-Obéissez : je vous paye pour que vous fassiez ce que je vous dis de faire !

-Veuillez me pardonner, mon cher ami, mais je n’ai pas encore vu la couleur de vos pièces : je me vois donc dans l’obligation de vous faire remarquer que je ne suis pas encore sommé d’obéir tant que je n’ai pas été payé. Vu ?

Tout avait été dit sur le ton de la plaisanterie mais Milo était on ne peut plus sérieux. L’homme grommela et jeta une pièce sur la table qui se trouvait entre eux :

-Cette couleur vous convient-elle ?

Milo se pencha et saisit la pièce entre deux doigts : une superbe pièce d’or brillant comme un soleil. Le Scorpion sourit et la pièce disparut :

-C’est ma préférée. Je vous écoute.

-Détournez le regard.

Milo retint un soupir exaspéré et obéit. Une allumette craqua et l’homme demanda alors :

-Cigare ?

Milo secoua la tête :

-Non merci : c’est très mauvais ces choses là. Qu’avez-vous à vous reprocher pour vous infliger cela?

-Je me passerai de vos conseils. Vous pouvez relever la tête. Parlons affaire à présent.

Milo grinça des dents le plus discrètement possible: ce type commençait à lui chauffer les oreilles ! Mais bon, un client restait un client. Et comme tout le monde le savait, dans ce commerce, le client était roi. Surtout s’il était riche.

-Je vous écoute.

-Si je fais appel à vous c’est parce que j’aurais besoin que vous me débarrassiez de quelqu’un.

Milo esquissa un sourire sinistre :

-Je fais ça tous les jours mon cher. Donnez moi le nom de la personne qui vous gène et je m’occupe du reste.

-Il s’agit de Saga Gemini.

Milo fronça un sourcil : encore cet homme ? Ca pour de l’ironie, s’en était une fameuse ! Le Scorpion prit un air neutre et demanda « naïvement » :

-C’est l’homme qui vient d’hériter de la fortune des Atalante ?

-Ca ne vous regarde pas.

Mais c’est qu’il était de mauvais poil en plus ! Milo haussa les épaules : de toute façon il connaissait déjà la réponse. Il se passerait bien des commentaires désobligeants et agressifs de ce grossier personnage ! Noble ou pas, il n’avait pas à lui parler de la sorte.

Comme il hésitait à apprendre les bonnes manières à son délicieux client, une bourse atterrit sur la table. Le Scorpion se pencha en avant, tout sourire et toute trace mauvaise humeur évanouie:

-Et où habite-t-il cet oiseau-là ?

Chapter Text

Milo coinça ses doigts entre les pierres qui formaient les murs de la maison de Saga Gemini.
De sa proie.

Dernier doute, il baissa les yeux à sa ceinture puis souffla : il avait bien amené sa fidèle rapière, celle au manche en forme de scorpion. Milo leva la tête et commença à grimper souplement, vif et silencieux comme toujours.
Pourtant, son cœur battait plus vite que d’habitude :

-Pourquoi tu t’inquiètes ? C’est la routine ! A part que tu en as entendu parler ce matin, il n’y a rien de différent. Allez, on se reprend, Milo !

Songeait-il en se mordillant légèrement la lèvre inférieure : tout se passerait bien.

Il n’aurait qu’à s’avancer près du lit, tirer sa rapière de son fourreau, la poser sur la gorge de sa proie… Faire glisser la lame. Regarder le sang s’écouler hors de la plaie béante qui s’étirerait sur la gorge de l’homme… Sentir l’euphorie l’envahir…

Rien que de penser au sang se répandant sur le sol, Milo cessa de s’inquiéter et se mit à sourire.
D’un sourire carnassier. Presque animal. Il dut presque se pincer pour s’empêcher de ricaner.

Notre homme dort dans une chambre au deuxième étage, celle avec le balcon. Vous entrez par la fenêtre et vous faites ce que vous avez à faire. Effusion de sang, mort lente, mort douloureuse, je m’en contrefiche tant qu’il meurt en silence. Vous aurez le reste de l’argent une fois le travail accompli. Compris ?

Milo se ressassait les conseils de son client tout en grimpant le long du mur le plus silencieusement possible. Arrivé au balcon, le Scorpion laissa ses pieds pendre dans le vide et avança à la force de ses bras. Comme des crampes vicieuses lui assaillaient les doigts, il arriva enfin au bord du balcon. Milo se tracta vers le haut et s’assit discrètement sur le rebord en marbre blanc.

Sans prendre le temps de souffler sur ses doigts engourdis et endoloris, le Scorpion se faufila vers l’extrémité droite de la large verrière qui lui faisait face, ultime rempart entre sa proie et lui. En se penchant légèrement, Milo aperçut un grand lit dans lequel était allongé un homme.
Saga Gemini.

Le Scorpion se retrancha derrière le mur quelques instants, retenant une grimace : c’était trop simple…
Enfin, il n’allait pas s’en plaindre non plus !

Milo trottina vers la serrure et sortit un coutelas de sa ceinture. Il inséra l’extrémité de la lame dedans et commença doucement à tourner, tirant légèrement la langue malgré lui.
Crocheter la serrure ne lui prit pas une minute et quelques secondes plus tard, il pénétrait dans la chambre, silencieux comme une ombre, léger comme un coup de vent.

Il jeta un coup d’œil aiguisé dans la chambre : seul le rythme de son cœur et la respiration profonde de sa proie troublaient le silence de la pièce.
Milo avança lentement vers le lit tout en sortant sa dague de son fourreau, sans un bruit.

Tel un ange de la mort, le Scorpion leva la main et posa la lame froide sur la gorge de l’homme endormi qui gémit dans son sommeil, comme en proie à un horrible cauchemar. Milo allait commencer à glisser son épée lorsqu’un bruit léger, imperceptible, le fit se retourner vivement, lame en avant. Il para le coup qui lui était destiné et les lames cliquetèrent en s’entrechoquant. Milo riposta immédiatement avec une estocade parfaitement calculée. L’homme s’effondra sans un cri et le Scorpion…

Fut aveuglé par la lumière d’une bougie qu’on venait d’allumer ?!!

Milo cacha ses yeux avec sa main gantée en grognant un vague « Mais qu’est-ce que ?! » lorsqu’une voix masculine s’écria :

-Attrapez-le !!

Cinq gardes sortirent de l’ombre et se jetèrent sur Milo en criant. Assis dans son lit, Saga Gemini regardait l’affrontement avec des yeux de merlan frit.

Milo para un coup d’épée censé l’éventrer, riposta d’un grand coup de pied dans le ventre d’un autre garde, se jeta sur le sol pour éviter une lame… La lumière l’avait aveuglé et il était dépassé… Pas pour bien longtemps. Enfin habitué à la lumière trop vive du couloir et de la chambre, Milo put prendre réellement part au combat. Sa lame glissa le long d’un bras, s’enfonça dans l’épaule d’un autre, griffa la gorge d’un troisième. Il souriait férocement.

Soudain, un coup de feu retentit et Milo s’effondra sur le sol en se tenant l’épaule, grimaçant de douleur. Il jeta un regard farouche autour de lui, comme un animal blessé chercherait une issue : il restait deux hommes debout. Le premier tenait « bravement » son épée devant lui avec « motivation » et l’autre portait un masque et pointait son fusil encore fumant sur Milo en ricanant :

-Comme on se retrouve, Scorpion ! Ou devrais-je dire… Milo !

Le jeune homme blond cracha :

-Je ne sais même pas qui tu es sale lâche ! Tirer sur un homme qui te tourne le dos : c’est dégueulasse !

Un coup de pied le cueillit dans le ventre et il se recroquevilla en soufflant. L’homme au fusil l’empoigna par la gorge et le plaqua violemment contre le mur en feulant :

-Et ça, ça te rafraichit la mémoire ?

Comme il ôtait légèrement son masque, Milo écarquilla des yeux ébahis :

- Toi ?!

L’homme esquissa un sourire torve puis dissimula à nouveau son visage derrière son masque noir:

-Ca faisait un bail. Mais je n’ai pas oublié ce que je te devais.

Il le souleva légèrement, tenant toujours Milo par la gorge :

-Et on m’appelle désormais « Masque de Mort ».

Lorsque ses pieds quittèrent le sol, le Scorpion sourit et leva les jambes pliées sous lui pour les jeter contre le torse de l’homme, poussant de toutes ses forces. Le garde au fusil s’effondra.

Milo attrapa son épée et se tint en garde malgré les ondes de souffrances qui émanaient de son épaule meurtrie. Par chance, ce lâche avait tiré sur son épaule gauche et le Scorpion était droitier : il pourrait pourfendre ce sale type sans avoir à se soucier d’un handicap quelconque.
Le garde masqué se releva en riant :

-Comme au bon vieux temps !

Milo se mit en garde et attendit.

-Patience… (Se répétait-il) Laisse-le venir.

Le garde leva l’épée et se jeta sur Milo. Le Scorpion para le coup et tourna sur lui-même, portant la main gauche (« aïe ! ») à sa gorge pour détacher sa cape. Son adversaire avançait quand il se vit piégé à l’intérieur d’un énorme bout de tissu noir.

Il se démena en jurant et Milo se pencha pour lui faucher les jambes de son pied. L’homme s’effondra, la tête toujours coincée dans la cape et le Scorpion posa la pointe de sa rapière sur le torse de son adversaire :

-Ne bouge plus ! Ou je t’embroche sur le champ !

Milo jeta un œil vers le lit de sa proie et baissa les épaules en grimaçant : Saga Gemini venait de se faire la malle avec le garde restant ! Comme il grognait, son adversaire en profita pas lui envoyer un violent coup de talon sur l’épaule gauche.

Le Scorpion retint un cri de douleur en portant la main à sa blessure. L’homme se releva et se jeta sur lui, le plaquant sur le sol. Le choc se répercuta dans son épaule blessée mais Milo n’eut pas le temps d’esquisser ne fut-ce qu’une grimace : il se décala juste quand le garde envoyait son poing sur le plancher.

L’homme frappa de nouveau, sur l’épaule. Le Scorpion se mordit la lèvre pour ne pas hurler : ce sadique savait précisément où frapper pour le faire souffrir longtemps.

Réflexe, Milo sortit son poignard de sa ceinture et frappa sans même savoir où, aveuglé par la douleur et mu par l’instinct de survie. L’homme se recula en criant, la main pressée sur son bras droit d’où s’échappait un flot de sang.

Le Scorpion en profita pour se dégager et frappa une nouvelle fois, du bout de sa rapière. La lame effleura le masque du garde qui se fissura et tomba sur le sol. Milo allait se jeter sur lui lorsque des pas et des cris retentirent dans le couloir.

Il voulut se mettre en garde puis pourfendre les nouveaux arrivants mais la douleur à son épaule le retint : il risquait tout au plus de se faire occire et ça, il préférait éviter !

A regret, le Scorpion courut vers le balcon et sauta, les bras en croix.

Lorsque les gardes arrivèrent dans la chambre, ils trouvèrent l’homme au masque leur tournant le dos, appuyé contre le balcon :

-Señor Masque ! Est-ce que tout va bien ?

L’homme se retourna légèrement, une ligne de feu s’étirant sur sa joue.

-Si je vais bien ?

Le garde qui avait parlé se recroquevilla sur lui-même sous le regard de braise de l’homme au fusil. Ce dernier se tourna vers les gardes et se mit à hurler :

-Bien sûr que non bougre d’abruti !! Rattrapez-le et ramenez-le-moi vivant !!

Les gardes s’en furent, trop contents d’être encore en vie et l’homme se tourna de nouveau vers la silhouette qui s’éloignait en courant.

Il passa un doigt sur sa joue et contempla le sang rouler sur son gant sombre. Il sourit et porta son doigt à ses lèvres : le gout du sang était le meilleur qu’il connaissait…

Il passa la langue sur ses lèvres et murmura, tremblant de rage :

-On se reverra tôt ou tard Milo. Ce n’est qu’une question de temps.

Masque de Mort, autrefois connu sous le nom d’Angelo, se mordit la joue jusqu’au sang pour ne pas hurler : il tenait enfin sa vengeance et il la laissait s’échapper!
Bien joué mec !

$s$s$s$

-Bien joué Milo !

Se réprimandait le Scorpion tout en courant, la main pressée sur son épaule sanguinolente. Du bout du doigt, il pouvait sentir l’extrémité de la balle : il la rattraperait aisément avec un couteau ou l’autre !
Mais où se cacher le temps de panser ses blessures (et son amour propre) ?!

Dans la basse ville ? Hors de question ! Les gardes de ce Senor Gemini iraient d’abord chercher là-bas.
En repensant à son échec (son tout premier échec !), Milo grinça des dents : comment cet homme avait-il pu être mis au courant de quoi que ce soit ?!

Le Scorpion se torturait les méninges : personne d’autre que lui ne savait chez qui il irait ce soir.
Quelqu’un avait forcément mis ce Saga Gemini au courant de sa venue, c’était la seule solution.

Sinon, pourquoi aurait-il placé une demi-douzaine de gardes dans sa chambre ce soir là justement ?!

Chapter Text

Lisant à la lueur d’une chandelle, Camus était assis au bureau de sa chambre, la tête entre les mains. On frappa discrètement à la porte et il ôta ses fidèles lunettes avant de passer une main fébrile dans ses cheveux en toussotant :

-Entrez !

La porte s’ouvrit et Léna entra dans la chambre, les mains croisées dans le dos :

-Vous m’avez fait demander, Señor ?

Camus se tourna vers elle, toujours cette expression neutre sur son visage :

-En effet.

Heureusement qu’il maîtrisait l’éloquence avec brio : son visage ne laissait rien paraître de sa nervosité.

-Je vous ai fait appeler pour vous demander une faveur.

Léna baissa la tête :

-Je vous écoute : qu’est-ce qui vous ferait envie ?

Camus allait répondre lorsque, dans sa tête, résonna la voix de Milo : *Vous charmante demoiselle.*
Le jeune seigneur se secoua mentalement et repoussa le rouge qui lui montait aux joues :

-Je…* Je… Pourriez-vous m’amener une autre bougie je vous prie ?

-Mais certainement, Señor.

Camus eut envie de se gifler : une bougie ?! Et pourquoi pas un oreiller tant qu’on y était ?! Avant que la jeune femme n’arrive à la porte, le jeune seigneur la rappela :

-Ah au fait : je…

Elle se retourna et le regarda de ses grands yeux émeraude. Camus resta immobile une demi-seconde, comme hypnotisé, puis termina :

- J’aurais aimé passer un repas en votre compagnie.

Léna rougit violemment et Camus se félicita d’avoir réussi à tout dire d’une seule traite sans s’être planté :

-A… Avec plaisir, Señor. Quand désirez-vous organiser ce repas ?

"Tout de suite", songea Camus mais il se reprit :

-Demain j’ai une réception mais rien ne m’empêche de dîner avec vous après-demain soir. Qu’en pensez-vous ?

La jeune femme rousse sourit et Camus se sentit fondre comme neige au soleil :

- C’est parfait.

-Nous pourrions nous retrouver devant la fontaine du jardin vers 18 heures. Cela vous convient-il ?

Léna hocha la tête le plus calmement possible :

-Je serai là.

Elle posa une main fébrile sur la poignée et Camus la rappela une dernière fois :

-Léna ?

-Oui, Señor ?

-Je vous en prie : appelez-moi Camus.

Tout fier de lui, le jeune seigneur réussit même à esquisser un semblant de sourire crispé et la jeune femme rougit :

-Bien sûr… Camus…

La porte se referma et le jeune seigneur aux cheveux rouges resta immobile quelques secondes avant de lever un poing victorieux en l’air :

-Merci mon Dieu de m’avoir donné la force !

Il avait soudain chaud, très chaud. Camus s’avança vers la fenêtre sans pouvoir se départir de son sourire béat : elle avait accepté ! Elle avait accepté ! Il ouvrit la fenêtre et inspira profondément, les yeux clos : la nuit était belle. Il faisait doux et le ciel était saupoudré d’une pluie d’étoile et…

-Camus !

-AHHHHH !!!!!

Le jeune homme aux cheveux rouges poussa un hurlement horrifié et l’intrus poussa un cri de surprise, manquant de tomber du toit auquel il était pendu par les pieds. Camus recula précipitamment, se prit malencontreusement les pieds dans son magnifique tapis, trébucha et se retrouva sur le séant.

L’intrus gigota, agitant ses boucles blondes :

-Mais pourquoi tu cries?!!! T’as failli me tuer !!

Camus cligna des yeux et haleta :

-Mais ! Mais ! Mais ! Mais?! Milo ?!!

Le Scorpion, car c’était bien lui, se redressa et sauta les pieds en avant dans la chambre. A peine debout, Camus se mit à hurler, le cœur battant à 100 à l’heure :

-Mais tu es complètement fou ma parole !! Ca fait deux fois aujourd’hui !! Tu as décidé de me tuer c’est ça ?! Et en plus tu mets du sang partout sur mon tapis !!!!!

Camus était trop énervé (et effrayé) pour se rendre compte de l’état dans lequel se trouvait l’épaule de son visiteur. Milo leva sa main valide et intima à son ami de baisser le ton :

-Chut chut : arrête de crier s’il te pl…

-Je crie si je veux !! Je suis ici chez moi et si je veux crier je crie !!

Des bruits de pas retentirent dans le couloir et Milo, en désespoir de cause se jeta sur Camus, le bâillonnant avec sa main droite :

-Chuuuuuuut ! Tu vas me faire repérer !

Chuchota le Scorpion en désignant la porte du menton. Trop tard : on frappa et la voix de Léna demanda :

-Heu… Est-ce que tout va bien ?

Milo et Camus se regardèrent dans le blanc des yeux quelques secondes puis le Scorpion lâcha son ami et se glissa sous le grand lit à toute vitesse. Camus se jeta sur le sol et se mit à quatre pattes : Milo avait posé un oreiller devant sa tête dans l’espoir qu’on ne le verrait pas. Exaspéré, Camus le lui arracha, faisant sursauter son ami. Furieux, l'aristocrate souffla :

-Mais qu’est-ce que tu fabriques ?!

-J’me cache !

Répliqua Milo, les yeux exorbités. Camus hésita entre le bourrer de coups de pieds et à le tirer hors de sous son lit par les pieds mais il se releva à toute vitesse lorsque Léna réitéra sa demande :

-Camus ? Je venais vous apporter votre bougie quand je vous ai entendu crier : est-ce que tout va bien ?

-Je… hum… Oui oui ne vous en faites pas.

Il jeta l’oreiller sur le sol près de son lit et la main de Milo s’en empara pour disparaître aussitôt. Camus persiffla :

-Et tiens-toi tranquille !

-Puis-je entrer ?

Camus allait accepter lorsqu’il vit sa tête dans le miroir de sa chambre : une mèche disgracieuse et rebelle se dressait fièrement au sommet de son crâne, gâchant ainsi sa coiffure « quasi parfaite ». Vite vite, il passa une main fébrile pour l’aplatir tout en répondant d’une voix aussi naturelle que possible:

-Oui certes… Entrez je vous prie.

Léna passa timidement sa tête dans l’embrasure de la porte et Camus se tourna vers elle, calmement. (Ai-je omis de préciser qu’il maîtrisait le théâtre en plus de l’éloquence?) La jeune domestique jeta un regard curieux dans la chambre et annonça:

-Voici votre bougie Se.. Camus.

-Merci, Léna : vous pouvez la déposer sur le bureau.

Elle s’exécuta puis, voyant que Camus jetait des regards méfiants vers la fenêtre ouverte, elle demanda :

-Veuillez pardonner ma curiosité mais… Je vous entendais crier et on aurait dit que vous vous adressiez à quelqu’un…

Camus réfléchit à toute vitesse puis sourit :

-Oh ça ? Ce n’est rien de grave : juste un… scorpion qui s’est invitée dans ma chambre et cela m’a surpris. Je ne supporte pas ces bestioles.

-Oh comme je vous comprends !

Léna sourit puis salua :

-He bien passez une bonne nuit.

-Merci, vous aussi.

Et elle sortit. Le jeune seigneur attendit quelques secondes avant de se jeter à nouveau sur le sol à côté de son lit.

-Hé ?! Tu… Ca va ?

Les épaules du Scorpion étaient secouées de tremblements et Camus commençait à se dire que quelque chose n’allait pas lorsqu’il se rendit compte que Milo étouffait un éclat de rire en plongeant sa tête dans le coussin :

-Camus t’es juste… Génial quand tu mens !

Ledit Camus s’imagina en train d’appuyer sur la tête de son ami dans le but de l’étouffer mais il se résigna en se disant que c’était indigne d’une personne de son rang. Il grogna :

-Sors de là ! Allez, zou !

Milo roula vers l’extrémité du lit et se leva lentement, la main pressée sur son épaule. Camus, les poings sur les hanches, s’énerva en murmurant :

-Mais qu’est-ce que tu fais ici ?!

-Une mission qui a mal tourné : je devais me planquer quelque part le temps d’enlever cette saleté de balle de mon épaule et j’ai pensé à toi.

-Sans blague ? Ce n’est pas toi qui avais dit de faire une pause pendant UNE semaine ?! Qu’est-ce qui cloche chez toi Milo ? Quel mot tu ne comprends pas dans : « Rien ! Pendant ! Une ! Semaine ?! »

-Camus ?

-Quoi ?!

-Tu aurais des ciseaux ?

-Des.. ? (Camus jeta un coup d’œil à l’épaule de son ami et soupira) Sur le bureau : fais comme chez toi.

-Merci bien.

Chapter Text

-Et alors un mec a essayé de me poignarder lâchement ! Heureusement, je l’ai entendu au dernier moment et je l’ai pourfendu de ma lame ! Mais ils étaient encore 5 dans la chambre ! Alors ils ont allumé des bougies et…

Camus retint un haut-le cœur et détourna le regard : Milo lui expliquait comment il s’était retrouvé dans le traquenard qui lui avait valu cette blessure de guerre, tout en essayant nonchalamment de retirer la balle de son épaule, se charcutant avec la superbe paire de ciseaux que Camus s’était offerte quelques semaines plus tôt.

Et franchement la vue du sang le dégoutait au plus haut des points !

Comme il verdissait à vue d’œil, le Scorpion, l’air interloqué et pas vraiment souffrant, s’inquiéta :

-Ca va pas, Camus ?

-*Gloups* Si tu pouvais éviter de faire ça devant moi. Et sur mon lit en plus.

Milo baissa la tête sur la serviette tachée de sang vermeil qui recouvrait (fort heureusement) les draps :

-Bah qu’est-ce que tu veux que je fasse ?

Camus se pinça l’arête du nez, les yeux fermés pour éviter de devoir regarder cette boucherie :

-Non, laisse tomber… Continue je t’en prie.

Et Milo, ne se faisant pas prier, se remit à parler, agrémentant son récit de mouvement exagérés et de grossièretés telles que Camus dut se boucher les oreilles à de multiples reprises. Le blond grimaça soudain et brandit ensuite les ciseaux d’un air victorieux :

-Ha ha !! Je t’ai eue saloperie !

Camus retint une grimace écœurée et fronça un sourcil : cette chose avait l’air énorme ! Comment son ami pouvait-il avoir l’air si détendu ? Il aurait dû se tordre de douleur sur le plancher mais non ! Il souriait bêtement. Milo glissa la balle dans la poche de son pantalon puis tourna vers lui :

-Tu n’aurais pas un petit remontant par hasard ?

-Un « petit remontant » ?

-De l’alcool.

-Parce que tu voudrais noyer ton échec dans l’alcoolisme ? Tu es tombé bien bas, mon cher !

Milo secoua la tête en souriant devant la « douce ignorance » de son ami :

-Mais non, mais non ! (Il désigna son épaule endommagée du menton) C'est pour désinfecter la plaie : je n’ai pas envie d’attraper la gangrène et de me faire amputer !

Camus repoussa la nausée qui venait de le submerger : il avait toujours eu une imagination très fertile et le fait d’imaginer les atrocités que Milo venait de lui décrire… Bon sang, il fallait qu’il s’assoie !

Ah non : en fait, il s’était laissé tombé dans son fauteuil quand Milo avait ôté sa chemise (dévoilant une épaule dégoulinante de sang), de peur de s’évanouir. Que voulez-vous, malgré ses airs hautains, Camus était une petite nature !

Il articula péniblement :

-J’ai de l’alcool. Mais pas dans ma chambre : dans mon salon ou encore dans ma salle à manger mais pas ici.

-Ah… Oh ben je vais vite chercher ça !

-Milo.

-Hm ?

-Tu ne comptes tout de même pas traverser ma maison habillé comme ça j’espère ?

Milo s’arrêta, la main sur la poignée :

-Comment ça : « comme ça »?

Camus se retint de se frapper le front du plat de la main :

-En pantalon. Sans chemise. L’épaule en sang. Alors qu’aucun de mes domestiques ne t’as vu entrer. Ca te suffit comme arguments ?

Milo baissa les yeux et, penaud, grommela :

-Ben …

Lui se trouvait bien pourtant. Charismatiquement parfait (et cela sans narcissisme aucun !). Qu’est-ce que Camus trouvait anormal dans cette situat… Les paroles de son ami atteignirent son cerveau, sans doute ralenti par la douleur causée par cette fichue balle !

Il rougit de honte et serra le poing:

-Ouais t’as pas tort.

-Jamais.

-Jamais ? (sourit Milo, sceptique) Tu as toujours raison ?

-Toujours

Répondit Camus, les bras croisés (sans narcissisme non plus). Milo croisa les bras (« ouille ! ») et esquissa une moue sceptique :

-Ah oui ?

-Qui t’avais conseillé de ne plus rien faire pendant un petit temps ?

Le Scorpion resta interdit, cherchant une excuse à toute vitesse. Mais il dut vite se rendre à l’évidence qu’il était manifestement ralenti par la souffrance ! Vaincu, il grommela :

-Toi.

-Déduction ?

Ce que son ami pouvait être insupportable quand il prenait cet air de monsieur-je-sais-tout ! Camus haussa un sourcil et Milo avoua :

-Bon d’accord : tu as toujours raison !

Satisfait, Camus hocha doucement la tête :

-On est d’accord.

Le Scorpion désigna la porte de sa main valide :

-Et moi je fais comment alors pour me soigner ?

Camus soupira et se leva :

-Je vais y aller moi-même. Toi tu restes ici, tu ne bouges pas et surtout tu ne touches à rien !

Milo s’assit en tailleur sur le grand lit et posa son menton sur sa main droite en soupirant :

-Pfiuuu... D’accord…

Camus sortit et, une fois la porte refermée, le Scorpion porta la main à son épaule blessée en grommelant rageusement :

-Quel enfoiré, cet Angelo ! Toujours aussi con ! Et puis qu’est-ce qu’il fout là ?! Et puis c’est quoi ce nom : « Masque de mort » ?! Comment a-t-il pu savoir que je viendrais et…

Mais il cessa soudainement de se poser des questions (auxquelles il ne pouvait manifestement pas répondre) lorsque son regard fut attiré par des enveloppes étalées sur le bureau de Camus. Il n’hésita pas une seconde et se leva d’un bond. Il se saisit d’une enveloppe et y lut :

-Invitation à la réception pour le Señor Aioros Arco... ?

Le Scorpion fronça un sourcil et déposa la lettre à sa place. Il en avisa une qui n’était pas encore scellée et la lut à voix basse afin d’en savoir plus :

« Mon très cher Aphrodite,

Je vous convie cordialement à la réception donnée ce soir même à ma résidence en l’honneur de mes 10 ans passés en Espagne à vos côtés.
Votre présence me ferait le plus grand plaisir,

Bien à vous,
Camus Gabriel Albert Deverseau.
»

D’abord, Milo dut réprimer son envie de rire : Camus cachait bien son jeu ! Il ne lui avait jamais avoué avoir d’autres prénoms ! Ensuite, il eut (malgré la douleur que lui causait son épaule) une idée de génie !

Soudain, la poignée de la porte bougea et il lâcha la lettre pour se jeter à toute vitesse sous le lit de son cachottier de meilleur ami. Des bruits de pas résonnèrent dans la chambre puis un chuchotement brisa le silence qui venait de s’installer :

-Milo ?! Tu es toujours là ?

Le Scorpion roula sur le tapis et se redressa calmement pour ne pas effrayer son ami:

-Bien sûr, très cher ! Je me vois mal prendre la poudre des scampettes et te laisser ma chère et tendre rapière !

Camus soupira puis lui tendit une bouteille de whisky et un linge blanc, l’air las :

-Fais ça hors de ma vue s’il-te-plaît.

Milo haussa un sourcil puis haussa les épaules :

-Comme tu voudras.

Il imbiba le tissu d’alcool puis tourna le dos à son ami. Il n’hésita pas une seconde et, d’un geste vif, il pressa le linge contre son épaule. D’abord, il ne ressentit rien, juste quelques picotements. Mais très vite, les picotements devinrent des brûlures et Milo se mordit la lèvre inférieure en grognant :

-La vache ! Ca fait quand même super mal !

Camus déglutit et se détourna en posant la main sur son front pour masquer son trouble. Refoulant la douleur sourde qui lui paralysait l’épaule, Milo se tourna vers le bureau de son ami et esquissa un semblant de sourire :

-Tu organises une réception ?

Camus se retourna et fronça les sourcils :

-Tu fouilles dans mes affaires ?

-J’m’ennuyais moi ! J’ai juste vu que tu organisais une réception et j’ai eu une idée de génie !

Camus s’assit et croisa les bras, plutôt sceptique :

-Mais encore ?

Milo tapota soigneusement sa blessure avec le linge et se lança dans son explication :

-Mon dernier client m’a arnaqué et ce dans le but de me faire la peau. Je ne sais rien de lui, ni son nom ni son visage mais je sais que cet homme était noble et riche ! Qui invites-tu à ta réception ?

-Presque tous les nobles de la ville. Pourquoi ?

Le Scorpion esquissa un sourire espiègle :

-Alors il sera forcément là.

Le jeune Français haussa un sourcil :

-Ton dernier client ?

-Lui-même, mon cher ! Alors je me disais que peut-être, tu pourrais m’incruster dans cette petite fête pour que je fasse le tour des invités et que je puisse pincer ce salaud !

Il y eu un court silence pendant lequel le français se gratta le menton du bout des doigts. Puis, au grand étonnement de Milo, Camus approuva d’un mouvement de tête, un léger sourire sur les lèvres :

-Ca pourrait le faire.

Chapter Text

Le Scorpion abaissa son chapeau sur son visage et tourna dans une ruelle, évitant ainsi de devoir faire face à une petite troupe de soldats qui patrouillait dans la rue principale. Milo hésitait : où allait-il passer la nuit ?

Chez Dohko ? Non, pas assez sûr ! Chez Ariane ? Ha non, elle ne lui avait même pas laissé d’adresse la donzelle !
Le jeune homme blond soupira : il était bien trop fatigué et pas assez motivé pour aller jouer les fanfarons dans un bar encore ouvert pour passer la nuit dans les bras d’une femme qui lui assurerait un toit !

Oh il avait bien songé à dormir chez Camus, seulement il imaginait trop bien la tête des servantes le lendemain matin si elles avaient retrouvé un inconnu poisseux de sang dormir sous le lit de leur seigneur !

Milo passa une main distraite sur son épaule gauche : avant de quitter la demeure de son meilleur ami, il avait enroulé sa blessure dans un linceul mais il avait besoin de soins particuliers. La lumière se fit dans son esprit épuisé et il sourit : il avait trouvé où se planquer cette nuit !

Chez un ami qui pourrait le dépanner.

Il traversa quelques rues, marchant lentement pour ne pas éveiller de soupçons puis, enfin, atteignit sa destination. Milo frappa discrètement à la porte de la petite chaumière et s’emballa dans sa cape, frissonnant soudain. La nuit était bien entamée et il craignait que son ami ne soit encore dans les bras de Morphée ! Comme la réponse tardait, le Scorpion frappa à nouveau, plus énergiquement, et souffla :

-Aiolia ! He oh !

Il y eut un enchaînement de bruits sourds et de jurons difficilement contenus puis, la porte s’entrouvrit sur un jeune homme aux courts cheveux châtains, les yeux gorgés de sommeil. Un poil énervé d’avoir été tiré de son rêve magnifique par un importun nocturne, il grommela d’une voix pâteuse :

-Qui est le con qui..?

-Mec, c’est moi !

-Qui ça, « moi » ?!

- Tu es pourtant plus perspicace que ça d’habitude non? Ouvre un peu mieux les yeux, Aiolia !

Le jeune homme écarquilla grands les yeux et la lumière se fit dans ses prunelles vertes :

-Milo ?!

-Tu aurais une place pour caser un ami cette nuit ? Je te promets de me faire tout petit !

Des bruits de bottes résonnèrent soudain dans la rue et Milo jeta un regard effrayé vers la droite : des soldats !

Pressé par le temps, Aiolia, toute trace de fatigue envolée, attira vivement Milo à l’intérieur, le tirant par le bras gauche. Comme le Scorpion se mordait discrètement l’intérieur de la joue, le jeune homme aux courtes boucles châtain ferma la porte et la verrouilla tout de suite après. Il posa un doigt devant ses lèvres, intimant le silence à Milo.

Ils attendirent en silence que la petite troupe de gardes ne s’éloignent puis ils soupirèrent de soulagement. Aiolia, les poings sur les hanches, se tourna vers son ami:

-Mais qu’est-ce que tu fiches ici ?! Il y a des gardes par dizaines dans les rues et toi tu te promènes comme ça, tranquille ?!

-Justement : les rues grouillent de soldats et je n’ai nulle part où passer la nuit !

Aiolia soupira :

-Ou plutôt ce qu’il en reste !

Un ange passa, Milo fixant Aiolia, ce dernier semblant encore un peu trop endormi pour comprendre ce que son ami lui demandait. Enfin, le jeune homme brun bailla :

-Et tu voudrais que je t’accueille cette nuit ?

Le Scorpion hocha la tête :

-S’il-te-plaît.

Aiolia sembla hésiter mais Milo connaissait trop bien son ami et savait qu’il bluffait. C’était dans la poche ! Le brun sourit :

-Allez c’est d’accord pour cette fois !

Milo pressa affectueusement le bras de son ami, soulagé malgré tout:

-Merci, vieux ! Merci mille fois ! Tu me sauves la vie !

Aiola haussa les épaules, modeste, et passa une main fatiguée dans ses cheveux ébouriffés, les yeux cernés :

-Je te sers quelque chose ?

Milo allait demander un petit remontant mais il se rendait bien compte qu’il en demanderait un peu trop à ce pauvre Aiolia qui ne désirait manifestement qu’une seule chose : retourner pioncer dans son petit lit douillet ! Néanmoins, il fit mine de réfléchir pour faire payer à son ami sa seconde de réflexion avant d’avouer, tout sourire:

-Non merci, c’est gentil.

Aiolia soupira d’aise : ouf ! Heureusement que Milo avait refusé parce que franchement, il n’avait pas envie de descendre à la cave chercher quelque chose de frais pour son… Comment dire ça tout en restant politiquement correct ? « Invité de dernière minute » ? Mouais… Invité de dernière minute convenait parfaitement. Il écarquilla les yeux quand Milo ôta sa longue cape laissant voir la tache de sang qui couvrait sa chemise :

-Ouch ! Mais qu’est-ce que tu t’es fait ?

Milo haussa les épaules, peu enclin à expliquer son échec cuisant. Il entama alors la technique du « semi-mensonge » :

-Une bagarre qui a mal tourné, t’en fais pas.

Il ne mentait pas vraiment en disant ça, pas vrai ? Et puis franchement, il n’avait pas envie que son échec devienne public ! Que diraient ses fans ?! Et les filles ?! Aiolia le tira de sa rêverie en demandant :

-C’est au moins une blessure faite par balle non ? Parce que la tache de sang à l’air fort régulière pour un coup d’épée.

Le Scorpion hocha la tête et sortit la balle qui lui avait infligé cette blessure. Aiolia siffla:

-He ben mon gars… Ca, c’est de la balle ! T’es sûr que tu ne veux rien à boire ? Ca doit te faire un mal de chien !

-Non non t’inquiètes ! J’ai désinfecté la plaie et elle est bien soignée. Merci quand même mec !

Il sourit et se laissa tomber sur une chaise en soupirant, las et soudain très fatigué. Il étouffa un bâillement avec la paume de sa main :

-Je crois que le mieux que j’ai à faire c’est dormir un peu…

Il ferma les yeux quelques instants et se mit doucement à dodeliner la tête. Aiolia le prit par le bras (droit cette fois-ci) et l’aida à se lever:

-Allez viens, tu vas dormir dans mon lit et je vais te passer une chemise propre ;

Milo se redressa et s’étira :

-Non non : je ne veux pas te chasser de ton lit !

-Oh ça va hein ! Je suis un grand garçon, je ne suis pas blessé et je suis tellement fatigué que je pourrais presque dormir debout appuyé sur le mur !

Milo sourit, amusé par la métaphore, et se laissa guider vers la chambre de son ami. Aiolia lui tendit une chemise et désigna son lit du doigt :

-Allez hop ! Au pieu !

Milo prit la chemise et remercia encore une fois son ami :

-Merci Aiolia : je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi ce soir.

Le jeune homme aux cheveux châtains secoua les mains avec modestie :

-Je t’en prie : allez, dors bien ! Et si jamais tu as un problème : je suis juste à côté.

Le Scorpion regarda son ami s’éloigner en traînant les pieds et, une fois la porte refermée, il ôta ses bottes, son pantalon et changea de chemise avec bonheur : il fallait avouer qu’il craignait de se chopper une maladie en nageant dans son propre sang !

Il jeta un coup d’œil à la fenêtre close et se glissa dans les draps en soupirant d’aise.
Aiolia et lui s’étaient rencontrés 3 ans auparavant et, malgré les hauts et les bas, ils restaient de très bons amis.

Il venait encore d’en avoir la preuve ce soir…
Ravi et rassuré de la fidélité de ses amis, Milo s’endormit, le sourire aux lèvres.

Chapter Text

3 ans auparavant…

-Hey ! Tu pourrais t’excuser !

Milo se retourna et jeta un regard dédaigneux au garçon aux cheveux châtains qu’il venait de légèrement bousculer : non mais pour qui se prenait-il cet énergumène ? Comment osait-il seulement lui adresser la parole ?! Et puis c’était quoi ce drôle d’accent ? Trop… « raffiné » pour les gens du coin !

Milo venait d’avoir 17 ans et cet étranger semblait un poil plus vieux que lui. En même temps, né à la fin de l’année, le jeune garçon blond était condamné à être le plus jeune de ses connaissances…

Le garçon le regardait farouchement, avec des yeux de prédateur et le jeune garçon aux yeux clairs trouvait ça… Paradoxal.
Presque amusant.

Milo esquissa un sourire mutin :

-Toi… T’es pas d’ici.

Le brun fronça les sourcils :

-Comment tu le sais ?

Milo fit un pas vers l’étranger, (car il ne pouvait pas être d’ici), sans se départir de son sourire :

-Parce que si tu étais d’ici tu saurais qu’il ne faut pas me chercher des noises. Pigé ?

Le garçon aurait dû se détourner et trembler devant le regard assassin de Milo, il aurait dû s’enfuir la queue entre les jambes,…
Mais non ! Au contraire, il fronça d’avantage les sourcils et, une moue rageuse peinte sur le visage, il cracha :

-Parce que c’est ta ville peut-être ?

Milo éclata d’un rire diabolique :

-Précisément mon gars. Mais je suis bon prince et je comme tu viens d’arriver je ne vais pas m’énerver mais tâche de ne pas recommencer !

Comme il allait s’éloigner, un ricanement le fit s’arrêter :

-Trouillard.

Milo se retourna vivement et empoigna le garçon par le col, le soulevant à quelques centimètres du sol. Rapprochant son visage de celui de l’étranger, il feula :

-Qu’est-ce que tu viens de dire ?

Toujours ce sourire arrogant sur les lèvres, le garçon brun ricana :

-Trouillard.

Milo sentit une boule de rage se former dans sa gorge et une lueur rouge traversa ses yeux clairs :

-Dis-moi, jeune prétentieux : es-tu venu ici pour mourir ?

-Pas spécialement, mais merci de proposer !

Le jeune garçon blond, en pleine crise d’adolescence n’oublions pas de le faire remarquer, leva le poing et frappa, sans se soucier des regards que leur jetaient la foule.
Sa main s’écrasa sur le mur : le garçon avait bougé à la dernière seconde, destinant à ce pauvre mur de briques le triste sort qui était réservé à son visage. Milo grogna et, ne perdant pas un instant, l’étranger frappa.

Du moins, essaya.

Milo se décala et frappa du genou dans le ventre du garçon. Le brun s’effondra, se pressant le ventre avec les bras. Le jeune garçon blond soupira et se pencha en avant :

-Je… Excuse-moi : je n’ai pas envie de me battre avec toi. J’ai été impulsif et…

-Pourtant… Tu t’es pas… gêné…

Ricana le jeune garçon en levant la tête. Milo haussa les sourcils : il… souriait ?! Le garçon blond hésita puis esquissa à son tour un sourire ravi. Il redressa sa nouvelle connaissance :

-Toi… Tu me plais ! Audacieux j’ai envie de dire !

Le garçon sembla hésiter puis, il sourit à son tour :

-Moi c’est Milo et toi ?

-Aiolia.

-He bien Aiolia : je vais te présenter ma ville ! Sans rancune ?

Le jeune garçon brun hésita devant la paume tendue de Milo puis leva la main gauche en souriant…
Le futur Scorpion ressentit alors un grand coup sur la joue : Aiolia venait de le frapper avec son autre main ?!!

Milo resta un instant interloqué, la main sur sa joue endolorie :

-Mais… Mais…

Aiolia sourit et serra la main de Milo :

-Sans rancune.

Comme il se détournait, le jeune garçon blond hésita un instant puis rattrapa Aiolia par le fond de son pantalon :

-Mais c’est quoi ton problème ?!! Tu veux que je me batte sérieusement ?!

Aiolia prit un air faussement naïf et porta les mains à son col dans une attitude niaise :

-De quoi moi ? Mais non, pas du tout !

Milo crut qu’il allait tuer cet arrogant et, insupportable personnage mais, contre toute attente, il éclata de rire :

-Haha !! Franchement : je sens qu’on va bien se marrer nous deux !

Aiolia fronça un sourcil puis rit à son tour.

Les deux compères trainaient très souvent ensemble dans les rues de la ville, faisant les 400 coups, même si, en cas de choses contraires à la loi, le jeune garçon brun préférait ne pas prendre part aux festivités. De temps en temps, Aiolia devait quitter la ville, rendant visite à de la famille restée à Madrid mais jamais le futur Scorpion ne demandait de détails, respectant la vie privée de son nouvel ami.

Milo avait trouvé en Camus un ami distingué et froid et en Aiolia, il avait trouvé un ami simple et au tempérament de feu.

Ils s’entendaient à merveille mais ne pouvaient pas se supporter l’un l’autre. Un soir sur deux, ils se disputaient violemment, hurlant comme des charretiers, finissant souvent la soirée avec des bleus et des bosses.

Et pourtant, une amitié étrange mais sincère venait de naître.

L’année de leurs 18 ans, tous deux étaient entrés chez un humble tatoueur et, malgré la douleur sourde de leurs épaules respectives, ils arboraient à présent un tatouage de Scorpion pour l’un et un Lion pour l’autre.

Il y avait des hauts et des bas, mais malgré tout, Milo et Aiolia restaient des amis soudés et dignes de confiance.

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Milo entrouvrit un œil et s’étirant en soupirant. En jetant un coup d’œil à son épaule, il fut ravi de constater que ça allait plutôt bien : la blessure avait même commencé à cicatriser ! Le Scorpion se leva, s’habilla puis descendit à la salle à manger, là où devait se trouver son hôte :

-Hé Aiolia ?! Où es-t…

Il s’arrêta au milieu de sa phrase et étouffa un éclat de rire derrière la paume de sa main : Aiolia dormait encore, roulé en boule sur le tapis, un mince filet de bave s’écoulant gracieusement de sa bouche grande ouverte.
Un vrai enfant.

Milo pouffa discrètement :

-Ah ben ça… C’est ce qu’on appelle « dormir comme un bébé » !

Il hésita à réveiller son ami mais se ravisa : le pauvre avait l’air épuisé et Milo se voyait très mal secouer le pauvre Aiolia comme un prunier !
Quoi que… Ce n’était pas une si mauvaise idée en fin de compte…

Un sourire sadique sur les lèvres, le Scorpion s’avança sur la pointe des pieds et s’accroupit aux côtés d’Aiolia qui ronflait légèrement. Les mains en porte voix, Milo commença par chuchoter à l’oreille du dormeur :

-Aioliaaa… C’est l’heure de se leveeeer …

Le dormeur grogna dans son sommeil et se retourna lourdement, manquant d’assommer Milo au passage. Le blond ricana et se mit à crier :

-DEBOUT FAINEANT!

Aiolia sursauta tellement fort qu’il manqua de faire un arrêt cardiaque et se redressa d’un bond :

-De quoi ?! Où ça ?! Quand ça ?!

Milo essaya de se retenir mais le fou rire le prit et il se roula sur le sol, les bras pressés sur les côtes. Aiolia, haletant, balbutia :

-Mais mais mais… Mais pourquoi t’as fait ça ?!

Milo essaya de répondre mais, riant comme un bossu, ne put qu’ânonner quelques syllabes :

-Haha c'était... Trop tentant !! Excuse-moi !

Aiolia, la main serrée sur son cœur battant à tout rompre, plissa dangereusement l’œil :

-Mais t’es complètement malade !!

Il se jeta sur Milo qui venait de se relever et le plaqua au sol. Le jeune homme brun, enragé, martelait chaque syllabe prononcée par un coup amical dans les côtes de son ami :

-Tu es ! Complètement ! Fou ! Ma ! Parole !

Milo, mort de rire, n’eut même pas la force de se débattre. Plus Aiolia frappait, plus il riait :

-Ca va, ça va !! Arrête ! Stop stop !!

-Ne t’avise plus de recommencer !

Milo se releva en ricanant et en se massant distraitement les côtes :

-Bien dormi sinon ?

Aiolia lui jeta un regard noir et le Scorpion, aussi brave fût-il, estima ne pas avoir besoin de la réponse. Milo se gratta l’arrière du crâne et sourit :

-Allez… Merci encore de m’avoir hébergé : je te revaudrai ça, promis !

Aiolia secoua la main en baillant (pauvre enfant en manque de sommeil qu’il était !) :

-C’est ça… Tu veux rien manger ?

Milo déclina poliment :

-C’est bien gentil mais j’ai un tas de choses à faire aujourd’hui.

Le brun eut l’air effaré :

-Donc tu m’as réveillé…

-Pour que tu finisses ta nuit dans ton lit bien sûr ! (Milo sourit) Allez va : je connais le chemin.

Aiolia, la main perdue dans sa tignasse en bataille, resta immobile quelques secondes puis haussa les épaules :

-Bon… D’accord… Quand tu veux…

Comme le Scorpion se détournait, le jeune homme aux cheveux châtains souffla :

-Hé, Milo !

-Hm ?

-C’est toujours un plaisir.

Milo ricana et se retourna : son ami grimpait lentement les marches qui le mèneraient à sa chambre. Sur son épaule, le tatouage de Lion semblait le regarder avec insistance et il eut l’impression qu’Aiolia le voyait. Il sourit :

-Alors je reviendrais plus souvent !

Son ami leva le pouce et Milo sortit, sa longue cape flottant derrière lui.

Il ferma la porte et… faillit foncer dans une personne qui arpentait calmement la rue :

-Hé ! Faites un peu attention !

-Tu as de la chance Scorpion : la blessure aurait pu t’être fatale.

Milo blêmit et écarquilla les yeux:

-Vous ?!

C’était lui ! L’homme de la veille ! Celui qui semblait le connaître mieux que personne ! L’homme aux longs cheveux d’or sourit mystérieusement, ses yeux toujours clos :

-J’espère que cette nuit t’a porté conseil Milo…

Le Scorpion balbutia :

-Je… Heu… Ben…

L’homme leva une main, toujours souriant sans joie :

- « La patience est un onguent bon pour toutes les plaies»… Tu as eu de la chance Scorpion…

L’œil de Milo fut parcouru d’un tic : Quoi ?!
Non mais qu’est-ce qu’il racontait cet uluberlu ?! Mais la réponse lui vint : il devait être ivre. Il n’y avait pas d’autre solution !

Ou alors il avait fumé quelque chose de fort.
De trèès fort !

-Je… Certes mais je… (La gorge sèche, Milo balbutia.) Je ne comprends pas ce que vous voulez dire…

L’homme posa un doigt sur l’épaule de Milo qui grimaça puis frissonna lorsqu’une vague de plénitude le submergea… Il écarquilla les yeux :

-Vous…

L’homme aux longs cheveux blonds se détourna :

-Tu devrais te sentir mieux à présent.

Milo baissa les yeux et abaissa légèrement sa manche, découvrant son épaule gauche…
En parfait état ?! Plus aucune trace de blessure sur sa peau?!
Mais comment était-ce possible ?!

Le Scorpion leva lentement les yeux, effrayé et fasciné à la fois :

-Qui êtes-vous ?..

Murmura-t-il.

Un coup de vent fit voleter la chevelure d’or de l’homme qui se retourna à demi :

-Je suis ce qui est, rien de plus rien de moins… Les réponses viendront avec le temps : sois patient, Milo.

Le vent sembla se concentrer autour de lui puis, il disparut, laissant le Scorpion tout à fait désemparé.

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-Alors tu en penses quoi ?

Camus leva un œil de son ouvrage : Milo lui faisait face, les mains sur les hanches et la tête penchée sur le côté. L'aristocrate retint un sourire :

-Ca m’a l’air pas mal.

Milo grogna en gigotant :

-Je pense que c’est un poil trop petit et… Ca gratte !

Camus soupira et ajusta le col de son ami :

-Si tu n’es pas content rien ne t’empêche de l’enlever.

Le blond se dégagea et lissa le bas de sa tunique :

-Non non : ça ira.

Milo se planta devant le miroir de la chambre et se regarda en souriant :

-Hé hé : ça me va plutôt bien au fond… Cette couleur est tout à fait assortie tu ne trouves pas Cam’ ?

Camus plissa un œil puis toussota :

-Hum… « Cam’ » ? Quel… heureux raccourci.

-N’est-ce pas !

Et ce stupide sourire narquois sur le visage ! Seigneur tout puissant : Milo finirait par le rendre fou ! Camus souffla profondément et tendit un ruban rouge à son ami :

-Tiens, mets-ça dans tes cheveux : un vrai noble n’a pas la tignasse en bataille comme la tienne !

Milo se saisit du tissu en grommelant :

-C’est ça qui fait mon charme enfin !

Camus leva les yeux au ciel et se rassit, son livre bien aimé à la main. Ses fidèles lunettes sur le nez, il demanda distraitement :

-Et comment va ton épaule ?

Milo se retourna, le ruban entre les dents tandis qu’il essayait de rassembler ses cheveux :

-Cha ‘a un ‘eu ‘ieux !

Heureusement que Camus parlait couramment le « Milo ». Il traduisit donc aisément et put répondre :

-Tu me montreras ça : si ça ne va pas, je ferai venir un médecin compétant.

Plus ou moins satisfait de son travail capillaire, le Scorpion sembla hésiter :

-He bien… C'est-à-dire que…

-Montre.

Qu’allait-il dire à Camus ? Comment allait-il justifier le fait que sa blessure avait disparu par… magie ? Ne voulant pas cacher la vérité à son meilleur ami, il baissa le haut de sa manche : dévoilant la peau brunie de son épaule.

Camus se leva et plissa les yeux :

-Ca alors : on dirait qu’il ne t’es rien arrivé !

Milo se passa la main dans ses cheveux, décoiffant la demi queue qu’il venait difficilement de terminer :

-J’ai… croisé un homme super étrange ! Il marche les yeux fermés et il sait mon prénom alors que je ne l’ai jamais vu de ma vie ! Et quand il a touché ma blessure, elle a disparu !

Camus leva les yeux vers son ami, jugeant si il lui mentait délibérément ou si il racontait une improbable vérité… Mais il dut se rendre à l’évidence : l’imperceptible lueur de crainte qui éclairait les yeux de Milo était bien réelle. Il haussa les épaules et posa la main sur le front de son ami :

-Pourtant tu n’as pas de fièvre.

Milo se dégagea en riant :

-Merci pour ton soutien, Camus ! Franchement, merci ! J’adore quand mes amis se payent ma tête !

Le Français sourit (INCROYABLE !!!!) puis frappa (ou plutôt : effleura) l’épaule de son meilleur ami :

-Je ne doute pas de toi Milo, je te faisais marcher.

La mâchoire du Scorpion se déboita et s’affaissa de 5 bons centimètres : Camus… venait de faire… Une blague ?!! Il se frotta les yeux puis réalisa ce que le Français venait de dire et de faire. Les yeux remplis de larmes d’émotion, Milo se jeta sur son ami et le serra contre lui, très fier de l’exploit qu’il venait d’accomplir:

-Ohhh !!!! Camus !! Mes enseignements ont enfin portés leurs fruits !! Tu as un sens de l’humour en fait !!

-Mais lâche-moi enfin !! Dépose-moi immédiatement !!

-C’est magnifique « Cam’ Cam’ » !! Je suis si fier de toi !!

-Milo ! Dépose-moi tout de suite !! C’est un ordre !

Feulait Camus en se débattant de la poigne de fer de son ami : mais c’est qu’il allait le couper en deux cet imbécile heureux !

Enfin, Milo relâcha le pauvre Français qui s’empressa de se recoiffer en vitesse, les sourcils froncés et marmonnant des jurons peu catholiques le plus silencieusement possible. Le Scorpion ré-ajusta le nœud dans ses cheveux et essuya une larme fictive au coin de son œil :

-Ahlala… Le plus dur dans ce métier… C’est de les regarder partir…

Camus grommela un vague « Je t’en foutrais moi des laisser partir ! » puis réajusta son foulard blanc en toussotant pour ne pas étrangler Milo :

-Bon ! Après cette parenthèse « enrichissante », je pense qu’on peut descendre. Tu es prêt ?

Le Scorpion se regarda une dernière fois dans la glace et sourit en levant le pouce :

-On est parfaits !

Camus soupira :

-Certes… Allons-y.

Il ouvrit la porte et tous deux sortirent du petit salon. Tout en marchant dans le long couloir de l’aile sud, Camus souffla :

-N’oublies pas : tu es un petit seigneur du Nord de l’Espagne, on s’est connu étant enfant parce que nos parents étaient amis et tu t’appelles…

-Emilio Felippe Shaula, je suis un ancien ami d’enfance de père Espagnol et de mère Française, d’où notre rencontre.

-Dis quelque chose d’intelligent en Français.

Milo porta une main à sa gorge et prit une voix hautaine, l’autre main levée de manière théâtrale :

Bien le bonsoir chère madame : ma soirée est illuminée par votre illustre présence qui perce les ténèbres de ma vie, tel les rayons ardents du soleil levant. »

Il esquissa un salut gracieux et un baisemain à une damoiselle imaginaire qui fit sourire Camus, agréablement surpris :

-Pas mal.

Milo rit puis sembla réfléchir quelques secondes :

-Merci bien Camus !

-Tu as fait d’énormes progrès en maîtrise de la langue : tu m’impressionnes Milo, franchement. La grammaire semble au point et les compliments fleurissent comme si tu parlais ta langue natale.

Milo resta immobile quelques secondes, les yeux vides et ternes, avant de sursauter et de répondre :

-J’ai eu un bon professeur Allez ! Ne fatiguons pas mon talent ! Allons voir les charmantes demoiselles de cette réception !

-Tu n’es pas censé découvrir qui a essayé de te tuer ?

-Aussi mais tant que je suis là, autant en profiter ! Non ?

Camus haussa les épaules, ému malgré tout : Milo avait enfin compris qu’il devait s’ouvrir à la culture générale et parlait presque couramment le Français!

Ils arrivèrent aux marches qui les mèneraient à la grande salle et Camus se tourna vers son ami :

-Prêt ?

Milo se frotta le nez en souriant :

-Toujours.

Camus hésita puis esquissa un sourire en coin :

-Alors, rideau.

Les deux amis se jetèrent un regard complice et commencèrent à descendre les marches au même rythme.

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Les gens gobèrent aisément l’histoire d’ "Emilio Felippe Shaula" et oublièrent aussitôt la présence de cet inconnu. Ou tout du moins les hommes, car les femmes, d’aussi haut rang fussent-elles, n’avaient de cesse de se tourner vers lui en gloussant tandis que les plus avenantes posaient de plus en plus de questions à cet homme envoûtant :

-Dites-moi, Emilio, le trajet a dû vous paraître bien long de la France jusqu’ici ?

Milo avala une gorgée de champagne et esquissa son plus beau sourire :

-Ma motivation était telle que je ne puis ressentir une quelconque fatigue, gente dame.

La demoiselle ouvrit son éventail :

-Certes : vous n’avez plus vu notre cher Camus depuis bien longtemps n’est-ce pas ? Vous devez être très heureux de vos retrouvailles.

Milo posa son verre et prit délicatement la main de la jeune femme :

-Ma motivation, ma mie, c’était de vous rencontrer en personne.

La femme rougit violemment et s’éventa en gloussant. Milo posa à peine ses lèvres sur le gant de la jeune noble et recula en souriant. Il chercha Camus du regard, étouffé par la foule environnante. Il repéra aisément son ami, reconnaissable entre mille grâce à sa chevelure de feu. Il parlait avec deux dames et Milo souffla de soulagement. Le Scorpion tourna la tête tout en avançant, attentif aux gens qui l’entouraient. Il ne devait pas se détourner de sa mission : retrouver son dernier client. Ce sale traître !

Mais il rejoignit Camus plus vite que prévu :

-Ah Emilio. Laisse-moi te présenter la Duchesse Monica Della Santa Chiesa.

Milo sourit et salua la jeune femme qui lui faisait face :

-Madame la Duchesse, c’est un honneur de vous…

Il reçut un léger coup de coude dans les côtes et il entendit à peine Camus souffler :

-C’est pas elle ! C’est la dame à côté ! C’est sa suivante que tu salues !

Milo resta immobile, la bouche entrouverte et la main de la suivante de la duchesse dans la sienne. Il hésita un millième de seconde puis posa ses lèvres sur le dos de la main de la jeune femme (qui, il fallait bien l’avouer, était mille fois plus belle que sa maîtresse !) avant de se redresser et de saluer la grosse dame qui fronçait les sourcils :

-Madame la Duchesse ! C’est un honneur de vous rencontrer. J’attendais ce moment avec impatience.

Il retint une grimace écœurée et décida de juste effleurer la peau grasse et épaisse de la fameuse duchesse. La duchesse gloussa, faisant bouger son quadruple menton et Milo déglutit :

-Vous êtes un sacré charmeur, Señor Shaula !

-Certes mais le but de tout homme n’est-il pas de rendre les femmes heureuses ?

Les deux dames rougirent tandis que Camus levait discrètement les yeux au ciel. Milo prit délicatement le bras de la dame de compagnie en chuchotant :

-M’accorderez-vous cette danse ?

La jeune femme aux cheveux bruns rougit :

-Que… Moi ?

-Et pourquoi pas ?

Et sans attendre, soucieux de s’éloigner au plus vite de la duchesse et de faire oublier sa maladresse, Milo s’avança vers le centre de la pièce, la jeune femme au bras. Tout en faisant valser la jeune suivante, Milo jetait des regards aux alentours : où pouvait donc se trouver cet homme ?

La jeune femme souffla :

-C’est la première fois qu’un homme m’invite à danser… (Elle leva la tête et rougit) Surtout un homme comme vous…

Milo esquissa un sourire qu’il savait irrésistible :

-Je ne vois pas pourquoi : vous êtes ravissante, Señora.

-Oh… Je ne suis pas noble, je ne suis que la suivante de la Duchesa et…

Milo se pencha et chuchota à l’oreille de la jeune femme :

-Peut-être que vous n’êtes pas riche mais votre cœur lui, est en or… Ce qui fait de vous, la jeune femme la plus riche du monde.

La suivante rougit violemment et Milo se pencha jusqu’à effleurer les lèvres de sa nouvelle conquête. Le chaste baiser échangé, il souffla :

-Quel est ton nom, jolie fleur?

Encore ébahie, la jeune femme balbutia, rouge jusqu’à la racine des cheveux :

-Perla…

Milo sourit :

-Un joli nom pour un magnifique joyau… Perla.

La jeune femme se mordit la lèvre et se lova contre le Scorpion en soupirant. Milo inspira le parfum des cheveux de Perla et jeta un regard discret sur le côté et aperçu… Ses yeux s’écarquillèrent :

-Ariane ?!

-Pardon ?

Perla se décolla de lui et Milo se reprit :

-Non je… Ce n’est rien : je pense que je viens d’apercevoir une… vieille connaissance. Veuillez m’excuser ma très chère. Je ne serais pas long.

Il se recula et posa délicatement ses lèvres sur la paume de la main de sa cavalière en saluant :

-Mais je vous en prie.

Milo sourit et s’éloigna en essayant d’adopter un rythme de marche neutre : qu’est-ce qu’Ariane pouvait bien faire ici ?! Camus l’avait-il invité ? Etait-elle venue accompagnée ? Et si… Le Scorpion se mordit l’intérieur de la joue : et si elle l’avait vu avec Perla ? Qu’est-ce qu’elle risquait de penser ?!

Slalomant entre les invités, scrutant chaque visage, il accéléra soudain, un début de sourire sur les lèvres :

-Ari…

Milo fut stoppé dans son élan par le bras de Camus qui le tira en arrière, manquant de l’étrangler au passage :

-Mais qu’est-ce que tu?!

-Emilio, je tenais à te présenter des amis très chers.

Milo retint l’énervement qui tenait de le submerger et sourit poliment. Camus était entouré de trois hommes : un à peine plus âgé qu’eux et les deux autres semblaient plus vieux. Le Français commença les présentations :

-Voici Aioros, il est arrivé de Madrid il y a trois ans.

Milo eut du mal à retenir une exclamation de surprise : cet homme aux courtes boucles brunes ceintes d’un bandeau rouge ressemblait trait pour trait à Aiolia ! Aioros tendit la main et sourit chaleureusement :

-Ravi de vous connaître !

Milo était estomaqué : la ressemblance entre ces deux oiseaux était frappante ! Le Scorpion se construisit un sourire « naturel » :

-Moi de même.

Aioros sourit et Milo se dit que cet homme devait être parfait dans le rôle du gentil grand frère. Inconscient du trouble qui agitait l’esprit de son ami, Camus continuait les présentations :

-Shura, épéiste de renom…

L’homme à la courte tignasse noire esquissa un salut de la tête :

-C’est un honneur.

-Tout l’honneur est pour moi : quelle chance de rencontrer un homme de votre renommée !

Shura fronça un sourcil :

-On me connait dans le nord du pays ?

-Tout le royaume connait votre nom, voyons.

Le jeune homme sembla hésiter, scrutant le visage de son interlocuteur avec insistance, avant d’esquisser un sourire étonné :

-Vous m’en voyez flatté.

Camus termina :

-Et garde du corps de Saga Gemini que voici.

Instinctivement, Milo se raidit et ses yeux se plissèrent. Ainsi, cet homme était Saga Gemini…
L’homme qu’il aurait dû assassiner la veille…

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Saga Gemini était un homme de grande taille, aux alentours du mètre 90, estima Milo au premier coup d’oeil. Il avait de longs cheveux bleus foncés qui descendaient jusqu’au bas de son dos, et un doux sourire illuminait son regard fatigué. Comme si il avait passé une nuit mouvementée… Milo se retint difficilement de ricaner et Saga tendit la main avec bienveillance:

-Je suis heureux de vous rencontrer, Emilio.

Le Scorpion se raidit et resta quelques millièmes de seconde interdit.
Cette voix… Elle ne lui était pas inconnue…

Mais il se reprit et se força à sourire et serra aussi chaleureusement que possible la main de son interlocuteur :

-Moi aussi, Saga.

Milo plissa les yeux et glissa l’air de rien :

-Au fait : félicitation pour votre accession au titre de Seigneur de la maison Atalante.

Le regard de Saga se voilà et il baissa la tête, soufflant d’une voix rauque :

-Merci… Mais à quel prix ?

Camus jeta un regard désapprobateur à son ami, ledit ami ne se gêna pas pour demander :

-Pardon ?

Saga releva la tête, sourcils froncés :

-Shion était comme un père pour moi : mon rang m’importe peu. Si ça pouvait le faire revenir, je serais prêt à tout abandonner !

Milo hocha la tête, compréhensif. Néanmoins, quelque chose le perturbait : cet homme semblait irréprochable. Qui donc pouvait lui en vouloir au point de le faire assassiner ? Mais ses réflexions furent interrompues par Camus qui proposa :

-Bien, que diriez-vous de prendre un verre ?

Milo, les poings sur les hanches, s’écria en riant :

-Ah ! Quelle délicate attention ! Ce n’est pas de refus !

Aioros rit doucement :

-Ca marche pour moi aussi !

Saga esquissa un sourire timide :

-J’en veux bien un aussi alors…

Shura resta en arrière, peu désireux de voir son esprit embrumé par l’enivrement que lui procurerait l’alcool. Tout en marchant, Milo se rapprocha de Camus et souffla :

-Ils se connaissent depuis quand ?

-Ca fait presque 6 ans pourquoi ?

Milo haussa les épaules :

-Simple question.

Il plissa les yeux tout en marchant, fixant le dos de Saga avec insistance. Tous deux semblaient bien se connaître et…
Une lueur rouge éclaira soudain son regard et il sourit. Il avait pour mission de tuer Saga n’est-ce pas ? Qu’est-ce qui l’empêchait de finir le travail ce soir ? Bah, une goutte de poison dans le verre et se serrait ni vu ni connu ! Instinctivement, Milo porta la main à sa poche et retint un ricanement : sa fidèle fiole se trouvait bien là !

Ce poison, c’était sa signature préférée : du venin de Scorpion…
L’ironie parfaite !

Camus tendit un verre à chacun d’entre eux et dès qu’il eut le sien, Milo y versa discrètement deux gouttes du liquide fatal. La couleur rougeâtre du poison se mêla à celle du vin et, en secouant calmement, il fut invisible. Le Scorpion sourit et ne remarqua pas les gros yeux que lui faisait Camus.

Aioros déclara :

-Je voudrais porter un toast à notre ami Camus !

Tout quatre sourirent et alors qu’ils approchaient leurs lèvres de leurs verres, Milo fit mine de glisser et se rattrapa au bras de Saga. Le verre de ce dernier tomba sur le sol et explosa en mille morceaux. Le silence se fit dans la salle et Milo s’écria en exagérant ses mouvements :

-Youps !! Oh ciel ! Je suis navré, mon cher !

-Ce n’est rien ne vous en faites pas, souffla Saga, je vais en prendre un autre.

-Non non ! Je n’en ferai rien ! Je vous en prie, prenez le mien !

Avant que le jeune homme n’ait pu protester, Milo lui glissa son propre verre de force dans la main :

-Je vais en prendre un autre. Oh, Seigneur, que je suis maladroit !

Les gens sourirent et les conversations reprirent de plus belle.

Aioros se mordait discrètement l’intérieur de la joue : cet Emilio Shaula était un vrai clown ! Mais Camus ne partageait manifestement pas son amusement. Il fronça les sourcils et claqua des doigts : une servante accourut et s’empressa de nettoyer les débris de verre. Saga sourit :

-Oh… Merci c’est bien aimable.

La servante s’éloigna et Milo se détourna en souriant : et hop ! Le tour était joué !
Mais alors que le jeune homme aux cheveux bleus approchait son verre de ses lèvres, Camus se précipita sur lui et frappa vivement sur la main du pauvre Saga qui poussa un cri étonné à l’unisson avec Milo:

-Mais?!

-Mais ?!!!!

Le verre s’écrasa à son tour et le silence se fit à nouveau dans la salle. Camus se justifia, singeant le Scorpion sans une once d’humour :

-Oups ! Je suis navré mon cher ! Je ne sais pas ce qui m’a pri !

Il claqua une nouvelle fois des doigts et la servante reparut en trottinant. Une grimace déconfite sur le visage, Milo, effaré, retint un soupir de désespoir qui aurait été mal interprété et se força à sourire :

-Haha Camus ! Quel plaisantin !

Il insista sur le mot « plaisantin » en ébouriffant les cheveux de son ami. Ami qui se dégagea en râlant. Interdit quelques secondes, Saga finit par imiter Aioros qui venait d’éclater de rire. Les invités restèrent un instant interloqués puis se détournèrent en chuchotant :

-On va aller chercher des verres, n’est-ce pas Camus ?

-Grmbl… Certes…

-Nous vous abandonnons quelques petites secondes, messieurs.

Et Milo s’éloigna en trainant Camus derrière lui. Arrivé près du salon, le Scorpion persiffla :

-Mais qu’est-ce qui t’as pris ?! T’as tout fait foirer !

Camus fronça encore plus les sourcils, ce que Milo pensait mathématiquement impossible :

-Tu ne tueras personne sous mon toit. Si tu veux te débarrasser de Saga pour venger ton honneur, tu fais ça dehors.

Milo leva les mains, suppliant :

-Mais Camuuuus !!

-Pas de « Mais Camus » qui tienne. Pas de mort chez moi.

Le Scorpion souffla, faisant voler une mèche de cheveux :

-Pff… C’est parce que c’est toi !

Son ami semblait mécontent et Milo ne préférais pas le pousser à bout. Parce qu’un Camus en colère c’était un Camus dangereux ! Le jeune homme aux cheveux rouges siffla, un verre en main :

-Tiens-toi correctement et concentre-toi sur la personne que tu dois retrouver.

Milo esquissa un sourire mauvais :

-Tes désirs sont des ordres, seigneur

Camus se retourna, faisant voler sa longue chevelure de feu :

-Pardon ?

Si ses yeux avaient pu lancer des éclairs, Milo aurait été foudroyé sur le champ ! Le Scorpion leva les mains et, aussi courageux fut-il, sentit un filet de sueur rouler le long de sa tempe :

-Non rien ! Héhé !

-Il me semblait bien.

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L’étrange comportement de Camus fut vite oublié et la réception reprit son cours normal. Milo rongeait son frein et réfléchissait à un moyen d’éloigner Saga d’Aioros. Ces deux-la étaient inséparables. Ils semblaient partager une forte amitié sincère et complice… Ce qui ne facilitait pas le travail du Scorpion !

Parce que, pour découvrir un ennemi potentiel de Saga, il fallait le faire parler. Mais s’il restait collé à Aioros comme un chewing-gum reste collé à la semelle de chaussure, ça risquait de rendre la mission de Milo quasi-impossible! Et le Scorpion détestait l’échec !

Enfin, Aioros alla déposer son verre et Milo se jeta presque sur Saga :

-Encore désolé pour votre verre, très cher.

Saga esquissa un sourire bienveillant :

-Ne vous en faites pas, il n’y a pas de mal.

Milo tourna la tête à gauche, à droite puis se pencha en avant :

-Pourrions-nous parler en privé ? Sur la terrasse par exemple.

Saga fronça un sourcil :

-Bien sûr.

Comme ils s’éloignaient, Milo se rendit compte que toutes les dames se retournaient sur leur passage et il sourit : même les donzelles de la haute-ville ne pouvaient résister à son charme ! Seulement, Saga ne semblait pas se rendre compte que lui aussi attirait les regards…

Milo trouvait ça bien étrange : tout homme devrait s’arranger pour que les femmes tombent dans ses filets mais le jeune homme semblait désintéressé. Etrange… Bizarre…

Ils arrivèrent à la terrasse et Milo s’appuya à la balustrade en soupirant. Le vent joua quelques secondes avec des mèches blondes qui s’étaient échappées du ruban puis Saga rompit le silence :

-De quoi vouliez-vous me parler ?

Milo prit le temps de se redresser avant de se lancer :

-J’ai entendu dire que vous aviez été victime d’une intrusion dans votre nouvelle demeure. Les rumeurs disent-elles vrai ?

Saga hésita un instant puis souffla :

-Oui.

-Oh ciel !! Mais c’est horrible !

Fit mime de s’horrifier le Scorpion. Saga esquissa une grimace étonnée et Milo se rattrapa :

-Comment est-ce arrivé ? Votre maison est sans doute la mieux protégée de la ville non ?

Saga passa une main gênée dans ses cheveux foncés :

-Un assassin de pacotille s’est infiltré chez moi pour… me tuer.

Milo écarquilla les yeux : comment ça « assassin de pacotille » ?! M’enfin ! Quel manque de respect !
Le jeune homme aux cheveux blonds se pencha et souffla :

-On dit que c’était le fameux… Scorpion.

-Oui… Lui-même.

-Et vous avez gardé votre sang-froid ?!

Saga sourit :

-J’ai un garde du corps performant. Un peu effrayant mais performant.

-C’est vrai, répondit Milo en feignant l'ignorance, Shura a vraiment l’air efficace ! Mais il ne me semble pas… « effrayant » ? Réservé certes mais effrayant ? Il me semble digne de confiance.

Le jeune homme aux cheveux bleus pouffa :

-Non, je ne parle pas de Shura ! J’ai recruté un garde du corps supplémentaire il y a quelques temps : on le surnomme « Masque de Mort ». Vous avez du en entendre parler non ?

-Je… Hum, certes : on ne m’en a pas dit que du bien d’ailleurs ! Il ne m’inspire pas vraiment confiance.

Saga sembla surpris :

-Oh vraiment ? Si vous lui parliez peut-être vous semblerait-il moins…

-Il est ici ?!

S’exclama le Scorpion plus fort qu’il ne l’aurait voulu. Saga fronça les sourcils :

-Bien sûr : que serais-je sans mes gardes du corps ?

Milo frémit et passa machinalement sa main sur l’étoffe qui couvrait son épaule :

-Ah… En effet… He bien je ne préfèrerais pas m’entretenir avec ce personnage. Nous ferions peut-être mieux de rentrer non ? Le vent se fait frisquet !

Le Scorpion trottina vers l’intérieur en se mordant l’intérieur de la joue : si Angelo l’avait vu, il allait avouer à Saga qui était vraiment Emilio Felippe Shaula et s’en serait fini du Scorpion ! Le jeune Seigneur aux yeux bleus-mer haussa les épaules et suivit Milo à l’intérieur : après tout, Masque de Mort n’avait jamais inspiré la confiance !

Saga fut agacé de constater que les femmes se retournaient encore sur son passage : quoi ?! Il avait une tache de vin sur sa tunique ? (Ce qui, soit dit en passant, ne serait pas improbable vu la fréquente manie des personnes alentours à vouloir faire tomber les verres !)

Milo se rendit compte de son trouble et se rapprocha :

-Un problème ?

Saga jeta un regard à droite et souffla :

-Pourquoi est-ce qu’elles nous regardent comme ça ?

Milo dut se mordre la lèvre pour ne pas exploser de rire :

-He bien…

Il dévisagea Saga avec attention, tel un médecin examinant un spécimen rare : un visage fin, des yeux clairs, la peau lisse,… Il hocha la tête, le menton entre les doigts : Saga faisait donc partie des « Beaux gosses qui s’ignorent » ! Typique !

-He bien, si je puis me permettre ce langage prolétaire, vous êtes ce qu’on appelle plus communément un « canon » mon cher !

A la seconde où il prononça le mot « canon », Milo sut qu’il avait fait une bêtise.
Il pinça les lèvres mais trop tard, le mal était fait.

Saga se retourna vivement et l’empoigna par le col, comme devenu fou :

-Qu’est-ce que vous savez ?!

Feula-t-il en rapprochant dangereusement son visage de celui de Milo. Le Scorpion tiqua lorsqu’il se rendit compte que les prunelles si claires de Saga venaient de virer au rouge sang.

Chapter Text

-Je… *gloups* Je ne comprends pas !

Tenta le Scorpion en essayant de desserrer la poigne de son agresseur. Ce dernier gronda :

-Pourquoi me parlez-vous de lui?! Comment le connaissez-vous ?!

Milo essaya de déglutir, ne put pas à cause des mains de Saga qui serraient son col de chemise déjà trop petite, secoua la tête :

-Je ne sais pas… Ce que vous voulez dire !

Saga plissa ses yeux rouges et Milo aperçut quelques mèches grises parsemer les cheveux bleus du jeune homme :

-Vous mentez !

S’énerva-t-il encore. Sa poigne se resserra sur la gorge de Milo qui se débattit, dos au mur (au sens propre comme au figuré) :

-Je… Je vous assure que je… ne comprends pas !

Même si il avait voulu se dégager, il n’aurait pas pu tant Saga mettait de force dans sa main. Il essaya encore de raisonner son agresseur :

-Je ne sais pas… De quoi vous parlez !

Saga esquissa un horrible sourire et serra soudainement la main, griffant Milo sans ménagement. Le Scorpion s’étrangla et toussa, à la recherche d’air. Un mince filet de sang roula le long de son menton et Saga grogna :

-Ne jouez pas au malin avec moi, Emilio. Ca pourrait mal finir.

Milo essaya d’inspirer de l’air, griffa la main de son agresseur en se débattant et souffla avec le peu de forces qu’il lui restait :

-Arrêtez !

Enfin, le jeune homme aux cheveux bleus parut reprendre ses esprits et se recula précipitamment, lâchant le pauvre Milo qui glissa sur le sol en toussant : mais c’est qu’il avait failli le tuer cet imbécile ! Saga secouait lentement la tête de gauche à droite, blanc comme un linge et tremblant comme une feuille. Il balbutia d’une voix chancelante :

-Je… Je ne… Pardonnez-moi, Emilio ! Je ne sais pas ce qu’il m’a pris !

Il se baissa en tendant une main secourable au Scorpion qui la repoussa :

-Je n’y tiens pas.

Milo se releva en s’agrippant du mieux qu’il pouvait au mur et essuya le sang qui venait de sécher sur son visage. Foudroyant Saga du regard, il se détourna en se frottant la gorge :

-Il serait préférable… Qu’on ne se revoie pas.

-Oh mais, tenta le jeune homme aux cheveux bleus en faisant un pas vers lui.

-Plus jamais.

Saga baissa la tête, couvrant son visage d’une mèche de cheveux :

-Je… Je comprends. Pardonnez-moi…

Milo renifla avec dédain et se dirigea vers la sortie, souriant malgré lui : il savait maintenant qui était son fameux client !

Comme il se dirigeait vers le hall principal, il croisa Aioros et Camus qui bavardaient et le jeune homme aux cheveux bruns demanda avec une mine étonnée :

-Tiens, Emilio! Vous êtes tout pâle !

Oui en effet, quand on est sur le point de mourir étranglé il est plutôt normal d’avoir une petite mine ! Bien joué Einstein !

Jugeant inutile de répondre, Milo laissa Aioros terminer :

-Que se passe-t-il ?

-Rien rien. Je me sens mal soudain, sans doute la fatigue due au trajet. Je suis navré mais je me vois dans l’obligation de partir.

Camus fronça un sourcil mais se tut. Aioros, l’air inquiet, demanda gentiment :

-Est-il arrivé quelque chose ? Et où est Saga ?

Termina-t-il en tournant la tête pour tenter de repérer son meilleur ami. Milo ricana et murmura pour lui-même :

-Il faut le faire soigner votre ami…

-Pardon ?

-Non rien ! Il ne s’est rien passé. Il est toujours là-bas : courez le rejoindre, je pense qu’il vous attend.

Aioros fronça les sourcils et s’en fut à la recherche de son meilleur ami, perturbé par l’étrange comportement de Milo. Camus chuchota :

-Que s’est-il passé ?

Milo souffla :

-Ce Saga n’est pas aussi net qu’il n’y paraît : il vient d’essayer de m’étrangler ! Si tu veux mon avis, c’est un fameux psycopathe qui s’ignore !

Camus haussa un sourcil en entendant cela. Il ouvrit la bouche pour parler mais fut interrompu par un petit diable blond qui se jeta dans ses jambes en sanglotant:

-Paraaaain !! Isaak n’arrête pas de m’embêteeer !!!

Camus soupira et retint un gémissement de dépit :

-Hyoga ! Je parle ! Ne t’ai-je donc rien appris ? Quand les gens parlent, on ne les interrompt pas : c’est malpoli !

Gronda-t-il en essayant de décoller ledit Hyoga de ses jambes. Milo, toute colère envolée, retint un fou rire tandis que Camus secouait presque la jambe pour se débarrasser du jeune garçon blond.

La mère de Hyoga et celle de Camus étaient de bonnes amies depuis longtemps et, à la naissance de Hyoga, son ami s’était retrouvé affublé d’un petit filleul. A la mort de Natassia (la mère de l’insupportable blondinet), quelques années auparavant, il avait décidé de recueillir le petit garçon. Ce qu’il ne savait pas c’est que Natassia elle-même avait adopté un petit chenapan deux ans plus vieux que Hyoga ! Du coup Camus se retrouvait parrain célibataire de deux enfants !!

Sauf que Camus détestait les enfants.

Ils allaient à l’internat de l’école la plus proche, autant pour parfaire leur éducation que pour permettre à leur pauvre tuteur de se reposer en attendant les prochaines vacances où il aurait la chance de recevoir les deux chenapans… Joie bonheur…

Hyoga venait d’avoir 12 ans et Isaak avait 14 ans bien faits. Et l’air de rien, quand les vacances étaient là et que Camus se voyait dans l’obligation d’héberger les deux monstres, la maison, d’ordinaire si calme, devenait bien bruyante.

Tandis que Camus essayait de dégluer son filleul de sa jambe, un jeune garçon à la courte tignasse verte arriva à leur niveau en trottinant, un sourire malicieux sur le visage :

-Qu’est-ce qu’il a, Hyoga ?

-Il a que tu l’ennuie, Isaak. Je te somme de le laisser. Rah ! Et toi lâche moi !

-Ouiiinn !!

Milo se détourna le temps de laisser échapper un petit rire : Camus en père de famille c’était juste trop drôle !

Enfin débarrassé de son pot de colle, son ami gronda les deux chenapans en levant un doigt menaçant en l’air :

-Si vous ne vous calmez pas, vous allez passer la nuit avec les chiens compris ?! Je suis très sérieux et vous le savez.

Hyoga renifla et Isaak singea un salut militaire :

-A tes ordres, Camus!

-*Snif* D’accord, parrain…

-Et je t’ai déjà dit de m’appeler par mon prénom !

S’énerva-t-il en posant ses poings sur ses hanches. Hyoga baissa la tête, penaud :

-Oui parr…Camus.

Camus soupira de dépit :

Pourquoi moi ?!, songea-t-il en levant les yeux au ciel.

Autant Isaak était déjà fort « adulte », autant Hyoga était un vrai pleurnichard bien trop émotif pour son âge ! Tout le temps en train de pleurer ou de se plaindre ! Un vrai casse-pied de classe mondiale ! Peut-être même le champion du monde !

-Allez : déguerpissez avant que je ne me fâche.

Les deux garçons s’en furent en trottinant et Camus se tourna vers Milo en lissant le bas de sa tunique :

-Bon, où en étions-nous ?

Milo plaqua sa main sur sa bouche pour s’empêcher d’éclater de rire :

-Tu les ferais sérieusement dormir avec les chiens ?

-Oui si ça peut les calmer.

-T’es pas sérieux là ?!

-Est-ce que j’ai l’air de rigoler ?

Milo hésita : non en effet. En même temps, Camus n’avait jamais l’air de rigoler ! Le Scorpion mit plusieurs minutes à calmer son fou rire puis Camus gronda, une légère rougeur aux joues :

-Bon ça va : tu as fini ? Raconte-moi plutôt ce qu’il s’est passé avec Saga.

Milo hoqueta encore quelques secondes puis balbutia :

-Il a… Enfin… Il est devenu comme fou… Il m’a empoigné et m’a menacé.

Camus fronça les sourcils :

-Pardon ?

-Je te jure que oui !

-Pardon ?!

Se ré-écria le Français, un œil plissé avec suspicion. Milo leva la main et posa l’autre sur sa poitrine :

-Je te donne ma parole d’honneur !

-Pardon ?

Bon, manifestement, Milo venait de perdre Camus qui semblait être en mode « bug ». Le Scorpion soupira et répéta :

-Il a essayé de m’étrangler ! Ce type est un fou dangereux !

-Tu as un honneur ?

-Il a…

Commença Milo avant de se rendre compte que Camus se fichait méchamment de sa poire. Il fronça les sourcils en ricanant:

-Mais c’est que tu deviendrais méchant, ma parole !

Camus esquissa un sourire :

-J’ai eu un bon professeur.

-Ah ben tu vois quand tu veux !

Son ami pouffa à son tour (d’ailleurs Milo faillit faire une attaque tellement c’était rare !) avant de demander beaucoup plus sérieusement :

-C’est impossible Milo : Saga est un modèle de gentillesse, il ne ferait pas de mal à une mouche.

-Et pourtant ! Moi je te dis que c’est pour ses sautes d’humeur qu’Il lui en veut !

Camus haussa les sourcils :

-Il ?

-Mon client.

-Tu as trouvé qui s’était ?

-Je pense… Mais ça me semble bizarre qu’Il ait voulu me faire la peau…

Camus tourna discrètement la tête vers la droite :

-Où est-il ?

-Ne te fatigue pas : Il n’est pas ici.

Le jeune Français fronça les sourcils :

-Comment peux-tu savoir qui est réellement ton client ?

Milo sourit, une lueur rouge traversant ses prunelles claires :

-Elémentaire, mon cher Camus ! C’est en prononçant son nom par inadvertance que Saga a pété les plombs !

Camus se massa la tempe, les yeux fermés :

-Tu as fait exprès de faire sortir Saga de ses gonds tout en sachant que tu mettais ta vie en jeu… Tu l’as fait exprès ? Avoue.

Milo sourit malicieusement :

-Je n’ai pas dit ça.

-Tu as eu de la chance alors ?

-Je n’ai pas dit ça non plus.

-Milo ! Ne joue pas avec mes pieds ! Tu sais très bien comment ça finirait !

S’énerva-t-il soudain, faisant pouffer son ami. Mais bien vite, Milo plissa les yeux :

-J’ai dit que je devais allez voir mon supposé client… Je reviendrais te voir quand j’en aurais la certitude.

-Quoi ? Mais et ma tunique ?!

S’effara le Français : la dernière fois que Milo s’était invité chez lui, sa chemise était dans un triste état ! Et le pauvre Camus avait peur de voir sa magnifique tunique rouge tâchée ou pire… Trouée ! Milo leva la main, toujours aussi souriant :

-A demain, Camus !

-Milo attend !

Camus tendit la main mais s’immobilisa. C’était inutile : Milo venait de littéralement disparaître… Le laissant seul avec…

-Parrain Camuuuus !!

Il frissonna : mais qu’est-ce qu’il lui avait pris le jour où il avait décidé de recueillir ces enfants ?!

Chapter Text

Le Scorpion s’enroula dans sa cape sombre (qu’il avait récupérée dans la chambre de Camus avant de s’enfuir) et frappa à la porte. Un petit judas s’entrouvrit, laissant apercevoir un œil grincheux :

-C’est pour quoi ?

-Je viens voir le Dragon.

-De la part de qui ?

Gronda le gardien. Milo souleva légèrement son chapeau et sourit :

-De la part d’un vieil ami... Dis-lui que le Scorpion n’oublie pas ses connaissances.

L’homme pâlit et le judas se referma. Milo attendit patiemment (enfin, autant que possible) et, quelques secondes plus tard, la lourde porte de bois s’ouvrit :

-Entrez, Scorpion, le grand Dragon des Mers va vous recevoir.

Milo abaissa son chapeau et se pencha pour entrer dans la petite baraque (qui méritait plutôt le nom de caverne). Le garde le regarda avec un mélange de crainte et d’admiration et lui désigna une porte au bout du long couloir sombre, éclairé seulement par quelques torches :

-Par ici je vous prie.

Milo avança à la suite du petit homme en regardant curieusement autour de lui : sombre, humide, le couloir laissait franchement à désirer. Comment pouvait-Il vivre ici ?

Le garde s’arrêta et frappa deux coups :

-Le Scorpion, Señor.

Une voix gronda, étouffée par le bois épais de la porte :

-Fais-le entrer et laisse-nous.

L’homme poussa la porte et s’inclina désignant la pièce du bras :

-Entrez, Scorpion, il vous attend.

-Je vois ça.

Sourit Milo en pénétrant dans la pièce, sombre elle aussi. La porte se referma et le Scorpion se retrouva plongé dans l’obscurité quasi-totale.
Une allumette craqua, éclairant faiblement le visage de son interlocuteur :

-Tiens ! Milo ! Ca fait un bail…

Le Scorpion sourit et s’avança calmement vers le fond de la pièce :

-Yo vieux pirate ! Comment vas-tu ?

L’homme étira ses jambes sur la table qui lui faisait face :

-Tu n’es pas venu ici pour bavarder comme une veille femme. Allons droit au but : que me veux-tu ?

L’allumette décrivit un cercle et une bougie éclaira la petite pièce, dévoilant l’entièreté du corps de l’homme : de longs cheveux bleus azur descendant en cascade dans le bas de son dos, un visage fin, des yeux clairs et pourtant menaçants… Milo sourit :

-Tu es le portrait craché de ton frère, Kanon. C’est fou comme tu lui ressembles.

L’homme se redressa et frappa des deux poings sur la table, une grimace de rage déformant son visage :

-Ne me parles pas de lui ! Et arrête de dire des conneries, Milo ! Je ne suis pas comme cet hypocrite de Saga !

Il se rassit et croisa les bras :

-Cet enfoiré m’a tout pris ! Tout tu entends ?! Ma jeunesse, mon titre, mon rang et même mon honneur !

-Tu le hais à ce point ?

Commenta simplement Milo en tirant une chaise pour s’assoir :

-Comment ne pas le haïr ?! Le « parfait » Saga est tellement génial ! (Singea Kanon en grinçant des dents, contenant sa rage avec difficulté.) Mais qu’est-ce que je peux y faire : je suis et je reste son ombre ! Le démon et le fléau de la famille !

-Tu es trop dur avec toi-même, Kanon.

Milo se pencha et attrapa la bouteille de whisky qui trainait sur la table pour se servir tranquillement :

-Tu savais que j’allais venir ?

-Hum ?

Kanon semblait sortir d’un mauvais rêve et Milo sourit en désignant la bouteille :

-Tu as sorti des verres et une bouteille : tu étais au courant de ma venue ?

Le Dragon se cala confortablement contre le dossier de sa chaise et toussota :

-J’ai… croisé un drôle de type qui m’a dit que j’allais recevoir la visite d’un vieil ami et j’ai tout de suite su qu’il parlait de toi.

Milo s’étrangla avec sa gorgée de whisky et se mit à tousser. Kanon haussa les sourcils :

-Ca va ?

-Argh ! Ca va ! *hum hum !* Un… « drôle de type » ?

-Ouais. Je sais ça paraît bizarre mais…

-Est-ce qu’il avait de longs cheveux blonds ?

L’interrompit Milo, criant presque. Kanon fronça les sourcils, interloqué :

-Ouais…

-Il marchait les yeux fermés ?

-Comment tu le sais ?

Milo toussota en se frappant la poitrine :

-Parce que je l’ai croisé deux fois en deux jours. Et je ne pense pas que c’était dû au hasard.

Ils restèrent un instant silencieux, le temps que Milo se remette de ses émotions puis, Kanon demanda :

-Pourquoi es-tu venu Milo ?

Le Scorpion avala une gorgée de whisky puis plissa les yeux :

-Hier, un client m’a payé pour tuer Saga.

Kanon se redressa en souriant :

-Ah ah !

Milo fronça les sourcils mais, avant d’avoir pu parler, l’homme aux cheveux azurs grogna :

-Mais tu ne l’as pas fait.

C’était une affirmation : Kanon semblait savoir quelque chose… Bizarre…

Milo demanda, surpris :

-Comment peux-tu le savoir ?

Kanon se balança en arrière, les bras croisés derrière sa tête :

-Saga et moi sommes jumeaux : malgré nos différents, il y a toujours eu un lien très fort entre nous. Si mon frère avait été tué, je l’aurais « senti » à l’instant même…

Milo hésita quelques secondes puis murmura sur le ton de la confidence, obligeant Kanon à se pencher :

-Si j’ai échoué…

Kanon l’interrompit et le railla en le pointant d’un doigt accusateur :

-Ah ! La honte !!

Il se tut lorsque Milo lui fit les gros yeux. Le Scorpion continua :

-Si j’ai échoué, c’est parce que quelqu’un l’a mis au courant de ma venue.

Le silence se fit, lourd d’accusations et de doutes. Un silence que Kanon rompit :

-Et tu penses que c’est ton client qui a cafté ?

-Je crois.

-Et il a fait ça juste pour te coincer ? Ou plutôt, non, pour faire d'une pierre deux coups ?

-On dirait…

De nouveau, un court silence, rompu par le Dragon :

-Tu penses que c’est moi ?

Milo se contenta de le fixer, blessé malgré tout par la trahison de celui qu’il pensait son ami… Kanon se pencha en avant, menaçant :

-Tu sais, Milo… Si je voulais voir mon cher et tendre frère mort, je ne me serais pas entiché d’un assassin.

-Comment est-ce que je peux en être sûr ?

Kanon esquissa un sourire mauvais :

-Primo : parce que je ne te veux aucun mal et deuzio : parce que je l’aurais fait moi-même !

Milo hésita puis souffla :

-Tu… le tuerais de tes mains ?

-Rien ne me ferait plus plaisir que de voir Saga baignant dans son propre sang. À condition que se soit moi qui plante le couteau dans son cœur !

Kanon leva la tête en riant comme un possédé, laissant Milo plus que perplexe quant aux capacités mentales de son… Ami ? Mouais… Quand l’homme se fut calmé, Milo se leva :

-Pardon d’avoir douté de toi Kanon. Je ne vais pas t’ennuyer plus longtemps.

-Tu t’en vas déjà ?! (S’effara le Dragon.) Mais on commençait seulement à s’amuser !

Milo rit :

-Je ne voudrais pas m’immiscer dans tes pensées fratricides !

Kanon ricana :

-Pourtant tu as tort : c’est extrêmement jouissif !

-Non merci, sans façon, je n’y tiens pas !

-Comme tu le sens.

Alors que le Scorpion s’approchait de la porte, le jeune homme aux cheveux bleus l’appela :

-Hé Milo ?

-Hm ?

-Tu as bien fait de venir t’assurer de ma loyauté. Si je peux te donner un conseil : ne fais confiance à personne. Surtout pas à tes amis.

Milo plongea ses yeux dans ceux de Kanon :

-Et nous, est-ce qu’on est amis ?

Le Dragon pouffa :

-Pff ! Même pas en rêve !

Le Scorpion sourit :

-Merci Kanon.

-Pas de quoi.

La porte se referma et Milo sortit, le cœur plus léger qu’à son arrivée.

Chapter Text

11 ans auparavant…

-Pardon madame !

Milo venait de bousculer une jeune dame à l’épaisse robe et, vif comme l’éclair, venait de lui chiper sa bourse. Et vu la finesse et la corpulence de la robe, cette dame devait être riche et ne se promenait sans doute qu’avec de l’or en poche ! Tranquille, tranquille !

Le petit garçon blond sourit et croqua dans la pomme qu’il avait « subtilisée » à un humble étalage. Il soupira d’aise : Angelo serait content de lui! Milo leva la tête et se mit à courir : aujourd’hui, il serait là ! Chaque semaine, son modèle lui donnait rendez-vous et ils parlaient tout l’après-midi.
Il ne fallait pas le faire attendre !

Le futur Scorpion trottina vers une ruelle où il se savait attendu et souffla :

-Hep ! Kanon !

Un adolescent aux longs cheveux azurs se retourna, sourcils froncés :

-Où étais-tu passé enfin ?! J’ai failli attendre !

Milo baissa la tête puis la releva en souriant malicieusement :

-Ca te fera les pieds tiens !

Kanon hésita puis éclata d’un rire mauvais que le petit garçon avait appris à apprécier, voire à admirer (et même à imiter):

-Haha ! Bien envoyé ! Ca c’était de la réplique ! Allez, tope-là !

Il tendit la main et le garçon blond frappa avec un grand sourire dans la paume de l’adolescent. Il avait rencontré Kanon deux ans plus tôt, alors qu’il était pris en chasse par un garde. Il s’était planqué dans un panier et le grand garçon avait mené le soldat sur une fausse piste. Depuis, Milo ne lâchait plus son modèle d’une semelle, buvant ses paroles, s’abreuvant de ses expériences, des étoiles d’admiration plein les yeux. Kanon avait 8 ans de plus que lui et venait d’avoir 17 ans. Pourtant Milo, du haut de ses 9 ans et demi, s’entendait suuuper bien avec son meilleur grand frère-ami du monde entier !

L’adolescent ébouriffa la tignasse blonde du futur Scorpion et demanda :

-Alors, comment ça va depuis la semaine dernière ?

-Pas mal, merci.

Des étoiles plein les yeux, Milo demanda :

-Et toi ?

Kanon haussa les épaules :

-Boh…

Le blond cligna plusieurs fois des yeux sans quitter son modèle des yeux. Se sentant « légèrement » fixé, le grand garçon soupira :

-Je… me suis encore disputé avec mon frère.

-Oh…

Milo baissa la tête en grattant le sommet du crâne : il n’aimait pas voir Kanon fâché ou encore triste. Parce que, quand Kanon était fâché, il fallait mieux ne pas être dans les parages ! Le grand garçon se pencha et esquissa un sourire :

-Alors ? Tu as parlé à ta chérie ?

Milo rougit furieusement et se tordit les mains :

-Je… Tu ne… Ben… Heu… Elle s’appelle Ariane d’abord !

Kanon ricana :

-Ariane, si tu veux ! Bon, mais la question reste la même : tu lui as avoué ce que tu ressentais pour elle ?

Milo se sentit rougir plus qu’il ne pensait en être capable et balbutia :

-Bah… Non j’ai pas osé lui dire en fait…

Kanon se pencha :

-Quoi ?

-J’ai pas osé.

Le grand garçon se frappa le front du plat de la main et empoigna fraternellement Milo par les épaules :

-Ecoute, Milo : si tu veux qu’elle soit à toi un jour, tu dois agir maintenant, ok ?

-O..Ok !

Milo était partagé : Kanon parlait d’Ariane comme si c’était un objet qu’il fallait posséder à tout prix… Et le petit garçon blond n’était pas sûr que s’était bien de dire (ou même de penser) une telle chose… Mais bon, si Kanon le disait, c’était sans doute vrai ! Non ?

Le jeune garçon aux cheveux azurs le lâcha et recula, prenant une pose théâtrale :

-Ce que tu dois faire, c’est la serrer dans tes bras, tendrement. Pigé ?

Milo hocha frénétiquement la tête et Kanon continua :

-Et alors tu lui dirais quelque chose dans le genre… « Je ne peux pas imaginer vivre sans toi. » Puis tu lui relève le menton, tu lui souris « Parce que ma vie se résume en un mot : toi. »

Milo était ébahi : Kanon était trop fort comme professeur !! Sûr qu’Ariane serait amoureuse de lui après !

Le grand garçon continua :

-Tu enchaînes avec un « Et vivre sans toi, ce n’est pas une vie… » Et enfin… Tu lui assène le coup de grâce…

Milo ouvrit de grands yeux et chuchota :

-Le coup de grâce…

-« Parce que je t’aime ! »

Milo cligna des yeux :

-Ouaw… ça c’est top…

Kanon se pencha en avant et souffla :

-Alors tu te penches en avant, tu effleures ses lèvres avec les tiennes puis…

Milo grimaça tandis que Kanon esquissait un sourire qui sembla malsain au blondinet :

-Puis tu l’embrasses !

Le futur Scorpion grimaça :

-Eerk ! Mais c’est dégueu Kanon ! Je vais pas faire ça !

-Si tu veux que ta pote devienne plus qu’une amie, c’est mon conseil.

L’adolescent se détourna et croisa les bras, les yeux plissés et le sourire aux lèvres :

-Maintenant ce n’est pas mon problème… Tu fais comme tu le sens…

Milo se mordit la lèvre sans pouvoir retenir une grimace de dégout : beurk ! Il n’allait pas embrasser Ariane ! C’était absolument dégoutant ! Mais… Si Kanon disait qu’il fallait le faire… Le jeune garçon blond soupira :

-Pff… D’accord… Je vais le faire…

-Ahah ! Fais-moi confiance Milo ! Ca marchera comme sur des roulettes !

Kanon frappa amicalement dans le dos de Milo et le poussa vers la rue principale :

-Allez ! Va vite mettre notre technique à exécution ! Fonce mon gars!

Milo trottina puis s’arrêta et se retourna :

-Merci pour tout… Grand frère.

Kanon sursauta et plongea ses yeux dans le regard clair du petit garçon. Il esquissa un semblant de sourire :

-Ne m’appelle pas comme ça ! Je ne suis pas quelqu’un de bien Milo. Je ne suis qu’un…

Il se tut, coupé par le petit garçon blond qui venait de se jeter dans ses bras et le serrait contre lui avec une force surprenante pour son âge :

-Ne dis pas ça.

Le grand garçon hésita puis referma ses bras sur Milo qui continuait, la tête enfouie dans les vêtements de son modèle :

-Tu es le meilleur grand frère que je puisse rêver d’avoir, Kanon. Tu es trop dur avec toi-même tu sais… Si tu n’étais pas quelqu’un de bien, tu ne m’aurais pas sauvé la vie ce jour-là.

Milo leva la tête et sourit :

-Et si il y a une personne sur Terre à qui j’aimerais beaucoup ressembler quand je serai grand : c’est toi !

Kanon fixa le petit garçon qui lui faisait face, la bouche pincée et les sourcils froncés. Pourtant, malgré tous ses efforts pour la retenir, une larme roula lentement sur sa joue. Milo posa la main sur le visage de son aîné, arrêtant la course de l’unique signe de faiblesse de Kanon :

-Tu es triste ?

Demanda-t-il doucement. La voix rauque, Kanon souffla :

-Non… Au contraire, je suis heureux… C’est moi qui dois te remercier…

Kanon s’accroupit pour se retrouver à la hauteur du garçon et lui caressa le sommet du crâne :

-Tu sais, j’ai toujours souffert des comparaisons entre mon frère et moi : on me dit que je ne suis qu’un démon et que je risque d’entraîner… (Il voulut prononcer le nom de Saga mais renonça : Milo n’avait pas à savoir comment s’appelait son hypocrite de frère) de l’entraîner avec moi dans la déchéance.

Milo haussa un sourcil : déché…quoi ? Il voulut demander ce que c’était que la « déchaînance » mais Kanon continuait :

-Mais tu m’as sorti la tête hors de l’eau. Tu as cru en moi et tu m’as donné ma chance. Et c’est pour ça que je te remercie… Petit frère.

Milo sourit et rosit de fierté : c’était tellement rare que Kanon parle comme ça ! Et puis « petit frère » ! La classe ! Le blondinet enfouit son visage dans les plis de la tunique de Kanon :

-Je croirai toujours en toi, grand frère…

Kanon sourit et serra Milo contre lui en soupirant :

-Merci, Milo…

Ils restèrent un instant enlacés puis Kanon se releva et toussota :

-Allez ! Va vite conquérir le cœur de ta fameuse Floriane !

-Ariane !

Kanon leva la main :

-C’est joli aussi. Allez va ! Fonce avant qu’elle ne s’en aille !

Milo sourit et trottina vers la rue principale. Juste avant de disparaître de la vue de Kanon, il se retourna et leva la main :

-À la semaine prochaine, grand frère !

Kanon le salua d’une main, l’autre se trouvant nonchalamment dans la poche de sa tunique :

-Ciao… Frangin…

Ils continuèrent de se voir une fois par semaine pendant un an. Puis Milo rencontra Camus et passa plus de temps avec le jeune Français.

Kanon n’était pas vexé : il était normal que Milo veuille passer plus de temps avec un enfant de son âge. Lui, allait sur ses 18 ans : il se faisait trop vieux pour jouer avec un chenapan de 10 ans ! Et puis il avait trop de problèmes avec Saga pour pouvoir se permettre de jouer. Kanon grinça des dents : leur mère étant morte à leur naissance, leur père les avait abandonnés ici à l’orphelinat. Si au début ils s’entendaient comme les doigts de la main, ils avaient bien vite finis par se détester. Saga trouvait Kanon puéril et irresponsable tandis que Kanon trouvait Saga coincé et hypocrite.
Le duo d’Enfer…

Ils avaient été recueillis par le Señor Shion Atalante, un homme bon et juste qui prenait soin d’eux et les traitait comme ses propres fils. Mais Kanon en avait plus que marre de devoir apprendre ses leçons ! Courir avec Milo dans les rues semblait beaucoup plus amusant !

Le jeune homme soupira et poussa la porte de la propriété des Atalante. Saga était assit sur le banc de marbre qui faisait face à une superbe fontaine, en train de lire.
Encore.

Kanon ricana :

-Encore en train de potasser ?

Sans lever les yeux de son ouvrage, Saga répondit :

-Tu devrais en faire autant Kanon : ça te rendrait moins bête et plus évolué.

Le jeune homme aux cheveux bleus leva la tête en poussant un cri surpris lorsque son livre lui fut arraché des mains :

-Hé !

-Gné gné gné ! Toujours en train de me faire la morale ! Tu n’es pas mon père pigé ?

-Et heureusement.

Kanon gronda :

-Qu’est-ce que tu insinues ?!

-Ne fais pas l’enfant, tu veux ! Rends-moi ce bouquin et va étudier, c’est ce que tu as de mieux à faire.

L’adolescent aux cheveux azurs ricana et tendit le bras au dessus de l’eau :

-Viens le chercher alors.

Saga écarquilla de grands yeux horrifiés :

-Arrête…

Souffla-t-il en tendant la main. Kanon ôta deux doigts de la reliure de cuir :

-Oups ! Je pense qu’il commence à me glisser des doigts…

Saga se leva lentement :

-Non. Ne fais pas ça, Kanon. Je t’en prie.

Kanon hésita à peine puis esquissa un horrible sourire :

-Pour toi ce sera « je t’en supplie »

Saga tendit la main :

-Arrête de faire l’enfant ! Tu es un adulte à présent alors arrête de te comporter comme un sale gosse pourri gâté ! Rends-moi ce livre: il n’est même pas à moi !

Kanon leva la tête et éclata d’un rire diabolique :

-Sans blague ?! Tu aurais volé un livre du vieux Shion ?

-C’est faux : il me l’a prêté ! Et je t’interdis de parler du Señor Shion comme ça !

Gronda Saga en fronçant dangereusement les sourcils. Kanon se pencha et ôta un autre doigt de l’objet tant convoité :

-Je parle de lui comme je veux. Tu l’as dit toi-même frangin : je suis un adulte et j’ai le droit de faire et de dire ce que je veux !

-Arrête, Kanon.

-Et laisses moi te dire que j’en ai plus qu’assez de l’autre schnoll! On ferait mieux de s’en débarrasser et de garder son héritage pour nous...

Saga ouvrit de grands yeux estomaqués :

-Que… Quoi ?! Comment oses-tu dire une chose pareille ?!!

Le jeune homme leva la main et frappa du poing. Kanon s’écroula sur le sable et lâcha le livre qui atterrit directement dans la fontaine. Les poings serrés, Saga n’essaya même pas d’aller le récupérer :

-Même si tu es mon frère, je ne pourrais jamais te pardonner d’avoir dit une horreur pareille ! Tu me dégoûte Kanon ! Comment peux-tu seulement avoir des pensées aussi tordues ?!

Kanon ricana et se releva lentement :

-Allons Saga, cesse de jouer les vertueux : je peux t’aider à l’éliminer, je veux même bien faire le sale boulot... Personne n’en saura rien et nous serons les seuls maîtres de cette maison.

Saga empoigna violement son frère par le col :

-Imbécile ! Es-tu devenu complètement fou ! Il nous a recueilli et élevé et toi tu parles de l’assassiner ?! Comment oses-tu me parler de le trahir ?!

Kanon referma sa main sur celle de son frère, l’obligeant à le lâcher. Saga grinça des dents et le jeune homme aux cheveux azurs ricana :

-Allons « grand frère », sois honnête avec toi-même…

-Quoi ?!

Les deux frères se faisaient face et la tension était presque palpable. Kanon se détourna en soupirant :

-Ah Saga… Depuis ta plus tendre enfance, tu n’as cessé de vouloir protéger la veuve et l’orphelin et tu continues de le faire même adulte. Tu as la réputation d’être juste et bon. Tout le monde t’admire et te respecte.

Une lueur rouge traversa furtivement son regard clair et il sourit :

-Bien que nous soyons jumeaux, nous sommes comme l’ange et le démon, le jour et la nuit. Mais inutile de mentir : tu ne peux rien me cacher. Je sais très bien qu’au fond tu es comme moi et qu’un démon sommeille dans ton cœur. Un démon qui ne demande qu’à se réveiller.

Saga fit un pas en avant :

-Qu’est-ce que tu dis ?

-La face cachée de la lune frangin…

Ne pouvant plus se retenir, Kanon rejeta la tête en arrière et éclata d’un rire de fou. Tremblant de rage, Saga frappa une nouvelle fois en hurlant :

-Tais-toi ! Je ne veux plus entendre un seul mot !

Une mèche grise apparut dans les cheveux clairs de Saga et Kanon recula en se frottant la joue, un horrible sourire sur les lèvres :

-Qu’est-ce qu’il y a ? La vérité est donc si pénible à regarder en face ? Grand frère.

-Tais-toi !! Tais-toi !!

Kanon se plia en deux lorsque le poing de son frère le cueillit dans le ventre avec violence, le privant d’air. Malgré sa furieuse envie de riposter, le jeune homme aux cheveux azurs ne put même pas faire un mouvement.
Saga cachait bien son jeu…

Kanon trouva la force de ricaner :

-Héhé… Tu vois, tu te laisses emporter par la haine… Ce que tu refuses d’admettre… Je le lis en toi comme un livre ouvert Saga… C’est ta véritable nature…

Il s’affaissa sur le sol en pressant son ventre douloureux de ses bras. Saga, les sourcils froncés et le souffle court, se mit à feuler :

-Je ne peux plus faire comme si de rien était… Je ne peux plus te protéger Kanon ! Un démon comme toi… Ne peut pas rester une minute de plus dans cette maison ! Ta présence nous met tous en danger ! Puisqu’il en est ainsi, je vais t’enfermer moi-même !

Il attrapa son frère par les épaules et le traina à côté de lui :

-Je ne voulais pas en arriver là mais tu ne me laisses pas le choix.

Usant de ses dernières forces, Kanon pouffa :

-Arrête de te mentir Saga… Je sais que… Tu en mourrais d’envie…

Comme ils passaient tout deux le portail de la grande maison, un petit garçon aux cheveux blonds porta les mains à sa bouche pour étouffer un cri horrifié :

-Kanon !

Milo serra le poing et se laissa glisser le long de l’arbre où il s’était caché.

Chapter Text

Le Cap était une prison située sous un énorme pic rocheux, au niveau de la mer. Les prisonniers qui étaient incarcérés là mourraient soit de faim et de soif, soit d’épuisement à force de lutter contre la marée montante… Jamais personne n’en revenait vivant… Quand on demandait aux condamnés de choisir entre la mort et le Cap, tous choisissaient la corde avec soulagement… Taillée dans le roc, cette grotte sombre et froide avait vu périr des milliers de prisonniers. A marée haute, la mer s’engouffrait à l’intérieur, toute évasion était impossible…
Et quand les forces vous abandonnaient, la noyade était inévitable…

Saga se trouvait sur le petit chemin qui menait à la prison, uniquement accessible à marée basse, et contemplait son frère avec dédain. L’eau salée lui chatouillant déjà les chevilles, Kanon s’accrocha aux barreaux en hurlant comme un forcené :

-Relâche-moi !! Saga !!! Relâche-moi immédiatement tu entends !!

Comme son frère ne faisait pas un mouvement, le vent de la mer jouant avec ses longs cheveux bleus, Kanon insista :

-Tu as l’intention de tuer ton propre frère ?!! Hein ?!! C’est ce que tu as toujours voulu n’est-ce pas ?!! Avoue-le au moins ?!!

Saga semblait désolé et il cria pour couvrir le son de la mer déchaînée :

-Kanon ! Bien que tu soie mon frère, tu ne sortiras jamais de cette prison !

Kanon grinça des dents tandis que Saga continuait son discours d’adieu :

-Tu resteras enfermé ici jusqu’à ce que le démon de ton cœur disparaisse et jusqu’à ce que j’ai pu te pardonner. Et je ne sais pas si j’en serais capable un jour… Adieu.

Comme Saga se détournait, Kanon le rappela :

-Le même sang coule dans nos veines frangin ! Si je suis un démon, alors toi Saga, tu ne dois pas en être loin non plus ! Tu refuses de l’admettre mais un jour, tu finiras par succomber !

Voyant son frère s’éloigner, le jeune homme aux cheveux azurs hurla en secouant ses barreaux, mi enragé, mi terrorisé :

-Même dans la mort je te poursuivrais, Saga ! Je te tourmenterais jusqu’à te rendre fou ! Tu ne le sais pas encore mais un jour, ta vraie nature se réveillera et tout le monde saura qui tu es réellement! Le mal t’appelle ! Tu ne peux pas y échapper !

Saga grogna et se retourna vivement, les poings serrés :

-Vas-tu te taire, maudit ?!

Soudain, ses cheveux se hérissèrent et devinrent entièrement gris tandis ses yeux viraient au rouge sang. Malgré la distance et les barreaux entre eux deux, Kanon frissonna lorsqu’une ombre maléfique plana au dessus du corps de son frère avant de disparaître aussitôt.

Le jeune homme aux cheveux azurs esquissa un sourire torve et il ricana :

-Saga… Tu es le mal incarné.

Il ricana d’abord puis, ne pouvant plus contenir l’hilarité qui le submergeait, il éclata d’un rire hystérique qui résonna en rebondissant sur les rochers alentours. Les dents serrées, Saga se détourna et s’éloigna du Cap tandis que Kanon hurlait entre deux fous rires :

-Abruti de Saga !! Je te tuerai de mes mains !! Je te le jure !! Et je reprendrai la place qui m’est due !! Alors quand ce moment viendra : j’espère que tu ne m’en voudras pas ! Hahahahahahaha !!!!!!

Saga disparut de sa vue et Kanon ne pouvait plus s’arrêter de rire, les mains serrées sur les barreaux de sa prison… L’eau lui arrivait maintenant aux genoux… Avant même que la nuit ne soie tombée, presque l’entièreté du donjon était inondé. Et là, Kanon rigolait moins. Beaucoup moins ! A présent, il avait la tête pressée contre la paroi de la prison et respirait par bouffée, l’eau essayant par tous les moyens de le submerger :

-Je… Je ne mourrais pas ici ! Je ne mourrais pas ici comme… Comme un vulgaire rat ! Tu entend,s Saga ?! Ne te… Crois pas débarrassé de moi pour autant !

Une vague plus forte que les autres le frappa de plein fouet et Kanon se retrouva entièrement immergé, sans espoir de retrouver de l’air !

D’abord, il sentit la panique le submerger à son tour et il agrippa la roche frénétiquement, se cassant les ongles uns par uns à force de griffer.
Ensuite, il ferma les yeux et se roula en boule, se laissant balloter au gré du courant : il ne mourrait pas ! Il ne pouvait pas mourir ! Il devait d’abord tuer Saga !

Oh oui ! Et après, seulement après, il pourrait mourir en paix !

Comme il pensait manquer d’oxygène, l’eau redescendit aussi subitement qu’elle n’était montée et Kanon put enfin remonter à la surface.

Il inspira profondément et toussa :

-Je… Vais… VIVRE !!! Tu m’entends Saga ?! JE VAIS VIVRE !!!!! ET JE REVIENDRAIS POUR TE TUER !!

-Arrête un peu de gueuler : tu vas finir par t’arracher la glotte et les cordes vocales par la même occasion !

Kanon sursauta et avala une gorgée d’eau de mer par la même occasion :

-Milo ?!

Le jeune garçon aux cheveux blonds leva le pouce en souriant :

-Je vais te sortir de là, grand frère!

Et il plongea, ne laissant pas à Kanon le temps de parler. Le jeune homme jura puis plongea à son tour et s’accrocha aux barreaux : Milo, muni d’un coutelas, tentait de forcer la serrure du donjon. Kanon cligna des yeux et nagea vers le petit garçon en lui faisant de grands signes :

-Remonte, Milo ! Je t’en conjure ! Ne vas pas te noyer pour me sauver !

L’implorait-il par la pensée.

Mais Milo continuait de s’acharner sur le cadenas, des bulles lâches s’échappant de sa bouche entrouverte. Méprisant tout danger, Kanon cria :

-Milo !! Va-t-en !!

Le petit garçon leva la tête et sourcils froncés, leva la main, lui intimant le silence. Kanon déglutit et remonta à la surface en battant des pieds. Il put à peine sortir son nez de l’eau : la marée était de nouveau haute ?!!

Kanon inspira puis replongea : Milo grimaçait sous l’effort et son visage prenait une teinte mauveâtre. Le jeune homme fonça vers le petit garçon et lui décolla les mains de force. Milo secoua la tête, rageur et Kanon lui fit les gros yeux :

-Remonte immédiatement !

A contrecœur, Milo battit des pieds et sa tête creva la surface :

-Mais pourquoi tu fais ça ?! Je veux te sauver !

Kanon balbutia, le visage noyé par la marée :

-Je ne… Veux pas que tu meures! Va-t-en : je m’en sortirai tout seul !

Milo secoua la tête :

-Jamais !

Il inspira puis replongea :

-Milo !! Nom de dieu !!

Kanon plongea à son tour : fatigué d’avoir lutté contre la noyade, le jeune homme commençait à se sentir de plus en plus faible… Milo continuait de s’acharner contre le verrou avec son coutelas, ballotté par la mer.

Kanon nagea vers lui et lui serra les mains, le forçant à s’arrêter :

-*Bloub* ?!

S’interrogea Milo en penchant la tête sur le côté. Kanon secoua la tête, un triste sourire sur les lèvres. Milo fronça les sourcils et une bulle sortit de sa bouche tandis qu’il tirait la langue à son aîné. Le plus grand se recula et, le manque d’oxygène se faisant cruellement ressentir, il remonta à la surface pour…

Il s’explosa le visage contre la roche et laissa échapper ses dernières réserves d’air en poussant une exclamation de surprise. La marée était remontée et le condamnait ! Kanon écarquilla des yeux horrifiés et baissa la tête vers Milo qui, inconscient du drame qui allait se dérouler sous ses yeux, continuait de s’affairer sur le cadenas.

-Il n’y arrivera jamais ! Et moi je vais mourir ici… C’est trop bête !

Songea Kanon, prit d’une furieuse envie de rire. Ses poumons le brulaient, sa gorge le faisait souffrir et ses yeux se faisaient si lourds. Ses jambes l’attiraient vers le fond et il souffla ses dernières bulles en baissant les bras :

-J’aurais tellement voulu… Faire payer cet hypocrite…

Ce fut sa dernière pensée lucide avant que l’instinct ne le fasse inspirer. L’eau salée se déversa dans son nez, dans ses poumons et Kanon toussa, déglutit, porta les mains à sa gorge, les yeux exorbités. Il sursauta soudain: Milo était dans la cellule ?!!

Le petit garçon s’était faufilé entre les barreaux et s’acharnait avec l’énergie du désespoir sur le cadenas, une grimace d’épuisement sur les lèvres. Kanon tendit la main :

-Va… t’en…

Il ferma les yeux et grimaça : il avait si mal !

Soudain, une petite main se glissa dans la sienne et il s’y accrocha du mieux qu’il pouvait. Milo poussa la porte de toutes ses forces, les joues virant au mauve sous l’effort. Kanon savait qu’il devait essayer de l’aider. Mais il ne pouvait pas… Il était si fatigué… Et puis il avait si mal…

-Accroche-toi !!

Il entrouvrit les yeux, la gorge serrée :

-Milo…

Enfin, les barreaux cédèrent et Milo battit des pieds, trainant Kanon derrière lui. La tête du jeune homme creva la surface et il inspira bruyamment avant de se mettre à tousser, crachant, vomissant des gerbes d’eau salée :

-Milo !

Souffla-t-il, la voix rauque. Le petit garçon se tenait difficilement la tête hors de l’eau et, pâle comme jamais, esquissait un sourire fatigué :

-J’suis là…

Restant un instant interdit, Kanon attrapa Milo par la peau du dos et le posa sur son dos :

-Hé !!

-Tais-toi et accroche-toi !

Kanon puisa dans ses dernières forces tandis que Milo se laissait aller sur le dos de son aîné en soufflant, mort de fatigue.

Ils rejoignirent la plage et s’y allongèrent, épuisés par leurs efforts respectifs. Kanon toussait à n’en plus finir et recrachait des litres et des litres d’eau sans pouvoir s’arrêter. Après quelques minutes, il se redressa le coude et gronda :

-Mais qu’est-ce qui… t’a prit ?! Tu es fou ou quoi ?!

Milo souffla, un grand sourire sur son visage fatigué :

-Parce que… Je ne pouvais pas te laisser… Grand frère…

Kanon se tut, toute colère envolée :

-Je ne savais pas que… vous vous détestiez à ce point ton frère et toi…

Il se tourna vers Kanon et sourit, ses grands yeux bleus noyés de larmes :

-Je suis désolé…

Kanon hésita puis se pencha et serra Milo contre lui :

-Merci d’être venu me sauver…

Milo ferma les yeux et bailla :

-Je ne pouvais pas rester là sans rien faire !

Kanon hésita puis souffla :

-Comment as-tu su que j’étais là ?

-J’ai assisté à votre dispute…

Kanon se décolla Milo et fronça les sourcils :

-Tu nous as espionnés ?

Milo ouvrit de grands yeux effrayés :

-Non ! Tu n’étais pas venu au rendez-vous et je suis venu voir si tu étais là ! J’ai juste vu ton frère te frapper !

Kanon resta coi pendant quelques secondes, soulagé : ainsi Milo ne l’avait pas vu « provoquer » Saga… Le jeune homme serra Milo contre lui :

-Tu m’as fait tellement peur… Petit frère....

Milo se serra le plus qu’il pouvait contre Kanon, un sourire ravi sur les lèvres :

-Et moi donc…

Ils restèrent ainsi jusqu’au début de la nuit, Kanon serrant Milo contre lui, ce dernier somnolant contre le torse de son « grand frère ». A un moment, le jeune garçon aux cheveux blonds souffla :

-Dis Kanon ?

-Hm ?

-Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ?

Kanon réfléchit quelques instants et Milo patienta du mieux qu’il pouvait :

-Je vais devoir partir, le temps qu’on m’oublie et que je puisse revenir en toute sécurité.

Milo leva la tête :

-Tu vas me laisser ici tout seul ?!

Kanon sourit et ébouriffa la tignasse de Milo :

-Bien sûr que non ! Tu as Camus avec toi non ?

Milo baissa la tête et enfouit son visage dans la tunique bleue de Kanon :

-Ne me laisse pas… Je t’en supplie.

Le jeune homme déglutit et tapota le dos de l’enfant :

-Je serai toujours avec toi Milo… Et puis, je ne pars que quelques mois ! Je serais vite de retour hein ?!

Milo renifla (et Kanon retint une grimace dégoutée « Ma tunique !! ») :

-D’accord… Mais tu devras revenir hein ! Tu me le promets ?!

Kanon sourit :

-Promis juré.

Le lendemain, Kanon s’embarqua sur l’ «Atlantis », un humble bateau dirigé par le Capitaine Julian Solo et son fidèle bras droit, Sorrento Sirena. Le bateau quitta le port et Kanon se détourna du bord: il avait une vengeance à réaliser, bien sûr qu’il allait revenir !

-Oh oui Saga, tu ne perds rien pour attendre !

Ricana-t-il avant d’être grossièrement interrompu :

-Hep toi !

Kanon se retourna, sur le qui-vive :

-C’est quoi ton nom ?

Il hésita quelques secondes, jeta un coup d’œil sur le côté et esquissa un sourire mauvais :

-Dragon.

Chapter Text

Le Scorpion marchait dans les rues de la ville, les mains dans les poches de sa longue cape qui voletait au gré du vent. Ses cheveux blonds battants dans son dos, Milo avançait les sourcils froncés : il avait retrouvé Perla la veille au soir et avait passé une « délicieuse » nuit en sa compagnie.

Il soupira : c’était toujours la même chose… Après chaque nuit passée dans les bras d’une fille, il se sentait… Triste, déçu même ! Sans savoir précisément ce qui le chagrinait. Mais cette nuit-là, il avait compris ce qui n’allait pas lorsqu'il avait appelé la jeune femme « Ariane ».

-Qu’est-ce que tu croyais Milo… Que tu allais l’oublier comme ça du jour au lendemain ?

Soupira-t-il en passant la main dans ses cheveux.

Comme il avançait, un doigt pianota sur son épaule :

-Hé, monsieur le rêveur !

Milo se retourna et se sentit rougir violemment :

-Ariane ?!

La jeune femme sourit :

-Tu n’as pas l’air content de me voir !

Une goutte de sueur roulant le long de sa tempe, Milo se mordit l’intérieur de la joue :

-Oh mon Dieu : faites qu’elle n’ait pas entendu ! Pitié pitié pitié !!

-Heu… Milo ?

Le Scorpion sursauta et se gratta le sommet du crâne :

-Heu oui ! Qu’est-ce que tu fais là ?

Ariane haussa un sourcil puis sourit :

-J’allais faire mes courses quand je t’ai vu passer : je n’allais pas laisser passer cette occasion de te voir !

Milo sourit et posa délicatement ses lèvres sur le dos de la main de la jeune femme blonde :

-Vous m’en voyez ravi, ma chère! He bien tant que nous sommes là…

Il plissa les yeux et esquissa un sourire charmeur :

-Que dirais-tu de marcher un peu ?

Ariane sourit :

-Pourquoi pas !

Tout en marchant, Milo se sentait de plus en plus fier :

-Seigneur Dieu… Elle est magnifique !

Quel bonheur de marcher aux côtés d’une créature aussi délicieuse ! Le regard des gens se posaient jalousement sur eux : les femmes regardait le Scorpion avec envie et foudroyaient Ariane du regard tandis que les hommes dévoraient la jeune femme des yeux et s’éloignaient de Milo, par prudence…

-Alors Milo ! Quoi de neuf depuis la dernière fois ?

-Boaf, pas grand-chose…

Esquiva-t-il prudemment : il ne voulait vraiment pas avouer son échec cuisant à la femme de ses rêves ! Ariane lui jeta un regard accusateur :

-Menteur !

Milo ricana :

-Oui je sais…

-Allez raconte ! Ne me fais pas languir !

Milo souffla :

-Tu avais raison.

-Comment ça ?

-J’ai pas tenu un jour avant d’accepter une mission.

Ariane le regarda avec de grands yeux puis éclata de rire, un rire doux et scintillant qui résonnait aux oreilles de Milo, comme des clochettes :

-J’en étais sûre ! Je l’avais parié hein ?!

Le Scorpion grommela :

-Oh ça va hein ! On m’a forcé la main et j’ai foncé !

Ariane secoua la tête et tapota amicalement le sommet du crâne de son ami :

-Pauvre enfant malheureux !

Milo se dégagea en faisant mime de râler. Il croisa les bras, boudeur tandis qu’Ariane pouffait derrière la paume de sa main :

-Allons Milo, tu sais que j’adore te charrier !

-Gné gné gné !

-Rho ! Mufle !

La jeune femme éclata de rire et le Scorpion ne put retenir sa propre hilarité : il se sentait si bien avec Ariane à ses côtés :

-Et qu’est-ce qu’il y a eu ?

-Bah… J’aurais mieux fait d’écouter mon contact…

Il ne dit rien de plus, déterminé à ce qu’Ariane ne sache rien de son échec. La jeune femme n’insista pas et haussa les épaules. Tandis qu’ils marchaient, Milo fit mine de s’étirer pour délicatement (voire sournoisement) poser son bras autour des épaules de la jeune femme blonde. Ariane sursauta et leva la tête en rougissant :

-Milo…

-Si ça te gêne, tu le dis et j’arrête sur le champ !

Ariane sourit et se pelotonna contre le jeune homme :

-Je n’ai rien dit de tel…

Milo sourit et remercia mentalement le Seigneur tout puissant qui lui offrait cette magnifique opportunité en levant son poing libre au ciel ! Dès ce soir, il se rendrait à la messe tous les jours pour louer celui qui lui permettait de la serrer contre lui! Alléluia ! Comme Ariane passait son bras autour de lui, ils croisèrent une vieille femme qui avançait péniblement à l’aide d’une canne biscornue. Elle grimaça et cracha en brandissant son bâton :

-Mixité ! Mixité !

Les deux jeunes gens sursautèrent et Milo fit un bond de deux mètres en arrière. Ariane lui lança un regard interrogateur et le Scorpion souffla :

-J’ai une sainte horreur de ces horribles choses fripées !

La jeune femme pouffa et la vieille grogna d’une voix chevrotante :

-Pas de démonstrations d’amour en public !

Milo toussota et ôta son chapeau en saluant (bien bas il faut l’avouer) la trois fois centenaire (au moins ça !):

-Madame ! Pardonnez notre vulgarité mal placée ! Nous ne vous importunerons plus !

Ils s’éloignèrent, séparés par deux mètres de vide intersidéral, sous le regard hésitant de la « chose fripée » :

-Bon… Ca passe pour cette fois mais attention que je ne vous revoie plus faire des cochonneries pareilles !

-Pf ! Si elle savait ! Ca ce n’est rien ! Je suis capable de pire, de bien pire !

Songea le Scorpion tandis qu’un sourire étirait ses lèvres.

Pour illustrer ses pensées et faire enrager la vieille, Milo se retourna à demi, attira Ariane contre lui en la prenant par la hanche et tira gracieusement la langue à cette grossière personne. Ladite grossière personne sentit ses oreilles siffler et leur courut après en brandissant sa canne :

-Bande de voyous ! Revenez ici que je vous tire les oreilles comme il se doit !

Milo éclata de rire et s’éloigna en trottinant, tirant Ariane par la main derrière lui. Ils semèrent rapidement la vieille chouette et le Scorpion essuya une larme au coin de son œil :

-Ah lala… Les vieux sont juste trop drôles quand ils sont en colère !

Ariane sourit :

-Tu me parlais de ton contact… Mais qui est-ce au juste ?

Milo haussa les sourcils, surpris par la curiosité de son amie :

-En quoi est-ce important ?

Ariane haussa les épaules :

-C’est juste pour savoir et peut-être même pour te mettre en garde.

-Comment ça me mettre en garde ?

-J’ai travaillé 11 ans dans des grandes maisons : je pense que je peux te dire si ton fameux contact est digne de confiance.

Milo hésita une seconde puis Ariane leva les mains :

- Enfin, je dis ça pour t’aider mais je n’ai pas à m’en mêler tu as raison !

Milo passa une main hésitante dans son coup puis, sachant pertinemment qu’il avait une confiance aveugle en Ariane, il sourit :

-Il s’agit de Camus Deverseau.

Ariane haussa les sourcils et écarquilla les yeux :

-Ton contact c’est le señor Deverseau ?!

-Heu… Ouais. Pourquoi c’est mal ?

S’inquiéta Milo. La jeune femme semblait abasourdie :

-Non c’est juste que… vous êtes tellement différents ! J’ai du mal à croire que vous vous côtoyez !

-Est-ce que ce que tu as quelque chose à me dire à son sujet ?

Ariane lui sourit :

-C’est un personnage tellement discret que presque personne ne sait rien sur lui. Je ne peux pas te dire grand-chose… Maintenant ce qui est important, c’est de savoir si toi tu lui fais confiance…

Milo n’hésita pas une seconde et, un grand sourire sur les lèvres, il répondit :



-Bien sûr que oui ! Camus est plus qu’un frère pour moi : jamais je ne pourrai douter de lui !

La jeune femme blonde sourit avec bienveillance :

-Et je te crois…

***

Le soir tombé, Camus était allé à la fontaine du jardin quérir son rendez-vous. Il avait déglutit : elle était là, belle et silencieuse, rayonnante à la lueur de la lune et les reflets de l’eau jouant sur son visage.
Camus avait baissé la tête : le vert de sa tunique risquait de jurer avec la couleur argentée de la robe de Léna !

Retenant des grommellements irrités, il s’était approché et avait toussoté :

-La nuit est magnifique n’est-ce pas ?

Léna s’était retournée en sursaut et avait porté la main à sa poitrine avant de sourire :

-Oh. Oui en effet… Le ciel est vraiment superbe ce soir.

Camus avait tendu la main en esquissant un sourire (qu’il avait passé l’après midi à mettre au point devant sa glace) :

-Le repas nous attend.

Léna avait délicatement posé sa main sur la sienne et avait soufflé en rougissant :

-Alors allons-y… Camus.

Et le jeune Seigneur s’était empêché rosir de fierté !

A présent, ils étaient tout deux assis à table en train de… Manger…
Bêtement et simplement en train de manger.

Camus porta sa cuillère de soupe à sa bouche, l’air de rien mais déçu malgré tout : franchement, il espérait mieux, beaucoup mieux de cette soirée ! Mais voilà, ils étaient bien trop timides pour faire le premier pas.
L’un comme l’autre !

Camus toussota et demanda, gardant les yeux baissés :

-Alors Léna, comment s’est passée votre journée ?

-Assez bien : nous avons juste nettoyé la grande salle après la réception et le reste de la journée s’est déroulé normalement.

-Tant mieux.

Silence.
Puis, Léna demanda timidement :

-Et vous?

-Ma foi pas trop mal : j’ai lu une série de travaux d’un mathématicien grec. Assez passionnants je dois dire.

-Oh…

-Oui…

Et de nouveau ce lourd silence gênant. Camus baissa les yeux et avala une gorgée de soupe, se demandant avec quoi il pourrait éventuellement meubler le silence. La météo ? Nan ! Trop ennuyeux ! Mais quoi alors ?!
Comme le Français s’empêchait difficilement de paniquer, Léna, en femme polie, demanda en souriant :

-Comment avez-vous trouvé la réception d’hier ? Était-elle agréable ?

Camus leva la tête :

-Mis à part les enfants… Tout s’est passé pour le mieux, merci.

-Il est vrai qu’Isaak poussait Hyoga à bout. Mais il ne faut pas leur en vouloir vous savez, ce sont de braves enfants.

Camus leva les yeux au ciel :

-Enfants, certes mais braves… Parfois, il m’arrive d’en douter.

-Ils vous aiment et vous admirent Camus.

Le Français se tut, sa cuillère immobile à quelques centimètres de sa bouche, la soupe gouttant grossièrement dans son bol :

-Plait-il ?

Léna sourit :

-Ils vous considèrent comme leur propre père vous savez. Le soir quand je vais les border, ils me demandent toujours si vous allez venir leur lire une histoire pour les endormir.

Camus s’empêcha de détourner le regard et fixa Léna droit dans les yeux : il se sentait… Perdu. Il baissa la tête et avala une cuillère de soupe :

-Le relationnel n’a jamais été mon fort vous savez.

-Vous devriez essayer de faire un effort.

Camus manqua de s’étrangler avec sa gorgée de soupe (délicieuse soit dit en passant) et releva la tête : ses oreilles l’avaient-elles dupé ? Est-ce que Léna venait de lui donner… un ordre ?! Le jeune homme aux cheveux rouges fronça dangereusement les sourcils :

-Pardon ?

-Ces enfants sont tristes et ils ont besoin d’amour. Vous les avez recueillis : il est de votre devoir de faire des efforts et de remplir ce rôle.

-Vous rendez-vous compte du ton sur lequel vous me parlez, Léna. En avez-vous seulement conscience ?

La jeune femme rousse se mordit la lèvre et baissa la tête, dissimulant son visage penaud derrière une mèche de cheveux :

-Je… Je suis navrée. Veuillez pardonner mon impertinence...

Camus regarda longuement la jeune femme en se maudissant mentalement, regrettant déjà amèrement ses paroles :

-Et zut ! Comment rater la soirée qui était censée être la plus belle de ma vie!

Le Français passa une main maladroite dans ses cheveux et toussota :

-Je… *hum* Non, c’est à moi de m’excuser Léna. J’ai été… (Camus se mordit la joue et se força à finir dans un souffle) excessif dans mes propos et je vous prie de me pardonner.

Camus releva la tête lorsqu’une main délicate et douce se posa sur la sienne. Léna sourit :

-Comme si je pouvais rester fâchée après vous… Camus.

En prononçant son nom, elle rougit légèrement. Camus hésita puis, ce fut comme si un mini Milo venait d’apparaître au dessus de son épaule. Un mini Milo qui souffla :

-Allez Cam’ Cam’ ! Mets ton autre main sur la sienne et dis-lui tout !

Camus retint un sursaut et chassa distraitement le petit diablotin blond qui s’incrustait sur son épaule droite :

-Allez ! Zou !

-Roh mais pff ! T’es pas marrant mec ! Fais ce que je te dis !

Râla le mini-Scorpion avant de disparaître aussi soudainement qu’il était apparu. Le jeune Français cligna des yeux, commençant lentement mais sûrement à douter de ses capacités mentales. Après réflexions, il décida de faire ce que… « mini Milo » lui conseillait :

-Léna..?

La jeune femme leva ses grands yeux verts pétillants vers lui :

-Oui ?

Camus sentit une perle de sueur rouler sur sa tempe et il se pencha :

-… Léna ?

-Oui ??

Le sourire de la jeune femme rousse s’agrandissait de plus en plus et Camus commençait à se sentir très « faible » et peu sûr de ce que mini Milo lui avait dit de faire :

-Il y a… quelque chose que… j’aimerais vous dire…

-Oui ???

Leurs visages se touchaient presque à présent et le souffle de Camus glissa sur les joues de la jeune femme :

-Je… C’est… Vous… C’est difficile à dire…

Léna ferma les yeux et se pencha en avant en murmurant :

-Alors ne dites rien…

Camus resta interdit un instant, se demandant que faire. Il jeta des regards effrayés sur les côtés tandis que mini Milo, qui venait de réapparaître, lui hurlait dans l’oreille :

-Mais vas-y !! Embrasse-là !! Allez !!!!

Camus déglutit bruyamment puis tendit les lèvres en se sentant rougir plus que jamais, le visage enflammé puis… Il écarquilla les yeux qu’il allait fermer lorsqu’il aperçu un énergumène blond faire de grands signes devant sa verrière, un sourire stupide collé sur le visage :

-Milo ?!

Léna sursauta :

-Pardon ?!

Le charme rompu, Camus s’empêcha de rougir et se redressa violemment en secouant les mains :

-Non rien ! Ce n’est rien du tout !

D’un mouvement sec de la main, (qui, soit dit en passant, se voulait discret), le Français intima silencieusement à son ami de déguerpir. Mais voilà que l’autre imbécile levait les pouces en enchaînant clin d’œil sur clin d’œil, un énorme sourire sur les lèvres.
Léna fit mine de se retourner :

-Qu’y a-t.. ?

Camus pressa soudainement la main de la jeune femme et tendit l’autre en s’écriant :

-NON !!

La jeune femme rousse sursauta violemment et le regarda comme s’il était fou. Camus resta immobile un instant, la bouche entrouverte comme s’il allait dire quelque chose puis il se leva précipitamment et arrangea son foulard en toussotant :

-Je... Non ce n’est rien ! ("Vite vite une excuse bidon pour s’éloigner de cet imbécile !") Venez !

-Mais nous n’avons pas fini de manger ?

S’étonna Léna, soucieuse du changement de comportement du jeune seigneur. Ledit seigneur qui balbutia en prenant la jeune femme par la main pour la faire se lever :

-Ce n’est rien : je… J’ai été pris d’une furieuse envie de valser avec vous.

Léna rougit et suivit le jeune homme avec joie, un sourire béat collé sur les lèvres :

-Oh… Alors je suis votre obligée !

Il esquissa un sourire et jeta un regard à la verrière : Milo semblait mimer d’affreux gestes obscènes sans se départir de son sourire de pervers ! Camus retint une exclamation choquée et le fusilla du regard. Le Scorpion leva un pouce en l’air avant de déguerpir. Vers ses appartements.

Camus retint un soupir de désespoir: la soirée promettait d’être longue avec Milo dans les parages…

Les deux jeunes gens dansèrent le temps que Milo ait pu se cacher. Pourtant, Camus aurait voulu danser encore un peu plus…

Léna repoussa une mèche de cheveux derrière son oreille puis s’éventa de la main en soufflant, le rouge aux joues :

-Ouf ! Je n’ai jamais dansé aussi longtemps.

Camus prit délicatement la jeune femme rousse par le bras :

-Venez, allons prendre l’air : il fait plus frais dehors.

Léna acquiesça en hochant la tête et tous deux sortirent. En passant le pas de la porte, Camus leva la tête et inspira profondément l’air frais du soir. La jeune femme esquissa un sourire timide lorsque le jeune homme aux cheveux rouges l’entraîna vers le jardin.

Tout en marchant, Camus levait de temps en temps la tête vers sa chambre, tentant d’apercevoir ne fut-ce que l’ombre de Milo : que lui voulait encore cet énergumène ?
Léna lui jeta un coup d’œil inquiet :

-Quelque chose ne va pas Camus ?

Le jeune Français secoua la tête, comme s’il sortait d’un mauvais rêve :

-Non, tout va bien.

-Ah…

Ils restèrent silencieux un court instant puis ils arrivèrent au niveau de la fontaine. Là, Léna s’assit et Camus esquissa une sorte de sourire :

-J’ai passé une délicieuse soirée en votre compagnie Léna. Pendant un moment j’ai pu oublier mes soucis et ce grâce à vous.

La jeune femme rousse rougit :

-Vous m’en voyez ravie. Moi-même me suis bien amusée…

Ils restèrent silencieux quelques secondes puis Camus prit délicatement la main de Léna dans la sienne et chuchota :

-Pendant une soirée, je n’étais rien qu’un homme aux côtés d’une charmante jeune femme. Et je voudrais vous remercier.

Léna rit doucement :

-Moi ?

-Oui… Vous me rendez plus… humain.

Léna écarquilla les yeux et Camus sourit :

-Et j’aime l’humain que je deviens en étant à vos côtés. Merci.

Il se pencha et posa ses lèvres sur le dos de la main de Léna. Comme il se relevait, la jeune femme se jeta soudainement à son cou et posa ses lèvres sur la joue gauche de Camus.
Comme Léna reculait, surprise elle-même par son audace, le jeune Seigneur sentait le rouge lui monter au joues.

Il resta interdit quelques secondes, absolument perdu :

-Ciel ! Que faire ?! Dois-je faire de même ?! Dois-je fuir ?! Aide moi Seigneur !

Supplia-t-il silencieusement, totalement paniqué.

Mais Léna mit fin à son supplice en saluant gracieusement :

-Je vais aller me coucher : j’ai beaucoup de travail demain et je dois être en forme. Merci pour cette soirée Camus, pendant un moment, je n’étais qu’une femme aux côtés d’un charmant jeune homme… Et non pas une servante aux côtés de son Seigneur…

Elle sourit timidement :

-Merci…

Et elle s’en fut, laissant Camus seul au milieu de son jardin. Il resta un instant immobile puis il leva la main et la porta à sa joue, là où les lèvres de Léna s’étaient posées et il se surprit à sourire aux anges :

-Merci

Chuchota-t-il, sentant son cœur battre la chamade. Il baissa la tête :

-C’est donc ça… L’amour…

Camus resta silencieux quelques minutes, la main sur la joue puis, il frissonna et se dirigea vers sa demeure. Il avait quelque chose à faire avant de rejoindre Milo qui devait se trouver dans sa chambre…

Camus grimpa calmement les marches qui le mèneraient à l’aile ouest et avança aussi silencieusement que possible dans le long couloir. Longeant le mur, le jeune homme frappa discrètement à la porte :

-Les garçons ? Vous dormez déjà ?

Une petite voix étouffée lui répondit :

-Camus ?

Le jeune Français poussa la porte et retint un sourire attendri : les garçons étaient tout deux assis dans le lit d’Isaak, les yeux grands ouverts. Camus entra dans la chambre et demanda doucement :

-Vous êtes encore debout ? Pourtant il est tard.

Hyoga baissa la tête et Isaak souffla :

-Pardon Camus, on va dormir.

Comme Hyoga repoussait la couverture pour aller dans son lit, Camus leva les mains :

-Restez couché.

Le garçonnet blond leva des yeux interrogateurs vers lui et le jeune Français s’assit au bord du lit d’Isaak en esquissant un sourire :

-Ca vous dirait une petite histoire ?

Et Camus avait beau avoir un cœur de pierre, il le sentit fondre lorsque les enfants ouvrirent de grands yeux remplis d’étoiles et de bonheur. Isaak souffla :

-Vous feriez ça...

-Pour nous ?

Finit Hyoga, des larmes de joie plein les yeux. Camus ébouriffa leurs tignasses respectives en souriant :

-Avec joie. Quelle histoire vous ferait plaisir ?

Isaak se leva en criant :

-Oh ! Oh ! Une histoire de guerre avec des chevaliers et des dragons !!

-Avec un prince et une princesse qui se marient !

Termina Hyoga en se mettant sur les genoux de son parrain. Camus fit un effort surhumain pour ne pas le repousser et crier à Isaak de se rassoir et serra les deux enfants contre lui :

-C’est d’accord…

Bah au fond… Ces garnements n’étaient pas si désagréables que ça… Camus toussota et s’assit confortablemment, se calant contre l’oreiller :

-Alors… C’est l’histoire… (le jeune homme retint un sourire lumineux) D’un hors-la-loi qu’on appelait « Le Scorpion ».

Des étoiles pleins les yeux, Hyoga passait une main distraite sur la chevelure rouge de son parrain tandis qu’Isaak papillonnait de grands yeux ébahis/

-…Et le Scorpion avait pour meilleur ami un jeune noble qui s’appelait… Albert.

Quand Camus se rendit compte que les enfants commençaient lentement mais sûrement à somnoler, il souffla doucement:

-Et ce sera tout pour aujourd’hui…

Il recoucha doucement les deux garçons et, comme il bordait son filleul, ce dernier murmura dans un demi-sommeil :

-Dis Parrain Camus ?

-Oui Hyoga ?

-Est-ce que je suis en train de rêver ?

Camus resta interdit puis esquissa un sourire :

-Bien sûr que non enfin. Allez, dormez bien.

Camus fut le premier surpris lorsqu’il se pencha et déposa un baiser furtif sur les fronts des enfants. Puis il se leva et contempla un moment les deux garçons, leurs souffles réguliers soulevant leurs corps fatigués. Puis, comme à regret, le Français ferma la porte…

Le jeune Français souffla et se mit en marche vers l’aile Est, le cœur léger…
Voire soulagé.

-Ils sont gentils ces petits…

Sourit Camus en soupirant d’aise. Sa tunique verte flottant derrière lui, le jeune Seigneur se dit que cette soirée qui s’annonçait difficile était sûrement la plus belle de sa vie…

Chapter Text

Camus poussa aussi délicatement la porte de ses appartements et chuchota :

-Milo ! Tu es toujours là ?

La pièce était plongée dans le noir et seule une petite bougie éclairait le bureau auquel était attablé le Scorpion, immobile. Il leva les yeux au ciel et referma la porte derrière lui :

-Qu’est-ce que tu fais de beau ?

Seul le silence lui répondit et pendant quelques secondes, Camus se sentit vraiment seul…

-*bon…* Milo ? Est-ce que ça va ?

-…

-Tu boudes ?

Le railla-t-il en avançant vers son bureau, les mains dans les poches. Rien. Pas de réponses… Est-ce que Milo râlait vraiment ou bien lui jouait-il encore un de ces tours machiavéliques dont il avait le secret? Camus toussota :

-Tu aurais voulu que je laisse tomber mon rendez-vous pour passer la soirée avec toi ? Tu es jaloux ou quoi ?

Le Scorpion souffla avec dédain et Camus sentit le rouge lui monter aux joues : ce que cet énergumène pouvait être malpoli et agaçant quand il le voulait ! Le jeune homme aux cheveux rouges gronda :

-Je ne te pensais pas si égoïste. Tu me déçois beaucoup Milo !

-…

Camus sentit quelques mèches de cheveux se hérisser sur son crâne et il cracha :

-Non mais ! Tu te rends compte du cinéma que tu fais ?! Même Hyoga et Isaak sont plus matures que t…

-Zzzzz…

Camus ouvrit de grands yeux ébahis et se pencha à côté de son meilleur ami qui…
Dormait à poings fermés !

Le jeune Français se sentit ridicule et il ajusta le nœud de son foulard pour reprendre constance (ce qui était stupide vu que son « interlocuteur » était manifestement perdu dans les méandres du royaume des rêves) et toussota :

-Oh… Je vois…

Camus regarda son ami assoupi quelques secondes, quelque peu attendri : Milo ressemblait presque à l’enfant qu’il était lors de leur première rencontre. Le jeune homme aux cheveux rouges sentit soudain ses lèvres s’étirer en un étrange sourire. Il se frotta les mains et se dirigea vers la salle à manger, un verre vide à la main. Il s'entendit ricaner et il plaqua vivement sa main sur sa bouche en se disant que oui, il commençait à devenir fou !

Milo, quand à lui, rêvait…

Il se voyait, enfant, au sommet du Cap. A ses pieds, il entendait encore les hurlements hystériques de Kanon et devant lui, il pouvait apercevoir la silhouette de Saga. Milo s’accroupit pour mieux entendre la conversation mais les cris déchaînés de l’océan l’empêchait de percevoir un traître mot de ce qui se disait. Quand Saga s’en fut, le jeune garçon blond plongea dans l’eau pour secourir son ami ! Un poignard entre les dents, il grogna en s’accrochant aux barreaux de la prison :

-Kanon ?! Tu es là ?

Une ombre se tenait au fond de la cellule, lui tournant le dos :

-Hé ! Ca va grand fr…

L’ombre se retourna et Milo se recula en retenant un cri horrifié : le visage de Kanon n’était que noirceur et mal ! Ses yeux étaient des braises et une langue fourchue sifflait hors de sa bouche aux canines acérées. Kanon persiffla, un horrible sourire sur les lèvres :

-Qui est-ce que tu appelles « Grand frère », Milo ?!

Le jeune garçon haleta :

-Oh mais… Kanon ! Qu’est-ce qui t’arrive ?!

La fin de sa phrase s’étrangla dans sa gorge lorsque le jeune homme aux cheveux azurs l’empoigna violemment par le col :

-Ne t’avais pas dit de ne faire confiance à personne ?! Tu as tout fait foirer !

-Mais arrête !

Le sourire machiavélique de Kanon s’élargit :

-Il est de mon devoir de te punir, tu comprends ?

-Non !

S’égosilla le jeune garçon en se débattant. Kanon ricana :

-Adieu, Milo !

Il plongea la tête du garçon dans les profondeurs glacées de l’océan, le privant de tout espoir de remonter à l’air libre et…

Milo se réveilla en sursaut lorsqu’il reçut le contenu d’un verre d’eau glacé en pleine figure !
Le Scorpion agrippa les bords du bureau de Camus en balbutiant, les pupilles dilatées et le souffle court :

-Que ?! Pourquoi ?! Comment ?! Hein ?!

Lorsque ses yeux se posèrent sur Camus, un verre à moitié vide à la main et un demi-sourire sur les lèvres, il sentit ses cheveux se hérisser sur son crâne et il feula :

-Mais ?! Pourquoi t’as fait ça ?!! T’es pas bien dans ta tête ou quoi ?!!

Camus déposa calmement son verre sur le bureau et, sans se départir de son petit sourire satisfait (ce qui énervait Milo au plus haut des points !) il répondit :

-Ca, c’est pour ton intervention vulgaire et déplacée de tout à l’heure.

L’œil agité de tics nerveux, le Scorpion grogna dangereusement :

-Tu as fait ça… Pour te venger ?!!

Il se leva brusquement et se pencha sur son ami en hurlant :

-Mais tu es complètement malade ma parole !! Tu te rends compte que tu m’as fait super pe...

Camus leva la main et Milo sursauta à nouveau sans se reculer d’un centimètre.
L’eau que son ami venait de lui balancer à la figure roula le long de son menton et goutta lentement sur le tapis.

Camus déposa son verre (vide cette fois) sur son bureau et esquissa un sourire ravi. Milo hésita puis grogna :

-Et ça c’était pourquoi ?

Camus haussa les épaules et se détourna :

-Ca, c’était juste pour le plaisir. Bon, qu’est-ce que tu fais ici encore ?

Milo hésita entre hurler de rage et éclater de rire mais il se contenta d’essuyer son visage en soufflant profondément pour tenter de se calmer :

-Je t’ai ramené ta tunique, bien sûr.

-Oh. Quelque délicieuse initiative. Dans quel état est-elle au juste ?

S’inquiéta-t-il, osant à peine se retourner. Milo esquissa un sourire pervers :

-A toi de voir…

Camus jeta un coup d’œil par-dessus son épaule et retint un soupir de soulagement : sa chère tunique semblait en un seul morceau ! Il se força à s’assoir calmement dans son fauteuil et désigna son lit de la main :

-Merci bien : tu peux la déposer sur le lit.

Milo secoua le doigt sans se départir de son sourire narquois et il lança, comme s’il parlait à un enfant de deux ans et demi :

-Tu as oublié le mot magique, Cam’ Cam’ !

Le Français souffla et grinça en levant les yeux au ciel :

-S’il te plaît, Milo.

Le sourire du Scorpion s’agrandit et il tapota gentiment sur le sommet du crâne de son ami en ronronnant :

-C’est bien.

-N’oublie pas que même les chatons ont des griffes.

-Roh ! Susceptible avec ça !

Rit franchement Milo, toute mauvaise humeur oubliée. Camus hésita quelques secondes, le temps de remettre ses cheveux en place, puis il rit doucement avec son ami. Il n’y avait que Milo pour le faire rire de la sorte. Et il lui en était reconnaissant. Une fois leur hilarité passée, le Scorpion demanda en essuyant une larme au coin de son œil :

-Alors, ton dîner ?

-Ca c’est très bien passé. Merci.

Camus fronça et sourcil et esquissa une grimace sournoise :

-Jusqu’à ce que tu t’incrustes… Encore !

Milo passa une main coupable dans sa nuque en ricanant :

-Héhé ! Que veux-tu : ce serait moins drôle si je n’étais pas là !

Camus croisa les jambes, l’air peu convaincu par cette affirmation :

-Tout est relatif… (Puis, comme il ne préférait pas parler tout de suite de sa soirée, il enchaîna sur un autre sujet bien plus… distrayant) Parlons sérieusement : tu as retrouvé ton client ?

-Nope.

-C’est bien celui que tu soupçon… Non ?

-Non.

-Comment ça ?

S’enquit Camus en fronçant les sourcils. Milo expliqua en faisant les 100 pas dans la pièce :

-En fait, Saga a un frère jumeau et…

-Ca je sais, viens-en aux faits. Mais qu’est ce que tu fais ?

S’énerva Camus en se redressant dans son fauteuil. Milo se retourna à demi, la main sur la poignée de la porte :

-Je m’en vais.

-Mais pourquoi ?

-Tu connais déjà l’histoire alors je ne vais pas t’importuner plus longtemps. Allez, bonne nuit !

-Milo ! Au pied !

Camus pointait le sol avec son index rageur et tapait nerveusement la mesure avec la semelle de sa chaussure. Milo passa sa langue sur ses lèvres et esquissa son sourire le plus effrayant :

-Sinon quoi ?..

-Sinon je te chasse d’ici à grands coups de pieds au derrière. Et je le ferais, sois-en sûr.

Le Scorpion éclata de rire et s’assit tranquillement sur le lit de son ami :

-Ne m’interromps plus alors.

-J’y veillerai. Allez, raconte.

Milo s’allongea et croisa ses bras derrière sa tête, le regard rivé sur le plafond :

-Bref, le frère jumeau de Saga, je le connais depuis ma plus tendre enfance.

Camus tint parole et attendit patiemment la suite, retenant un « Quoi ?! » étonné :

-Leurs relations ont toujours été très tendue et Saga à emprisonné son frère au Cap.

L'aristocrate grimaça légèrement : tout le monde connaissait la triste réputation de ce cachot maudit. Un frisson de peur remonta le long de sa colonne vertébrale : cet homme devait être mort… Personne ne survivait au Cap ! Milo continua :

-Et depuis ce jour, Kanon a juré de tuer son frère de ses propres mains… C’est pour ça que j’ai pensé à lui.

-Attends une seconde (Camus leva les mains) : il est sorti vivant du Cap ?

Milo hocha la tête :

-C’est moi qui l’ai aidé.

Camus écarquilla des yeux ébahis :

-Tu l’as… fait s’évader ?!

-Ouais.

Le jeune homme aux cheveux rouges leva les yeux au ciel :

-Tu es complètement fou…

-Et j’assume! Enfin voilà quoi : j’ai supposé que c’était lui mon dernier client mais ça me semblait étrange parce qu’on s’est toujours bien entendus…

Il y eut un court silence puis, Camus souffla :

-Et ce n’est pas lui.

Le Scorpion secoua la tête :

-Non… C’est bizarre : je suis déçu de ne pas avoir trouvé qui c’était mais en même temps, je suis soulagé que ça ne soit pas lui.

-En es-tu vraiment sûr Milo ?

Le coupa calmement Camus, toujours tranquillement assis dans son fauteuil. Le Scorpion se redressa sur le coude, les sourcils légèrement froncés :

-Comment ça ?

-C’est pourtant assez évident : cet homme déteste Saga au point de vouloir sa mort.

Milo s’assit, légèrement penché en avant, avant de hausser les épaules :

-Et ? Il m’a dit qu’il n’avait…

-As-tu des preuves de ce qu’il avance ?

Le jeune homme aux cheveux blonds fronça franchement les sourcils et demanda d’une voix sourde :

-Où veux-tu en venir, Camus ?

Son ami croisa les bras sur sa poitrine :

-Je veux en venir au fait que malgré tes erreurs, tu ne tiens pas compte des leçons du passé et tu restes extrêmement naïf.

-Comment ?! (s’insurgea Milo en se levant d’un bond) Moi, naïf ?!

-Navré de te l’apprendre (répondit calmement Camus en hochant doucement la tête) mais vu tes réflexions, c’est ce que je pense. Tes raisonnements sont trop simples et tu te contentes trop vite d’une quelconque vérité du moment qu’elle te convient. (il leva la main lorsque Milo ouvrit la bouche pour l’interrompre) Laisse-moi finir. Du coup, si ce Kanon t’a dit ne pas avoir voulu assassiner son frère, et te faire faire arrêter par la même occasion, tu le crois parce que ça te conforte dans l’idée que tu t’étais faite.

Camus leva lentement les yeux vers son ami, toujours debout au milieu de la pièce :

-Je suis désolé. Mais tu ne devrais pas lui accorder ta confiance si facilement. Tu vois ce que je veux dire ?

Fulminant et contenant son énervement avec peine, Milo se détourna en grommelant, les poings serrés et tremblants de rage. Camus soupira et se leva pour poser une main rassurante sur l’épaule du Scorpion :

-Milo, soupira-t-il, je ne te dis pas ça pour te mettre en colère ou pour te faire de la peine : je veux juste éviter qu’il t’arrive quelque chose. Tu comprends ?

Un petit reniflement moqueur s’échappa des lèvres du jeune homme aux cheveux blonds :

-Pff… Tu m’énerves.

Tandis que Camus fronçait les sourcils, il se retourna et posa sa main sur l’épaule de son meilleur ami, leur position étant parfaitement symétrique :

-Tu m’énerves parce que tu as toujours raison.

L'aristocrate esquissa un sourire :

-C’est déjà bien que tu l’admettes… (Puis, redevenant sérieux, il demanda) Est-ce que tu as compris ce que je t’ai dit ?

-Ouais… (Milo se dégagea doucement et se laissa tomber, les bras en croix sur le lit) En fait, Kanon… Est comme un frère pour moi…

Camus s’assit à nouveau dans son fauteuil et hocha la tête, compréhensif :

-Je n’en doute pas, mais tu dois rester prudent. Ton suspect principal reste Kanon Gemini. Ne perds pas de vue cet objectif. Ta vie est plus importante qu’un quelconque lien, aussi fort soit-il, entre cet homme et toi. Vu ? Je ne voudrais vraiment pas qu’il t’arrive malheur.

Milo se redressa, s’assit en tailleur et sourit gentiment :

-Merci, Camus…

-Merci pourquoi ? (Demanda le Français en haussant les sourcils) Je n’ai rien fait de spécial.

C’était vrai : il n’avait fait que des remontrances à son ami pour le moment. Pourquoi le remercier avec tant de calme ? Milo préparait-il quelque chose ? Mais, faisant taire les questions auxquelles il ne pouvait répondre, le Scorpion sourit :

-Merci d’être toujours là pour moi.

Camus ressentit comme un léger coup au cœur et il frémit : c’était quelque chose de chaud et d’agréable qui venait de se lover dans sa poitrine. Un sentiment étrange… La reconnaissance ? La joie ? Le réconfort ? Peu sûr de lui, il balbutia :

-Merci à toi.

-Moi ? Mais je ne t’attire que des ennuis ?!

S’exclama Milo, surpris. Camus sourit :

-Merci pour tout.

Le Scorpion écarquilla des yeux ébahis puis esquissa un sourire ému :

-Avec plaisir.

***

-Et tu ne sais absolument rien sur lui ?

-Rien de rien, je suis désolé Milo.

S’excusa Dohko en levant les mains et en esquissant une grimace désolée. Le Scorpion fronça les sourcils :

-Pas une adresse ? Pas même un nom ?

-Navré…

Milo retint un grognement frustré et le vieux serveur demanda, légèrement inquiet par le comportement étrange de son ami :

-Est-ce qu’il y a un problème ?

Milo releva la tête et esquissa une mimique qui se voulait rassurante :

-T’inquiètes… Juste un petit règlement de compte.

-Oh… D’accord…

Dohko se pencha sur le verre qu’il essuyait, l’air déçu. Puis, il marmonna, un vague sourire sur les lèvres :

-Je sais que tu mens.

-Et alors ?

Le titilla Milo en gardant les yeux baissés :

-Allez raconte : tu ne ferais pas languir un vieil homme n’est-ce pas ?

-Je vais me gêner tiens ! Je veux juste le retrouver et mettre les choses au point. C’est tout.

Dohko grimaça :

-Sadique !

Milo ricana et enfila son chapeau. Ajustant sa cape sombre, le Scorpion jeta un regard alentour :

-Tiens-moi au courant si tu as des nouvelles ok ?

Le vieil homme haussa les épaules, vaincu :

-Ok.

Milo esquissa un signe de tête en guise de remerciement et sourit :

-Merci Dohko.

-Si tu as besoin de quelque chose d’autre…

-Ouais. Allez, à plus.

Comme Milo s’éloignait, le vieil homme leva la main en porte-voix et appela :

-Tiens-moi au courant hein ?!

Le Scorpion ricana :

-Promis.

Le jeune homme aux cheveux blonds poussa la porte des « Cinq Pics » et inspira profondément, tentant de retenir l’agacement qui menaçait de le submerger :

-Bon, récapitulons : je me suis fait arnaquer par un client qui ne voulait pas seulement tuer Saga mais aussi me faire arrêter. Ce mec est un vrai fantôme : personne ne sait qui il est et il n’était pas à la soirée de Camus. Mon suspect principal : Kanon, innocenté !

Milo soupira et shoota dans un caillou qui se mettait en travers de son chemin :

-Bref : c’est pas gagné.

Le soleil teintait le ciel de superbes couleurs orangées et rosées : il devait être 17 heures, il avait encore un peu de temps devant lui. Perdu dans ses pensées, le jeune homme blond bouscula légèrement un enfant qui passait là :

-Aïe !

Milo sursauta légèrement et se recula : le petit garçon aux cheveux verts était assis sur son séant et de violents sanglots secouaient ses maigres épaules. Le Scorpion hésita (il ne l’avait pas frappé non plus !) puis se pencha et demanda doucement :

-Hé bonhomme, tout va bien ?

Le garçon leva des yeux larmoyants vers lui et ouvrit la bouche pour parler mais deux mains l’agrippèrent par les épaules pour l’éloigner de Milo au plus vite :

-Shun ! Ca va ?!

Le garçon aux cheveux verts renifla et hocha la tête. Le nouveau venu leva un regard rageur vers Milo et grogna :

-Z’êtes qui d’abord ?

Milo se leva et frotta sa tunique :

-Secret professionnel mec.

Le garçon à la courte tignasse bleutée fronça les sourcils et poussa le dénommé Shun derrière lui :

-Pourquoi vous avez frappé mon frère ?! Hein ?!

Milo fronça les sourcils :

-Pardon ?

-Pourquoi vous z’avez fait ça ?!

-Arrête Ikki, il ne l’a pas fait exprès !

Le Scorpion secoua la tête et ajusta son chapeau :

-Ook… Je pense qu’on est parti sur de mauvaises bases : pardonne moi heu… *comment s’appelle-t-il déjà ?* Shun, je ne t’avais pas vu arriver. (Puis, se penchant vers Ikki, il souffla) Quand à toi jeune homme, je te conseillerais de parler à tes aînés avec un peu plus de respect, vu ?

Shun hocha vivement la tête et Ikki fronça les sourcils :

-Je parle comme je veux ok ?

-Oui bon d’accord, si tu veux.

Vraiment, Milo n’était pas d’humeur à se disputer avec des mioches ! Il avait d’autres choses à penser ! Le Scorpion ajusta son chapeau et s’éloigna :

-Allez, bonne journée.

Quand il fut certain que les enfants ne l’entendraient plus, il grogna :

-Sale gosse !

-Ils sont orphelins.

-Argh !!

Milo sursauta violemment et recula précipitamment, la main pressée sur son pauvre petit cœur :

-Encore vous ?!

L’homme aux longs cheveux blonds esquissa un sourire mystérieux :

-Ils doivent se débrouiller seuls, Ikki veille sur son frère cadet comme une poule veille sur ses œufs. C’est un garçon sensible et trop fragile pour survivre seul dans ce triste monde… Tu vois de quoi je parle n’est-ce pas ?

Milo se retourna légèrement pour observer les deux enfants s’éloigner, Shun regardant son frère avec des étoiles d’admiration dans les yeux.

-Je vois…

Souffla le jeune homme aux boucles blondes en se remémorant son passé : enfant, c’était lui qui veillait sur les plus jeunes…
Peut-être était-ce pour ça qu’il avait franchement failli s’énerver contre « Ikki », parce qu’ils se ressemblaient plus qu’il ne le pensait…

L’homme mystérieux, les yeux toujours fermés, demanda doucement, son éternel sourire étrange sur les lèvres :

-As-tu trouvé ce que tu cherchais, Scorpion ?

Milo hésita et fronça un sourcil, peu confiant :

-Comment ça ?

-L’homme que tu recherche.

Milo essaya de retenir l’énervement qui tentait de le submerger mais craqua :

-Mais comment pouvez-vous le savoir enfin ?!

L’homme esquissa un sourire :

-Je sais, c’est tout.

Le Scorpion se mordit la langue et retint un long soupir frustré et effrayé en même temps :

-Est-ce que je peux vous poser une question ?

-Ca dépend…

-Vous m’espionner en fait ?

L’homme esquissa un demi-sourire :

-Je n’ai pas besoin de te suivre pour savoir qui tu es Milo.

Le jeune homme déglutit bruyamment: mais c’est que ce mec commençait à le faire flipper ! Il souffla :

-Je ne… l’ai pas trouvé…

-Ah.

-Pas encore ! (se rattrapa Milo) Mais, ça va venir.

-Tu t’éloignes de la piste en cherchant ici Scorpion.

-Qué ?!

S’écria Milo tandis que l’homme ne cessait de sourire :

-Sois prudent

-Vous…

-Et surtout,

-Pourriez…

-Veille sur tes proches.

-Parler…

-Ce soir va être un soir décisif Milo.

-Français ! (S’écria le Scorpion en serrant les poings) Je ne comprends pas ce que vous êtes en train de raconter, je ne sais pas comment vous pouvez savoir tant de choses sur moi, et… Ca m’énerve !!

Milo se détourna et gronda :

-Je vais m’en aller, et je vous prierais de me laisser tranquille, moi et mes connaissances. Parce que, encore un petit détail. (Il se tourna vers l’homme et pointa un index accusateur sur lui. ) Je ne sais pas comment vous avez su que j’irais voir Kanon, mais vous laissez mes amis tranquilles ok ?!

L’homme à la longue chevelure d’or le laissa s’éloigner de quelques pas puis lança :

-Camus est en danger.

Milo s’arrêta net et sentit un filet de sueur froide rouler le long de sa colonne vertébrale : comment ça Camus était en danger ? Qu’est-ce que ça voulait dire ? Il se retourna lentement et souffla :

-Quoi ?

-Tu as parfaitement compris Milo.

Le Scorpion frissonna et demanda, beaucoup plus calmement que précédemment :

-Vous pouvez… *hum* Développer votre idée ?

-Camus cours un grand danger, et tout va se jouer ce soir.

Les yeux exorbités, Milo balbutia, perdu :

-Je… Et… Comment ça « en danger » ?

-Vous êtes découverts.

Le jeune homme aux cheveux blonds ressentit comme un coup au cœur :

-Non… C’est impossible… Mais qui ?!

-Un homme qui ne sert que ses intérêts. Et pourtant il n’est pas si mauvais… Ne te fie pas aux apparences… Je ne peux rien dire de plus : mais je te conseillerais de veiller sur lui discrètement.

Comme l’homme à la chevelure d’or se détournait calmement, Milo posa une main sur son épaule :

-J’aimerais… Savoir comment vous êtes au courant de tout ça.

L’homme se retourna à demi :

-C’est mon rôle de tout savoir. Mais je n’ai, hélas, pas le droit de tout dire.

Milo déglutit :

-Et… Est-ce que vous ne pouvez pas me dire où retrouver mon dernier client ?

L’homme rit doucement :

-Je te montre la voie Scorpion… Mais pas la destination.

-Et vous, vous allez où ?

Demanda Milo en fronçant les sourcils avec suspicion. L’homme sourit avec douceur :

-Je vais où je veux.

Il se dégagea calmement et s’éloigna lentement. Milo, abasourdi, se secoua mentalement et tendit la main :

-Attendez !

L’homme s’arrêta et le Scorpion osa demander :

-Qui êtes-vous ?

Un souffle de vent caressa sa joue et l’homme ouvrit calmement les yeux. Milo se sentit sondé au plus profond de son âme et il se mit à trembler : ce regard si bleu était d’une pureté à couper le souffle.
Un regard de Dieu...

L’homme sourit :

-On me connait sous beaucoup de noms... (Il lui fit un léger clin d’œil) Mais tu peux m’appeler Shaka.

Milo cligna des yeux et lorsqu’il les rouvrit, l’homme avait disparu.

Chapter Text

Milo marchait, la tête basse, perdu dans ses pensées moroses : son instinct lui hurlait de se précipiter chez Camus pour voir comment il se portait mais… Et si cet homme le menait en bateau ? Il aurait l’air d’un parfait idiot s’il se ramenait en courant chez son ami !

Le Scorpion porta la main à son crâne en grimaçant : toutes ces embrouilles allaient finir par le rendre fou ! Mais… Et si Camus était vraiment en danger… Rah ! Dilemme trop compliqué après une semaine aussi épuisante !

Milo leva la tête, le soleil était couché depuis une bonne heure et il commençait à faire noir, avait-il seulement le temps de courir jusqu’à la maison de son meilleur ami ? Le Scorpion souffla, faisant voler une mèche de cheveux qui lui gâchait la vue : Camus était un grand garçon bien entouré et tout à fait capable de se défendre tout seul ! Il n’y avait aucune raison de s’inquiéter.

N’est-ce pas ?

Et pourtant, le nœud dans son ventre ne cessait de se resserrer à chaque pas qui l’éloignait de la demeure des Deverseau. Milo serra le poing : c’était la faute de cet homme ! Avec ses certitudes et ses énigmes, il semait le doute dans l’esprit déjà embrumé du pauvre assassin ! Perdu dans ses pensées moroses, Milo se dit qu’il passerait bien voir Aiolia lorsqu’une voix l’interpella, le faisant se retourner vivement :

-Ta mère ne t’a pas dit que c’était dangereux de se promener tout seul dans les rues le soir ?

Milo leva la tête et plissa les yeux : assis sur un toit, défiant la gravité, le buste penché en avant, un homme jouait avec un coutelas dont la lame scintilla un court instant, éclairant les yeux de braise de son propriétaire :

-Tu pourrais faire de mauvaises rencontres

Le Scorpion ricana, les poings sur les hanches :

-Et la tienne ne t’a manifestement pas mis au courant des lois de la gravité !

-Hin hin ! (Le railla l’homme) Toujours aussi comique !

Milo fronça les sourcils :

-Je ne pense pas avoir l’honneur de te connaître, mon gars ! Maintenant si tu descendais de ton perchoir pour me montrer ta frimousse, j’aurais peut-être le loisir d’admirer ton minois et de faire connaissance. Qu’en dis-tu ? Quand à moi, on m’appelle Scorpion. (Une lueur rouge éclaira ses yeux clairs) Tu as sans doute dû entendre parler de moi.

-Oh mais on se connait déjà... Milo.

Le prénom avait été craché avec tant de mépris et de haine que le jeune homme blond frémit. Il ajusta son chapeau :

-Peut-être accepterais-tu d’éclairer ma lanterne ?

-Avec joie !

L’homme se laissa tomber en avant (« Oh ciel, c’était une suicide party ?! » s’effara Milo), effectua un salto avant (rien que ça) et atterrit accroupi sur le sol, le visage masqué par une mèche de cheveux sombres.

D’instinct, Milo porta la main à la garde de sa rapière : il émanait de cet homme une aura d’une noirceur sans pareille… Une aura dangereuse…
Il puait littéralement la mort !

Il se redressa lentement et le Scorpion put apercevoir derrière la mèche sombre, un énorme sourire sadique qui étirait les lèvres de l’homme. Un frisson courut le long de la colonne vertébrale de Milo : à peine plus petit que lui, il semblait englobé d’un épais nuage de cendres…

-Joli vol plané.

Lança narquoisement le Scorpion : impossible de ne pas lancer cette pique ! Milo adorait tellement faire enrager les gens ! Mais l’homme ricana :

-Je n’ai que faire te tes compliments, tout ce que je veux…

L’homme leva son coutelas devant son visage, le dissimulant à moitié :

-C’est ta tête.

Milo fronça les sourcils et retint un sursaut :

-Ma tête ? Rien que ça ?

Il hésita puis se détourna en haussant les épaules :

-Ouais ben ce sera un autre jour parce que je suis débordé pour le moment !

Son oreille aiguisée perçu un sifflement et il se décala d’un pas: le coutelas rebondit sur le mur qui lui faisait face et glissa sur le sol, passant à un cheveu de sa joue.
Milo se retourna vivement, plus du tout souriant :

-Je veux ta tête. Maintenant.

L’homme plissa les yeux et Milo entrouvrit la bouche :

-Tu es…

La lumière se fit dans son esprit et il gronda :

-Une telle lâcheté ne pouvait-être que ta signature, n’est-ce pas, Angelo ? Ou bien devrais-je dire, « Masque de Mort » ?

Angelo sortit un autre coutelas de sa ceinture et tapota doucement la paume de sa main avec la lame, un sourire torve sur les lèvres :

-Je t’avais juré que tu me le paierais, Milo ! Et après tellement d’années, ce jour tant attendu est enfin arrivé.

Masque de Mort passa la langue sur ses lèvres en esquissant un sourire carnassier :

-Ca fait tellement longtemps que j’attends ce moment. Enfin, ma patience va être récompensée !

Angelo se jeta sur lui, poignard en avant, et Milo se décala au dernier moment. Le jeune homme aux cheveux bleus se retourna, le sourire aux lèvres. Le Scorpion ricana :

-Tu pensais vraiment que j’allais te laisser me tuer aussi facilement ?

-Pas du tout, au contraire : je compte sur toi pour me compliquer la tâche et rendre ça distrayant.

Milo dégaina sa rapière, sourcils froncés mais le sourire aux lèvres :

-Tu me connais trop bien.

Angelo rangea son coutelas et sortit une courte rapière de son fourreau :

-Alors que la fête commence !

Les deux adversaires se regardèrent un moment, silencieux, le vent soufflant calmement autour d’eux. Milo analysa la position d’Angelo, relâchant ses épaules autant qu’il le pouvait :

-Du calme… Le plus important est de rester calme et de garder son sang-froid.

Masque de Mort ricana :

-Et alors, t’as peur que tu ne bouges pas ?

Milo sourit :

-Pas du tout. Je t’attends et j’observe.

-Hmpf, tu me fatigues !

Angelo se jeta sur lui, lame tendue en avant. Milo para le coup et des étincelles jaillirent lorsque les deux lames s’entrechoquèrent. Le visage tendu, Masque de Mort grogna :

-Réagis, enfin ! Je t’ai connu plus combattif !

Milo esquissa un sourire sadique et repoussa son adversaire avec sa lame :

-C’est que je me fais vieux.

Le Scorpion détacha sa cape de son dos et l’envoya valser sur le côté (avec classe et grâce). Le tissu noir glissa sur le sol en bruissant, distrayant quelques secondes le regard de braise d’Angelo. Milo haussa les sourcils et fit un pas menaçant en avant, soufflant crânement et raillant son adversaire. Angelo plissa les yeux :

-Frimeur !

Milo passa une main narquoise dans ses cheveux blonds, les faisant voler gracieusement derrière lui, esquissant une mimique provocante :

-Tu es juste jaloux de ma classe naturelle !

-Tais-toi et bats-toi plutôt !

Les épées tintèrent en se heurtant et les deux hommes enchainèrent estocade sur estocade. Le Scorpion plissa les yeux : une goutte de sueur roula le long de sa tempe tandis que son adversaire se mettait à souffler (d’épuisement ou de rage? Nul n’aurait su dire…) Soudain, Angelo s’appuya de tout son poids sur Milo.

Le Scorpion le laissa prendre le dessus, faisant mine de lutter avec difficulté puis d’abandonner. Masque de Mort esquissa une grimace sanguinaire :

-Tu joues les fortes têtes mais au fond, tu es faible ! Un bien piètre adversaire ! Je suis déçu : j’espérais mieux de ta part Milo !

Le Scorpion grimaça sous le poids que lui infligeait le jeune homme aux cheveux bleus puis un léger ricanement s’échappa de ses lèvres : comme Masque de Mort haussait les sourcils en une mimique surprise, Milo leva le pied et shoota dans le poignet de son adversaire. Angelo retint un cri et se retourna avec de grands yeux effarés : son épée se planta entre deux briques et y resta fichée.

Il se tourna vers Milo, ébahi :

-Tu…

Le Scorpion ricana doucement, la rapière levée près de son visage :

-Héhéhé !

Masque de Mort retint un grognement et fit un bond en arrière pour se saisir de son épée et la tendre devant lui :

-J’admet que tu ne te débrouilles mieux qu’il n’y paraît. (Il ricana) C’est dire si c’est étonnant !

Milo riposta, sans se départir de son sourire arrogant :

-Dis plutôt que je suis plus fort que toi !

Angelo prit son élan et le combat reprit avec acharnement. Milo plissa les yeux, anticipant les coups du mieux qu’il pouvait. Son adversaire jouait le tout sur la distraction et la force, en rien dans la subtilité ou encore dans le style de combat. Tandis que lui…

Le Scorpion sourit : la subtilité était sa spécialité !

Comme Angelo se jetait littéralement sur lui pour le plaquer au sol, Milo se pencha et attrapa sa cape pour la brandir au dessus de lui. Masque de Mort retint un juron surpris lorsque le noir se fit soudain autour de lui. Puis, le Scorpion donna un violent coup de coude sur la nuque de son adversaire : pas assez fort pour lui faire perdre connaissance mais juste assez fort pour faire mal.
Bien mal.

Le sourire de Milo s’agrandit.

Angelo cria et s’effondra sur le sol, lâchant sa rapière dans le même mouvement. Milo fouetta l’air de sa lame :

-Je ne veux pas te tuer, Angelo.

Le jeune homme aux cheveux bleus arracha rageusement la cape de son visage, une grimace de haine pure peinte sur son visage déformé par la colère :

-La ferme !!

Milo empoigna son adversaire par les cheveux et feula :

-Pour qui tu travailles ? Qui m’en veut à ce point ? Kanon ? Le fameux Aphrodite ? Ou encore Shura ? Qui t’as enrôlé ?

Angelo ricana:

-Tu es tellement loin de la vérité, mon pauvre Milo ! Je suis mon propre chef et si je fais ça…

Le jeune homme aux cheveux bleus referma sa main sur le poignet du Scorpion et gronda :

-C’est pour ma vengeance mais surtout…

Il tordit violemment le poignet de son adversaire qui retint un hurlement de douleur. Le sourire de Masque de Mort s’élargit :

-Pour mon simple plaisir !

Comme Milo voulait se reculer, Angelo serra la main, l’empêchant de s’écarter et, au contraire, l’attira à lui. Il plia les jambes et frappa des pieds dans le ventre du Scorpion. Le jeune homme blond expira tout l’air contenu dans ses poumons et écarquilla les yeux sous la douleur.

Il s’effondra sur le dos et grimaça : son poignet gauche le faisait atrocement souffrir (mais avec un peu de chance il n’était pas cassé) et il n’arrivait plus à respirer :

-Je dois… Résister !

Sa tête fut relevée par la poigne de fer d’Angelo qui souriait :

-A mon tour de rire !

Il serra les poings et frappa, violemment. Une fois, deux fois, trois fois,…
Milo cracha le sang qui avait envahi sa bouche et bloqua du mieux qu’il pouvait le poing de son adversaire, l’arcade sourcilière en sang :

-Assez…

Angelo éclata de rire :

-Parce que tu croyais que j’allais juste t’égorger ? Franchement Milo, tu es d’un naïf ! Tu ne te souviens pas de ce que tu m’as fait ?

Il sortit un couteau de sa ceinture et la passa distraitement sur la joue du Scorpion qui grimaça :

-Moi je n’ai pas oublié l’humiliation que tu m’as infligée. Et je compte bien faire de même avec toi : te faire souffrir…

La lame appuya sur la peau de Milo et le sang commença à couler. Le Scorpion gronda tandis que Masque de Mort souriait :

-T’humilier puis seulement te tuer !

Milo cria lorsqu’Angelo remonta le long de sa joue, laissant une plaie sanguinolente sur son passage. Masque de Mort éclata d’un rire hystérique :

-Hahaha !! C’est ça !! Crie seulement !!

Milo chercha frénétiquement un objet qui pourrait le sauver et sa main rencontra une bûche de bois. Sans réfléchir, il la brandit et frappa avec l’énergie du désespoir sur la tempe d’Angelo. Masque de Mort cria et se recula, la main pressée sur sa tête.

Le Scorpion se releva vivement et essuya le sang qui coulait dans ses yeux et le long de son menton. Le jeune homme aux cheveux bleus leva la tête avec des yeux de fous :

-Enfoiré !!!

Il se jeta sur Milo en hurlant, toutes griffes dehors :

-Je vais te TUER !!!!!!

Le Scorpion tendit le bras et sourit tristement :

-Désolé.

Le claquement d’un coup de feu résonna dans la ruelle, faisant taire les hurlements d’Angelo.
Masque de Mort frémit puis baissa les yeux, ses pupilles se dilatèrent et il porta lentement la main à son cœur : un filet de sang coulait hors d’une plaie circulaire formée par…

Il leva les yeux vers Milo qui tenait un fusil encore fumant en main.
Son fusil.

Un mince filet de liquide vermeil s’écoula le long du menton de Masque de Mort qui balbutia :

-Que… Comment ?..

-Il pendait à ta ceinture. Je te l’ai « emprunté » quand tu essayais de me dépecer.

Angelo hésita puis sourit :

-Hmpf… Œil pour œil…

Milo termina, les sourcils froncés :

-Dent pour dent.

-C’est… De bonne guerre…

-Ouais…

Masque de Mort toussa et tomba à genoux :

-J’aurais voulu… Te trancher la gorge mais…

Il leva la tête, l’air apaisé :

-Ca c’est pas mal non plus.

-Que…

S’étonna Milo en haussant les sourcils. Soudain, il écarquilla les yeux et porta la main à son ventre. Lorsqu’il leva le bras, son gant sombre était couvert de rouge vermeil ! Il baissa la tête : Masque de Mort serrait encore dans sa main droite un coutelas trempé de sang. Le Scorpion souffla et Angelo rit doucement :

-Finalement… J’aurais eu… Ma vengeance…

Il se laissa doucement tomber en avant et ferma les yeux, le sourire aux lèvres :

-Milo ?

-Ouais ?

-Tu sais quoi ?

-Non.

Le Scorpion s’accroupit aux côtés d’Angelo et esquissa un triste sourire. Masque de Mort toussa :

-Je ne te détestais pas avant… Mais j’ai… J’étais… Amoureux…

Milo rit doucement :

-Toi ?! Amoureux ?! Qui était la malheureuse élue ?

Mais la fin de sa phrase s’étrangla dans sa gorge lorsque les yeux rouges d’Angelo se fixèrent dans les siens. Il souffla, la voix rauque :

-C’était…

Le jeune homme aux cheveux bleus hocha doucement la tête :

-Ariane… Ca a… Toujours été elle…

Milo serra les mâchoires et Angelo toussota :

-Mais… Elle ne sait rien… Elle est… à un autre…

-Un autre ?

-Ha ! Tu aimerais savoir hein ? Mais si je peux te donner un conseil… Ariane… Doit être le cadet de tes soucis… Ton ami… Vit ses derniers instants…

Milo écarquilla des yeux horrifiés : ainsi, l’homme mystérieux avait raison ! Le Scorpion demanda :

-Pourquoi tu me dis tout ça ?

-Disons que…C’est en souvenir du bon vieux temps…

Milo esquissa un sourire ému et Masque de Mort leva soudain la tête vers le ciel étoilé et souffla en souriant :

-Je n’ai pas peur… De la mort.

Il tendit le bras vers le haut et murmura :

-Viens… Je t’attendais…

Il tressaillit et son bras retomba le long de son corps, inerte. Ses yeux rouges si vifs venaient de s’éteindre…

Milo resta immobile un instant, perdu : il se sentait triste… Absolument pas heureux d’avoir sauvé sa vie. Juste déçu et… Etrangement soulagé. Après un long silence, il déchira un bout de sa cape pour servir de garrot puis couvrit le corps sans vie du jeune homme avec le gros du tissu. Il souffla :

-Merci… Angelo…

Il se leva difficilement pour se mettre à trottiner vers la demeure des Deverseau :

-J’arrive Camus...

Doucement, le sang imbibait le tissu et gouttait sur le sol… Promesse d’une vengeance tant attendue et réalisée dans la mort…

Chapter 29: Chapitre 29

Chapter Text

-Et je peux te faire confiance Aphrodite ?

-Mais oui mon chou ! Sois sans crainte !

Aphrodite Pisces, jeune homme de 23 ans aux longs et épais cheveux bleus clairs et aux lèvres roses, fit de petits mouvements avec les mains du haut de son mètre 83 (enfin, 85 si on prenait en compte les talons) pour chasser son ami hors de sa vue. Camus leva les mains en souriant vaguement :

-D’accord, d’accord. Veille bien sur eux pour moi : ils sont encore jeunes et il ne faut pas qu’il leur arrive malheur.

-Ne t’inquiètes de rien Camus ! JE m’occupe de tout ! Allez, file : tu es attendu !

Sans attendre que le Français se soit détourné, Aphrodite s’en fut en sautillant vers la salle à manger, là où se trouvaient ses victimes. Camus s’empêcha difficilement de pouffer : les garçons risquaient de passer une longue soirée. Une trèèèèès longue soirée.

-Camus ? On y va ?

Le jeune Français se retourna : appuyé à la porte d’entrée, Aioros souriait avec bienveillance, les poings sur les hanches :

-Les autres nous attendent.

Camus posa son chapeau sur sa tête et se détourna de la salle où se trouvaient Aphrodite et les deux garçons, s’empêchant de ricaner à l’idée de ce qu’allaient subir ses protégés :

-Allons-y.

Tout deux sortirent, côte à côte. La nuit était douce et la lune brillait haut dans le ciel parsemé d’étoiles. Une belle nuit. Aioros avait invité Camus à passer la soirée dans une taverne « bien famée » de la basse ville, un petit bijou selon lui :

*Les gens sont gentils, l’ambiance est géniale, la boisson est bonne et la nourriture est excellente ! Ca vaut franchement la peine ! Si tu veux on a qu’à y aller un de ces quatre !*

Camus avait accepté : après tout, pourquoi pas ? Il avait besoin de se changer les idées et passer une petite soirée avec ses amis lui ferait le plus grand bien. Ah… Si seulement Milo était né noble, il aurait pu venir avec eux !

Enfin, Camus avait donc demandé à Aphrodite de garder les garçons la soirée, le temps qu’ils reviennent de leur expédition.

Les deux amis s’engagèrent dans une ruelle, Aioros papotant pour deux : il savait très bien que le Français n’avait jamais été bavard. Ce qu’il ne savait pas, c’est qu’il parlait plus avec Milo en une heure qu’il ne l’avait jamais fait avec lui en une soirée. Lors d’un moment de silence, Camus demanda :

-Qui sera là ?

-Saga et peut-être Shura !

Répondit le jeune homme brun avec un grand sourire chaleureux. Camus esquissa un sourire amusé : évidemment, là où il y avait Aioros, il y avait d’office Saga (ces deux là étaient vraiment inséparables !) et Shura ne pouvait pas être loin, vouant une admiration sans bornes envers le jeune homme aux cheveux bruns !

Le jeune Français passa une main distraite dans sa longue chevelure de feu, la faisant voler derrière lui :

-J’espère que ça en vaut la peine.

-Ne t’en fais pas ! Je suis un habitué de la maison et je n’ai jamais été déçu !

Aioros sourit et Camus se sentit plus ou moins rassuré : le jeune homme aux cheveux bruns était digne de confiance, si il disait que l’endroit été sympathique, c’était sans doute vrai.

Le jeune homme aux cheveux bruns s’approcha d’une taverne dont l’enseigne brillait à la lueur d’une lanterne et poussa la porte, un sourire ravi sur les lèvres :

-Viens viens !

Camus entra à la suite de son ami : il fallait l’avouer, Aioros savait bien mieux choisir ses tavernes que Milo ! Les gens étaient tous sagement assis à leur table, parlaient calmement et mangeaient proprement.
Le Français souffla de soulagement : enfin un endroit correct !

Assis au fond de la salle, un homme se leva et leur fit signe de la main, un grand sourire sur les lèvres :

-Par ici !

Le regard d’Aioros s’illumina :

-Ah ! Saga est déjà arrivé !

-Je vois ça.

Tout deux se dirigèrent vers la table où était installé leur ami et s’assirent. Camus tourna la tête sur le côté :

-Shura n’est pas là ?

S’étonna-t-il. Saga haussa les épaules :

-Il ne viendra pas. Il m’a dit qu’il avait quelque chose à faire et je ne l’ai pas retenu.

Aioros demanda :

-Et tu es venu seul ? Sans garde du corps après ce qui t’es arrivé dernièrement ? Mais c’est du suicide !

Camus s’efforça de garder un visage neutre et se mordit l’intérieur de la joue : il ne devait pas se trahir ! Ni trahir Milo par la même occasion ! Inconscient du trouble qui agitait l’esprit du Français, Saga sourit :

- Ne t’en fais pas : Masque de Mort veille dans les environs. Crois-moi, avec lui dans les parages, il ne m’arrivera rien !

Aioros rit doucement :

-Je n’en doute pas une seule seconde !

Camus songea qu’en effet, qui affronterait sciemment un tel psychopathe ? En tout cas pas lui ! Il n’était pas encore assez fou ! Quoique… S’il continuait à côtoyer Milo régulièrement… Alors oui, le Scorpion risquait de le rendre bon pour l’asile! Et ça risquait de salir sa réputation !

Pour détourner la conversation qui risquait plus de lui nuire qu’autre chose, le jeune Français demanda :

-Que voulez-vous boire ?

Chapitre 36

Ils restèrent deux bonnes heures dans la taverne, parlant de tout et de rien, riant (enfin, souriant vaguement pour Camus), se racontant des souvenirs d’enfance…

Aioros écrasa son poing sur la table, les larmes aux yeux :

-Hahaha !! Je t’imagine très bien dans du vernis sur les ongles !! Haha !! Cet Aphrodite est un vrai comique !!

Camus sourit : cette anecdote ne manquait jamais de faire rire les auditeurs. Même Saga, pourtant assez réservé, riait à gorge déployée :

-Je demande à voir les tresses moi ! Haha !! Ca devait être épique !

Le jeune homme aux cheveux bleus essuya délicatement le coin de son œil droit et se saisit de son verre pour le porter à ses lèvres et… Saga retint une exclamation de surprise et jeta un coup d’œil déçu à son verre désespérément vide :

-Oh…

Ils restèrent silencieux un court instant, fixant le verre comme s’il allait soudainement se remplir sous leurs yeux ébahis. Puis Aioros et Saga éclatèrent de rire tandis que Camus pouffait doucement : la bière avait le don de rendre les gens heureux et perpétuellement joyeux.
Ils riaient pour un rien.

Camus se leva et attrapa les verres en souriant :

-Je vais en réclamer encore un verre chacun. Mais après on y va d’accord ?

-D’accord Maman !!

S’écrièrent les deux amis en cœur avant d’éclater de rire à nouveau, secoués par de violents sursauts. Camus s’éloigna en secouant la tête : ils étaient pires que des enfants ! Saga s’appuya sur Aioros et hoqueta, peinant à calmer son fou rire :

-Huhu ! Ca veut dire qu’on est frères alors !!

-Ouaich ! (un sourire béat étira les lèvres du jeune homme brun) C’est chouette de t’avoir comme frère !

-Tu sais quoi ?

-Naan ! Dis-moi tout ?

Saga se redressa à peine et finit, un large sourire sur les lèvres :

-J’ai toujours rêvé d’avoir un frère comme toi.

Aioros écarquilla les yeux et tapota gentiment dans le dos de son meilleur ami en riant doucement :

-Tu me flattes !

-Ouais parce que mon p’tit frère il a toujours été méchant avec moi ! Toi au moins t’es gentil ! Lui c’est un vrai conna…

Aioros leva les mains, horrifié :

-M’enfin ! Dis pas des horreurs pareilles ! (il leva des yeux rêveurs au ciel) Un petit frère c’est la meilleur chose qui puisse exister. On veille sur lui, on le regarde grandir… (il souffla et se tourna vers son ami) Tu es trop dur avec ton frère : tu pourrais parler avec lui non? Vous pourriez renouer des liens et tout et tout ! Je suis sûr qu’il n’est pas aussi mauvais que tu le dis.

Saga tiqua et s’écarta brusquement de son meilleur ami, les sourcils froncés :

-Tu ne sais pas de quoi tu parles ! Tu ne sais rien sur mon frère ! Tu m’entends ?! Tu ne sais rien !!

Aioros écarquilla les yeux et s’éloigna de son ami d’autant de centimètres que la gravité lui permettait :

-Hein ?! Mais pourquoi t’es fâché ? Je dis juste que…

-LA FERME !!! (hurla Saga, soudain devenu fou, en se levant et en écrasant brusquement ses mains sur la table) Tu ne sais rien sur mon frère et tu ne sais rien sur moi !! Alors tu la ferme !! PIGE ?!!

-Mais mais mais… (Tenta encore une fois le jeune homme aux cheveux bruns en levant les mains) Je dis juste que tu devrais parler avec ton fr…

-MON FRERE EST MORT DEPUIS DES ANNEES !!!! ET CE N’EST PAS TOI QUI CHANGERAS LES CHOSES OK ?!!!! ALORS TU ME FOUS LA PAIX !!!!!

S’époumona Saga en frappant du poing sur la table, faisant se retourner tous les gens présents dans la taverne. Aioros écarquilla des yeux horrifiés lorsqu’il aperçu des mèches grises parsemer les cheveux bleus de son ami et ses pupilles virer au rouge sang. Il posa une main qui se voulait rassurante sur le bras de son ami en soufflant :

-Saga…

-Ne me touche pas !

-Tu te fais du mal…

-Ne me touche pas !!

-Pense à Shion, qu’est-ce qu’il dirait s’il te voyait dans un état pareil ?

-NE ME TOUCHE PAS !!!!!!!!!! ET JE T’INTERDIS DE ME PARLER DE SHION !!!!!!!!!!!

Sa voix se brisa lorsqu’il prononça le nom de son père adoptif tant regretté et le jeune homme poussa un sanglot déchirant avant de repousser violemment Aioros dont la chaise bascula en arrière. Le jeune homme brun retint un glapissement et en moins de temps qu’il ne faut pour dire « ouf » il se retrouva sur le séant, abasourdi.

Saga se dressa de toute sa hauteur devant son ami et hurla, les cheveux presque entièrement gris cette fois :

-Laisse-moi tranquille !!! Je n’ai que faire de tes conseils !!

Aioros cligna plusieurs fois des yeux et souffla :

-Saga…

-Tais-toi !! Tais-toi…

Termina-t-il en un murmure. Essoufflé comme s’il avait couru un marathon, Saga s’appuya sur le mur derrière lui et se prit la tête entre les mains en balbutiant, se parlant à lui-même :

-Ce n’est pas ma faute… Il n’avait pas à faire ça… Tout ça c’est à cause de lui… Mais ce que j’ai fait est mal… Ah !!

Saga rejeta la tête en arrière et éclata d’un rire de fou :

-AHAHAH !!! Mais je suis le mal !! Mieux, je suis DIEU !! Tu le sais n’est-ce pas ?!! Nyahahahaha !!!!!

Il hurla de rire, les mains levée au ciel comme s’il invoquait une quelconque divinité. Aioros pâlit devant la folie soudaine qui venait de s’emparer de son ami, tout à fait normal quelques secondes auparavant. La voix de Camus claqua soudain :

-Il suffit Saga.

Le jeune homme leva ses yeux rouges vers lui et siffla :

-Oh… Je vois… Toi aussi tu es contre moi Camus… (il tourna la tête et souffla, comme s’il était soudain quelqu’un d’autre) Oui… Tout le monde est contre toi… (il tourna la tête dans l’autre sens, changeant littéralement de visage et prenant une voix larmoyante) Mais je suis gentil pourtant ! (de nouveau, il tourna la tête vers la gauche, le visage déformé par la haine et la roublardise) Oh mais c’est pour ça qu’ils te haïssent tous… Ils sont jaloux de toi !

Camus haussa un sourcil : mais qu’est-ce qu’il lui prenait ?! Que s’étaient dit ces deux oiseaux pendant sa courte absence ?! Il lança :

-Prends ton manteau, on s’en va. Ca vaut pour toi aussi Aioros.

Le jeune homme aux cheveux bruns se leva et enfila lentement sa cape sans pouvoir détacher ses yeux du spectacle que donnait Saga, jouant deux acteurs simultanément. Camus réitéra son ordre :

-On s’en va Saga, prends ton manteau.

-Mais c’est qu’il me donnerait des ordres le French !

Feula-t-il avant de ricaner. Camus sentit un filet de sueur froide rouler le long de sa colonne vertébrale : il ne connaissait pas la peur. Pourtant, le ton employé par Saga le fit frissonner mais pas de peur.
De terreur.

Une terreur sourde et instinctive, voire primitive. Une terreur qui hurlait à la proie de fuir le prédateur tapi dans les fourrés.

Saga se pencha en avant :

-Comment oses-tu seulement me parler sur ce ton ?

-Ne t’approche pas de moi.

-Je fais ce que je veux !

-Ne t’approche pas.

-Sinon quoi ?! Tu vas me tuer ?!!

Il fit un pas en avant et sursauta soudain : Camus venait de lui balancer le contenu de son verre d’eau glacée au visage (le Français commençait à se dire qu’il pourrait faire carrière dans ce métier). Le jeune homme se recula et Camus fut soulagé de voir que ses yeux et ses cheveux reprenaient leurs couleurs naturelles. Haletant comme s’il sortait d’un mauvais rêve, Saga souffla :

-Camus ?.. Aioros ?.. Qu’est-ce qui ?...

Saga se tourna sur le côté et les gens se reculèrent, horrifiés. Le jeune homme balbutia :

-Je… Je ne…

-Prends ton manteau.

Saga se tourna vers Camus, les lèvres tremblantes, perdu comme un enfant qu’on dispute pour la première fois : le jeune Français lui tendait sa cape, les sourcils froncés :

-On s’en va.

Ordonna-t-il d’un ton sans appel. Saga baissa la tête et se saisit doucement de sa cape. Dehors, une ombre postée à la fenêtre depuis le début de la scène frissonna de rage et disparut.

-Je suis désolé ! Je ne sais pas ce qui m’a pris ! Je ne..

-C’est bon Saga, n’en parlons plus.

Le jeune homme aux cheveux bleus baissa la tête et essuya son visage encore trempé par l’eau que lui avait jeté Camus. Il ne comprenait pas ce qui s’était passé : il se souvenait avoir parlé de son frère à Aioros puis… Plus rien. Son souvenir suivant était Camus qui lui flanquait un verre d’eau à la figure.

Que s’était-il passé ? Qu’avait-il donc fait pour mériter ces silences et ces regards ?

Il s’arrêta soudain, les poings serrés et la tête basse :

-Pardonnez-moi.

Aioros et Camus qui marchaient un peu devant se retournèrent et le jeune homme brun souffla, un air triste peint sur le visage :

-Ce n’est rien Saga : ça arrive à tout le monde d’être en colère et…

-Non ! (claqua le jeune homme aux cheveux bleus, tremblant de peur et de rage) J’aurais pu te blesser… Ma conduite a été impardonnable et… J’ai tellement honte ! Je…

Aioros posa une main douce sur l’épaule de son meilleur ami :

-Saga…

Le jeune homme se dégagea :

-Non. Ne me touche pas : ma déchéance risquerait de nuire à ta réputation… (ses yeux clairs s’emplirent de larmes et il se détourna) Pardonnez-moi...

-Non Saga ! Attends !

S’écria Aioros en tentant de retenir son ami. Mais le jeune homme aux cheveux bleus s’était déjà enfui en courant, la tête basse et les dents serrées : il allait rester enfermé chez lui plusieurs jours… Seul, le temps que ses amis puissent lui pardonnez son horrible comportement…

Aioros voulu courir et tendit la main :

-Saga !! Reviens !!

Une main se posa sur son épaule, l’empêchant d’avancer. Il se retourna vivement :

-Camus ?!

Le jeune homme aux cheveux rouges secoua doucement la tête et souffla gentiment :

-Laisse-le : il a besoin d’être seul un moment…

Aioros hésita puis baissa la tête et se détourna, résigné ::

-Tu as sans doute raison…

Ils se remirent tristement en marche, Aioros perdu dans ses pensées moroses et Camus réfléchissant à ce qui avait pu se passer. Après un moment, il souffla :

-Ne t’en fais pas : je suis sur que ce n’est rien. Tu sais, il a été fort chamboulé par la mort de Shion. Ca l’a perturbé, il lui faut un peu de temps pour s’en remettre.

Aioros souffla :

-C’est sans doute ça.

Il s’arrêta soudain, le corps tendu comme la corde d’un arc. Le Français demanda :

-Qu’est-ce qu’il y…

D’un coup, Aioros poussa violemment Camus sur le côté en criant :

-Attention !!

-Quoi ?!! (Glapit Camus d’une petite voix en se sentant tomber en arrière.)

Mais qu’est-ce qu’il prenait à Aioros ?! Était-il devenu fou lui aussi ?! Pourquoi faire une chose pareille ?!
Coupant au court avec ses réflexions philosophiques, le Français heurta le mur derrière lui et sa tête cogna les briques, lui faisant pousser un léger cri. En grimaçant, il glissa sur le sol en se tenant le crâne :

-Mais qu’est-ce qui te prend enfin?! Tu as perdu l’esprit ?! Tu…

Camus écarquilla des yeux horrifiés lorsqu’il aperçu un couteau planté dans le sol à l’endroit où ils se trouvaient quelques secondes auparavant. Il leva les yeux vers Aioros et souffla :

-Comment est-ce que tu as su ?

Mais le jeune homme semblait ne pas l’entendre, les yeux fixés sur une silhouette dissimulée dans l’ombre :

-Qui va là ?

Camus se redressa et plissa les yeux : il aperçu une silhouette dissimulée dans l’ombre. Un homme se tenait là. Jambes légèrement écartées. Discret. Confiant. Aioros gronda :

-Montrez-vous, lâche !

L’homme (que dis-je : l’assassin !) resta immobile quelques secondes, (le temps que Camus se relève), avant de s’avancer d’une démarche assurée :

-Tu n’aurais pas dû faire ça Aioros : tu savais ce qui risquait d’arriver. A présent que tu en sais trop, il est trop tard pour faire demi-tour.

Camus se dressa de toute sa hauteur, se souciant peu des inquiétantes paroles que l’homme venait de prononcer, et lança d’un ton glacial :

-Vous divaguez, manant : vous ne savez pas à qui vous avez affaire.

-Tu penses vraiment Camus ? En es-tu certain ?

Comme le Français écarquillait légèrement les yeux sous la surprise, l’homme s’arrêta, parfaitement visible et reconnaissable entre mille. Camus retint un glapissement et Aioros s’écria :

-Sh.. Shura ?!

Le jeune homme aux cheveux noirs esquissa un sourire menaçant, une lueur terrifiante billant dans ses yeux sombres :

-Ce soir je ne suis pas Shura, je suis seulement votre bourreau.

Aioros eut l’impression que son cœur venait de se fissurer et de subitement voler en mille morceaux : Saga le menaçait et maintenant, Shura, son ami, son admirateur, voulait leur mort ? Camus se contenta de froncer les sourcils tandis que le jeune homme aux cheveux bruns s’effarait :

-Mais c’est insensé !! Pourquoi veux-tu faire une chose pareille ?! Tu ne…

-Comment as-tu pu être assez stupide pour croire un seul instant que tu pourrais échapper à ton châtiment ? (le coupa le jeune homme aux cheveux noirs) Ca ne te ressemble pas pourtant de ne pas assumer tes erreurs.

-Mon… Châtiment ? Mais je ne comprends pas ce que tu veux dire ! Dépose cette épée et parlons comme des hommes civilisés veux-tu ?

-Non ! Tais-toi : je n’ai pas de temps à perdre à écouter tes tentatives désespérées pour sauver ta peau ! Peu m’importent les paroles d’un condamné !

Tout en parlant, Shura crispait sa main sur la garde de sa rapière, faisant crisser son gant sombre. Il fit un pas :

-Il n’existe qu’un seul châtiment pour les traîtres de ton espèce (un sourire torve et pourtant triste étira ses lèvres) : la mort.

Aioros pâlit et défaillit :

-Non attends ! Je ne comprends rien !

-Arrête de jouer les innocents ! Tu sais parfaitement de quoi je veux parler !

-Je...

-Suffit !!

La voix de Camus claqua, faisant taire les deux hommes qui se retournèrent vers lui. Les poings sur les hanches, le Français gronda :

-Cela suffit. Shura : Aioros et moi allons calmement rentrer chez nous pendant que tu iras chercher Saga qui vient de s’en aller. D’accord ? Nous reparlerons de tout ça demain, à tête reposée et…

-Silence ! Ton tour viendra mais pour le moment, (Shura se détourna de Camus) je m’occupe d’Aioros.

Faisant un pas menaçant en avant, Shura gronda, le sourire aux lèvres :

-Tâche de mourir dignement : je t’offre l’immense honneur de mourir de ma lame !

Le jeune épéiste aux cheveux noirs leva sa rapière et Aioros passa une main dans son dos en tendant l’autre devant lui :

-Sauve-toi Camus !!

-Quoi ?!

Il ne comprenait plus rien ! Pourquoi diable Shura voulait-il les tuer ?! Et puis, qu’est-ce qu’Aioros était en train de fabriquer avec une main dans son dos ?!
Shura abaissa soudain sa lame et Camus cria avec horreur :

-Aioros !! Non !!

Le jeune homme aux cheveux bruns retint un cri de douleur lorsque la lame lui entailla profondément l’épaule puis se décala d’un pas dans l’espoir d’éviter un autre coup. Hélas, il ne se dégagea pas assez vite et le second coup le fit hurler : un flot de sang s’écoula de sa jambe gauche :

-Arrête Shura !!

Hurla Camus, effaré par l’horreur de la situation : que devait-il faire ?! Courir comme le lui avait ordonné Aioros ? Rester là et le regarder se faire embrocher en attendant patiemment son tour ?!
Shura leva le bras et Camus ferma les yeux en tremblant : il y eut un « Sthing » et le Français ouvrit timidement les yeux : Aioros venait de parer un coup mortel avec…
Un arc ?!

Mais, par tous les Dieux, d’où le sortait-il ?!

Comme Shura reculait avec surprise, Aioros leva les yeux vers lui en souriant tristement :

-Je suis prêt maintenant !

Aioros se redressa et tendit la corde de son arc, plaçant dans le même mouvement une flèche dans l’emplacement prévu à cet effet :

-Je ne voulais pas en arriver là…

Shura ricana en serrant la garde de son épée :

-Ne me fais pas rire ! Bats-toi plutôt !

Il se jeta en avant à toute vitesse et traça une ligne de feu sur le bras tendu d’Aioros de la pointe de sa lame. Le jeune homme brun se mordit la lèvre pour ne pas hurler de douleur et Camus retint un haut-le-cœur lorsque le sang éclaboussa la ruelle. Il prit son courage à deux mains et cria :

-Shura !! Arrête !!

Soudain, Aioros se jeta sur le sol, effectua une roulade et se redressa sur un genou : l’arc tendu devant lui. Shura et Camus écarquillèrent les yeux sous l’effet de la surprise et le jeune homme brun souffla, le visage éclaboussé de sang :

-Pardonne-moi Shura, mais tu ne me laisses pas le choix !

Aioros détendit lentement les doigts et Camus tendit la main en criant :

-Noon !!!! Ne fais pas ça !!!

Le jeune homme aux cheveux noirs écarquilla les yeux et Aioros lâcha sa flèche, la tête tournée vers son ami, distrait. La flèche vola en direction de la tête de Shura qui se pencha aussi vite qu’il pouvait mais pas assez vite… Camus retint un cri horrifié et ferma les yeux : le bruit d’un corps qui s’écroule, le souffle rauque d’Aioros… C’était fini.

Le jeune homme aux cheveux rouges se laissa glisser sur le sol, les mains pressées sur son cuir chevelu. Il sentit soudain une main ferme et rassurante se poser sur son épaule et il sursauta. Aioros esquissa un sourire rassurant, ne cachant les larmes qui roulaient sur ses joues ensanglantées :

-Tout va bien… C’est fini…

Camus frissonna en jetant un coup d’œil furtif au corps immobile de Shura, leur ami, leur…
Il retint un violent haut-le-cœur et s’interdit formellement de vomir ! Il balbutia, blême :

-Je… Désolé…

-Tu ne pouvais rien faire Camus. Ce n’est rien… Tout va bien maintenant…

Comme Aioros l’aidait à se relever et que le Français hochait doucement la tête, le brun sursauta et se tourna vivement vers le fond de la ruelle : un bruissement venait d’attirer son attention. Un ricanement résonna et Aioros blêmit :

-Tu te fiches de moi ? Ton coup était volontairement faible !

Camus retint un cri et Shura se releva lentement, du sang roulant gracieusement le long de sa tempe :

-Tu ne voulais pas vraiment me tuer Aioros : c’est pour ça que tu as échoué.

Le jeune brun tendit à nouveau son arc et Shura sourit en écartant les bras en crois :

-Vas-y : je t’offre une deuxième chance ! Tire !

Aioros se mit à trembler et le jeune épéiste aux cheveux noirs s’étonna tout haut :

-Hé bien qu’y-a-t-il Aioros ? Tu ne m’attaques pas ? Tu ne veux déjà plus me transpercer de ta flèche ? Allez, n’hésite pas : tire !

La main serrée sur l’arc, Aioros sentit un filet de sueur rouler le long de sa joue et il baissa soudain son arme, la tête basse et le visage voilé par une mèche de cheveux bruns:

-Je ne… peux pas…

Camus, qui avait prudemment reculé, souffla :

-Aioros…

Shura se mit à ricaner puis éclata franchement de rire, les bras serrés sur le ventre :

-Haha !! C’est trop drôle ! Qu’est-ce qui te retient Aioros ?!

-Notre amitié !! (hurla le jeune homme en lâchant carrément son arc) Je ne veux pas te tuer Shura parce que … Tu es comme un frère pour moi !

L’épéiste aux cheveux sombres tressaillit, assaillit par un vieux souvenir qu’il pensait avoir enfouit au plus profond de sa mémoire :

-Dis Aioros ?

-Hm ?

Assis sur un banc à l’ombre d’un arbre, Aioros et Shura étaient en train de profiter des rayons du soleil de midi. L’un lisant un ouvrage sur l’escrime et l’autre, les yeux fermés, avait la tête penchée en arrière. Le jeune garçon de 18 ans demanda :

-Est-ce qu’on est amis ?

Aioros releva la tête, étonné :

-Comment ça ?

-Est-ce que tu es vraiment mon ami ou est-ce que tu me côtoies uniquement parce que tu es le meilleur ami du Senor Saga ?

Aioros resta muet quelques secondes avant d’éclater de rire : un rire franc et chaleureux qui fit sourire Shura :

-Imbécile va ! Bien sur qu’on est amis ! (il ébouriffa la tignasse sombre du garçon) Tu es quelqu’un que j’apprécie énormément Shura ! Ne l’oublie jamais !

Infiniment soulagé, Shura souffla, rosissant de fierté :

-Merci… Grand frère.

Semblant sortir d’un mauvais rêve, Shura frissonna tandis qu’Aioros criait :

-Je ne veux pas te faire de mal ! Je ne sais pas pourquoi tu nous en veux mais je ne veux pas te tuer !

Le jeune homme aux cheveux noirs sentit sa lèvre inférieure trembler et il gronda, la main serrée sur la garde de sa rapière :

-Tu as commis une grave erreur en ne m’achevant pas ! Je t’offrais une chance de vaincre mais ta mort est inévitable si tu retiens tes coups contre moi. Je ne connais pas la pitié moi : (levant sa rapière, il termina) alors meurs, Aioros !

Il abaissa son épée et le cri d’Aioros se mêla à celui de Camus :

-Noooon !!!!!

Aioros cria, une infâme blessure s’étirant dorénavant sur sa poitrine. Le sang gicla à flot et le jeune homme brun s’effondra sur le sol, les yeux exorbités sous la douleur. Shura esquissa un sourire empli de colère et de tristesse.

-Adieu… Grand-frère…

Aioros heurta violemment le sol et pressa sa main sur sa poitrine ensanglantée. Contre toute attente, Shura s’agenouilla et le jeune homme brun hoqueta, un filet de sang vermeil s’écoulant le long de son menton :

-Pou… Pourquoi ? Nous… Nous étions comme des frères… Je t’aimais autant qu’un grand frère aime son cadet… Alors…

Puisant dans ses dernières forces, il agrippa violemment le col de l’épéiste aux cheveux sombres et hurla, des larmes de dépit roulant sur ses joues :

-Alors pourquoi Shura ?!! Qu’avais-je fait pour que tu me trahisses ?!!

Le jeune homme souffla, la voix rauque :

-Je ne voulais pas te tuer Aioros… Je ne voulais pas… (il hoqueta) C’est pour ça que je t’ai laissé une chance… Mais… Tu es trop faible… Et puis je n’avais pas le choix (ses yeux s’exorbitèrent sous l’effet de la peur et il termina en un souffle) Il m’avait ordonné de te tuer. Et je n’ai pas le droit de Lui désobéir.

Aioros hocha doucement la tête, un sourire rassuré sur les lèvres :

-Ah… Je vois…

-Je suis tellement désolé Aioros !

Le jeune homme brun sourit et serra la main de son ami dans la sienne :

-Je te… Pardonne… (il leva les yeux au ciel et souffla) J’aurais voulu… dire au revoir à Saga… Et à…

Il tressaillit et hoqueta avant de retomber sur le sol, les yeux ouverts et pourtant ternes et vides…
Mort…

Camus fit un pas en avant et balbutia :

-A.. ioros…

C’était un cauchemar ! Un horrible cauchemar ! Il allait se réveiller et tout serait redevenu comme avant : Saga ne serait pas devenu fou, Shura ne voudrait pas leur mort et Aioros serait là, debout, souriant chaleureusement comme à son habitude. Camus ferma les yeux en serrant les poings à s’en blanchir les phalanges, puis il rouvrit les yeux et la réalité le heurta de plein fouet : Aioros était mort.
Et il n’y avait rien à changer.

Le Français cracha avec haine :

-Comment… As-tu osé ?!

D’abord sous le choc, Camus se dressa de toute sa hauteur, la rage au ventre : rien dans le ton employé ne laissait sous-entendre cette colère. Seuls ses poings serrés trahissaient son émotion grandissante. Shura se tourna vers lui, le corps d’Aioros serré contre sa poitrine et Camus vit qu’il…
Pleurait.

Les larmes roulaient sans qu’il fasse mine de les cacher ou de les arrêter et Camus en fut très étonné : Shura était d’un naturel assez fermé et pas du genre à montrer ses sentiments, le fait qu’il ne tente pas de dissimuler ce signe de faiblesse le surprenait. Le jeune homme aux cheveux noirs déposa délicatement le corps inerte de son ami et se leva :

-A ton tour.

Camus retint un glapissement et feula :

-Ca ne t’a pas suffit de tuer Aioros ?! Il avait confiance en toi Shura ! Comment as-tu osé ?!

La fin de sa phrase s’étouffa dans sa gorge lorsque le jeune homme aux cheveux noirs l’agrippa violemment par les cheveux pour le plaquer contre le mur. Rapprochant son visage de celui de Camus, Shura gronda :

-Tu ne sais rien. Tu ne sais pas dans quelle situation je me suis fourré. Je suis dans la merde jusqu’au cou ok ? Alors réfléchis à deux fois avant de dire des choses pareilles.

Levant sa rapière, il effleura le visage de Camus avec la pointe de la lame et esquissa un sourire :

-Je m’en veux tellement… Mais les ordres sont les ordres… Tu vas avoir l’éternité pour réfléchir aux conséquences de tes actes.

-Hé là ! Pas si vite « Le Cid » !

Une ombre majestueuse s’étendit de toute sa longueur de la ruelle et Camus écarquilla les yeux :

-Mi ...?! (Mais il se mordit la langue et se reprit de justesse, faisant mine d’être effrayé) Oh mais vous êtes… Le Scorpion ?!

Milo, car c’était bien lui, esquissa un sourire carnassier et lança à l’adresse de Shura :

-Dis-donc mon gars, on t’a jamais dit que ça te faisait pas de frapper les gens sans défense ?

-Hé !

S’offusqua Camus malgré sa position plus que délicate. Milo leva la main dans le but d’apaiser son ami :

-Navré mon cher, mais vous semblez en effet en situation critique et me voilà ! Je viens à votre rescousse !

Shura lâcha Camus et se recula, l’épée tendue devant lui :

-Qui êtes-vous pour intervenir de la sorte ?

Milo ricana et se pencha en avant :

-Je suis ton pire cauchemar mon gars, je suis le vengeur masqué, je suis le protecteur de la veuve et de l’orphelin. Je suis : le Scorpion, pour vous servir !

Parodiant une sorte de salut, Milo lança :

-Et à partir de maintenant…

Il se laissa tomber en avant et atterrit souplement sur le sol entre Camus et Shura. Il se retourna majestueusement en faisant voler sa (nouvelle) cape derrière lui (ben oui, un Scorpion sans cape, ce n’est pas un Scorpion !). Milo esquissa un sourire diabolique :

-Je serai ton adversaire !

Chapter 30: Chapitre 30

Chapter Text

Shura et Milo se firent face pendant de longues secondes, le vent caressant leurs visages tendus. Le Scorpion souffla à l’adresse de son ami :

-Tout va bien ? Tu n’es pas blessé ?

Camus mit un petit moment à comprendre que Milo lui parlait puis il répondit en un souffle :

-Moi ça va mais… (il retint un hoquet) Aioros…

-Je sais. (répondit doucement Milo) Désolé d’être arrivé en retard j’ai eu un petit contretemps.

-D’ailleurs, comment as-tu su que…

Le Français se tut et écarquilla des yeux horrifiés lorsqu’il aperçut une flaque de sang se former aux pieds de son meilleur ami et il souffla afin que seul Milo ne l’entende:

-Tu es blessé ! Qu’est-ce qui t’es arrivé ?

-Je t’expliquerai plus tard : rentre chez toi et caches toi avec les enfants et Léna. Attends que je vienne te voir pour sortir seul dans la rue ok ? (comme Camus tardait à répondre, Milo gronda) Compris ?!

Camus serra les poings et s’écria, désignant Shura du bras :

-Je refuse de te laisser seul avec ce malade !

-Arrête de dire des conneries ! Cours et mets-toi à l’abri. Je reviendrai dans la nuit.

Milo se tourna à demi vers son meilleur ami et sourit :

-Ne t’en fais pas pour moi vieux : j’ai connu pire !

Camus hésita puis serra les poings et se détourna, une mèche de cheveux barrant son visage :

-Pour une fois… J’accepte de t’écouter. Mais tâche de rester en vie !

Camus se mit à courir (ce qu’il n’avait absolument pas l’habitude de faire) et lança à l’adresse de son ami:

-Je t’interdis de mourir !

Le Scorpion sourit :

-Loin de moi cette idée.

Quand Camus fut hors de portée, Milo rejeta sa cape en arrière et s’adressa à Shura, le regard doux, sans aucune once de méchanceté ou d’ironie :

-Je te remercie de l’avoir laissé partir.

Le jeune homme aux cheveux noirs fronça les sourcils, un étrange sourire sur les lèvres :

-C’est tout naturel : tu es une proie bien plus intéressante que ce pourri gâté de Camus Deverseau.

Milo se tendit et se retint de grincer des dents :

-Je t’interdis !

-De plus (continua Shura comme s’il n’avait pas été interrompu) ta blessure va me faciliter la tâche…

Comme pour répondre à la pique lancée par l’épéiste, du sang goutta de la plaie béante qui barrait le ventre de Milo. Le Scorpion sourit :

-T’inquiètes : c’est pas ça qui va m’arrêter !

Milo dégaina sa rapière et se mit en garde :

-Allez viens !

Shura leva son épée et ricana :

-Avec joie !

Les épées tintèrent et Milo s’appuya de tout son poids sur Shura. L’épéiste sourit :

-Mauvaise technique Scorpion !

Il leva le pied et frappa sur la blessure qui saignait abondamment. Milo retint un hurlement de douleur et recula de deux pas, la main pressée sur son ventre. Il cracha, du sang roulant sur son menton :

-Enfoiré ! C’est dégueulasse de faire ça ! Tu n’es qu’un…

Il écarquilla les yeux et reçu un coup d’épée sur l’épaule gauche avant qu’un coup de pied ne l’envoie valser sur le mur le plus proche. Milo s’écrasa lourdement sur le mur de brique et hoqueta sous l’effet de la douleur et porta la main à son ventre : le tissu était entièrement imbibé de sang.
Shura s’avança calmement vers lui, battant la mesure avec la lame de son épée sur la paume de sa main :

-Je suis déçu : vu ta réputation je pensais que tu offrirais un petit peu plus de résistance.

Milo se redressa lentement, son bras gauche devenu inutilisable. Une grimace de douleur déformant son visage, il gronda :

-Compte là-dessus !

Il attrapa un couteau dans sa botte et le lança de toutes ses forces en direction de son adversaire:

-Meurs sale ordure!!!

Shura se décala et le couteau lui effleura le bras, arrachant le tissu qui le recouvrait. Milo retint un juron énervé: mince! A un cheveu près il tuait ce salaud d'un coup mortel! Shura resta un instant immobile puis éclata de rire, la tête rejetée en arrière:

-Hahaha!!

Milo fronça les sourcils et s'écria, rageur:

-Je peux savoir ce qui te fait rire?!

Shura porta une main polie devant sa bouche et rit doucement:

-Rien… Tu me fais rire Scorpion: tu te dis fort et impitoyable mais tu ne vaut rien!

Il plissa les yeux et empoigna Milo par les cheveux pour lui susurrer à l'oreille:

-J'avoue que cette blessure ne t'avantage pas mais bon: tu pourrais faire un effort!

Milo esquissa un sourire terriblement sadique sous son masque de sang:

-Naïf va!

Shura haussa un sourcil:

-Que…

Il écarquilla les yeux puis hoqueta lorsque du sang coula doucement hors de sa bouche:

-Qu'est-ce que.. tu m'as fait?!

Milo désigna le torse de son adversaire du menton:

-Regarde par toi-même.

Shura baissa la tête et écarquilla les yeux: planté à l'endroit exact de son coeur, le manche d'un coutelas dépassait de sa poitrine. Le jeune homme aux cheveux sombres souffla:

-Sale… enfoiré!!

Il agrippa Milo et le balança violemment contre des caisses en bois remplis de fruits qui trainaient là. Des échardes s'infiltrant dans sa peau, le Scorpion retint un cri tandis que Shura arrachait rageusement le couteau de sa poitrine:

-Tu ne peux pas me vaincre!!

Milo leva les yeux et sourit:

-Pas même si j'ai trempé la lame dans du poison de ma concoction?

Shura écarquilla les yeux et se mit à trembler:

-Tu as..?

-Du venin de scorpion. D'ici une ou deux minutes, le poison aura atteint ton système nerveux et tu perdras tes cinq sens avant de mourir. Mais d'abord…

Milo leva sa rapière, un sourire sadique étirant ses lèvres:

-Partage la douleur de celui que tu viens de tuer!

Shura porta soudain la main à son cœur, lâchant sa fidèle épée, et se crispa, le front trempé de sueur:

-J'ai appelé ce poison: "L'aiguille écarlate"

Comme Shura tombait à genou, le visage en sang, Milo ricana:

-J'espère que tu apprécie l'ironie de la situation.

Shura hésita à se relever, à reprendre le combat… Mais la douleur était trop forte. Ses membres étaient en feu et il ne pouvait plus bouger. Que devait-il faire ?! Attaquer ?! Fuir ?! Non… Il lui restait une chose à faire… Le jeune homme se tourna vers Aioros et tomba à genoux, les poumons en feu. Il se traina du mieux qu’il pouvait vers le corps sans vie de son ami, ses jambes refusant de le porter:

-Aioros…

Ses bras le lâchèrent aussi et il faillit tomber mais il s’empêcha d’abandonner. Arrivé aux côtés d’Aioros, Shura souffla:

-Par…donne moi…

Il céda et tomba en avant. Essoufflé comme s’il venait de courir un marathon, les poumons en feu, Shura toussa, faisant rouler du sang vermeil sur son menton :

-Je ne voulais vraiment pas… Te décevoir.

Une larme roula sur sa joue :

-Je suis… Tellement désolé…

Shura posa son front sur le torse inanimé d’Aioros et sanglota soudain, martelant le sol de son poing. Il cria soudain :

-Pardonne-moi !!

Milo se redressa lentement, les jambes flageolantes. Shura lui jeta un regard empli de haine et de désespoir. Ils se fixèrent en silence puis Shura rit doucement :

-J’espère que tu es content… De toi…

L’homme aux cheveux noirs toussa :

-Ce n’est pas fini Scorpion… Ca ne fait… que commencer.

Il ricana quelques secondes puis sa tête retomba sur le sol, inerte. Milo essuya son front trempé de sueur mêlé de sang et de poussière et s'avança vers les deux corps allongés dans la ruelle. Il se pencha pour écouter le pouls d’Aioros et secoua tristement la tête: c'était fini… Depuis bien longtemps.

Comme il se relevait en grimaçant, un hurlement horrifié résonna dans la ruelle:

-Aioros!! Shura!! NON!!!

Milo se retourna vivement, la main à la garde de son épée. En reconnaissant l’homme, le Scorpion pâlit: Saga se trouvait là, livide, tremblant de rage et de tristesse. Il fit un pas menaçant en avant, les poings serrés tellement fort que ses jointures craquèrent:

-Qu'avez-vous fait, MONSTRE?!!!

Milo leva les mains et dit doucement, tentant de raisonner le jeune homme:

-Non! Vous ne comprenez pas! Attendez une sec…

-Il n'y a rien à expliquer!!! Vous avez tué mes amis!!!! Allez brûler en Enfer, démon!!

Des mèches grises parsemant sa chevelure claire, Saga sortit un fusil de sa poche et tira sans prendre la peine de viser. Milo recula de deux ou trois pas sous l'impact en hoquetant puis porta la main à son cœur: du sang coulait lentement de la plaie que venait de former la balle.

Le Scorpion tituba et souffla:

-Saga… Tu ne…

Milo se sentit tomber en avant mais il se rattrapa à un mur et sentit un filet de sueur rouler sur son front : il avait… Mal… Tellement mal. Mais il ne pouvait pas rester là ! Grimaçant sous la douleur, Milo serra les dents et s'enfuit en trottinant, le corps lourd, mû par l'instinct de survie :

-Camus…

Dans la ruelle où avait eu lieu le carnage, Saga resta immobile un instant puis, tremblant, il lâcha son fusil avec horreur et se précipita sur le corps de l'archer. Serrant son ami contre lui, le jeune homme se mit à sangloter, berçant le corps sans vie d'Aioros:

-Non… Non… Non… Ce n'est pas vrai…

Une larme termina sa course sur le visage ensanglanté de son ami et Saga leva la tête en hurlant:

-AIOROS!!!!!!!!!!

Plusieurs ruelles plus loin, Milo courait aussi vite qu'il le pouvait. Il avait mal… Si mal…

-Je dois… Aller voir… Camus ! Je lui… ai promis !

Le sang pulsait dans ses oreilles et il ne voyait plus rien, une brume rouge qui obscurcissant son regard clair. Il trébucha soudain et tomba, face contre terre. Poussant un léger cri lorsqu’il heurta le sol, le Scorpion trouva la force de se tourner vers le ciel et se mit à tousser, s'étouffant avec son propre sang:

-Je ne… veux pas mourir…

Le ciel était vraiment magnifique… Rempli d’étoiles scintillantes. Milo se surprit à sourire puis il toussa :

-J’aurais voulu… Revoir…

Une ombre gigantesque se pencha sur lui et Milo sombra en murmurant:

-Ariane…

***

Une silhouette drapée de noir s’avança dans le couloir de la maison des Atalante. Un garde se dressa sur son chemin, se mettant grossièrement en travers de sa route :

-Halte-là ! Que faites-vous ici ?

L’homme à la cape noire, le visage dissimulé derrière une lourde capuche, gronda :

-Je viens m’entretenir avec votre patron.

Un garde leva la main pour lui intimer de s’arrêter :

-Le Señor Gemini ne m’a pas tenu au courant d’une quelconque visite le concernant ! Je me vois donc dans l’obligation de vous arrêter !

L’homme drapé de noir haussa les épaules et souffla avec un reniflement dédaigneux :

-Et alors ?

Le garde l’arrêta en posant une main gantée sur son épaule :

-Hé ! Tu n’as pas entendu ce que j’ai dit ? Tu ne passes pas si je ne suis pas au courant de ce prétendu rendez…

Il se tut et déglutit lorsque l’homme à la cape noire se retourna à demi et feula :

-Lâche-moi.

-Je ne…

-Ecoute mon gars, il n’y a pas 36 solutions : soit tu ôtes tes sales pates de toi-même, soit je m’en occupe. Et je ne crois pas que tu aies envie que je bouge.

Le garde pâlit brusquement lorsque deux yeux verts se fichèrent dans les siens. Des yeux remplis de haine et de peine. Un regard de prédateur. Un regard de fauve…
Néanmoins, il tressaillit, comme s’il sortait d’un mauvais rêve, et il gronda :

-Non mais ! Pour qui tu te prends sale…

L’homme à la cape agrippa le poignet du garde et se retourna vivement. Un craquement sec retentit et le soldat poussa un cri de douleur. Cri de douleur vite étouffé lorsque l’homme le repoussa d’un coup de pied dans le torse. Le garde s’effondra et l’homme épousseta sa cape et reprit sa route, laissant le pauvre homme sur le marbre. Il avança sans se retourner, un éclair de détermination éclairant ses yeux verts.

Il leva le poing et frappa deux coups à la porte qu’il convoitait. La voix étouffée de Saga lui parvint quasi immédiatement :

-Entrez.

Le jeune homme à la cape poussa la porte de bois et s’avança sur le long tapis rouge. Assis sur un siège majestueux, Saga Gemini leva à peine la tête de ses papiers :

-Merci pour le thé Di… Qui êtes-vous ?!

S’exclama-t-il soudain en se levant et en repoussant sa chaise. L’homme à la cape leva les mains en signe d’apaisement :

-Ne vous en faîtes pas, je ne viens pas pour vous agresser.

Le jeune homme drapé de noir s’agenouilla respectueusement, la tête basse :

-Je vous en prie, laissez-moi vous expliquer la raison de ma venue en ces lieux.

Saga hésita longuement, la main à quelques centimètres du fusil qu’il gardait précieusement sur son bureau : qui était donc cet homme ? Un nouvel assassin ? Un leurre ? Le jeune homme aux cheveux bleus soupira : il était las de s’inquiéter tout le temps… Mais après ce qui était arrivé la veille… Il devait se montrer prudent… Saga recula et s’assit prudemment dans son siège :

-Que voulez-vous ?
L’homme baissa la tête, le visage toujours dissimulé par sa capuche :

-J’ai entendu dire que vous aviez été victime d’une tentative d’assassinat, vous et trois de vos amis...

-Comment pouvez-vous le savoir ?

S’inquiéta Saga, sceptique. Le jeune homme serra les poings et répondit, la voix rauque :

-Mon… Frère aîné… Compte parmi les victimes…

Saga entrouvrit la bouche et le silence s’installa dans la grande salle. L’aîné des Gemini se leva lentement et avança de quelques pas, la main tendue en avant comme s’il voulait empêcher l’homme de s’en aller :

-Vous… Tu…

Il déglutit lorsqu’il réalisa qui se trouvait devant lui et il souffla doucement :

-Montre-moi ton visage…

Le jeune homme hésita et répondit tout bas :

-Je ne pense pas que ça soit une bonne idée Senor… Ca risque de vous…

-S’il te plaît : laisse-moi Le regarder à travers toi.

Devant le ton suppliant qu’avait employé le Senor Gemini, le jeune homme leva la main tremblante et abaissa la capuche sombre qui dissimulait son visage. Saga retint bravement un sanglot et il s’avança lentement :

-C’est… (Il inspira pour contenir son émotion) Comment t’appelles-tu ?

Le jeune homme releva la tête et Saga plongea dans le vert de ses yeux :

-Aiolia.

Le jeune homme aux cheveux bleus retint un sanglot et esquissa un triste sourire :

-C’est… Fou comme tu Lui ressembles…

Le jeune homme aux cheveux châtains empêcha sa lèvre de trembler et baissa les yeux, fixant le tapis pour s’empêcher de sangloter :

-Vous me flattez... C’est un grand honneur pour moi.

Saga le fixa longuement, retrouvant avec dépit les traits si semblables à ceux d’Aioros dans le visage de son cadet. Il avança lentement et hésita à s’agenouiller aux côtés du jeune homme aux cheveux châtains mais il renonça :

-Je suis… Tellement désolé pour ton frère…

-Vous n’y pouvez rien.

Saga sembla sur le point de dire quelque chose mais il se résigna et se détourna :

-Si tu le souhaites, tu peux venir habiter ici. Avec la… Le décès de ton frère, tu dois te sentir seul.

-Je vous remercie, mais j’ai une compagne et elle va venir emménager chez moi : je ne peux me permettre de lui faire faux bond.

Saga hocha la tête, un léger sourire sur les lèvres :

-Je comprends. C’est une bonne chose Aiolia.

Le jeune Seigneur passa une main tremblante dans ses cheveux et demanda :

-Pourquoi es-tu venu ?

Aiolia releva la tête, les sourcils froncés :

-Je suis venu vous offrir mon épée.

Saga écarquilla les yeux et se retourna, la bouche entrouverte :

-Quoi ?

-Je veux venger l’affront qu’on vous a fait subir. Je veux venger la mort de mon frère.

Saga hésita puis pencha la tête sur le côté :

-Es-tu sûr de ce que tu fais Aiolia ?

-Oui. (Il releva des yeux déterminés vers Saga) Je veux servir vos intérêts. Si mes sources sont fiables, et elles le sont, vous n’avez plus de gardes du corps. Ce serait un honneur pour moi de passer le reste de mes jours à vous protéger.

Saga resta silencieux un moment, les yeux fichés dans ceux d’Aiolia. Puis, il hocha doucement la tête :

-C’est d’accord.

-Connaissez-vous l’identité de l’assassin ?

Saga fit un petit mouvement de main, hésitant :

-Pas officiellement. Mais, d’après ce que j’ai remarqué, on m’a informé qu’on le surnommait « Le Scorpion ».

Le jeune homme drapé de noir se tendit soudain et sa voix flancha :

- C’est impossible !

Saga ne répondit pas, les yeux rougis d’avoir trop pleuré la mort de ses amis mais particulièrement celle d’Aioros :

-Puis-je compter sur toi ?

-Oui ! (Répondit l’homme d’un ton déterminé et rageur à la fois) Je m’en occupe !

Saga sembla sur le point de dire quelque chose mais il se résigna et se détourna :

-Tu peux aller.

Aiolia baissa respectueusement la tête puis se leva et s’en fut sans se retourner :

-J’avais confiance en toi Milo. (Songeait-il) Mais je ne te louperai pas ! Sois-en sûr !

Lorsque la porte se fut refermée sur le jeune frère d’Aioros, Saga avança lentement vers le fond de la salle et s’arrêta lorsqu’il passa devant le long miroir qui ornait le mur. Il passa une main sur son visage fatigué : les traits tirés, les yeux rougis et légèrement gonflés, il avait une mine absolument affreuse !
Il souffla en posant sa main droite sur la glace :

-Tu es bien arrangé mon vieux…

Son reflet lui jetait un regard désespéré et lui renvoyait une image pitoyable. Saga serra le poing et grimaça de douleur :

-J’aurais tellement voulu m’excuser auprès d’Aioros. Quand je pense que la dernière fois qu’on s’est vu, on s’est disputé…

Soudain, son reflet leva la tête et lui offrit un horrible sourire diabolique :

-Oh mais tout est de ta faute !

Saga sursauta violemment : l’image dans la glace était identique à la sienne mis à part le fait que ses cheveux étaient entièrement gris et ses yeux étaient rouges sang. Saga poussa un cri horrifié :

-AHH !!!

Il recula en trébuchant, manqua de s’étaler et haleta un instant puis il se détourna à demi et porta une main fébrile à son front :

-Je suis épuisé : j’en ai des hallucinations.

-Ne fais pas l’innocent Saga.

-Mais ?! Comment ?!

-Là n’est pas la question Saga.

-Je… Je ne comprends pas !

Le reflet ricana :

-Tu n’as jamais pu assumer cette facette de toi !

Saga se tourna vers le miroir :

-Quoi ?! Mais qui êtes-vous ?!

-Je suis toi.

-Quoi ?!!

L’homme dans le reflet (car ça ne pouvait être lui !) lui jeta un regard fourbe :

-Ne joue pas à ça avec moi : tu sais parfaitement qui je suis.

Saga recula d’un pas et balbutia, doutant sérieusement de ses capacités mentales :

-Je… Je deviens complètement fou !

L’image rejeta la tête en arrière et éclata d’un rire de fou :

-Hahaha !!! Sacré Saga ! Toujours le mot pour rire ! Ce n’est pas pour rien que tu sèmes la mort sur ton passage !

-Quoi ?!

Saga se rapprocha du miroir et cria, aussi enragé qu’effrayé :

-Qu’est-ce que tu racontes ?! Je n’ai rien à voir là-dedans !!

-Ah non ?

Le ton de « L’Autre » s’était fait ironique et le sourire qui étirait ses lèvres était des plus effrayants :

-Ton frère est mort par Ta faute, Masque de Mort et Shura se sont sacrifiés pour Te protéger et Tu es le seul à blâmer pour la mort d’Aioros ! Mais il n’y a pas qu’eux, tu le sais n’est-ce pas ?

Saga écarquilla des yeux horrifiés et balbutia :

-Non… Non… Tu mens !! C’est faux !!

-Lis dans ton cœur Saga, et tu sauras que je dis la vérité.

Le jeune homme aux cheveux bleus se recula et se boucha les oreilles avec ses mains :

-Tais-toi ! Tu dis n’importe quoi !

L’Autre ricana :

-Oh non Saga : je suis le plus honnête des deux !

Saga secoua la tête, les yeux exorbités et tremblants de tous ses membres :

-Non. Ce n’est pas vrai !

-Et pourtant si !

-LA FERME !!!

Hurla soudain Saga, sa pupille droite soudainement rouge sang. L’Autre éclata de rire :

-Regarde la vérité en face Saga : tu te mens à toi-même mais tu ne peux me duper !

-CA SUFFIT !!!

Saga tira soudain un rideau sur la glace, cachant ainsi le miroir maudit et cet horrible reflet diabolique. Le jeune homme recula doucement, les mains sur les oreilles :

-Il ment… Il ment… Ce n’est pas vrai…

Psalmodiait-il en secouant la tête. Il tomba à genou et se réfugia dans un coin de la pièce, tremblant de la tête aux pieds. Saga referma ses bras sur ses genoux, rapprochant ses jambes de son torse puis se balança d’avant en arrière, des larmes de terreur roulant sur ses joues :

-Kanon… Shura, Masque de Mort… Shion (un sanglot lui échappa et il finit en un cri rauque déchirant) Aioros !!

Les ténèbres se refermèrent sur lui lorsqu’il ferma les yeux de toutes ses forces, tentant de repousser l’horreur qui le submergeait.

Chapter Text

Camus se détourna de la fenêtre en soupirant : 3 jours… Cela faisait trois jours qu’Aioros avait été tué. Trois jours que Shura avait disparu. Trois jours sans nouvelles de Milo. Le jeune Français se mordit la lèvre et secoua la tête : il refusait d’imaginer ce que cela pouvait signifier ! Milo lui avait juré de revenir ! Il le lui avait promis ! Il ne pouvait pas être mort !

Comme il se torturait les méninges, on frappa à la porte et un serviteur annonça :

-Señor Deverseau ? Le señor Pisces est arrivé et il demande à vous voir.

Camus soupira avant de répondre d’une voix forte :

-Faites-le patienter : j’arrive.

-Bien sûr.

Camus se tourna vers la vitre, contemplant le jardin qui s’étirait sous ses pieds : depuis le carnage qui avait eu lieu 3 jours auparavant, Aphrodite lui avait déjà rendu visite deux fois :

*Je ne peux pas te laisser seul avec les enfants dans un moment pareil mon chou ! Je passerai de temps en temps pour te donner un coup de main et pour surveiller ces deux galopins, d’accord ?*

Et Camus avait accepté. Au fond, même s’il avait refusé, Aphrodite se serait incrusté de toute façon… Alors le Français souriait et se montrait aussi agréable que possible.
Camus leva la tête et soupira :

-Où es-tu donc passé… Milo ?

Dans la basse ville, un géant (du moins c’est ce qu’on pouvait penser vu la taille (2m10) et sa stature imposante !) marchait en sifflotant gaiement : le soleil brillait, il faisait chaud et, après une dure journée de labeur à la forge, il rentrait enfin chez lui, auprès des siens. L’homme sourit aux anges et ajusta le sac de toile sur son épaule en chantonnant une chanson sans paroles. Le jeune garçon à ses côtés demanda en souriant :

-Qu’est-ce qui te rend si heureux ?

L’homme haussa les épaules et rit doucement :

-Y a-t-il besoin d’une raison particulière pour être de bonne humeur ?

Teneo, jeune garçon de 18 ans, sourit à son père :

-Pas spécialement.

-A la bonne heure !

Le jeune garçon sourit et l’homme se remit à siffler joyeusement. Teneo travaillait à la forge avec son père depuis presque 5 ans, et les dures journées de labeur se traduisaient par des bras musculeux et un visage tâché de suie. Le géant avait fondé sa propre forge avec quelques économies et il ne regrettait absolument rien. Il adorait son travail et ça rapportait bien : que demander de plus ?

L’homme s’exclama soudain :

-Ah ! Enfin à la maison !

Teneo sourit et se frotta la joue avec sa manche. Son père poussa la porte de leur humble demeure en criant à tue-tête :

-C’est nous : on est rentrééé !!!

-Papaaa !!! Teneoo !!

L’homme laissa tomber son sac de toile et se pencha pour réceptionner la petite furie rousse qui venait de se jeter dans ses bras. Il éclata de rire et serra sa fille dans ses bras :

-Haha !! Tout doux Serinsa !

Comme le jeune garçon aux cheveux bruns fermait la porte derrière eux, ils virent débarquer deux autres bambins dans la pièce principale. Les enfants s’écrièrent, un énorme sourire sur les lèvres :

-Papa !!

L’homme s’accroupit et manqua de tomber lorsqu’Antonio et Saro se jetèrent à leur tour dans ses bras. Comme il riait, son regard s’illumina lorsque son épouse franchit la petite porte qui menait de la chambre à la salle à vivre, leur plus jeune enfant dans les bras. Elle fit mine de gronder :

-Allons les enfants : laissez votre père respirer !

Les trois petits se décollèrent à regret de leur père et se jetèrent sur leur frère aîné. Olivia avança vers son mari, sourcils froncés. Une fois arrêtée, elle gronda :

-C’est à cette heure ci que vous rentrez ?

L’homme sourit :

-Et alors ?

-Alors il y a que je suis toute seule pour surveiller tes enfants !

-Mes enfants ?

-Oui : tes 6 garnements !

L’homme esquissa un doux sourire et se pencha en avant (en effet, son épouse faisait une bonne cinquantaine de centimètres en moins que lui). Il attrapa délicatement (ce qui était surprenant vu son imposante musculature) la jeune femme aux cheveux bruns par la taille pour souffler :

-Nos 6 garnements, chérie.

Olivia sourit, provocante, et son mari pressa ses lèvres sur les siennes avec douceur. Saro, du haut de ses trois ans, se cacha les yeux en grimaçant :

-Beurk !! Maman !! Papa !! Pas devant nous !

L’homme rit et serra Olivia contre lui, déposant des petits baisers sur le front du bébé. La jeune femme demanda en souriant :

-Tu as passé une bonne journée Aldé’ ?

Le géant répondit en caressant délicatement le sommet du crâne du nourrisson d’1 an (qui portait le doux nom de Pedro) :

-Excellente ! Quoi de mieux que de rentrer chez soi après une bonne journée de travail ?

Olivia ne répondit pas. Il n’y avait pas de réponse à cette question. Elle passa un bras autour de la taille d’Aldébaran et sourit :

-Je suis contente de te voir.

-Moi aussi mon cœur.

L’homme demanda soudain en regardant autour de lui, l’ai surpris :

-Les deux grandes ne sont pas là ?

La jeune femme aux cheveux bruns secoua la tête :

-Elles sont dans la chambre : Lucia a veillé toute la journée et Juliana fait la navette entre ici et la salle d’eau depuis ce midi.

Aldébaran fronça les sourcils et se dirigea vers la chambre :

-Il ne s’est pas réveillé ?

Olivia secoua la tête en soufflant :

-Rien : juste quelques grimaces de temps en temps mais pas un mouvement.

Le géant aux cheveux bruns hocha doucement la tête et poussa la porte de la chambre improvisée. Comme prévu, il trouva sa première fille, Lucia, tapotant délicatement le front de l’homme allongé dans le lit. Juliana, imitant sa sœur aînée du mieux qu’elle pouvait, était assises à son chevet.

La petite fille de 12 ans se leva précipitamment tandis que son aînée restait assise :

-Oh papa ! Tu es rentré !

L’homme sourit et la serra contre lui. Il posa ensuite une main rassurante sur l’épaule de Lucia :

-Comment va-t-Il ?

La jeune fille aux longs cheveux bruns secoua doucement la tête de gauche à droite avant de souffler :

-Aucune idée…

Aldébaran se pencha et observa silencieusement le visage de l’homme allongé dans le lit. Il retint une grimace dépitée : Il était pâle, ses traits étaient tirés et une marque de sang avait séché le long de son menton… Pas vraiment bon signe. Néanmoins, le géant sourit, se voulant rassurant :

-Il est moins pâle qu’avant tu ne trouves pas ?

Lucia tapota doucement le front trempé de sueur de l’homme, l’air désespérée :

-Je ne sais pas… Mais il me semble que la fièvre a baissé.

Aldébaran hocha la tête et congédia Juliana :

-Oh mais je veux rester !!

L’homme rit devant le caractère têtu de sa fille et lui ébouriffa les cheveux, disant sur le ton de la rigolade :

-On va soigner les blessures de ce pauvre homme et je ne pense pas qu’une petite demoiselle de ton âge doive voir ce genre d’horreur !

Comme la petite fille croisait les bras en boudant, le géant lui fit un baiser bruyant sur le sommet de la tête :

-File princesse : va plutôt aider Maman !

Juliana gloussa et s’en fut en trottinant. Lorsque la porte se fut refermée, Aldébaran posa la paume de sa main sur le front de l’homme allongé dans le lit. L’homme ne réagit pas. Pas un froncement de sourcils, pas un geste. Rien.

Tentant de cacher son inquiétude, le géant sourit :

-Oui : il est moins fiévreux qu’avant. Tu as raison Lucia.

La jeune fille soupira et le géant demanda doucement :

-Qu’est-ce qui ne va pas ma puce ?

-Je ne veux pas qu’il meure…

Aldébaran caressa les cheveux de sa fille en souriant :

-Tu l’aimes beaucoup n’est-ce pas ?

Lucia rougit violemment et baissa la tête entre ses frêles épaules :

-Ben… Je…

Le géant rit doucement :

-Je te taquine ma grande !

Lucia allait répliquer lorsque Juliana entra dans la chambre, portant un seau d’eau à bout de bras :

-Voilàà !

Aldébaran la remercia puis, quand la petite fille fut sortie, il remonta ses manches et se frotta les mains :

-C’est parti !

Lucia attacha ses cheveux en un chignon lâche et se pencha sur le seau pour y tremper un tissu. Aldébaran tira la couverture sur le rebord du lit, guettant une infime réaction de la part de l’homme. Mais aucun signe ne laissa présager d’un réveil imminent.

Retenant un grognement de dépit, le géant entreprit de défaire les bandages qui enserraient le ventre de l’homme : cette blessure était de loin la plus laide et il était de son devoir de s’en occuper. Lucia panserait les autres, moins graves que celle qui barrait le ventre du blessé.

Aldébaran posa le tissu sur la plaie et tapota doucement. Lucia entreprit de nettoyer la plaie du torse et de l’épaule et souffla :

-Cette marque est tout de même étrange…

-Hum ? (S’enquit le géant en levant la tête) Quelle marque ?

La jeune fille aux cheveux bruns désigna l’épaule qu’elle était en train de nettoyer du menton :

-Là, sur son omoplate : il y a une sorte de marque étrange.

Aldébaran se pencha en avant et retint un sursaut :

-On dirait… Un Scorpion !

Allongé sur le côté, Milo esquissa une sorte de sourire.

***

-Milo ! Milo !

Le Scorpion grogna et entrouvrit un œil, la bouche pâteuse :

-Qui… M’appelle?..

-Milo ! Je t’en supplie réveille-toi !

Le jeune homme blond referma les yeux en grimaçant : son corps n’était que souffrance. Impossible de faire un mouvement. Il souffla :

-Je ne… Peux pas…

Des mains se posèrent sur ses joues, fraiches et douces. Milo se força à ouvrir les yeux : le doux visage d’une jeune femme aux longs cheveux blonds le fit sourire :

-C’est toi ? Ariane ?...

La jeune femme sourit mais ne put masquer l’inquiétude dans sa voix :

-Il faut que tu te réveilles ! Tu as juré à Camus de revenir et j’ai… (elle rougit) J’ai besoin de toi…

Milo essaya de lever la main mais n’y parvint pas. Comme il grimaçait, Ariane sembla s’évaporer sous ses yeux :

-Reviens…

-Je t’attendrai Milo.

Le Scorpion leva difficilement le bras :

-A…Ariane !

La jeune femme lui adressa un clin d’œil complice :

-Je sais que tu ne me feras pas attendre.

Milo écarquilla les yeux et tendit le bras :

-Reviens !

Ariane sourit puis, semblable à un souffle de vent, elle disparut.

Lucia sommeillait, appuyée sur le matelas où était allongé l’homme aux cheveux blonds. Elle le veillait depuis presque quatre jours et malgré tout ses efforts et tous ses soins : le blessé ne semblait toujours pas en voie de guérison… La jeune fille leva ses yeux fatigués vers le visage si doux de l’homme et se surprit à sourire aux anges : ses frères et sœurs ne comprenaient pas pourquoi elle voulait tellement que cet inconnu vive. Seul sa mère et son père se doutaient de ce qu’elle ressentait.

Lucia hésita quelques secondes et jeta un œil alentour : personne en vue, tout le monde dormait à poings fermés. (Les enfants dormaient à présent dans la pièce principale, laissant leur chambre commune au blessé endormi.) S’étant assurée que personne ne la surprendrait, Lucia posa distraitement la paume de sa main sur la joue mate de l’homme, les joues légèrement roses :

-Il est si beau… (songea-t-elle) Je ne peux pas croire qu’il est entre la vie et la mort… Heureusement que papa l’a trouvé sur le chemin de la maison. Sinon, je n’ose pas imaginer dans quel état il se trouverait.

La jeune fille effleura rêveusement le visage du blessé, laissa glisser ses doigts le long de ses pommettes, de sa joue, glissa sur ses lèvres et…
L’homme grogna soudain et Lucia retint une exclamation de surprise lorsqu’il souffla :

-Ah… Ari…

La jeune fille s’écria presque :

-T..Tout va bien ! Ne vous en faites pas !

L’homme plissa les yeux sans les ouvrir pour autant et son bras se tendit, comme s’il voulait bouger. Lucia se redressa vivement et attrapa le linge humide qui ne la quittait plus pour tamponner fébrilement le front du blessé :

-Ne vous en faites pas : je vais m’occuper de vous !

La jeune fille déglutit soudain lorsque l’homme posa une main chaude et rassurante sur la sienne en soufflant avec difficulté :

-A…riane ?..

La jeune fille se pencha en avant et murmura :

-Je… Pardon ?

L’homme ahana quelques syllabes puis plissa les yeux Lucia comprit alors :

-A… boire…

La jeune fille se leva brusquement en rassurant le blessé de ces paroles :

-Bien sur ! Tout de suite Senor ! Je reviens de ce pas !

Lucia se précipita à toute allure vers la salle principale, là où dormait le reste des enfants. Serinsa se réveilla en sursaut lorsque sa sœur l’enjamba en criant à tue-tête :

-Il est réveillé !! Il est réveillé !!

Teneo se frotta le crane, les yeux encore gonflés de sommeil et, le cerveau encore embrumé par les bienfaits de cette activité ludique ô combien reposante, il balbutia :

-Queoi ? Keskya ?

Mais Lucia ne prit pas la peine de répondre et se précipita dans la chambre de ses parents, où son père était déjà redressé sur le coude, les yeux plissés :

-Lucia ? Mais qu’est-ce que c’est que ce boucan ?

Haletante, la jeune fille se contenta de répéter :

-C’est lui ! Il s’est réveillé ! Viens-vite papa !!

Puis, sans attendre de réponse de sa part, elle se précipita vers la salle à manger, là où il restait encore de l’eau dans un seau. Elle se saisit d’un verre et le rempli fébrilement avant de se précipiter vers la chambre, bousculant Juliana qui se levait aussi vite qu’elle le pouvait. Le rouge aux joues, elle s’agenouilla sur le bord du lit et murmura :

-Tenez : voici votre verre.

L’homme plissa les yeux et entrouvrit les lèvres pour souffler :

-Merci…

Comme il tentait de lever la main, Lucia l’obligea à la reposer et dit doucement:

-Ne bougez pas : je vais vous aider.

Elle posa le bord du verre contre les lèvres du blessé qui déglutit difficilement lorsque l’eau coula dans sa bouche. Il sentit le doux liquide glisser le long de sa gorge, se répandre dans son corps et il soupira d’aise. Lucia recula le verre pour laisser le blessé respirer et demanda :

-En souhaitez-vous encore ?

L’homme esquissa un demi-sourire moqueur et Lucia se sentit rougir :

-Je… Qu’y a-t-il ?

-Tu es… une comique…

La jeune fille aux cheveux bruns rit doucement et elle se dit que, le sourire aux lèvres, il était encore plus beau.

-Je ne le fais pas exprès.

-S’il… Vous en reste… J’en veux bien…

Elle sourit et approcha à nouveau le verre de la bouche de l’homme. Après un moment, il plissa les yeux et les ouvrit lentement. Lucia resta immobile un instant, se noyant dans les yeux si bleus de cet inconnu aux cheveux blonds et au visage si doux. Se sentant comme perdue, elle osa balbutier :

-Vous… Est-ce que vous êtes… Un ange ?..

Il resta interdit un instant, la fixant de ses yeux si clairs, puis il se mit à rire. Un petit rire discret et pourtant extrêmement chaleureux :

-Haha… C’est… La première fois qu’on me demande ça…

Comme il ne disait rien de plus, Lucia lâcha le verre et joignit les mains en fermant les yeux :

-Je le savais : je savais bien que le Seigneur ne nous avait pas abandonné. (elle leva des yeux remplis d’espoir vers l’homme) Vous êtes l’ange qu’il a envoyé pour nous aider… Notre famille et nos amis.

L’homme resta interdit, les yeux écarquillés et la tête à demi tournée vers la jeune fille :

-…Moi ?

-C’est pour cela que vous étiez blessé : Dieu vous a envoyé sur Terre pour nous venir en aide et vos ailes ne se sont pas ouvertes à temps pour vous sauver de la chute ! Le choc a dû être rude…

Le blessé ouvrit la bouche, la referma, la rouvrit et, comme il allait parler, Aldébaran, suivi de près par le reste de la famille, entra précipitamment dans la pièce :

-Lucia !

La lueur de la chandelle éblouit l’homme et il referma les yeux en grognant avant de se détourner de cette agressive source de lumière. La jeune fille se leva précipitamment et s’écria, un sourire radieux aux lèvres :

-Papa… Dieu ne nous a pas abandonné.

Aldébaran haussa les sourcils et déposa la chandelle sur le rebord de la commode :

-Qu’est-ce que tu racontes encore Lucia ? Tu divagues ma parole !

La jeune fille sourit et posa sa main sur celle de l’homme sui se tournait lentement vers eux :

-Ce monsieur… C’est un ange, envoyé par Dieu !

Les plus jeunes enfants poussèrent des hoquets de surprise tandis que les plus âgés pâlissaient à vue d’œil. Teneo balbutia :

-Un… ange ?

Aldébaran repoussa sa fille aînée vers le reste de la troupe :

-Sortez : je m’en occupe.

Comme Lucia allait protester, il ferma la porte et s’agenouilla aux côtés de l’homme allongé dans le lit. Ils se regardèrent quelques secondes puis, le géant demanda tout bas:

-Est-ce vrai ? Vous êtes vraiment… Un ange ?

L’homme se redressa légèrement et répondit d’une voix rauque et pourtant assurée :

-Je crains que vous ne fassiez erreur… Je m’appelle Milo… Milo Antarès et je… (il ferma les yeux et retomba sans forces sur le matelas, soudain très las et fatigué) Depuis combien de temps suis-je ici ?

Aldébaran resta silencieux quelques secondes, dévisageant le visage épuisé de cet homme (non, de Milo. Il devait arrêter de penser à lui comme un inconnu !). Pouvait-il faire confiance à une personne qu’il avait trouvée blessée ? Le géant sourit légèrement : il avait toujours eu une foi inébranlable en l’homme. Alors, il posa une main rassurante sur l’épaule du jeune homme blond :

-Je t’ai trouvé il y a 4 jours. Tu étais dans un état déplorable. Heureusement, les soins de mon ami et de ma fille t’ont sauvé.

Le jeune homme ouvrit subitement les yeux et se redressa sur le coude, haletant :

-Comment ?! Quatre jours ?!! Non ! C’est impossible ! Je dois… Absolument aller…

Aldébaran le repoussa de force sur le matelas et ordonna d’une voix forte :

-Arrête de d’agiter ! Tu n’es pas encore remis de tes blessures, tu dois rester allongé.

-Je ne peux pas rester ici une minute de plus ! (se débattit Milo en criant) Je dois aller voir si Camus est toujours en vie !!

Termina-t-il en un souffle. Le géant gronda soudain, les sourcils froncés :

-Ca suffit ! On dirait un caprice de gosse ! Alors maintenant, tu restes couché !

Milo le regarda quelques secondes, haletant, puis, il se laissa faire et, une fois allongé, les yeux grands ouverts, il souffla :

-Je lui ai promis…

Aldébaran fronça les sourcils et remonta les couvertures jusqu’au épaules du blessé :

-Reste là : je vais t’amener quelque chose à boire et à manger.

En réponse à cette offre, le ventre de Milo émit un gargouillement sonore et les deux hommes baissèrent les yeux vers l’origine du son. Soudain, Aldébaran rejeta la tête en arrière et éclata d’un rire gras et amical :

-Hahaha !! Et bien, on a faim à ce que je vois ! Je t’amène quelque chose à grignoter de ce pas !

Milo sourit et, comme son hôte allait ouvrir la porte, il l’arrêta :

-Hé ?

Aldébaran se retourna à demi et le Scorpion demanda :

-Tu ne me connais pas, tu ne sais rien de moi, tu m’as trouvé à moitié mort dans la rue et malgré ça, tu m’as soigné et tu m’offres ton hospitalité.

-Et ?

-Pourquoi ?

Le géant aux cheveux bruns sourit et se frappa le torse du poing :

-Parce que j’ai foi en l’homme ! Et parce que je n’ai pas pour habitude de laisser de braves bougres dans l’embarras.

Milo sourit, touché par l’extrême gentillesse de son hôte, et demanda :

-Juste une dernière question…

-Fais seulement, fais !

-A qui ai-je l’honneur ?

Le géant bomba le torse et ouvrit la porte :

-Aldébaran Taurus, pour te servir Milo.

Le Scorpion hocha la tête :

-Ca marche pour moi.

Chapter Text

Un homme leva le poing et frappa trois petits coups à la porte de la chaumière. Il attendit quelques secondes, ne pouvant retenir un sourire amusé en entendant les bruits étouffés qui lui parvenaient néanmoins :

-J’arrive j’arrive !!

La porte s’ouvrit sur Aldébaran qui sourit jusqu’à ses deux oreilles :

-Ah ! C’est toi !

Le jeune homme à la peau claire et aux yeux de jade sourit en penchant la tête sur le côté :

-Comment va notre patient ?

Demanda-t-il en entrant calmement dans la maison de son ami. Le géant referma la porte derrière lui et l’invita à se diriger vers la chambre :

-Mieux, beaucoup mieux ! Il s’est réveillé hier pendant la nuit et son état ne fait que s’améliorer.

-Tu m’en vois ravi !

Après avoir jeté un coup d’œil sur le côté, le jeune homme aux longs cheveux lilas demanda avec étonnement :

-Comme c’est calme ici ? Les enfants ne sont pas là ?

Aldébaran éclata d’un rire tonitruant :

-Tu dis ça comme si c’était inhabituel !

-Crois-moi : cette maison est la plus bruyante que je connaisse. Et donc la plus vivante.

Sourit le jeune homme en repoussant son long foulard rouge derrière son épaule gauche. Aldébaran frappa amicalement dans le dos de son ami en riant (et le rattrapa par le col avant qu’il ne s’écrase sur le sol. (Ben oui, quand on fait plus de 2 mètres, qu’on pèse 130 kg et que le bonhomme en face ne fait que 1,82 mètres pour 75 kg… Fatalement, la chute est inévitable si on ne contrôle pas sa force !))

-Oups ! Désolé ! (S’excusa le colosse en se frottant l’arrière du crane) Je ne t’ai pas fait mal ?

-Non non ! Ne t’en fais pas Aldé ! (rit le jeune homme en époussetant le haut de sa tunique beige (tout en vérifiant qu’il avait toutes ses côtes opérationnelles). Alors, où sont ces petits chenapans ?

-Teneo est allé à la forge et le reste de la troupe attend dans la chambre.

-Dans la chambre ? Avec le blessé ? (S’étonna l’homme aux cheveux lilas) Mais vous voulez me le tuer ma parole !

S’exclama-t-il en souriant. Aldébaran sembla hésiter et, comme ils se dirigeaient vers la chambre, il demanda doucement :

-C’est pas bien de s’occuper de lui ?

-Le meilleur remède contre la fatigue reste le repos mon cher ami ! Le repos !

Décréta le jeune homme aux longs cheveux mauves. Il tenta de contenir son hilarité mais, devant la mine déconfite de son ami, il rejeta la tête en arrière et éclata de rire :

-Haha ! Ne t’en fais pas Aldé ! S’il a la compagnie de ta famille, il ne risque pas de se fatiguer : au contraire, les enfants risquent bien de le distraire !

-Ah…

Rit doucement le colosse, penaud malgré tout. Le jeune homme aux yeux de jade sourit et poussa la porte de la chambre. Assis en tailleur dans le lit, Milo soulevait Saro dans les airs, à bout de bras. Le petit garçon riait à gorge déployée tandis qu’Olivia, assise sur un tabouret à côté du lit, riait en berçant doucement Pedro contre elle.

Comme les deux hommes restaient à l’entrée de la chambre, abasourdis, Serinsa et Antonio se précipitèrent littéralement sur le blessé :

-A mon tour, à mon tour !

S’écriait Antonio en levant les bras vers le jeune homme blond devant lui. Sa sœur le repoussa en grondant :

-Pousses-toi de là ! C’est à moi maintenant ! Hein Milo ?

-C'est-à-dire que… (Commença Milo)

-Mais heu !! Maman !! (S’exclama Antonio sans laisser finir le blessé) Hein oui que c’est à moi ?!

-Noon ! Dis-lui que c’est à moi maman !!

S’écrièrent les enfants en cœur. Milo éclata de rire et les trois filles de la maison pouffèrent. Le jeune médecin aux cheveux mauves sourit et frappa à la porte pour se faire remarquer dans le brouhaha environnant :

-Toc toc ?

Se hasarda-t-il. Sept paires d’yeux se tournèrent vers lui puis, Juliana, Antonio et Saro se précipitèrent vers lui en criant :

-Mûûû !!!!

Le jeune homme aux yeux de jade rit et ébouriffa les tignasses de chacun des enfants

-Comment allez-vous ?

-Bien et toi ?

S’exclamèrent-ils en cœur, faisant rire Aldébaran et sourire Mû:

-Ma foi plutôt bien. Par contre, je suis désolé mais je vais examiner ce monsieur et il serait préférable que vous sortiez. D’accord ?

Les enfants protestèrent quelques secondes (c’est que c’était drôle de jouer avec Milo !) mais finirent par obéir sagement, suivis par leur mère et Lucia (qui jeta un dernier regard au blessé avant de fermer la porte derrière elle). Milo se redressa sur son oreiller, légèrement méfiant.

-Milo, (le rassura Aldébaran), je te présente Mû Aries : c’est le médecin qui t’a soigné et t’a ôté la balle de la poitrine. Il t’a sauvé la vie et c’est un brave gars digne de confiance.

Le Scorpion ouvrit la bouche, légèrement sceptique, mais Mû s’inclina légèrement, la main droite sur le cœur :

-Je serai muet comme une carpe, tu ne risques rien.

L’homme releva la tête et Milo lut dans ses yeux qu’il disait la vérité. Rassuré, le Scorpion sourit et prit appui sur son oreiller :

-Me voilà rassuré… Alors, qu’est-ce que je dois faire ?

Mû s’assit sur le bord du lit et l’observa longuement, le menton entre les doigts :

-Me laisser faire.

Milo resta interdit un instant puis jeta un regard interrogateur à son hôte en haussant les épaules. Aldébaran secoua la main en faisant une petite mimique rieuse. Comme le Scorpion allait parler, le médecin aux yeux de jade posa deux doigts sur le bandage qui ceignait le ventre de son patient. Patient qui frémit et retint un hoquet de douleur :

-Hé !

-C’est bien ce que je pensais : la plaie est toujours ouverte et elle est encore douloureuse… Il faudrait que je voie ce que ça donne sans bandages. Puis-je ?

Demanda-t-il en levant les yeux vers Milo. Le jeune homme blond se redressa légèrement et leva les bras pour permettre au médecin de faire son travail. Il sourit :

-On est là pour ça, non ?

Mû esquissa un sourire amusé et se tourna vers Aldébaran qui attendait patiemment, les bras croisés sur la poitrine :

-Saurais-tu m’amener de l’eau et un linge propre ?

-Je t’apporte ça tout de suite.

Il sortit et Mû commença à ôter les bandages qui l’empêchaient d’inspecter son patient :

-Quel âge as-tu Milo ?

-Pourquoi cette question ?

Gronda le Scorpion, méfiant : il ne connaissait rien de ce médecin. Il devait rester prudent et ne pas le laisser voir le tatouage sur son épaule… Ou il risquerait d’avertir la garde et s’en serait finit du Scorpion. Mû leva les yeux vers lui, un sourcil haussé (enfin… Un « point mauve » haussé) :

-Je n’aime pas l’idée de soigner une personne sans nom, sans âge et sans histoire. Je me soucie de mes patients tu comprends ? Je veux me faire une image globale de toi avant toute chose.

Sans se soucier du regard interrogateur de son patient, il passa ses bras dans le dos du Scorpion et déroula délicatement les bandes de tissu, découvrant la plaie qui lui barrait le ventre :

-Je suis médecin. Pour les blessures physiques mais j’aime à croire que je peux aussi aider mes patients à soigner leurs blessures mentales. Et pour cela, il faut qu’ils parlent pour que je situe le problème.

Milo resta silencieux un instant puis il murmura :

-J’ai 20 ans…

-Tiens, moi aussi ! (sourit jovialement Mû, comme s’il ne s’était rien passé quelques secondes auparavant.) C’est marrant ça ! Tu es marié ?

-Heu… Pas vraiment non… (Esquiva Milo en passant une main coupable dans sa nuque) On va dire que je ne suis pas fait pour ça…

Mû hocha la tête, compréhensif :

-Ah, je vois. Tu te définirais plutôt comme un coureur de jupon alors ?

-Confirmé s’il vous plaît. (Décréta Milo en levant un doigt) J’y tiens.

Après un moment d’hésitation, le jeune médecin aux cheveux mauves éclata de rire :

-Hahaha !! Je t’aime bien toi ! Tu m’as l’air tout à fait sympathique ! Je me demande qui a pu t’arranger à ce point…

Milo se gratta le bout du nez en souriant puis Mû enleva la dernière bande de tissu. Il fronça les sourcils et passa un doigt sur la plaie :

-Hm… Ca va mieux que ce que je ne pensais. Un peu de désinfectant et un lavage digne de ce nom et elle aura meilleure allure,

Déclara-t-il en se baissant pour farfouiller dans son sac de toile. Milo le regarda quelques secondes puis, il demanda de but en blanc :

-Dis.

-Hm ?

Répondit vaguement Mû en retournant le contenu de son sac pour trouver ce dont il avait beson. Le Scorpion fronça légèrement les sourcils : si ses souvenirs étaient bons (et ils l’étaient !) le prénom de ce médecin aux yeux de jade ne lui était pas inconnu. Il demanda :

-Est-ce que tu as quelque chose à voir avec Shion Atalante ?

La fiole que Mû venait de sortir de son sac éclata en mille morceaux lorsqu’elle heurta le sol. Milo sursauta légèrement et leva les yeux : le jeune médecin avait la tête baissée, une mèche de cheveux dissimulant son visage aux yeux de son patient. Les épaules parcourues de légers tremblements, Mû serra les poings sur les draps. Le Scorpion hésita un instant puis posa une main rassurante sur l’épaule du médecin :

-Heu ?.. Est-ce que ça…

Milo écarquilla les yeux et la fin de sa phrase s’étrangla dans sa gorge. S’étant soudainement rapproché d’une vingtaine de centimètres, Mû venait de sortir un couteau de nulle part. Et avait posé la lame juste sur la jugulaire du Scorpion.

Il baissa lentement les yeux vers le poignard et déglutit prudemment :

-Heu… Je crois que…

-Qu’est-ce que tu sais ?

Gronda Mû, le nez à quelques centimètres de celui du Scorpion. Le jeune homme aux cheveux blonds fronças les sourcils et, aussi vivement que lui permettait ses blessures, il agrippa le poignet du jeune médecin aux cheveux mauves pour le faire reculer :

-Je ne veux pas te faire de mal Mû.

-Alors lâche-moi et dis-moi ce que tu sais. Comment connais-tu Killian ? Et notre nom ? C’est Lui qui t’envoie ?

-Quoi ?! (S’étonna Milo en luttant pour faire reculer le poignard de sa gorge) Je comprends rien ! Une amie à moi servait dans la maison des Atalante et elle m’a parlé de la disparition des neveux de Shion : Mû et Kiki. Elle serait extrêmement rassurée de savoir que tu vas bien.

Mû tressaillit et se recula légèrement :

-Une domestique ? Est-ce que tu parles… d’Ariane ?

-Elle-même. (Sourit Milo en bombant le torse) Nous sommes de vieux amis et tu n’imagines pas l’inquiétude que j’ai vue dans ses yeux quand elle a parlé de votre disparition à ton frère et à toi.

Le jeune médecin sembla hésiter quelques secondes avant de se redresser farouchement :

-De quelle couleur sont ses yeux ?

-Hein ?

-Les yeux d’Ariane. De quelle couleur sont-ils ? Si tu te trompes, je saurai que tu me mens et que tu veux juste me mener en bateau. Alors réponds-moi : de quelle couleur sont ses yeux.

Milo plongea ses yeux dans ceux du jeune homme aux cheveux mauves : il y lut de l’assurance (il n’hésiterait pas à l’égorger sur le champ), de la colère mais aussi de la peur et de la peine. Le Scorpion esquissa un petit sourire rêveur et répondit d’une voix assurée :

-Ils sont superbes. Nuancés de bleu, de gris et de vert. Le tour est cerclé de noir et ils sont parsemés de taches dorées.

Ils se fixèrent longuement, Mû semblant jauger l’attitude de l’homme en face de lui, néanmoins beaucoup moins farouche que quelques secondes auparavant. Milo, sourcils froncés, souffla calmement :

-Je ne me trompe pas. Pas au sujet d’Ariane.

Le jeune médecin plissa ses yeux de jade et glissa son coutelas dans sa ceinture de tunique :

-Je te crois… Pardonne mon *hum* impulsivité…

Milo se frotta consciencieusement la gorge afin de s’assurer de son état et souffla calmement :

-Pas de problèmes : ça aurait pu être pire

Une fois son examen terminé, il leva des yeux interrogateurs vers le jeune homme aux cheveux mauves qui avait la tête basse et les poings serrés. Le Scorpion, voyant en Mû la solution de son problème (avoir des informations sur Saga et sur ce qui faisait tant peur à Ariane par exemple), demanda doucement :

-Que s’est-il passé de si grave pour que tu réagisses comme ça ?

Le jeune médecin baissa les yeux et se mordilla légèrement la lèvre inférieure, les épaules parcourues de légers tremblements. Il serra davantage les poings, faisant violemment blanchir ses jointures avant de répondre tout bas :

-Tu n’as pas à savoir : on ne se connait pas et...

-Mû.

Le ton utilisé par Milo lui fit lever la tête et il se noya dans les orbes clairs de son patient. Le Scorpion dit gravement :

-Si tu veux de l’aide, il faut que tu parles. C’est toi-même qui me l’a dit il y a moins de trois minutes. Je veux t’aider Mû, mais pour cela, il faut que tu m’expliques ce qui s’est passé.

En disant ces mots, il posa une main rassurante sur l’épaule du jeune médecin et esquissa un demi- sourire :

-Tu peux me faire confiance.

Les yeux de Mû se troublèrent un instant et, comme il ouvrait la bouche pour parler, la porte s’ouvit sur Aldébaran. Un grand sourire sur les lèvres, inconscient de ce qui s’était déroulé dans la pièce quelques secondes auparavant, il rugit :

-Voilàà ! De l’eau et du linge propre !

Les deux hommes se tournèrent vers lui et le colosse se retrouva cible de deux paires d’yeux accusateurs. La bouche étirée en un sourire figé, Aldébaran souffla :

-Heu…… Il y a… Un problème ?

Mû se leva et prit gentiment le matériel des mains de son ami, un doux sourire sur les lèvres :

-Merci Aldé ! Je m’en occupe.

-Oh, mais pourtant…

Mû leva la main et la posa sur l’épaule du géant :

-Ne t’en fais pas, je gère.

Aldébaran hésita quelques secondes, jeta un regard interrogateur à Milo qui haussa les épaules, puis se détourna :

-Bon… Ok. Appelez-moi si vous avez besoin de quoi que ce soit.

Un dernier regard hésitant dans la chambre puis il ferma la porte derrière lui (se penchant presque à 90 degré pour éviter de se cogner contre le haut de la porte).

Ils restèrent silencieux un instant, se dévisageant comme on dévisagerait un animal blessé. Enfin, Mû baissa la tête et s’assit en soupirant sur le lit :

-Pourquoi tiens-tu tant à savoir ce qui s’est passé ?

Milo se cala confortablement contre son oreiller et bailla, épuisé malgré lui :

-Parce que Ariane est inquiète. Quelque chose dans la maison Atalante l’effraie et ça m’intrigue. Et puis, on est ami, non ?

Le jeune homme aux cheveux mauves leva des yeux étonnés vers lui :

-Pardon ?

-Bah ouais : tu m’as sauvé la vie, tu me soignes et en plus, tu as mon torse nu et viril sous les yeux. Je pense qu’on peut dire qu’on est amis.

Il ponctua sa phrase d’un clin d’œil et Mû, bien qu’hésitant quand à la réaction adéquate, se mit à rire doucement :

-Ta façon de voir les choses est assez… Particulière.

-Merci, on me le dit souvent.

Sourit Milo en se frottant l’arrière du crane. Le jeune médecin aux yeux de jade baissa les yeux et soupira, vaincu :

-Très bien…

Chapter Text

5 ans auparavant…

L’homme aux longs cheveux verts pâles dévoila le jardin d’un ample mouvement de bras, faisant voler derrière lui un pan de sa longue tunique bleue marine. Un grand sourire éclairant ses yeux mauves, l’homme décréta :

-Bienvenue chez nous.

Le jeune garçon aux cheveux mauves serra la main de son petit frère dans la sienne et leva des yeux ébahis vers la maison de son oncle.
Sa nouvelle maison. Leur maison.

Mû se tourna vers Shion, des étoiles pleins les yeux :

-C’est… Magnifique.

Shion posa une main rassurante sur l’épaule de son neveu et sourit. Un sourire chaleureux et pourtant tellement simple dont il avait le secret qui réchauffa immédiatement le cœur de Mû. Le jeune garçon aux cheveux mauves souleva son petit frère dans ses bras, un sourire béat sur les lèvres. Des mèches rousses lui chatouillant le nez, Mû souffla :

-Regarde Kiki, c’est notre nouvelle maison. On va être bien ici, tu vas voir : on va s’y plaire !

Killian passa ses petits bras autour du cou de son grand frère et sourit :

-Je m’y plais déjà tu sais !

Ils restèrent ainsi un moment, serrés l’un contre l’autre, puis, le petit garçon se mit à gigoter et Mû le laissa doucement glisser sur le sol. Dès que ses pieds entrèrent en contact avec les graviers, Kiki jeta un regard suppliant à son oncle et Shion lui adressa un petit signe de main, un grand sourire sur les lèvres :

-Allez, file.

Le garçon roux ne se le fit pas dire deux fois et, en moins de deux, il se retrouva en train de courir aussi vite que ses petites jambes lui permettaient. Mû se tourna vers son oncle Shion, un sourire gêné sur les lèvres:

-Je suis désolé : il est vraiment infatigable. J’espère qu’il ne va pas te fatiguer parce que…

Shion posa une main rassurante sur l’épaule de son neveu :

-Tu n’as pas à t’excuser Mû : je suis vraiment très heureux de vous accueillir. Vraiment.

Le jeune garçon aux yeux de jade répondit à son oncle par un sourire et tout deux se mirent en route vers leur maison, Kiki courant devant eux, à la poursuite d’un papillon multicolore. Soudain, le petit garçon roux s’arrêta subitement face à un banc de marbre blanc et, après un moment de silence, il se rapprocha subitement et demanda, un grand sourire sur sa petite frimousse :

-Tu es qui toi ?

Mû fronça les sourcils : qu’est-ce qui lui prenait encore ? Il parlait à un banc ? Mais en se rapprochant, il vit qu’un jeune garçon aux longs cheveux bleus était assis sur le marbre, un livre ouvert sur ses genoux. Il referma précautionneusement son livre et sourit au diablotin roux :

-Je m’appelle Saga. Et toi mon grand ?

-Moi c’est Killian mais tout le monde m’appelle Kiki ! C’est parce que personne ne trouve que « Killian » me va très bien. Tu penses que c’est bien toi ? Parce qu’en fait, « Kiki » c’est plus mignon que Killian. On m’a dit que c’était un nom irlandais. Mais j’ai jamais été en Irlande pourtant. C’est là que Maman et Papa allaient mais le bateau a coulé, c’est bête hein ? Tu sais, j’ai eu trois ans le mois dernier ! Je suis un grand maintenant ! Toi, tu as quel âge ?

-J’ai 23… (commença vainement Saga)

-Comme mon grand frère ? (s’écria Kiki sans l’écouter et en désignant Mû du doigt) Il a 15 ans mon frère tu sais ! C’est un grand et même qu’il est trèèès gentil ! Et en plus il s’occupe trop bien de moi hein ! Et il est intelligent et tout et tout !…

Shion éclata de rire devant la mine quelque peu déconfite de Saga devant le babillage incessant de Kiki tandis que Mû bâillonnait son frère de sa main :

-Allons Kiki, laisse-lui au moins le temps de répondre avant de poser d’autres questions !

Fit-il mine de le réprimander le jeune garçon aux cheveux mauves, un sourire amusé sur les lèvres. Quelque peu perdu, Saga se leva et baissa respectueusement la tête :

-Bienvenue chez vous, Mû et Killi… Kiki Atalante. C’est un honneur de vous rencontrer : je suis Saga Gemini, le fils adoptif du Señor Shion.

Mû rendit son salut à Saga :

-Enchanté Saga, je suis ravi de constater que j’ai un grand frère.

Sourit-il en adressant un clin d’œil complice à son oncle. Shion posa une main rassurante sur l’épaule de Mû :

-Je suis sûr que vous allez bien vous entendre mes enfants.

Mû et Saga se sourirent et l’homme aux cheveux verts posa son autre main sur l’épaule de son fils adoptif :

-Je n’en doute pas un instant.

Finit-il en soulevant Kiki dans ses bras.

***

4 et demi ans plus tard…

-Non Killian : « je suis » se termine par « s ».

-Ah bon…

-Recopie-le cinq fois pour t’y habituer.

Sourit patiemment Ariane en tendant sa feuille de conjugaison au petit garçon roux. Kiki retint un soupir las et se pencha consciencieusement sur sa feuille, luttant contre son envie pressante d’aller se défouler dans le jardin. Seule la jeune servante, au service de Shion depuis 4 ans, pouvait faire obéir le petit diablotin roux. Sans compter Mû qui restait l’autorité suprême pour l’enfant.

Assis aux côtés de la jeune fille blonde, Kiki passa la langue et se concentra sur sa feuille, une fine plume d’oie entre ses petits doigts maladroits. Ariane sourit et jeta un regard sur la feuille jaunie par-dessus l’épaule de l’enfant, s’assurant qu’il ait bien compris la tâche à accomplir.

A l’autre bout de la table, Shion tenait entre ses mains les copies de Saga et de son neveu. Un petit sourire étirant un coin de sa bouche, il tendit sa feuille à Saga en premier:

-Très bien les garçons. Saga, tu peux essayer de faire une traduction plus « naturelle », pour que le texte soit agréable à lire.

Le jeune garçon aux cheveux bleus hocha la tête et examina sa traduction : 14 sur 20. Plutôt bien pour une traduction de Tite-Live, un texte extrêmement compliqué, rempli de propositions subordonnées et de discours indirects. Saga fronça légèrement les sourcils : il avait pourtant étudié sa grammaire latine et ses analyses s’avéraient justes… En relisant la correction qu’avait apportée son père adoptif, il hocha lentement la tête :

-Ah oui… Je comprends.

Shion lui sourit et le félicita encore pour ses progrès et se tourna ensuite vers son neveu :

-Ah, Mû !

-Oui ?

Demanda le jeune garçon, un sourcil haussé en signe d’interrogation. L’homme aux yeux d’améthyste lui rendit sa feuille, un grand sourire sur les lèvres :

-C’est parfait : rien à redire. Continue comme ça !

L’encouragea Shion en ébouriffant gentiment les cheveux mauves de son neveu si prometteur. Mû parcourut sa copie des yeux et, comme il avançait dans sa lecture, un petit sourire étirait lentement mais sûrement les coins de ses lèvres : 18 sur 20.

Il remercia son oncle du regard et Shion posa une main sur chacune de leurs épaules :

-Vous me corrigez ça et je vous laisse vaquer avec vos occupations.

Les deux garçons hochèrent la tête et sortirent leurs cahiers de grammaire. Saga prit son temps, calmement, patiemment. Il voulait comprendre ses erreurs pour éviter qu’elles ne se reproduisent à l’avenir. Bien évidemment, Mû finit de corriger bien avant son aîné. Mais il attendit patiemment qu’il ait terminé sa correction, un doux sourire sur les lèvres.

Saga était fasciné par la tendance à voir le bon côté des choses de son « petit frère ». Toujours enjoué, souriant, de bonne humeur… Jamais une once de colère dans son regard si clair. Fascinant. Réellement fascinant… Le jeune homme aux cheveux bleus se repencha sur sa feuille et tourna la page de son épais livre de grammaire : il devait encore s’améliorer s’il voulait que Shion soit fier de lui. Autant qu’il était fier de Mû.

Quelques minutes plus tard, alors que le jeune garçon aux yeux de jade avait terminé depuis bien longtemps sa correction, Saga referma enfin son livre en poussant un soupir d’aise :

-Fini.

Souffla-t-il en offrant un sourire à son cadet. Mû sourit et se leva avant de poser un baiser furtif sur la joue fatiguée de son oncle :

-Saga et moi allons en ville !

-C’est d’accord, mais soyez prudents. Saga, je compte sur toi.

Le jeune homme aux cheveux bleus hocha la tête et bomba le torse avec fierté :

-Vous pouvez me faire confiance : je veille sur lui.

Mû croisa les bras, faisant mine de bouder :

-Comme si je n’étais pas assez grand !

Shion, Saga et Ariane éclatèrent de rire, Kiki étant trop concentré (miracle !) sur sa feuille de grammaire pour entendre la pique lancée par son grand-frère.
Et ainsi, quelques minutes plus tard, Mû et Saga déambulaient tranquillement dans les rues de la ville, sous un soleil de midi brûlant. Le jeune garçon aux cheveux mauves allait d’étalage en étalage, un sourire émerveillé sur les lèvres :

-Oh ! Regarde Saga : tu penses que Kiki aimerait ?

S’exclama soudain Mû en désignant une tunique verte émeraude. Saga se pencha et passa un doigt sur le tissu pour en tester la qualité :

-Hmm… Ca m’a l’air plutôt solide.

Mû haussa un sourcil interrogateur :

-Hu ?

Saga sourit et haussa les épaules :

-Vu comment Kiki se roule dans l’herbe quand on ouvre les portes du jardin… Il vaut mieux que ça soit du solide ! Et puis regarde, la couleur est déjà la bonne !

Mû rejeta la tête en arrière et éclata de rire, les bras serrés sur les côtes. Saga rit doucement, complice. Ils s’entendaient bien, aussi bien que des frères. Saga voyait en fait en Mû le frère parfait qu’il n’avait jamais su trouver en Kanon…

Kanon… Cela faisait 9 ans que son frère était mort… 9 ans qu’il l’avait fait enfermer au Cap Sounion… Parfois, la nuit, Saga se réveillait en hurlant, le corps trempé de sueur et parcouru de frissons à la pensée de son pauvre frère, mort noyé sans personne. Seul. Dans d’horribles souffrances. Ces nuits-là, Saga les terminait en pleurant, sans parvenir à se rendormir après de telles visions cauchemardesques, la tête enfouie dans son oreiller pour éviter que ses sanglots ne réveillent le reste de la maison.

Mû acheta la tunique pour son petit frère et ils reprirent leur route. Mais, à la pensée de son frère, Saga s’était renfrogné : il n’avait pas à s’en vouloir. Il avait fait ce qui était juste. Après tout, Kanon avait… proposé de tuer Shion ! C’était de la folie, de la pure folie ! Comment avait-il pu avoir cette idée ?! Et puis, pourqu…

-Saga ? Est-ce que ça va ?

Le jeune homme aux cheveux bleus sursauta et croisa le regard inquiet de Mû. Il esquissa un sourire :

-Bien sûr, pourquoi cette question ?

-En fait c’était une question rhétorique. Je vais donc la reformuler (sourit le jeune garçon aux yeux de jade à son tour) : Qu’est-ce qui ne va pas ?

Saga hésita un instant : il n’avait jamais parlé de son démon de frère à Mû et… Il n’avait pas vraiment envie de le mettre au courant de son existence. Que penserait-il de lui lorsqu’il apprendrait qu’il avait lui-même condamné son frère à une mort certaine ? Il éluda donc la question, la rejetant d’un petit mouvement de main :

-Rien, ne t’en fais pas.

-Tu ne peux pas me mentir Saga. Pas à moi en tout cas. À Aioros je ne dis pas mais tu ne pourras pas me tromper.

Saga leva des yeux étonnés vers lui et rencontra le sourire éclatant de Mû. Un sourire chaleureux si semblable à celui de Shion. Un sourire dont il avait le secret. Et Saga savait qu’il ne pouvait pas lutter face à ce regard si innocent et rempli de gentillesse. Il soupira et passa une main gênée dans son cou :

-Tu es incorrigible, Mû.

Le jeune garçon aux cheveux mauves tira légèrement la langue et croisa ses bras dans sa nuque :

-Hé, je suis encore jeune, moi ! J’en profite !

Saga rit doucement :

-Sous entendu : je suis jeune et tu es vieux ?

Saga avait 27 ans, dans quelques mois (après le début de la nouvelle année), il en aurait 28. Et face aux 19 ans de son ami (qui en paraissait pourtant à peine 18)… Il était vrai qu’il commençait à se sentir presque vieux !

-Peut-être bien, mais là n’est pas la question ! (sourit Mû) N’essaye pas d’éluder ma question ! Qu’y a-t-il ?

Le jeune homme aux cheveux bleus baissa la tête, résigné :

-Juste… Des mauvais souvenirs…

-A savoir ? (insista Mû, un sourire doux et simple sur les lèvres)

Saga se mordilla la lèvre inférieure :

-Pardonne moi mais… Je n’ai pas envie de t’en parler.

Le jeune garçon aux cheveux mauves fronça les sourcils et hoqueta :

-Oh mais ! (S’écria Mû en s’arrêtant soudain. Puis il ferma les yeux et soupira) Désolé… Ca ne me regarde pas…

Saga regarda son cadet et murmura :

-Pardonne mon silence mais… Mon passé est encore douloureux…

-Je comprends…

Souffla Mû en détournant la tête. Il se sentait extrêmement déçu… Trahi même. Lui, disait toujours tout à Saga et, jusqu’à aujourd’hui, il pensait que c’était réciproque. Il leva la tête vers le ciel :

-Je t’ai toujours tout dit de mes joies, mes peurs, mes peines…

-Mû… (soupira Saga, les yeux fermés et le front plissé)

-Je veux juste te dire que…

-N’insiste pas !

-J’espère que tu sais que tu peux avoir confiance en moi.

-Ca suffit ! (s’écria soudain Saga, une mèche grise barrant son visage) Tu n’as pas à savoir ce qui me préoccupe ok ?! Si je ne veux pas te le dire, je ne te le dis pas ! C’est compris ?!

Mû recula d’un pas et sa peau, déjà fort pâle, vira au livide :

-Sa.. Saga ?

Le jeune homme l’empoigna violemment par le col et le plaqua contre un pilier de bois :

-Est-ce que c’est compris ?!

Feula-t-il, le nez à quelques centimètres du visage du jeune garçon aux cheveux mauves. Ce dernier balbutia, affolé par le subit changement de comportement de son ami :

-Com… compris. Lâche-moi : tu me fais mal !

Le sourire torve de Saga se changea soudain en mimique apeurée et il recula précipitamment, lâchant Mû qui s’agrippa au pilier pour ne pas tomber. Haletant, Saga souffla :

-Je ne… Je suis désolé je… Tu ne…

-Señor Mû ! Señor Saga !

Tous deux se retournèrent pour apercevoir Ariane qui courrait vers eux à en perdre haleine. Saga jeta un regard suppliant à son ami :

-Je t’en prie : ne dis rien à personne.

Les jambes encore flageolantes, le jeune garçon aux yeux de jade hocha lentement la tête et balbutia d’une voix chevrotante :

-Promis.

Ariane arriva à leur hauteur et ils furent horrifiés de constater que des larmes roulaient sur ses joues claires. Saga attrapa la jeune servante par les épaules :

-Que se passe-t-il Ariane ?! Qu’est-ce qui te met dans cet état ?

La jeune fille blonde leva des yeux larmoyants vers lui et hoqueta :

-C’est le Señor Shion.

Mû sentit son sang se glacer tendit que ses cheveux se hérissaient sur son crâne. Il s’approcha fébrilement de la jeune fille et la pressa :

-Quoi ?! Que s’est-il passé ?!

Ariane déglutit :

-Il est… monté dans sa chambre peu après votre départ, se disant fatigué. Et quand je lui ai apporté sa tisane quelques minutes après il… Il était…

Saga serra les doigts sur les épaules de la servante tellement fort que ses articulations en blanchirent :

-Il était quoi ?!! Parle donc !!

-Il était évanoui et brulant de fièvre !!

Finit-elle en un ultime sanglot de peur. Saga pâlit et la lâcha pour se diriger à toute vitesse vers leur demeure. Réceptionnant Ariane dans ses bras, Mû la tira bien vite par la main :

-Saga !!

Hurla-t-il. Mais Saga ne voulait pas s’arrêter. Il ne voulait pas les attendre : Shion, son bienfaiteur, son père était en danger ! Il devait se dépêcher ! Il ferma les yeux jusqu’à en avoir mal, serra les poings et accéléra.

Une fois remise de ses émotions, Ariane retroussa légèrement sa robe et, retrouvant ses réflexes de vagabonde, elle se mit à courir aux côtés de Mû, ralentissant de temps en temps pour lui permettre de la rattraper :

-Avait-il fait part de quelconques maux de têtes dernièrement ?

S’enquit le jeune garçon, essoufflé de courir si vite sous un soleil si chaud. Ariane secoua la tête et accéléra :

-Rien du tout Señor, c’est bien cela qui m’inquiète !

Ils arrivèrent à la maison des Atalante quelques minutes plus tard, devancés de quelques mètres par Saga. Ils se précipitèrent dans la chambre de Shion et ouvrirent la porte à la volée, essoufflés et haletants. L’homme aux cheveux verts était allongé dans son lit, le front plissé et couvert de sueur, les lèvres pâles et tremblantes. Saga était à son chevet et murmurait des paroles si bas que ni Mû ni Ariane n’en comprirent un mot. Le jeune garçon aux cheveux mauves se précipita sur le bord du lit et serra la main gauche de Shion dans les siennes :

-Mon oncle ! Mon oncle ! Parlez-moi !

Les paupières de Shion frémirent et il souffla :

-Mû…

-Je suis là mon oncle.

-Où est… Killian ?…

-Je vais le chercher Señor !

S’exclama Ariane avant de s’éclipser vers les appartements du petit garçon roux. Shion soupira et sembla se rendormir. Mû et Saga se jetèrent un regard apeuré de part et d’autre du grand lit : que se passait-il donc ? Mû chuchota :

-Avez-vous mal mon oncle ?

Shion secoua doucement la tête et il ouvrit les yeux :

-Je dois… Me lever. Il me reste des tas de choses à faire et…

-Non ! (s’exclamèrent les deux garçons en cœur, repoussant gentiment mais fermement Shion sur son matelas) il faut vous reposer !

Ariane entra alors, poussant Kiki devant elle. Le petit garçon retint bravement ses larmes et se jeta littéralement sur le lit pour se rouler en boule contre son oncle :

-Oh… Mon tout petit.

Sourit Shion en posant sa main droite sur la tignasse rousse de son jeune neveu. Kiki renifla et enfouit son visage dans la tunique de celui qui était devenu son père :

-J’ai peur.

-De quoi ?

-Que tu me laisses. Comme Maman et Papa.

Ariane ne put retenir un sanglot et elle se détourna, cachant sa bouche entre ses mains :

-Je vais chercher un médecin.

Dit-elle pour laisser Shion seul avec ses enfants. Mais il la rappela d’une voix faible :

- Ariane… Mon enfant, approche donc…

La jeune fille se retourna, la bouche entrouverte sur une exclamation de surprise muette :

-Que… Moi ?

Shion sourit et elle renonça à ce que l’étiquette lui ordonnait de faire. Elle s’agenouilla à côté de Mû et contint bravement ses larmes. Shion se tourna à demi vers le jeune homme aux cheveux bleus et souffla :

-Saga…

-Oui Señor ?

Un pâle sourire étira les lèvres de l’homme et Saga serra son autre main entre les siennes :

-Tu veilleras bien sur eux… Pour moi ?

Un autre sanglot échappa à Ariane et elle enfouit son visage dans les draps, Mû ayant passé un bras réconfortant sur ses épaules. Saga sentit son menton trembler et ses dents claquer mais il soutint le regard améthyste de son père adoptif :

-Je vous en fais le serment.

-C’est bien… Mû ?

-Oui mon oncle ?

-Tu es l’héritier du nom des Atalante : je sais que tu nous feras honneur…

Le jeune garçon hoqueta et amena la main de son oncle jusqu’à son front :

-Je vous en fais le serment…

Tard dans la nuit, un hurlement plaintif s’échappa de la chambre lorsqu’Ariane éloigna du mieux qu’elle pouvait Kiki de son oncle : Shion était mort. De la mort la plus idiote qui soit : de maladie… Aussi mystérieuse que subite…

Chapter Text

Assis sur le banc de marbre, Saga se rongeait précautionneusement un ongle, déversant toute son angoisse et sa peur sur son pauvre pouce qui n’avait rien fait à personne : ce soir, Shion allait être enterré et ce soir, il serait nommé maître de la maison Atalante en attendant que Mû atteigne ses 20 ans, dans six gros mois. Mais il avait peur. Terriblement peur : et s’il ne savait pas gérer une maison convenablement ? Et s’il faisait une bêtise ? Et si…

Saga se prit la tête entre les mains et ferma ses yeux gonflés et rougis par le manque de sommeil. Depuis la mort de Shion, ses nuits se résumaient à des heures d’insomnies, pleurant aussi discrètement que possible…

Le jeune homme leva la tête vers le ciel et murmura :

-Je tâcherai d’être brave… Père.

Dans sa chambre, Mû termina d’arranger la tunique de son frère pour la nomination de Saga, la tunique verte émeraude achetée quelques jours auparavant. Lui, portait encore son pantalon verts, sa tunique beige et son long foulard rouge. Kiki leva les yeux vers le visage si clair de son grand frère et chuchota :

-Dis Mû ?

-Hm ?

-Tu penses qu’il nous voit ?

Le jeune garçon aux cheveux mauves esquissa un triste sourire et ajusta le bracelet d’or serti de rubis que leur mère leur avait laissé sur le bras de son cadet :

-Bien sûr que oui : il veille sur nous depuis le royaume des cieux.

-Oh…

Ils restèrent silencieux un instant, puis, Kiki renifla aussi discrètement que possible pour ne pas alarmer son grand frère inutilement. Mais peine perdue : Mû leva les yeux et demanda doucement :

-Qu’y a-t-il ?

-Je… J’ai… *snif* Tonton Shion me manque.

Deux grosses larmes dévalèrent les joues de l’enfant pour s’écraser sur le sol. La tête basse, il se mit à sangloter doucement et Mû serra son frère contre lui avec l’énergie du désespoir, s’accrochant à lui comme une bouée de sauvetage :

-A moi aussi Kiki… (il enfouit son visage dans la tunique de son petit frère) A moi aussi…

Comme ils restaient immobiles un instant, Killian poussa soudain un cri de terreur en pointant quelque chose du doigt :

-Qu’est-ce qui te…

-Attention !!

Plus par réflexe qu’autre chose, Mû se jeta sur le côté et, serrant Kiki contre lui, effectua une roulade avant de se relever vivement. Il aperçut une fine mèche de cheveux mauves voleter doucement vers le sol, tranchée par une lame qui avait frôlé son visage, traçant une ligne de feu sur sa joue et...
Une lame ?!!

Mû serra son frère contre lui et gronda à l’adresse de l’homme qui se tenait dans l’encadrement de la porte, le visage dissimulé par l’ombre de la pièce :

-Pourquoi avoir fait cela ?! Qui êtes-vous pour agir de la sorte ?!

L’homme esquissa un horrible sourire et il ricana d’une grosse voix :

-La chance a voulu que vous ne mouriez pas cette nuit Mû Atalante. Mais ce n’est pas le temps ni l’envie qui me manque…

-Comment ?!

S’écria Mû, sentant un filet de sueur froide glisser le long de son échine : cet homme était complètement fou. Un fou dangereux qui plus est ! Il devait absolument se défendre. Sa vie et celle de son frère ! Il déposa Kiki derrière lui et l’enfant s’agrippa à ses jambes pour tirer la langue à l’homme :

-Même que Mû, il a pas peur de vous ! Sale méchant !

L’homme éclata d’un rire diabolique et Kiki se cacha derrière la tunique de son frère en tremblotant :

-Haha ! Je ne crois pas, nabot ! (Il grinça en s’approchant d’un pas, faisant reculer Mû et Kiki, toujours fourré dans ses jambes) Je sens l’odeur de votre peur. (il inspira profondément puis expira bruyamment) La mort arrive.

-Saga vous tuera si vous osez lever la main sur nous !

Menaça Mû en serrant le poing : il n’avait pas d’épée, rien pour se défendre… Aucun meuble ne pourrait cacher Killian le temps que les secours arrivent. Ils étaient perdus. Mais il ne renoncerait pas sans résister ! Il devait lutter pour que la garde arrive ! L’homme baissa un masque sombre sur le haut de son visage, ne laissant entrevoir que ses yeux et sa bouche :

-A moins qu’il n’en sache rien.

-Tout le monde le saura voyons : deux enfants baignant dans leur sang, vous auriez besoin d’autres preuves pour croire à un assassinat ?

Mû retint un glapissement et leva la tête lorsque la pointe de la lame se posa sur sa gorge. Il déglutit prudemment avant de souffler :

-Laissez au moins mon frère partir. Je vous en conjure.

L’homme ricana et avança, faisant donc reculer Mû (et, fatalement, Kiki) vers le balcon :

-Qui a dit que j’allais vous égorger ? Avec ce que vous venez de vivre, personne n’aura de mal à croire à un suicide désespéré. Quand à Saga, je m’occuperai de lui plus tard. A moins que, lorsqu’il apprendra votre mort, il ne se suicide à son tour… Qui sait ? (finit-il en souriant)

Mû écarquilla des yeux horrifiés et jeta un regard en arrière : ils se trouvaient en deuxième étage, à plus de 10 mètres du sol. Une chute serait fatale, mortelle même. Il serra la main de Kiki dans la sienne et supplia :

-Non ! Laissez mon frère vivre ! Il ne parlera pas je vous le jure !

-Je n’ai que faire de vos pitoyables tentatives : sautez.

Kiki poussa un petit cri lorsque son dos heurta la rambarde de marbre du balcon et il se colla contre les jambes de son frère, retenant bravement un sanglot apeuré. Mû croisa le regard du petit garçon et lui, d’un naturel si calme, sentit la rage l’envahir. Poussé par une bouffée d’adrénaline aussi soudaine qu’inattendue, il serra le poing et frappa, d’un direct du droit parfaitement calculé.

L’homme arrêta le poing de Mû à quelques centimètres de son visage et lui donna un coup de genou dans le plexus solaire. Le souffle coupé, le jeune garçon s’effondra sur le sol, la bouche ouverte, à la recherche d’air. Kiki allait pousser un cri mais l’assassin feula :

-Silence !

Kiki hésita à peine avant de se jeter, toutes griffes dehors, sur l’homme qui osait lever la main sur son grand frère adoré :

-Prends ça !

Il leva le pied et l’homme reçu un coup dans le tibia, magnifiquement dosé, qui lui fit pousser un cri étouffé. Il agrippa l’enfant par le col et gronda :

-Sale morveux !

Ni une ni deux, Kiki referma sa bouche sur le bras de l’assassin, enfonçant ses canines aussi loin qu’il le pouvait dans la peau de son agresseur. L’homme cria et le balança sur le sol. Sa tête heurta la rambarde et Kiki s’écroula, sans connaissance, du sang s’écoulant lentement de l’arrière de son crâne. L’assassin brandit sa dague :

-Tu ne me laisses pas le choix gamin !

Mais il arrêta son geste lorsque Mû s’interposa entre la lame et son petit frère, les bras écartés et les sourcils froncés. L’homme se noya dans les yeux si clairs du jeune garçon et il haleta :

-Toi. Ecarte-toi !

-Jamais.

Un tic nerveux agita la joue de l’homme et il leva son épée. Mû ne le quittait pas des yeux, attendant patiemment son heure. Serein. Presque soulagé. Une goutte de sueur roulant le long de sa tempe, grimaçant soudain, l’homme rengaina brutalement sa dague et il se détourna :

-Je ne peux pas… (Souffla-t-il si bas que Mû l’entendit à peine) Ce sont ses yeux…

Il se redressa et, sans se tourner face aux enfants, il souffla :

-Je vous laisse 5 minutes pour déguerpir.

-Quoi ? (s’étonna Mû en se rapprochant de son frère, toujours inconscient) Vous ne…

-Ne m’oblige pas à me répéter.

Gronda l’homme. Mû hésita à peine avant de saisir doucement son cadet dans ses bras et de reculer lentement vers la sortie, les yeux fixés sur cet homme qui se tenait au bout de la pièce.

-Merci… (Souffla-t-il en baissant la tête.)

-Arrête : contente-toi de sauver ta peau. Arrange-toi pour ne plus jamais me croiser car ce jour là, je n’hésiterai pas à vous tuer. Fais en sorte de ne pas être vu par les domestiques.

Le jeune garçon aux cheveux mauves cligna des yeux et s’en fut en trottinant, le cœur battant à tout rompre. Il passa le portail, se retourna pour apercevoir sa maison une dernière fois puis, se remit à courir, Kiki dans ses bras.

***

-Nous avons fouillé toute la propriété Señor Gemini… Ils sont introuvables…

Saga baissa la tête, les yeux exorbités et le souffle court : ils avaient patrouillé toute la nuit et à présent que le jour se levait presque, les recherches confirmaient ce que personne n’osait dire à voix haute… Dans le meilleur des cas, Mû et Kiki avaient quitté la maison des Atalante de leur plein gré. Dans le pire des cas, comme le présageait cette infâme flaquinette (^^’) de sang sur le balcon de leur chambre, ils étaient morts et leurs corps avaient disparus.
Et ça, il ne pouvait pas l’accepter :

-Je suis désolé Señor…

Lentement, Saga se laissa glisser sur le sol :

-Non. Non non non non ! (Il entoura sa tête de ses mains, griffant son cuir chevelu avec ce qui restait de ses ongles) C’est impossible !

Les domestiques se jetèrent des regards désolés et le plus vieux d’entre eux posa sa main sur l’épaule de son nouveau maître :

-Señor Gemini…

-Lâchez-moi !! Ne me touchez pas !! (Hurla Saga en se recroquevillant sur lui-même) Sortez tous !!!

-Oh mais Señor…

-SORTEZ !!!

Les gens de la maison s’enfuirent aussi vite qu’ils le pouvaient face à la détresse monstrueuse de leur maître et la porte se referma sur Saga, toujours accroupi dans un coin de ce qui allait devenir son bureau. Comme il sanglotait, un grincement le fit se recroqueviller davantage :

-Je vous ai ordonné de me laisser !

Gronda-t-il d’une voix rauque. La porte se referma et il soupira, laissant échapper un sanglot douloureux. Un bruissement le fit sursauter et deux bras l’entourèrent tendrement. Il se dégagea et recula en haletant :

-Que ?! (Sa lèvre se mit à trembler lorsqu’il reconnut la personne qui enfreignait ainsi l’ordre) Ariane…

La jeune femme, les joues trempées de larmes, s’avança à genoux vers lui :

-Señor Saga… Vous ne devez pas garder tout le poids de votre chagrin pour vous seul. Je sais ce que c’est…

-Non ! Non, tu ne sais pas ! Tu ne viens pas de perdre ton frère et tes frères ! (Gronda Saga et enfouissant son visage dans ses bras croisés sur ses genoux) Laisse-moi…

-Non.

-Non ? (hésita-t-il, la voix tremblante)

-Non.

Répéta-t-elle simplement d’une voix douce. Il leva la tête lorsqu’Ariane le serra contre elle, passant une main rassurante dans ses cheveux :

-Je ne vous laisserai pas seul dans un moment aussi critique.

Saga hésita puis, ne pouvant retenir davantage les larmes qui l’oppressaient, il referma ses bras sur la jeune fille (déjà presque une femme) et la serra contre lui en poussant un cri de désespoir. Ariane ferma les yeux, les larmes roulant sur ses joues pâles sans interruptions :

-Je suis là Señor… Je suis là…

Et Saga se libéra enfin du chagrin qui lui oppressait la poitrine depuis la mort de son frère. Serré contre Ariane, la serrant lui-même dans ses bras, il pleura sans retenue la mort des êtres qu’il aimait le plus au monde.

Chapter Text

Milo chassa une mèche de cheveux qui barrait son visage avant de pousser un profond soupir. La lueur de la bougie jetant des reflets sur son visage clair, la tête basse, Mû garda les yeux à demi clos, semblant perdu dans ses pensées. Après un moment de silence, le Scorpion, qui n’avait jamais été des plus patients, tapota le bois du lit avec le bout de ses doigts avant de demander :

-Et après tu as rencontré Aldé ?

Le jeune médecin hocha lentement la tête, le visage dissimulé par une épaisse mèche de cheveux :

-Oui…

Il souffla profondément, semblant ravaler des larmes et des regrets, avant de lever la tête, les yeux brillants et un sourire doux sur les lèvres :

-Il rentrait de la forge quand il nous a trouvé, Kiki et moi, marchants seuls dans la rue. Il nous a proposé de nous recueillir et m’a offert un petit boulot dans sa forge. Quand je me suis fait assez d’argent, je me suis offert des manuels d’anatomie et de médecine pour être reconnu comme médecin officiel. J’avais toujours rêvé de faire ce métier. (Sourit-il, les yeux dans le vague) Aldé nous a gardés chez lui le temps que je trouve une petite maison. Ensuite, j’ai rencontré Elsa et…

-Elsa ?(s’enquit le Scorpion, envieux de connaître chaque détail de cette histoire plus qu’intéressante pour lui)

Mû rougit légèrement :

-Ma… compagne.

Le regard de Milo s’illumina et un grand sourire étira ses lèvres :

-Haha ! Mais c’est magnifique ça ! Ca fait combien de temps que vous êtes ensemble ?

-Deux ans…

Souffla timidement le jeune médecin aux cheveux mauves en chipotant vaguement à son ongle de pouce. Il sursauta lorsque Milo lui frappa amicalement dans le dos :

-Félicitation mon vieux ! Ca doit être sympa au lit vue que vous vous connaissez depuis un petit temps !

Le teint pourtant très clair de Mû vira au rouge écarlate et il eut soudain aussi chaud que s’il s’était retrouvé dans le désert au milieu de la journée :

-Ben… C'est-à-dire que… (Il toussota pour reprendre constance) Notre relation n’est pas axée sur cette partie de la vie de couple…

-Wha l’autre ! (ricana Milo, ravi de la situation embarrassante dans laquelle il plongeait son (nouvel) ami) Me dit pas que t’a jamais…

-Je préférerais qu’on en reste là si ça ne te dérange pas. (Rougit violemment Mû en clignant des yeux) Comment peux-tu parler de… De… De « ça » avec tellement de je m’en foutisme ?

Souffla-t-il soudain, ébahi devant le manque total de gêne de Milo. Le Scorpion secoua la main :

-L’habitude sans doute.

Mû rougit encore plus (Milo n’aurait pas imaginé que ce fut encore possible) avant de terminer :

-Enfin… Nous vivons tous les trois dans une petite chaumière non-loin d’ici.

Milo esquissa un sourire et décida de mettre fin au supplice du jeune médecin :

-Tout est bien qui finit bien alors.

-Ca va en s’arrangeant en tout cas.

Sourit Mû. Le Scorpion soupira légèrement :

-C’est donc ça qui s’est passé… Et tu n’as aucune idée de qui a pu vouloir vous tuer tous les trois ?

-Tu peux dire quatre.

Milo haussa les sourcils :

-Heu….. Saga, ton frère et toi, ça fait pas trois ?

S’inquiéta-t-il : mince alors ! La fatigue le faisait-il délirer ?! Ou alors se trompait-il en comptant depuis le début ?!

-Ce serait « un, deux, quatre, trois…. » Merde merde merde ! Il va me prendre pour le dernier des idiots !

Se réprimanda Milo. Mais Mû le rassura :

-Nous trois plus Shion.

-Tu m’as dit que ton oncle était mort de maladie !

S’effara Milo : il avait pourtant tout bien suivi ! Il s’était concentré comme jamais pour être sûr de ne rater aucun détail ! Mû se renfrogna avant de gronder :

-Je suis sûr qu’il a été empoisonné. Il se portait bien et, du jour au lendemain, il était mourant. Il n’y pas d’autres solutions. Et je suis sûr que c’est cet homme qui l’a tué vu qu’il voulait se débarrasser de la lignée Atalante, donc de mon oncle, de Killian et moi mais donc aussi de Saga.

Milo fronça les sourcils et se frotta le menton, sceptique :

-Hm… Ca se tient… (Il serra le poing) Et je suis prêt à parier que c’est ce mec qui a voulu me faire la peau aussi.

-Comment ça ?

S’enquit Mû, sourcils froncés. Le Scorpion haussa les épaules :

-Ha oui, je ne t’ai pas encore expliqué… (Il se cala confortablement sur son oreiller) Il y a un peu plus d’une semaine, un homme m’a demandé de tuer Saga.

-QUOI ?!

Milo sursauta lorsque le jeune médecin aux cheveux mauves poussa un cri horrifié. Il leva les mains pour se rattraper mais Mû continua :

-Mais qu’est-ce que tu racontes Milo ?!! On t’aurait demandé de tuer Saga et… Tu aurais accepté… (Ses yeux s’exorbitèrent) Mais pourquoi ?.. Qui… Qui es-tu réellement ?..

Finit-il en un souffle, légèrement méfiant. Milo hésita quelques secondes puis, mettant tout doute de côté, il dit, contournant la question :

-Je suis un assassin et un voleur… Et si je suis dans un tel état aujourd’hui, c’est parce qu’on m’accuse à tort d’un meurtre que je n’ai pas commis et...

-Réponds à ma question.

Milo inspira, plongea ses yeux dans ceux du jeune médecin et souffla :

-Je suis le Scorpion.

Il s’attendait à une réaction violente. Des hurlements d’horreur, des appels à la garde, de la violence,… Mais Mû souffla juste :

-Le… Scorpion. Le bandit le plus dangereux de la région ?

Milo hocha la tête :

-Je t’en prie : ne me dénonce pas. Je dois me venger de ce mec qui veut ma peau ! Alors je t’en prie, attends que je l’ai retrouvé pour me faire arrêter !

-Ne me dis pas que tu as tué Saga !

Milo haussa les sourcils, surpris et Mû gronda :

-Je ferai comme si je n’avais pas entendu la dernière partie de ton explication : je ne dirai rien. Dis-moi juste que tu n’as pas tué Saga. Si tu l’as fait, je te tue sur le champ et je te jure que je le ferais.

-No stress (sourit Milo, soulagé et touché que Mû ne le trahisse pas) : soit ton frère adoptif est dans le genre prudent à dormir avec six mecs pour le surveiller, soit quelqu’un l’a mi au courant de ma venue. Et j’étais le seul à savoir que je devais aller tuer Saga. Moi et…

-Ton client. (Souffla Mû.) Mais ça n’a aucun sens ! Pourquoi aurait-il fait une chose pareille ?

Milo haussa les épaules :

-Je pense qu’il voulait me faire arrêter par la même occasion : faire assassiner Saga et me faire prendre la main dans le sac. Deux pour le prix d’un.

Le jeune médecin fronça les sourcils :

-Ca n’a pas de logique… Ton client doit être fou pour imaginer un plan aussi tordu ! Il aurait dû se douter que ça ne marcherait pas ! Je n’arrive pas à comprendre mais… C’est sans doute le même homme.

-Comment peux-tu en être sûr ?

-Un fou qui veut faire assassiner Saga, ça ne te suffit pas comme explication ?

Milo fronça les sourcils :

-Le monde est petit on dirait…

-Dans ce cas, une chose est sûre.

-Laquelle ?

S’enquit le Scorpion. Le visage de Mû changea alors littéralement : un horrible sourire étira ses lèvres et ses yeux s’illuminèrent d’un éclat diabolique :

-Il est à moi. Je le tuerai de mes mains.

-Mais !

Commença Milo. Mais Mû continua, levant des yeux embués vers lui :

-Il a tué mon oncle Milo, ma seule famille. Il a menacé de nous tuer et en plus, il veut assassiner mon frère. Ce privilège me revient de droit et je ne laisserai personne m’en priver.

Le Scorpion hésita un instant, les yeux plongés dans le jade des prunelles du jeune médecin :

-On pourrait travailler ensemble.

Suggéra Mû et Milo resta silencieux un court moment : c’était risqué. Mû ne connaissait rien de ce milieu aussi dangereux que sombre. Il demanda le plus sérieusement du monde :

-Es-tu sûr de ce que tu fais ?

-Absolument.

Répondit résolument le jeune homme aux cheveux mauves. Après un court moment de réflexion, Milo hocha lentement la tête :

-Je vais le retrouver et je te l’amènerai. Je le trainerai à tes pieds et tu pourras assouvir ta vengeance et moi j’aurai eu la mienne. Ca te va ?

Mû serra franchement la main que lui tendait Milo, un large sourire sur les lèvres :

-Marché conclu.

Le jeune homme aux yeux de jade termina de soigner les blessures de son patient-collaborateur et se leva :

-Je repasserai demain midi : repose-toi bien en attendant.

-Oui chef !

Rit Milo, comme s’ils étaient seulement deux amis qui venaient de prendre un verre. Mû ouvrit la porte mais le jeune homme blond s’écria soudain :

-Attends !

Mû se retourna à demi, les sourcils légèrement haussés :

-Qu’y a-t-il ?

S’inquiéta-t-il. Le Scorpion posa donc la question qui lui brûlait les lèvres :

-Comment Aldé t’a-t-il trouvé?

Mû haussa les épaules :

-Par hasard ?

Milo fit la moue : ce détail le turlupinait : certes le monde était petit mais à ce point là… Comment était-ce possible ? Ca ne pouvait pas être une simple coïncidence… Le jeune médecin sourit devant la mine déconfite de son ami :

- Mais on peut le lui demander.

Il fit un petit signe et Aldébaran passa la porte, légèrement inquiet :

-Hé bien, vous en avez mis du temps ! Vous avez causé de quoi ?

-Comment as-tu trouvé Mû ?

Demanda directement Milo. Le colosse hésita, restant silencieux une longue seconde. Il jeta un coup d’œil derrière lui et referma la porte :

-Vous allez me prendre pour un fou…

-Dis toujours.

Le pressa Milo, sourcils froncés. Aldébaran se pencha légèrement :

-Est-ce que vous êtes croyants ?

-Hein ? (s’exclama le blond en haussant les sourcils) Mais c’est quoi le rap…

-Est-ce que tu crois en Dieu Milo ?

-Bah…

-Parce que moi j’ai déjà eu la chance de croiser un ange.

Milo fronça les sourcils :

-Un ange ?

Demanda Mû avec un sourire amusé. Aldébaran hocha la tête :

-Moque-toi seulement, moi je l’ai vu. (Ses yeux s’illuminèrent sous l’effet de l’extase passée et il souffla) Il marchait dans la ruelle, auréolé d’une lumière quasi surnaturelle et pourtant d’une intense chaleur. Comme j’étais tétanisé, tombé à genoux face à cette intervention divine, il m’a sourit, m’a aidé à me relever et m’a désigné une rue adjacente, me disant d’aller voir et d’aider ceux qui se trouveraient là… Puis il a tout simplement disparu, devenu une simple poussière d’étoiles scintillantes, semblable à un univers miniature… J’ai suivi ses injonctions et c’est ce soir-là que j’ai trouvé Mû et Kiki.

Tout trois restèrent silencieux un instant puis, Milo gronda soudain, une lumière de suspicion dans les yeux :

-Cet ange… Il ressemblait à quoi précisément ?

Aldébaran leva les yeux et se frotta le menton, perdu dans son souvenir d’apparition divine :

-Il était plutôt petit, majestueux comme un roi, de longs cheveux d’or qui volaient derrière lui et le plus étrange (il sourit) c’est qu’il marchait les yeux fermés.

Chapter Text

-Parrain Camuuuus !!!!!

Camus ferma les yeux et soupira de désespoir. Otant ses lunettes de lecture, il se massa les tempes :

-Quoi encore ?

-Pourquoi on peut pas aller jouer dehors ?!!

Gémit Hyoga en tirant sur la tunique de son parrain avec une régularité absolument insupportable. Le Français posa les mains à plat sur son livre et soupira :

-Hyoga : si je vous interdits de faire quelque chose, vous n’avez pas à discuter et vous restez à l’intérieur. Demandez à Léna de jouer avec vous aux cartes ou que sais-je…

-Mais parr…

Commença le petit garçon blond avec désespoir. Camus écrasa le plat de sa main sur son ouvrage et sa voix claqua soudain, faisant sursauter son neveu :

-Suffit ! Il n’y a pas lieu de discuter ! Tu n’as qu’à faire comme Isaak : lui au moins, il n’agace personne. Prends un livre dans la bibliothèque et laisse-moi ! Si je fais ça, c’est pour votre bien, est-ce que c’est clair ?!

Hyoga recula et sa lèvre se mit à trembler, les larmes aux yeux sous l’effet de la surprise :

-Mais… Mais… Je ne voulais pas…

-Est-ce clair ?

Le petit garçon retint bravement ses larmes et baissa la tête :

-Oui Camus…

-Regarde-moi : c’est malpoli de détourner le regard quand on parle à quelqu’un.

L’enfant leva les yeux et Camus fut touché de voir de grosses larmes de chagrin (et non pas de crocodile) rouler sur les joues de son neveu. Conscient d’avoir été dur, le Français posa une main sur l’épaule de Hyoga et souffla pour se calmer :

-Pardonne-moi : je suis un peu fatigué… Demande à Léna de te choisir un livre d’histoires et de te le lire. Patiente encore quelques jours.

Hyoga renifla (*beurk !*) et hocha la tête :

-D’accord…

Camus passa une main douce dans les cheveux du blondinet et le repoussa délicatement vers la porte du bureau :

-Allez, va.

Hyoga s’éloigna mais, une fois arrivé à la porte, il s’arrêta et se retourna :

-Parrain ?

Soupir bravement contenu :

-Oui ?

Répondit Camus, vaguement irrité par l’incessant gémissement de son neveu. Hyoga demanda d’une toute petite voix :

-Tu… Tu voudras bien me lire l’histoire que Léna va choisir ?

-Hyoga…

-S’il te plaît.

Camus se retourna à demi sur son siège, croisa le regard suppliant et triste de Hyoga, soupira. Il se retourna :

-Peut-être ce soir quand vous serez au lit.

Hyoga souffla :

-Merci.

Et il s’en fut rejoindre Isaak qui lisait une encyclopédie sur la faune et la flore marine : quand il l’avait quitté pour quémander une sortie dans le jardin à son parrain, le garçon aux cheveux verts était absolument fasciné par la page qui racontait la légende du fameux Kraken…

Lorsque la porte se fut refermée sur son neveu, Camus ôta ses lunettes en soupirant. Il savait que les garçons étaient à cran. Des enfants de leur âge ne demandaient qu’à courir et à se défouler dans le jardin. Mais Milo lui avait interdit de sortir, lui ainsi que Léna et les enfants, avant qu’il ne soit revenu lui démontrer que rien ne pourrait leur arriver… Et ça faisait déjà 5 jours… 5 jours…

Camus posa son front contre la paume de sa main, se concentrant pour ne pas à imaginer l’impensable. Milo lui avait promis de revenir. Il ne pouvait pas être… Non. Le Français secoua la tête et se leva pour se diriger vers sa fenêtre : il avait besoin d’air. Milo ne pouvait pas être mort.
N’est-ce pas ?

Camus parcouru son jardin de devant du regard et se rendit soudain compte qu’il se rongeait nerveusement un ongle, mettant la peau à vif. Il fixa un moment la fine goutte de sang qui glissait le long de son doigt avant de frissonner et de serrer le poing :

-Ca va aller.

Tenta-t-il de se convaincre. Mais il revoyait sans cesse le visage ensanglanté de son ami, un sourire rassurant sur les lèvres. Camus ferma les yeux et sentit son poing se mettre à trembler sans qu’il ne puisse l’en empêcher :

-Ca va aller…

Il découvrait avec horreur un sentiment jamais expérimenté auparavant. Un sentiment qui le hantait depuis 5 jours, du jour au matin, jusque dans ses cauchemars. C’était donc ça…
La peur.

$s$s$s$

Le soir tomba sur la ville. C’était un beau soir, lumineux, un ciel rempli d’étoile et une nuit qui s’annonçait chaude et agréable. Une nuit idéale.

Toute la famille était attablée et faisait sagement la prière du soir, les mains croisées et les yeux clos. Milo retint un soupir ennuyé et leva les yeux au ciel :

-Pff…. Que c’est long. Ils font quoi là ? Ils le remercient au moins un milliard de fois ! Et moi je crève de faim et tout le monde s’en contrebr…

-Amen !

Finirent enfin les Taurus en cœur. Milo balbutia un vague « Amen » plus ou moins en même temps qu’eux et (enfin) tous se mirent à manger. C’était le premier soir où le jeune homme blond pouvait quitter son lit. Quand Mû était passé, un peu plus tôt dans la journée, il l’avait autorisé à prendre l’air quelques minutes. Lucia et Teneo l’avaient guidé vers l’extérieur et il avait passé l’après-midi assis tranquillement sur un banc, à prendre le soleil. Lucia était restée avec lui, lavant le linge de la famille (ou encore le sien) et parlant avec lui. Milo avait bien conscience de la façon dont la jeune fille brune le regardait. Pas juste avec admiration… Mais que vouliez-vous qu’il lui dise ?

-Désolé gamine : j’ai l’âge d’être ton frère, je suis une bête de sexe, je saute littéralement sur tout ce qui bouge, et je suis raide dingue d’une fille depuis mes 9 ans.

Ouais…

Mais non.

Alors il se taisait et faisait comme si de rien était : il avait plusieurs fois été tenté de lui dire franchement qu’elle n’avait aucune chance mais devant le regard tellement brillant qu’elle posait sur lui, Milo n’avait pas le courage de la décevoir.

-Un peu de pain Milo ?

Demanda justement Lucia avec un grand sourire. Le jeune homme blond sourit et prit délicatement le panier que lui tendait la jeune fille :

-Avec plaisir : merci bien.

La jeune fille brune rougit légèrement et le repas se poursuivit dans la joie et la bonne humeur. Aldébaran était un hôte absolument parfait : gentil, attentionné et surtout, toujours en train de s’assurer que le blessé ne manquait absolument de rien ! Milo n’avait jamais aussi bien mangé depuis… He bien depuis aussi loin qu’il s’en souvienne !

Sa mère était morte alors qu’il avait environ 4 ans et il avait vécu encore 3 ans avec son père. Trois ans d’enfer. Son père avait sombré dans l’alcoolisme et était d’une violence sans pareille avec lui, frappant pour un oui ou pour un non, disant voir dans ses yeux le reflet de ceux de sa défunte épouse. Très vite, Milo s’était mis à voler pour survivre, son père dilapidant le peu d’argent qu’ils avaient pour noyer son chagrin dans l’alcool. Milo avait vite compris que, dès qu’il le pouvait, il devait quitter la maison pour éviter de se faire tuer par son propre père. Lorsqu’il avait eu 7 ans, il avait rejoint la bande d’Angelo et avait laissé son père, affalé sur le sol de leur petite maison, en proie à une terrible quinte de toux. Il entendait encore son hurlement rageur :

-Reviens-ici tout de suite sale merdeux !! Je t’interdis de te barrer comme ça !

Mais Milo était parti, sans aucun regard en arrière. La vie semblait bien plus belle loin de cet énergumène :

-Je me demande ce qu’il est devenu cet enfoiré…

Se demanda alors le Scorpion en mâchant calmement son pain. Pas que le sort de son géniteur l’intéressait, bien au contraire, mais par simple curiosité... Il leva soudain la tête et déclara de but en blanc :

-Je vais rendre visite à un ami ce soir. Je reviendrai dans la nuit

Le silence se fit à table. Les enfants se désintéressèrent rapidement de cette déclaration aux allures si anodines et ils se remirent à parler vivement. Olivia, elle, fronça les sourcils :

-Es-tu sur que c’est une bonne idée ? Tu es encore faible et…

-Je le fais attendre depuis presque une semaine : il doit s’inquiéter.

Aldébaran hésita quelques secondes puis, il baissa les yeux :

-Mû a dit de te reposer.

-C’est pas ce que je fais depuis 5 jours ?

-Non. Tu t’es réveillé il y a à peine trois jours et encore. Tu étais dans les pommes depuis deux jours et tu te remets à peine. Tu ne sors pas.

-Comment ?!

S’écria Milo en fronçant les sourcils. Aldébaran porta posément une cuillère de soupe à sa bouche et prit le temps d’avaler avant de répondre :

-Tu ne sors pas. C’est pour ton bien Milo.

Le Scorpion grinça des dents avant de gronder :

-Et qu’est-ce qui va m’en empêcher ?

-Moi.

Milo s’obligea à respirer profondément avant de se lever lentement :

-Je te dois énormément Aldé. Mais je dois aller le voir.

-Et, pour ton bien, je t’en empêcherai.

-Ca suffit les garçons !

Feula Olivia en leur jetant un regard agacé. Milo souffla et, par respect pour ses hôtes, il se rassit mais n’avala rien de plus, les poings serrés sur ses jambes. Après un moment de silence, Aldébaran soupira et croisa ses mains devant lui :

-Ecoute Milo…

-Non merci.

-Arrête de jouer au gamin : Teneo est plus mature que toi quand tu te comportes comme ça.

Milo se renfrogna et croisa les bras :

-Tu m’en vois flatté.

Aldébaran fit comme s’il n’avait rien entendu et continua :

-Je fais ça pour ton bien : repose-toi. Tu iras le voir lundi ou encore mardi. « Patience est mère de sûreté. »

-C’est ton « ange » qui t’a dit ça ?

Grinça narquoisement Milo en levant les yeux au ciel.

-Tu ne parviendras pas à me faire sortir de mes gonds (sourit le colosse aux cheveux sombres.) Je suis d’un naturel très calme et je ne m’énerve qu’en cas d’extrême nécessité.

Le Scorpion souffla et se leva :

-C’était délicieux.

-Où vas-tu ?

S’inquiéta Lucia, les yeux écarquillés. Milo ricana :

-Dans mon lit, vu que c’est le seul endroit où je peux aller sans avoir à me faire surveiller comme un gamin. Sur ce, bonne nuit à tous.

Et il s’en fut, les mains dans les poches. Lucia jeta un regard désespéré à son père et Aldébaran sourit :

-Ne t’en fais pas ma grande : il fait sa crise d’adolescence.

-J’ai entendu !

S’écria Milo depuis l’autre pièce, un sourire amusé dans la voix. Aldébaran éclata d’un rire gras et amical :

-Tant mieux ! Ca te fera les pieds !

Milo sourit : Aldébaran était vraiment un bon père. Vraiment.
Mais incroyablement naïf.

-Il a vraiment cru que j’allais obéir sagement !

Se moqua gentiment le Scorpion en se frottant le nez.

$s$s$s$

Milo attendit que tout le monde soit couché et profondément endormi pour se faufiler hors de sa pris… chambre. Il enjamba les corps endormis des enfants Taurus en tenant ses bottes entre ses mains :

-J’ai l’impression d’être un gosse qui fait le mur sans que ses parents soient au courant ! C’est pas croyable ça !

Ricana mentalement le Scorpion. Il enjamba silencieusement Serinsa qui dormait, allongée sur le dos, les bras en croix et la bouche grande ouverte. Milo sourit devant la mine absolument radieuse de l’enfant, un filet de bave s’écoulant de sa bouche :

-Si ça c’est pas un visage de bienheureux.

Il reprit sa route et posa la main sur la poignée de la porte avant de…

-Milo ?

Le Scorpion rentra la tête dans les épaules en grimaçant : il était repéré ! Il se retourna lentement pour apercevoir Lucia, assise sur ses couvertures, la main posée sur le cœur :

-Qu’est-ce que tu fais ?

-Rien rien : rendors-toi Lucia. (vite vite, Milo sourit) C’est juste un rêve.

La jeune fille bailla légèrement :

-Je suis en train de rêver ?

Milo hocha lentement la tête :

-Oui, oui et tu fais un magnifique rêve. Ferme vite les yeux ou la licorne magique risque de passer sans que tu la voies.

Lucia rit doucement et se recoucha en soupirant :

-La licorne… Magique…

Milo attendit que la respiration de la jeune fille se fasse plus régulière et il soupira de soulagement :

-He ben… Je ne pensais pas qu’elle se laisserait persuader aussi vite ! C’est fou ce qu’on peut être naïf et stupide quand on est crevé !

Le jeune homme blond poussa discrètement la porte et, silencieux comme une ombre, il se faufila dehors. Le vent chaud souffla autour de lui et Milo inspira à fond avant d’ajuster sa cape autour de sa gorge : le seul endroit encore douloureux de son corps était la plaie que lui avait infligée Masque de Mort, aggravée par les coups calculés de Shura. Pour le reste, les entailles étaient presque toutes cicatrisées et la plaie sur son torse se refermait lentement mais surement. Milo était confiant : il pouvait aller voir Camus sans crainte de se faire du mal.

Le Scorpion souffla profondément et, un petit sourire sur les lèvres, il se mit à marcher en direction de la maison de son ami :

-Alors c’est là que tu te cachais ?

Milo sursauta et se retourna vivement, portant la main à son épée et faisant voler sa longue cape derrière lui. Sourcils froncés, il gronda, lame en avant :

-Qui est là ?

Un petit rire lui répondit et une silhouette sombre se dessina dans l’ombre de la ruelle qui lui faisait face. Milo plissa les yeux et ricana, narquois :

-Ca ne m’aide pas beaucoup, navré de vous décevoir : si vous vous montriez au lieu de vous planquer comme un pleutre, je pourrais éventuellement juger si vous avez droit à une audience.

Un reniflement moqueur lui fit hausser les sourcils et une voix étrangement étonnement familière le fit tiquer :

-Moi ? Un pleutre ? C’est pas moi qui suis resté planqué pendant presque une semaine le temps de panser mes blessures et mon amour propre ! J’ai même cru un moment que tu étais mort mon vieux !

Un tic nerveux agita la joue du Scorpion et il baissa lentement sa lame :

-Et d’où est-ce que tu me tutoies au juste ? On a élevé les cochons ensembles ?

-Presque.

L’homme s’avança calmement vers lui, les mains dans les poches, un grand sourire sur les lèvres :

-Tu ne reconnais pas ton vieil ami ?

L’homme fut enfin reconnaissable et Milo écarquilla les yeux avant de sourire de soulagement :

-Aiolia !

Chapter Text

-C’est bien toi ?!

Le jeune homme aux boucles brunes claires écarta les bras en souriant :

-On dirait bien non ?

Milo sourit et s’avança vers son ami dans le but de le serrer contre lui :

-Mec, tu n’imagines pas le cauchemar dans lequel je vis ! Tu ne me…

-Ne m’approche pas.

Le Scorpion s’arrêta net lorsque la pointe d’une rapière se posa sur sa poitrine. Les yeux écarquillés, Milo leva doucement les mains et recula d’un pas :

-Aio…

-La ferme ! Tu me dégoûte Milo : le seul fait de te voir te comporter de la sorte me donne la nausée.

Le Scorpion entrouvrit la bouche, cherchant ce que voulait dire ainsi son ami qui… Un sourire étira le coin de ses lèvres lorsqu’il comprit enfin. Il écarta la lame d’un mouvement de main las :

-Ah ah ! Super marrant : le coup du « je suis grave véner contre toi au point de vouloir te tabasser », tu me l’as déjà fait il y a au moins 7 ans !

-Mais je suis très sérieux Milo.

-Ah bon ?

Le Scorpion plongea dans le vert émeraude des yeux d’Aiolia et pâlit lorsqu’il ne trouva pas une once d’humour dans ces paroles. Il recula d’un pas, hésitant :

-Mais… Mais qu’est-ce que j’ai fait ?

Le brun fronça dangereusement les sourcils et Milo fut horrifié de constater qu’il n’y avait que de la haine, de la tristesse et de la folie meurtrière dans le visage tiré de son ami :

-Tu oses… Me demander ça ? (Feula dangereusement Aiolia en se rapprochant d’un pas) Tu oses me demander ça à moi ?!

Le Scorpion secoua doucement les mains, tentant d’apaiser la colère du jeune homme aux courtes boucles châtain :

-Bon. Tout va bien mec, ok ? Tu vas calmement déposer ton épée et on va s’assoir pour parler de tout ça, comme deux hommes civilisés que nous sommes.

Soyons honnêtes, Milo n’était pas d’un naturel très « médiateur ». A vrai dire, il était toujours pour une baston puis pour parler. Mais, vu l’état dans lequel il se trouvait, il ne se sentait pas vraiment prêt à se battre…

Surtout pas avec un type comme Aiolia !

Mais le jeune homme aux boucles claires avança d’un pas, menaçant :

-Mais va te faire voire Milo ! Comment oses-tu me demander ce que tu as fait avec autant de fausseté ?! Tu me… Dégoûte !

Il fit un mouvement avec son épée et la pointe effleura dangereusement le Scorpion qui dut faire un bond en arrière pour éviter de se faire embrocher :

-Oh ! Mais ‘faut te faire soigner vieux ! J’ai rien fait !

-Menteur !

S’écria Aiolia en feintant sur le côté. Milo se décala et dégaina sa rapière dans le même mouvement, lui arrachant une grimace de douleur lorsqu’il sentit les bords de sa plaie au ventre se déchirer petit à petit. Le jeune homme aux cheveux châtains gronda et se retourna vivement, faisant siffler la lame de sa rapière et Milo prit le temps d’analyser le comportement de celui qu’il pensait son ami : se jetant simplement avec rage dans le combat, Aiolia ne prenait pas la peine de réfléchir et se contentait de frapper à l’aveuglette aussi fort qu’il le pouvait dans l’espoir de le blesser ou pire, de le tuer !
Ce style de combat ne lui ressemblait absolument pas !

Son cerveau tournant à cent à l’heure, Milo fronça les sourcils : s’il se battait avec sa tête, il avait une chance de désarmer Aiolia sans le blesser. Mais lui, dans quel état se trouverait-il après un tel échange ? Parce que l’air de rien, il était toujours blessé et était censé être dans son lit à roupiller tranquillement mais voilà… On ne va pas se mentir, Milo était une tête de mule !

Le Scorpion se décala lorsque le brun tenta une estocade sur le côté et il poussa légèrement Aiolia dans l’espoir de le faire trébucher pour ensuite le désarmer. Le jeune homme aux cheveux châtains gronda et se retourna plus vivement que prévu, faisant bruisser sa lame. Milo grimaça légèrement lorsqu’il ressentit une vive douleur lui zébrer le bras gauche : la lame venait de lui entailler profondément le biceps et il sentit du sang s’écouler de la plaie. Néanmoins, cette blessure lui fit l’effet d’un électrochoc et il serra les dents :

-Ah tu veux jouer à ça ? He ben on va jouer !

Il recula le bras droit (celui qui tenait son épée) et, lorsqu’Aiolia revint à la charge, il enroula la lame de son adversaire avec sa propre épée. Le jeune homme leva les yeux lorsque sa rapière décrivit un arc de cercle vers le haut et il entrouvrit la bouche :

-Oh m…

L’injure fut coupée par un grognement sourd lorsque la pointe de la lame de Milo s’enfonça de quelques millimètres dans son épaule. Le Scorpion recula d’un pas et tenta d’apaiser son « ami » :

-Allons, ça suffit Aiolia ! Ce qu’on fait est insensé et je ne sais même pas ce qui te met dans un état pareil ! Arrêtons : je risque de te blesser et…

-Tais-toi et laisse-moi venger mon frère, assassin !!

Rugit le jeune homme aux yeux verts en se jetant sur lui, toutes griffes dehors. Milo retint un hocquet de surprise et écarquilla des yeux ébahis :

-Ton frère ? Mais… Attends un peu ! Attends !

Mais Aiolia ne l’écoutait pas et le jeune homme blond dût se décaler pour éviter de se faire étrangler. Il vit rouge et il frappa du genou dans le ventre du brun en feulant :

-Je t’ai dit d’attendre !

Le souffle coupé, Aiolia se laissa tomber en avant mais Milo comprit qu’il avait fait une erreur de tactique lorsqu’il vit un sourire diabolique étirer les lèvres de son adversaire. Aiolia se laissa tomber en avant, fit un cumulet et faucha les jambes du Scorpion :

-Et merde.

Songea gravement Milo en écarquillant des yeux horrifiés lorsqu’il se sentit tomber en arrière. Il heurta violemment les pavés et il poussa un grognement de douleur sous le choc. Le Scorpion toussa, à la recherche d’air, et tenta de se relever mais un poids sur son ventre l’en empêcha. Se redressant légèrement, Milo frissonna lorsqu’il vit Aiolia, nimbé par la lumière de la lune, se pencher sur lui avec une horrible grimace sur les lèvres :

-Aio…

Commença vainement le blond, tentant d’apaiser la colère et la folie soudaine de son adversaire. Mais le hurlement d’Aiolia l’interrompit avant même qu’il n’ait eu le temps de finir :

-TAIS-TOI !! Je te hais !!

Milo leva les mains mais Aiolia lui agrippa les poignets d’une seule main et il frappa de l’autre, violemment. La tête du Scorpion fut projetée sur le côté et il sentit le gout métallique du sang envahir sa bouche. Il se débattit, tenta de frapper du genou dans le dos d’Aiolia mais le jeune homme aux cheveux châtains l’immobilisait avec force et détermination. Aiolia asséna alors ces paroles (et un deuxième coup qui faillit lui faire perdre connaissance) :

-Qu’est-ce qu’il t’avait fait, hein ?! QU’EST-CE QU’IL T’AVAIT FAIT ?!!! (Hurla-t-il, les yeux remplis de larmes qu’il retenait par orgueil) J’avais confiance en toi Milo ! Mais je ne pourrais jamais te pardonner !!

Milo se redressa et gronda :

-Mais t’es complètement malade ! Je n’ai rien fait !!

-Et arrête ce cinéma ! Je te connais bien et tu ne pourras pas me duper ! (Il se pencha légèrement sur le côté et sortit quelque chose de sa ceinture d’une main tremblante) Mais je vais mettre fin à cette mascarade.

Les rayons de la lune éclairèrent fugacement la lame du coutelas et Milo relâcha les épaules avant de souffler :

-Alors c’est comme ça que ça va finir ?..Et je ne sais même pas ce que j’ai fait qui mérite ce châtiment.

-Arrête de jouer au plus malin avec moi : tuer Aioros était ton dernier crime !

Milo entrouvrit la bouche et écarquilla les yeux, encaissant le choc : Aiolia et Aioros étaient frères ?!! Mais… Mais pourquoi ne pas l’avoir mis au courant ?! Le blond se redressa et s’écria :

-Attends !! Je ne sais pas qui t’a raconté une bêtise pareille ! Je n’ai pas tué Aioros, c’est Shura qui…

-SILENCE !!

Aiolia leva son poignard et Milo ferma doucement les yeux, résigné : c’était peut-être mieux ainsi au fond… Parce qu’en fait, il en avait marre de courir, de tuer pour vivre, de se cacher, de souffrir…
Oui. Il était las.

Mais la mort allait donc le délivrer de cette vie épuisante ce soir. Et il allait mourir de la main de son ami pour un crime qu’il n’avait pas commis. Milo ricana doucement : quelle ironie ! Pour une fois qu’il ne faisait rien de mal, il allait bêtement se faire égorger dans la rue, seul.

-Camus… Ariane… Pardonnez-moi… J’aurais voulu…

Il y eut un bruit sourd et Milo sentit le poids qui lui oppressait le ventre disparaître peu à peu. Étrangement, il n’avait pas mal. Il s’était attendu à souffrir mais non… Rien. Aucune douleur, pas une seule sensation si ce n’est la douleur lancinante à son bras gauche. Ainsi que…

Milo fronça les sourcils :

-Ben… Si c’est ça la mort, c’est extrêmement décevant !

Songea-t-il. Lorsqu’un souffle de vent lui effleura le visage, il entrouvrit un œil sceptique, la bouche arquée en une mimique interrogative :

-Mais…

La lune était haute dans le ciel, lui-même parsemé d’étoiles… Milo se redressa légèrement :

-Je suis pas mort ?!

Il s’appuya sur les coudes, palpa son torse au niveau du cœur, ne sentit aucune plaie… Milo tourna la tête sur le côté et écarquilla grands ses yeux bleus, la bouche ouverte sur un cri de surprise qui ne sortit pas :
Aiolia avait valsé et s’était écrasé contre des caisses de bois, à moitié assommé. Et ce qui l’avait fait valser de la sorte, c’était…

Reconnaissant son sauveur, Milo s’écria :

-A… Aldébaran ?!!

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Le colosse était de profil, le poing serré (Ouille ! Si Aiolia s’était prit ce poing dans la figure…) et auréolé par la lumière de la lune. Un tic étonné agitant son œil, Milo balbutia :

-Aldé ?! Mais qu’est-ce que tu fais ici ?!

Le géant se tourna lentement vers lui et lui jeta un regard noir (qui lui fit rentrer sa tête entre ses épaules, penaud). Comme le Scorpion ouvrait la bouche pour le remercier de son intervention, Aldébaran se pencha vers lui, la main tendue pour l’aider à se relever et…

-Hééé !!

S’écria Milo en gigotant : Aldébaran l’avait agrippé par le fond de son pantalon et le soulevait pour le regarder dans le blanc des yeux :

-Il me semble que je t’avais pourtant interdit de sortir, non ?

Milo déglutit et esquissa un sourire gêné :

-Heu…… Héhé… Ben c'est-à-dire que…

En colère, le colosse était absolument terrifiant et horriblement imposant, ce qui faisait que Milo se sentait… Comment dire…
Tout petit.

Aldébaran ferma les yeux et souffla profondément. Il reposa son « invité » sur le sol en grondant d’une voix effrayamment calme :

-Qu’est-ce que je vais faire de toi ?... Tu sais que tu es pire qu’un gamin ? Antonio est plus obéissant que toi.

Milo sourit, haussa les épaules et tenta une boutade :

-Que veux-tu : gamin un jour, gamin toujours.

Le poing d’Aldébaran s’écrasa sur son crâne avec chaleur et colère contenue en même temps. Milo poussa un cri de surprise et massa vivement sa pauvre tête :

-Aïeeeuh ! Mais pourquoi t’as fait ça ?!!

Le colosse rit jaune :

-C’était ça ou alors je te trainais jusqu’à la maison par la peau du dos.

Milo déglutit et ricana, provocant :

-Et tu m’aurais donné la fessée en public ?

-Ne me tente pas.

Aldébaran se tourna vers Aiolia, toujours assis au milieu des caisses en bois et gronda :

-Mais d’abord, je vais m’occuper de ce salopard.

Milo écarquilla les yeux et s’écria :

-Non, attends : il ne faut pas lui faire de mal !

-Alors qu’il s’apprêtait à te tuer ? Milo, à partir du moment où quelqu’un, qu’il soit Roi au mendiant, touche à ma famille, il doit s’attendre à le payer cher.

D’abord, le Scorpion se sentit extrêmement touché par les paroles de son ami puis il lui agrippa le bras :

-Attends, je t’en prie. Laisse-moi lui parler.

Le colosse posa deux yeux fatigués et hésitants sur lui avant de souffler :

-Es-tu sur de ce que tu fais Milo ?

Un sourire narquois étira les lèvres du Scorpion :

-Je suis un grand garçon : je sais lacer mes chaussures tout seul.

Aldébaran soupira et croisa les bras sur son torse :

-Fais-vite : s‘il fait un seul mouvement jugé suspect, je l’étripe.

Milo hocha la tête et s’avança lentement vers Aiolia qui se redressait tant bien que mal. Le Scorpion posa une main calme sur l’épaule de son ami et souffla :

-Arrête : tu te fais du mal.

-Lâche… Moi ! (Feula Aiolia en se débattant faiblement) Ne me… touche pas.

Milo fronça dangereusement les sourcils et secoua son ami par les épaules :

-Bon maintenant tu vas m’écouter ! Je n’ai pas tué ton frère, vu ?! Alors, je ne sais pas qui t’a raconté une connerie pareille, mais c’est faux ! Je n’y suis pour rien !

-Tu es au courant !! Alors que personne ne l’est ! Tu es forcément impliqué et tu es le seul qui…

SBAF

Aldébaran sursauta lorsque Milo asséna une gifle monumentale au jeune homme aux cheveux châtains. Bam, comme ça. D’un coup. Aiolia hoqueta, les yeux écarquillés sous l’étonnement. Comme il levait la main pour frotter distraitement sa joue endolorie, Milo gronda :

-Ca va ? T’es calmé ?!

Aiolia cligna plusieurs fois des yeux, tellement surpris que sa colère était réduite au second plan. Milo profita de son silence pour asséner durement :

-J’ai rencontré Aioros il y a moins de deux semaines : c’était quelqu’un d’exemplaire pour qui j’avais beaucoup de respect, ok ? Je. Ne. L’ai. Pas. Tué.

Martela-t-il. Aiolia semblait soudain perdu. Il souffla faiblement :

-Mais… Mais tu es au cou…

-Chut ! (Menaça le Scorpion en levant la main) Laisse-moi finir. Oui, j’étais là quand il est mort mais je ne l’ai pas tué. Il était en compagnie d’un de mes amis et on m’a prévenu qu’ils étaient en danger. Mais quand je suis arrivé, Aioros était déjà mort.

Aiolia ouvrit et referma la bouche, à la recherche d’air :

-Tu… Tu mens… (Balbutia-t-il d’une voix tremblotante) On m’a dit que tu…

-Regarde-moi dans les yeux.

Le jeune homme aux boucles châtain leva la tête et se noya dans les orbes clairs de son ami. Perdu dans les yeux de Milo, il l’entendit à peine souffler :

-Aiolia… On se connait depuis trois ans maintenant : tu es l’une des personnes les plus importantes de ma vie et tu sais bien que je ne ferai jamais rien pour te nuire. Tu sais que tu peux me faire confiance.

Le jeune homme aux yeux émeraude sentit des larmes d’émotions affluer : Milo avait raison. Il le savait au plus profond de lui. Mais… Mais…
Il ouvrit la bouche, ultime sursaut de méfiance, mais Milo sourit :

-S’il te plaît… Frangin…

Aiolia ne sentit pas les larmes dévaler ses joues. Il ne fit rien pour les arrêter. Il ne devait pas avoir honte. Il savait que Milo ne lui avait jamais menti et ne lui mentirait jamais.
Il se mordit la joue et serra brutalement son ami, con frère, contre lui :

-Oh, Milo ! Pardonne-moi! Je t’en supplie ! Pardon, pardon !

Milo fut extrêmement touché par la faiblesse et la détresse soudaine de son ami, lui d’un naturel si enjoué et fort. Il referma ses bras autour des épaules tremblantes d’Aiolia et chuchota :

-Là, là… Tout va bien. Je te pardonne, il n’y a pas de mal…

-Je… Je… (Hoqueta Aiolia, le visage enfouit dans la tunique de son ami) Je n’ai même pas pu lui dire au revoir !!

Finit-il en un hurlement rauque avant d’éclater en lourds sanglots amers, resserrant ses doigts sur les épaules du Scorpion. Milo ferma les yeux et serra son ami contre lui en soufflant :

-Je suis là…

Comme Aiolia sanglotait, le blond leva la tête vers Aldébaran et dit gravement :

-Je pense qu’il a besoin de soins…

Le colosse hésita quelques secondes puis hocha la tête :

-Je comprends.

Il s’approcha pour aider Milo à relever le brun, effondré. Milo jeta un regard soulagé à son hôte et souffla :

-Merci.

-Pas de quoi.

Sourit Aldébaran en adressant un clin d’œil au Scorpion. Lentement, Milo et le géant se mirent en route, Aiolia entre eux deux.

***

-Tenez : ça devrait vous remonter le moral !

Sourit Olivia en déposant gentiment un verre d’alcool devant AIolia. Ce dernier leva des yeux vides vers elle et murmura un vague « Merci madame… », avant d’avaler le verre d’une traite. La jeune femme retint une grimace soucieuse et elle jeta un regard inquiet à son époux et à Milo. Le Scorpion hésita un instant puis se laissa tomber sur une chaise en poussant un soupir exagéré :

-Ahh… On est mieux assis hein ?

Aiolia hocha vaguement la tête et ce fut la seule réponse que Milo obtint. Ils restèrent silencieux un long moment, le brun prostré devant son verre vide, les autres se lançant des regards inquiets. Las du mutisme résigné de son ami, le Scorpion poussa un profond soupir :

-Mec, tu ne peux pas aller mieux si tu ne nous parle pas. Dis-nous tout ce qui te passe par la tête.

Aiolia ne bougea pas d’un micro poil et Milo sentit sa main le démanger furieusement. Tentant de contenir l’énervement qui le submergeait, il grinça, provocant :

-Je préférais presque quand tu essayais de me tuer : là, au moins, tu semblais un minimum réactif.

-Tu ne sais pas ce que je vis…

Souffla simplement Aiolia, la tête basse. Soudain, Olivia soupira et posa une main douce et rassurante sur l’épaule tremblante du jeune homme :

-Moi, je sais…

-Non : aucun de vous ne sait.

-Ma grande sœur est morte devant moi quand j’avais 13 ans.

Milo écarquilla les yeux et Aiolia sursauta avant de se tourner vers elle, la bouche entrouverte :

-Vous…

-Elle était enceinte. Elle avait environ 19 ans et son compagnon l’a abandonnée quand sa grossesse est devenue évidente… Il n’y avait que moi à la maison lors de l’accouchement… Mon père était allé chercher le médecin et j’étais seule à ses côtés quand le travail a commencé.

Olivia ferma soudain les yeux et elle frémit sous le lourd poids des souvenirs. Aldébaran posa sa main sur celle de son épouse, formant un contraste saisissant entre l’énorme main calleuse du géant et la douce main frêle d’Olivia. Encouragée par la présence de son mari à ses côtés, chaleureuse et rassurante, la jeune femme continua lentement, la voix tremblotante :

-Je… Elle avait de la fièvre et elle délirait. J’attisais le feu, je lui posais un tissu humide sur le front pour l’apaiser, je lui massais le ventre dans l’espoir de la soulager… Père n’arrivait pas et elle a poussé un long hurlement, me suppliant de l’aider à sauver l’enfant. J’ai eu… Un mal fou à ne pas me détourner à la vue du sang. Mais enfin, l’enfant, un petit garçon, sortit. Quand je l’eu lavé et que je l’ai tendu à sa mère, elle… Elle était morte.

Ils restèrent silencieux un long moment, la tête basse. Soudain, Aiolia souffla :

-Et… Et l’enfant ?

Tous levèrent les yeux vers lui et il termina en un murmure :

-Qu’est-il advenu de lui ?

Olivia posa des yeux tristes sur lui et esquissa un mince sourire sans joie :

-Il n’a jamais vécu.

-Mais ?! (S’étrangla Milo) Comment est-ce poss…

Il se tut et écarquilla des yeux horrifiés avant de souffler :

-Il était… Déjà mort à la naissance ?..

Olivia ferma les yeux et serra la main d’Aldébaran dans la sienne :

-Le cordon ombilical était enroulé autour de son cou. Je l’ai bien sûr coupé mais quand je l’ai lavé, je n’ai pas immédiatement remarqué son immobilité. Il n’avait pas poussé un cri lorsqu’il était sorti du ventre de ma sœur. Quand je l’ai serré contre moi, j’ai eu l’impression de tenir un glaçon. Le cordon l’avait étouffé depuis longtemps, avant même de ne voir le jour…

Elle baissa la tête :

-Ma sœur était morte, donnant sa propre vie en pensant sauver son enfant alors qu’il n’était déjà plus qu’un corps sans âme avant même qu’elle ne se tue à la tâche. C’est… C’est bête hein ?

Elle hoqueta soudain :

-Ca… Ca fait tellement…

-Mal ?

Finit Aiolia en un souffle. Tous se tournèrent vers lui et il murmura :

-Je… J’ai l’impression d’avoir un… Vide au niveau du cœur… (Il hoqueta soudain et Milo pressa affectueusement l’épaule de son ami, l’encourageant à continuer) On était vraiment très proches… C’est… C’est lui qui m’a appris tout ce que je sais et… Sans lui, je ne serais rien aujourd’hui…

Il ferma les yeux et expliqua :

-Notre père était mort peu avant ma naissance et c’est un peu lui qui a prit ce rôle… Il était mon frère et mon père en même temps. Quand notre mère à commencé à devenir folle, c’est lui qui me protégeait de ses accès de folie furieuse. Il me consolait que j’avais peur les soirs d’orage, il me racontait des histoires quand on regardait les étoiles briller dans le ciel, on courrait après les lucioles les soirs d’été, il m’aidait à faire mes devoirs, me faisait réciter mes leçons, il me faisait à manger matin et soir…

Aiolia inspira et esquissa un sourire nostalgique :

-J’adorais ses crêpes… Je pense que c’est un des meilleurs souvenirs que j’ai de lui : les crêpes de la chandeleur… Même quand notre mère est morte, il était toujours là pour veiller sur moi. C’est lui qui m’a apprit à me battre, à me défendre ainsi que les innocents… Il avait vraiment un sens de la justice et d’altruisme d’une pureté sans failles et d’une beauté rare. Je… Il a toujours été là pour me guider sur le chemin de la vie, toujours plus haut et toujours plus loin. Mais… Maintenant qu’il n’est plus là…

Aiolia sursauta lorsque des mains entourèrent doucement les siennes et il leva les yeux vers Olivia. Il écarquilla les yeux lorsqu’il vit que les joues de la jeune femme étaient trempées de larmes. Un pâle sourire sur les lèvres, Olivia murmura :

-Il est toujours là Aiolia. Il sera toujours à tes côtés : dans ta tête et dans ton cœur.

Le jeune homme aux cheveux clairs se mordit l’intérieur de la joue mais ne put empêcher une larme de rouler sur sa joue, glissant jusqu’à son menton. Olivia souffla alors :

-Il sera toujours là pour te guider dans la vie. Il suffit d’y croire.

Il y eut un long silence, pendant lequel Aiolia fixa la jeune femme droit dans les yeux avant de murmurer :

-Comment avez-vous fait pour continuer à vivre avec autant de joie ?

Olivia sourit et essuya délicatement la joue humide du jeune homme aux yeux verts et se tourna vers son époux, un sourire radieux sur les lèvres :

-Je me suis entourée. J’ai trouvé l’homme de ma vie et j’ai fait ma vie à moi, en gardant les bons moments dans un coin de mon cœur. Un garçon comme toi doit bien avoir une compagne non ?

Aiolia esquissa un sourire :

-Elle s’appelle Marine, et je l’aime plus que ma vie.

-He bien, voilà de belles paroles (sourit Olivia en prenant doucement le visage du jeune homme entre ses mains) Je suis sure qu’avec elle, tu auras tout le soutien dont tu as besoin. Et que vous serez heureux jusqu’à la fin de vos jours.

Milo demanda alors, de but en blanc :

-Et… Ca ne t’a pas traumatisée ?

Tous posèrent des yeux étonnés sur lui et il haussa les épaules :

-Ben quoi ? Tu as eu 7 petits chenapans par après non ?

Aldébaran et Olivia se sourirent et se serrèrent l’un contre l’autre :

-J’ai eu peur au début. Mais Aldé était avec moi. Je n’ai jamais été seule un instant lors de mes accouchements. Il était toujours à mes côtés, serrant ma main dans la sienne. Et puis, ce qui est arrivé une fois n’implique pas que ça m’arrivera à moi. Tu ne crois pas Milo ?

Le Scorpion esquissa un sourire ému et il tapa sur l’épaule de son ami :

-C’est une belle histoire que vous racontez là… Tous les deux.

Aiolia sourit et il se sentit libéré d’avoir dit ce qu’il avait sur le cœur. Il souffla :

-Merci. Merci à vous trois.

Aldébaran sourit et Milo (qui commençait presque à se sentir déprimé à cause des histoires de ces 2 oiseaux) ébouriffa les cheveux d’Aiolia :

-Les amis sont là pour ça non ?

Le brun se dégagea de l’étreinte de son ami et esquissa un sourire gêné, se passant une main coupable dans les cheveux :

-Et… Encore désolé d’avoir douté de toi : j’aurais dû écouter mon cœur au lieu de foncer tête baissée.

Milo leva les mains :

-T’en fais pas pour ça : personne n’est blessé, c’est le principal !

Il avait failli dire « personne n’a été tué » mais il s’était rattrapé de justesse, se giflant mentalement :

-Mais quel con ! Il s’en remet à peine et tu manques de le faire craquer ! Allez, chut maintenant !

Mais comme il portait son verre à ses lèvres, Milo fronça soudain les sourcils :

-Au fait : qu’est-ce qui t’a amené à croire que s’était moi qui… *Merde ! Vite vite ! Trouver une échappatoire !* le coupable ? *yes !*

Aiolia répondit simplement :

-Aioros était le meilleur ami du Señor Gemini. Je me suis mis à son service et j’ai proposé de retrouver et de tuer l’assassin.

-Alors… (murmura Milo pour lui-même)

-C’est Saga qui m’a dit qu’il était arrivé dans la ruelle et que tu te tenais au dessus des corps d’Aioros et Shura avec un couteau en main.

Le Scorpion poussa une espèce de grognement frustré :

-Ca me retombe systématiquement dessus ! Je vérifiais s’il… Si ton frère avait encore des chances d’être sauvé.

Il se tut et plissa les yeux, le cerveau tournant à cent à l’heure. Aldébaran, soucieux de voir le blessé aussi pensif, demanda :

-Qu’y a-t-il ?

En se frottant distraitement le menton, Milo grommela :

-Non rien : tout va bien.

En effet, ça se tenait. Mais alors, pourquoi avait-il la désagréable impression que quelque chose lui échappait et lui filait entre les doigts comme une poignée de sable ?

Chapter Text

-Parrain Camus ?

Le Français était attablé à son bureau, soutenant sa tête de sa main gauche. Il ne réagit pas lorsque Hyôga l’appela d’une petite voix. Le petit garçon déglutit et serra sa peluche en forme de cygne contre son cœur puis, prenant son courage à deux mains (enfin, une vu qu’il tenait son doudou de l’autre), il fit quelques pas en avant :

-Parrain ??

Une sorte de soupir fatigué lui répondit et le blondinet se mordit la lèvre avant d’agripper et de tirer doucement sur la tunique de son parrain :

-Camuuuuus ??

De nouveau un soupir doublé d’un grognement. Hyoga se pencha en avant et esquissa un sourire : son parrain dormait à poing fermé ! Moh…. Il était rare de voire Camus dans une telle situation : lui toujours à potasser des bouquins… Il avait presque un visage serein une fois endormi.
Presque.

Car soudain, ses sourcils se froncèrent et il grommela un baragouinement incompréhensible. Hyoga s’humecta les lèvres, se dressa sur la pointe des pieds pour être au niveau de l’oreille du Français et souffla un poil plus fort :

-Parrain Camuuuuuuuuuuus ?????

Le jeune Français aux cheveux rouges ouvrit soudain les yeux et poussa un hurlement de surprise en se redressant vivement :

-HAAA !!!

-HAAAAA !!!!

Hurla Hyoga à son tour, effrayé par la réaction de son parrain. Camus se recula soudain, battit des bras lorsqu’il se sentit tomber, espérant retrouver un semblant d’équilibre, échoua.
Et s’écrasa lourdement sur le sol de son bureau, les jambes par-dessus ses épaules (rollmops !), les yeux écarquillés, haletant :

-Hy… Hyôga ?! Mais ! Mais que fais-tu debout ?

Finit Camus en se relevant d’un bond. Lissant sa tunique, tentant de reprendre le peu de dignité qu’il lui restait, le Français dévisagea son filleul qui balbutia :

-J’ai… J’ai fait un cauchemar… J’ai rêvé de Maman et… Du bateau…

Camus soupira et se passa une main dans les cheveux en grommelant :

-Tu n’aurais pas pu réveiller Isaak non ?..

-Hein ?

-On ne dit pas « Hein » comme un paysan de dernière catégorie, on dit « Pardon ? » . Ne te l’ais-je pas assez répété ?

Hyoga baissa la tête, penaud :

-Si… Pardon…

-Bon… Vu l’heure qu’il est, ça passe pour cette fois… (soupira Camus en jetant un coup d’œil à sa montre à gousset) Allez… Va vite te recouch…

-Mais parrain…

-Il n’y a pas de mais, Hyoga : retourne dans ta chambre et dors.

L’enfant fit deux pas mais pas en arrière, en avant. Camus fronça les sourcils lorsque son filleul se colla soudain contre lui :

-J’ai rêvé de Maman… (Sanglota soudain Hyoga) Et quand je me suis réveillé… J’ai… J’ai entendu un bruit !

Camus se tendit et sentit un frisson de terreur parsemer son échine. Il s’accroupit et, gardant un visage aussi neutre que possible (ce qui lui fut aisé) et demanda calmement :

-Un bruit ?

Hyoga hocha la tête et Camus souffla :

-Quel genre de bruit ?

-Des… Des bruits de pas.

Camus se sentit défaillir et il posa sa main sur l’épaule de son filleul avant d’ordonner :

-Retourne dans ta chambre Hyoga : ce n’était que ton imagination.

-Mais parr…

-Va. Te. Coucher. Je passerai te dire au revoir.

Hyoga hésita et baissa la tête :

-D’accord…

Il serra son doudou cygne contre lui et s’en fut en trottinant vers sa chambre, sans se retourner, de peu que le méchant monstre du noir ne l’engloutisse !

Camus attendit quelques secondes puis ouvrit calmement le tiroir de son bureau. Ecartant la paperasse de la main, le Français se saisit de son pistolet et le chargea d’un petit coup sec et précis du pouce. Il espérait ne pas avoir à s’en servir : la dernière fois qu’il avait tiré, c’était encore du temps où il devait prendre des cours avec son professeur d’armes. Il avait visé le cœur du mannequin et… La balle s’était fichée dans le genou… Pas qu’il avait mal visé, mais s’il avait réussi ce test, son père l’aurait envoyé faire son service militaire à la cour du Roi et ça, Camus n’en avait absolument pas envie !

Enfin, il se faisait des idées : Hyôga avait sans doute rêvé ce bruit de pas et lui imaginait directement des assassins. N’est-ce pas ?

Camus ferma les yeux et se força à souffler profondément, réfrénant l’angoisse sourde qui lui serrait la gorge. Il resta immobile un instant puis rouvrit les yeux avec détermination, la main serrée sur son pistolet :

-Je ne les laisserai pas toucher à un cheveu des enfants. Ni même de Léna.

Camus serra les dents et s’avança dans le couloir qui menait au grand salon, les yeux plissés en quête d’une silhouette quelconque. Souplement, silencieusement, il poussa la porte du salon et tendit le bras, le souffle calme. Il se concentra, essayant de s’habituer à l’obscurité étouffante de la pièce. Le feu crépitait vaguement dans l’âtre, plus braise que flamme. Camus se tourna vers le fauteuil, se décala… Se tourna à nouveau vers le fauteuil, lentement. Il chargea le fusil et gronda :

-Je sais que vous êtes là. Pourquoi vous cachez-vous vainement dans l’ombre comme un pleutre ? Montrez-vous.

La personne assise dans le fauteuil rit, d’un petit rire aigu et moqueur :

-Allons Camus : est-ce une façon de traiter ses amis ?

Le Français plissa les yeux :

-Si vous faites un mouvement, je tire et vous ne serez plus de ce monde.

Pourtant, quand l’homme dans le fauteuil se leva, allumant un cigare, il ne tira pas :

-Tu ne reconnais pas ton plus vieil ami ? Tu me blesses mon chou !

Camus pâlit et esquissa un sourire soulagé :

-Oh… C’est toi.

L’homme sourit derrière son rouge à lèvre rose pâle et il alluma une lampe avec la pointe de son cigare :

-He oui ! Moi !

La lumière éclaira vivement la pièce et Camus se força à ne pas cligner des yeux : l’homme en face de lui était vêtu d’une tunique bleue marine et d’un pantalon bleu pâle, un foulard blanc serti d’une pierre bleue, de longs cheveux cyans tombant en cascade sur ses épaules. Reconnaissable entre mille…

-Qu’est-ce que tu fais ici Aphrodite ?

Le jeune homme aux yeux océans sourit et papillonna des cils :

-Je veille sur toi mon chaton ! On ne sait jamais ce qui pourrait arriver avec tout ce qu’on raconte !

Il se servit un verre d’alcool et le porta gracieusement à ses lèvres. Camus tiqua :

-Certes mais… Je doute que t’inviter chez moi en pleine nuit soit une bonne idée vu les temps qui courent.

Oh ce n’était pas qu’il doutait des talents de combattant de son ami mais…
Bon, d’accord : il en doutait beaucoup !

Aphrodite passa une main lascive dans ses épais cheveux bleus et se laissa glisser sur le rebord du siège. Si un maître mot pouvait désigner le jeune homme, ce serait le mot sensualité. Tous ses gestes semblaient calculés pour faire naître chez son interlocuteur soit du malaise, soit du désir. Et étrangement, alors qu’il n’avait jamais ressenti ni l’un ni l’autre pour son ami, Camus se sentait…

Mal à l’aise.
Tous les sens en alerte.

-Tu avais laissé la porte fenêtre ouverte mon chou : je me suis dit que je pourrais passer mais tu dormais tellement bien que je n’ai pas eu le cœur de te réveiller.

Camus esquissa une sorte de millième de sourire et baissa son bras :

-Depuis quand est-ce que tu m’espionne dans mon sommeil ?

Aphrodite sourit et cligna des yeux, secouant voluptueusement son verre :

-Oh… Depuis…

-Non. (l’interrompit Camus en fermant les yeux) Réflexion faîte, je ne veux pas savoir.

Aphrodite rit doucement et se leva, s’approchant de son ami en balançant les hanches. Camus fronça les sourcils et recula d’un pas :

-Qu’est-ce que tu…

Il se tut lorsqu’Aphrodite passa un doigt ganté de blanc sur sa joue en soufflant, l’air désolé :

-Pourquoi a-t-il fallu que tu pactise avec le démon ?...

-Quoi ?

Soudain, Camus se recula vivement et tendit le bras : il n’avait… Pas pu laisser la porte ouverte ! Il gronda :

-Toutes les portes sont barricadées depuis la mort d’Aioros et de Shura. Tu n’as pas pu rentrer par devant.

Aphrodite rejeta la tête en arrière et éclata d’un rire cristallin :

-Serait-ce une allusion salace mon chou ? Ton ami le « Scorpion » a une très mauvaise influence sur ton innocence !

Camus cligna des yeux et souffla aussi innocemment que possible :

-Qu’est-ce que tu racontes ? Je ne sais pas de quoi tu…

-Chut… (souffla Aphrodite en glissant un doigt lascif sur les lèvres du Français) Tu t’enfonces tout seul mon chou… (il esquissa un sourire pervers et passa sa langue sur ses lèvres brillantes) Et ça ?... Salace ou pas ?

Camus déglutit et attrapa doucement le poignet de son ami, sourcils froncés :

-Tu es ivre Aphro’… Tu ne sais pas ce que tu dis. Et ce que tu dis est déplacé : je vais demander à une calèche de te ramener chez toi.

-Mais je suis parfaitement sobre mon chou. (Il soupira et repoussa délicatement une mèche de cheveux rouges derrière l’oreille gauche de son ami d’enfance) Hm… Quel dommage… Abîmer un si joli visage…

-Que ?!

Aphrodite recula et Camus sentit soudain deux mains l’empoigner par les épaules pour le balancer violemment contre le meuble qui contenait les verres et les bouteilles. Le Français poussa un cri étouffé lorsqu’il sentit le coin du meuble s’enfoncer douloureusement dans son dos. Il se tourna vivement vers la droite, là où se trouvait un colosse aux larges épaules. L’homme qui venait de l’envoyer valser de la sorte.

Aphrodite se recula, ferma les yeux et esquissa une mimique désolée en secouant la main :

-Allons, allons ! Ce n’était qu’un coup de semonce mon chaton. Si tu nous suis bien gentiment, il ne te sera fait aucun mal ! D’accord mon chou ?

Camus gronda :

-Ne m’appelle plus jamais comme ça ! Venant de la part d’un sale traître, ça me dégoute plus que tout !

Aphrodite baissa les lèvres et papillonna des cils :

-Oh… Ca me blesse chaton… Vraiment.

Un petit mouvement de main et Camus reçu un coup de poing d’une force monumentale en plein sur la joue. Poussant un cri de douleur, le Français roula sur le sol, du sang s’écoulant sur son menton et gouttant sur le sol. Il leva des yeux rageurs vers celui qu’il pensait son ami et… Avisa son pistolet qui se trouvait quelques mètres devant lui.

-Allons Camus : il n’est pas utile de faire couler le sang. Viens avec nous et on ne touchera plus à un seul de tes cheveux.

Ni une ni deux, Camus, ne daignant pas répondre, se précipita sur son pistolet. Il s’en saisit vivement, visa le torse d’Aphrodite, chargea…
Et poussa un hurlement de douleur lorsque le pied du colosse écrasa soudainement son poignet, le faisant lâcher son arme.

Camus agrippa le pied de son agresseur dans l’espoir de le faire bouger et il gronda lorsque l’homme s’appuya de tout son poids sur le poignet du Français qui émit soudain un craquement sec. La voix claire d’Aphrodite claqua soudain :

-C’est bon Lorenzo : il a son compte.

Le colosse grogna et se recula. Camus s’empressa de serrer son poignet brisé contre lui en se mordant la lèvre pour s’empêcher de hurler. Les larmes ne montaient pas et ce malgré la douleur : il avait pleuré une fois dans sa vie. Le jour de sa naissance. La deuxième et dernière fois, c’était le jour où sa professeur de français était partie avec son fiancé vivre en Angleterre. Depuis le début, il en avait été secrètement amoureux et le jour de son départ, il n’avait pu s’empêcher de pleurer sa déception.
Depuis ce jour, Camus s’était définitivement interdit de montrer ses émotions. Il devait se montrer fort et intouchable. Toujours.

Ainsi, lorsque sa mère était morte, il n’avait pas eu à se retenir de pleurer : les larmes ne montaient tout simplement pas. Il en avait été peiné mais jamais au grand jamais, il n’avait pleuré.

Aphrodite s’approcha de lui, après avoir déposé son verre sur le meuble, et lui releva le menton d’un doigt pour lui susurrer à l’oreille :

-Allons : je suis désolé d’avoir dû en arriver là mais tu ne me laissais pas le choix… Alors ? Soit tu nous suis de ton plein gré, soit on t’emmène par la force. Et on a les moyens, sois-en sûr…

Il claqua des doigts et deux autres hommes entrèrent soudain dans la pièce, poussant devant eux… Camus pâlit et souffla :

-Isaak ! Hyoga !

Chapter Text

Les deux enfants étaient maintenus par deux hommes de grandes tailles (mais pas aussi énormes que le colosse qui venait de lui casser le poignet !) et de fortes musculatures. Ils les soulevaient de quelques centimètres en les tenants par le col de leur chemisier de nuit.

Et comme Hyoga sanglotait en serrant sa peluche contre lui, Isaak se démenait et se débattait comme un forcené en grognant et en feulant :

-Lâche-moi donc, gros plein de soupe !! J’vais de défoncer moi ! Lâche-moi et tu vas voir !

D’abord, Camus fut légèrement choqué d’entendre de telles paroles dans la bouche de l’enfant qu’il avait éduqué. Mais ensuite, il se reprit et posa des yeux neutres mais noirs sur Aphrodite :

-Relâche-les. Immédiatement.

Le jeune homme aux yeux océans passa une main lascive dans ses épais cheveux bleus :

-L’ennui, c’est que tu n’as pas d’ordre à me donner.

Il se rapprocha des enfants et attrapa le visage d’Isaak entre sa main, le dévisageant avec un mélange de dégout et d’étonnement :

-Je n’ai jamais pu supporter les enfants… C’est sale, bruyant, envahissant, désobéissant, impoli, grossier,… Tout ce que je déteste. Ah là là, Camus… Quelle idée de recueillir ces deux immondes créatures… Des créatures qui te mènent directement à ta perte…

Isaak se dégagea vivement de la main gantée d’Aphrodite et cracha :

-Peu m’importent tes paroles !
-Isaak !

Clama Camus en faisant mine de se lever. Mais le colosse l’empoigna par le col et le plaqua violemment contre le mur en grondant :

-Fais une tentative pour te dégager et tu es mort.

Camus déglutit et se tourna vers les enfants. Ses enfants…
Aphrodite ferma les yeux et émit un petit rire, posant sa main devant sa bouche rose :

-Huhu… Et impertinent avec ça !

Il fit un petit mouvement de main et l’homme qui tenait Isaak hocha la tête avant de frapper l’enfant dans le ventre. Violemment. Dans l’unique but de faire mal.

Isaak s’écroula, le souffle coupé, et de la salive s’échappa de sa bouche sous la violence du coup. Hyoga poussa un cri mêlé de larmes et, comme Camus se débattait rageusement, le colosse l’agrippa par les cheveux pour lui cogner la tête contre le mur :

-J’ai dit : ne bouge pas !

Camus se sentit défaillir sous la violence du choc mais il se gifla mentalement lorsqu’Aphrodite s’approcha de Hyoga. Passant une main délicate sur la joue trempée de l’enfant, il soufflait :

-Tu as des yeux magnifiques Hyoga… En as-tu seulement conscience ? Et avec ces cheveux d’un blond si clair… On dirait presque un ange…

Le petit garçon frémit et ferma les yeux, serrant sa peluche contre son cœur. Aphrodite sourit, presque attendri :

-Je te fais peur ?

Hyoga ne bougea pas mais lorsqu’Aphrodite prit son visage entre ses mains pour l’obliger à le regarder, il sanglota :

-Je… Oui ! J’ai peur !

Aphrodite passa une main apaisante dans ses cheveux en souriant :

-Avouer sa peur, c’est déjà une grande force de courage. Mais si je puis me permettre…

Il agrippa la peluche de Hyoga et la secoua à bout de doigt, l’air légèrement dégouté :

-Tu n’as plus l’âge de dormir avec un doudou ! Sois-un homme, un vrai !

Le blond écarquilla des yeux horrifiés et tendit les bras :

-Non ! Pitié ! C’est le doudou que ma maman avait fait pour moi ! Je vous en prie Monsieur !!

Aphrodite poussa un reniflement dédaigneux et balança nonchalamment l’objet tant convoité dans l’âtre. Comme les flammes restantes léchaient la peluche avec un crépitement, Hyoga porta les mains à sa bouche et poussa un hurlement déchirant :

-NOOON !!!

Camus ferma les yeux et se mordit l’intérieur de la joue pour ne pas se débattre et se jeter sur Aphrodite pour l’étrangler ! S’il bougeait : il mettait la vie des enfants en danger… Hyoga se débattit et parvint à se dégager de l’étreinte de l’homme qui le tenait pour se jeter vers la cheminée, mains tendues devant lui. Camus cria :

-Arrête Hyoga !

Mais l’enfant, dévasté à l’idée de perdre son bien le plus précieux, se précipitait vers les flammes sans l’entendre. Soudain, Aphrodite leva la main et l’abattit violemment sur la joue de Hyoga, l’envoyant valser sur le sol avec un claquement sec et le faisant taire à l’instant :

-Ca suffit ! Tu n’as plus quatre ans Hyoga ! Tu en a le triple alors comporte-toi comme tel ! Regarde ton parrain. (Souffla-t-il en prenant l’enfant par les épaules pour lui susurrer sournoisement à l’oreille, regardant Camus du coin de l’œil) Lui se tient bien en présence d’invités.

Le français sentit le rouge lui monter aux oreilles et il gronda :

-Laisse-les ! C’est moi que tu veux alors laisse-les : ils n’ont rien à voir là-dedans !

Aphrodite éclata de rire, la tête rejetée en arrière :

-Hahaha !! Ha Camus ! Toujours aussi drôle ! Tu ne penses tout de même pas que je vais laisser ici mes seuls moyens de faire pression sur toi ?! Allons, sois sérieux un moment !

Camus serra les dents et se débattit de la poigne de son adversaire en rugissant :

-Sale ordure ! Je te croyais mon ami !

Aphrodite leva les yeux au ciel :

-Je suis las d’entendre toujours la même chose Camus : « Je coyais qu’on étais ami, tu comptais pour moi, je comptais sur toi, » bla bla bla… Toujours des bêtises mielleuses et insupportables au plus haut des points

Il fit un mouvement de la main et le colosse lâcha Camus pour lui asséner un coup de poing monumental. Isaak étant trop sonné pour réagir, Hyoga hurla pour deux :

-Camuus !!

Le Français s’écroula sur le sol en poussant un cri de douleur. Du sang tachait sa chemise et pourtant, Camus n’essaya pas de se relever. Son oreille droite sifflait suite au coup et du sang brouillait sa vue, coulant dans son œil. A l’idée de l’ampleur de la blessure, le Français se sentit défaillir et il lutta pour rester conscient lorsque le colosse l’attrapa par les épaules pour le trainer aux pieds d’Aphrodite. Le jeune homme aux cheveux bleus dégagea légèrement quelques mèches collées par le sang au front de son ami en soupirant :

-Je déteste résoudre mes problèmes par la violence… Regarde-toi Camus : c’est désespérant… Tu as toujours été haut placé dans mon estime. Seulement, en pactisant avec un criminel, tu viens de tomber bien bas !

Aphrodite caressa la joue de Camus en chuchotant gravement :

-Et je refuse de tomber dans la déchéance avec toi ! Heureusement, (il sourit) j’ai trouvé un protecteur et ami digne de ce nom !

-Comment ça ?

Gronda Camus sans pouvoir se dégager de l’étreinte du colosse qui l’empêchait de bouger. Il jeta furtivement un regard à sa gauche : Isaak était toujours à moitié sonné, du sang coulant de sa bouche entrouverte, et Hyoga était à genou face à lui, en pleur, les yeux perdus dans les flammes. Aphrodite se releva et épousseta son pantalon :

-Han… Je venais de me l’acheter… (Soupira-t-il en comprenant que la tache de sang qui s’étalait sur le genou risquait d’y rester longtemps) Bon : on a assez perdu de temps comme ça. On y va !

Les gardes empoignèrent les enfants et Camus tenta de se relever en criant de rage :

-Attends !! Je t’interdis d’emmener les enfants !! Arrête !! Arrête immédiatement sale ordure !!

Finit-il en un hurlement. Il essaya de se dégager mais un coup dans le visage le fit taire mieux que n’importe quelle parole. Il haleta, son œil pulsant suite au coup et il entendit vaguement Aphrodite souffler :

-Allez : on y va.

Ensuite, ce fut le noir, percé par un hurlement :

-Parrain Camuuus !!!!!!!

***

Longtemps après le départ forcé de Camus et des enfants, une ombre féminine en vêtements d’homme et à la longue cape noire se faufila dans la pièce. La jeune femme se pencha sur le sol et trempa son doigt dans la flaque qu’avait formé le sang vermeil et le porta à ses yeux. Elle fronça les sourcils et souffla :

-Impossible…

Elle serra les poings et se releva, déterminée. La jeune femme ouvrit la fenêtre d’un mouvement vif et sauta, les sourcils froncés : elle avait échoué ! Il allait lui en vouloir ! Et il fallait mieux qu’Il n’ait pas à intervenir ! Il lui avait confié cette mission et elle la foirait complètement !

La jeune femme serra les dents et se mit à courir : elle devait les retrouver.
Coute que coute !

Dans la cheminée, le dernier vestige de la peluche s’embrasa avec un crépitement.

Chapter Text

Aiolia sortit de la chaumière des Taurus et ajusta le col de sa chemise en frissonnant : le vent s’était levé et le ciel, peu avant parsemé d’étoiles, était désormais couvert de lourds nuages :

-M’est avis qu’on va se ramasser une belle drache sur la tronche !

Aiolia se retourna et sourit. Milo leva la tête et ricana :

-Et je déteste la pluie.

Le jeune homme aux cheveux châtains rit doucement et le Scorpion sourit :

-Ca va mieux ?

-Un peu… Je vais rentrer : il se fait tard et Marine risque de s’inquiéter.

Milo hocha la tête, compréhensif :

-C’est une bonne idée. Allez, va vite ! Ne fais pas languir ta bien-aimée !

Aiolia sourit et se retourna pour serrer le bras de son ami avec affection :

-Merci Milo. Et encore désolée de t’avoir soupçonné.

Le jeune homme blond secoua la main en riant :

-T’en fais pas pour ça va ! C’est rien de grave ! Ca a toujours été comme ça entre nous au fond, une bonne bagarre qui finit sur des rires ! Allez, file ! Avant que je ne te chasse à grands coups de pieds au derrière !

Aiolia sourit et s’en alla lentement, les mains dans la poche…
Avec une toute autre idée en tête que celle de rejoindre sa compagne.

Loin de s’en douter, Milo le regarda s’éloigner, touché malgré tout par le sort qui s’acharnait ainsi sur son ami. Il soupira en secouant légèrement la tête :

-Le pauvre… Il ne méritait vraiment pas ça…

-La vie est injuste, n’est-ce pas Milo ?

-KYAHHHH !!!

Le Scorpion poussa un cri (que dis-je, un véritable hurlement !) de surprise et se retourna d’un bond, la main serrée sur son cœur qui venait de s’arrêter sur le coup ! Cherchant sa rapière d’une main, il balbutia :

-Qui est là ?!!

Un petit rire lui répondit :

-Décidément : on dirait que mes entrées en scène te font à chaque fois un effet peu désirable.

Milo écarquilla les yeux :

-Vous êtes… Shaka !

L’homme sourit légèrement, ses longs cheveux blonds volant gracieusement derrière lui :

-Comment vas-tu Milo ?

Le souffle court, le Scorpion resta un instant coi, hésitant. Puis il souffla :

-Vous… Vous faîtes genre mais vous êtes un pur sadique de la pire espèce…

-Je suis sur que ce n’est pas la chose dont tu veux que nous parlions.

Répondit Shaka, un mince sourire amusé dans la voix. Milo cligna deux ou trois fois des yeux avant de grogner :

-Dans ce cas, j’irai droit au but : c’est bien vous qui avez montré où se trouvaient Mû et Kiki à Aldébaran ?

Le jeune homme aux longs cheveux blonds sourit mystérieusement et leva la tête vers le ciel :

-J’avoue : c’est moi.

-Pourquoi ?

Demanda directement Milo. Parce que c’était ça la vraie question. Pourquoi diable un homme pareil se retrouvait toujours au bon endroit au bon moment ? Shaka se tourna vers lui et sourit :

-Je n’allais tout de même pas laisser ces pauvres malheureux seuls dans la rue, non ?

-Là n’est pas la question et vous le savez très bien. Comment se fait-il que plus je m’enfonce dans cette affaire, plus vous soyez présent ?

-La réponse viendra bientôt, sois pat…

Milo sentit l’énervement le prendre à la gorge et il gronda en agrippant brusquement le col du sari ( ?!!) de Shaka :

-Non ! Ca suffit ! J’en ai plus que marre de vos foutues énigmes qui m’embrouillent plus qu’autre chose ! Je veux des réponses: Maintenant !!

Sans qu’il ne s’en rende compte, une sorte de petite boule de lumière se forma entre lui et l’homme et Milo fut soudain repoussé par cette étrange sphère d’énergie. Le Scorpion poussa un cri de surprise et il s’écroula sur le sol, le souffle coupé. Comme il se redressait, Shaka se dressa de toute sa hauteur devant lui et, bien qu’il soit plus petit que Milo, le Scorpion se sentit absolument insignifiant face à cette présence majestueuse qu’arborait l’homme. Une force angélique, quasi divine…

Les yeux toujours fermés, Shaka gronda d’une voix pourtant très calme :

-Ne pose plus jamais tes mains sur moi avec de mauvaises intentions Milo. Ou il t’en couterait.

Le Scorpion déglutit et entrouvrit la bouche lorsqu’une lumière aveuglante engloba le corps entier de Shaka avant de disparaître aussi soudainement qu’elle était apparue. Milo cligna vivement des yeux, éblouis par l’intense lueur et il sursauta lorsque Shaka se pencha pour lui tendre la main, comme s’il ne s’était rien passé :

-Allons, relève-toi. Ce n’est quand même pas ça qui va t’arrêter dans ta quête de vérité non ?

Milo écarquilla les yeux, hésita devant la paume que lui tendait Shaka mais il finit par la saisir. Lorsque leurs peaux entrèrent en contact, il y eut une sorte d’étincelle dorée et la même lumière engloba soudain le corps entier du Scorpion. Le blond sursauta et voulut se dégager mais la main de Shaka le retenait mieux que n’importe quel étau. Milo jeta un regard sur le côté, totalement paniqué :

-Qu’est-ce que vous faîtes ?!!

Mais Shaka ne répondit que par une phrase sibylline et un sourire mystérieux :

-Attends…

Milo serra les dents, tenta une nouvelle fois de se dégager puis…
Ferma les yeux en soupirant lorsqu’il sentit une douce chaleur envahir son corps tout entier, soulageant la douleur que lui infligeaient ses blessures.

Quelques secondes après, Shaka lâcha sa main et Milo se sentit… Bien. Apaisé. En pleine forme.
Soulagé d’un poids qui le hantait depuis son combat avec Shura. La voix de l’homme aux longs cheveux blonds le fit sortir de sa torpeur et il ouvrit lentement les yeux :

-Alors ?

Milo esquissa un sourire calme et souffla :

-Ca fait… Un bien fou… Mais que…

Pris d’un doute soudain, le Scorpion écarquilla les yeux et passa une main hésitante sur la plaie qui barrait son ventre…
Qui était censée barrer son ventre.

Qui n’était tout simplement là.

Milo en resta bouche-bée et il leva lentement la tête vers Shaka avant de murmurer :

-Que… Comment ?

-Est-ce vraiment important ?

Milo resta ébahi devant ces paroles puis il balbutia, mi-effrayé, mi-émerveillé :

-Est-ce que… ? Mais bien sûr que ça a de l’importance !! Qui êtes-vous ?! Comment pouvez-vous faire toutes ces… Ces… Ces choses ?! Est-ce que vous êtes vraiment un… Un ange ?!

Sourire :

-Tu es soigné, c’est tout ce qu’il faut savoir. (Sourit Shaka avant de reprendre un air grave) A présent que tu es parfaitement sur pied, il faut que tu saches que tu dois absolument suivre Aiolia si tu veux en savoir plus.

Milo écarquilla les yeux et désigna la rue derrière lui :

-Aio… Mais il rentre chez lui ! Je vais pas le suivre quand même !

Shaka haussa les épaules et se détourna lentement :

-A ta guise…

Milo leva les yeux et ciel et souffla, agacé :

-Pourquoi est-ce que je devrais le suivre ? Je ne vais pas le surveiller non plus ?!

-Que s’est-il passé la dernière fois que je t’ai mit en garde ?

Feula soudain Shaka sans se retourner. Milo resta ébahi un instant et il souffla :

-Camus. Vous aviez raison… (Avoua-t-il) Mais avant tout, je dois aller voir Camus : je lui ai promis.

-Oublie Camus : il n’est pas chez lui de toute façon.

-Quoi ?!! (S’écria Milo en serrant les poings) Qu’est-ce que ça veut dire ?! Où est-il ?

Shaka se retourna, le sourire qu’il arborait depuis toujours disparu pour laisser place à un rictus orgueilleux et hautain :

-Tout ce qui doit t’importer à présent, c’est de suivre Aiolia et de faire ce qui doit être fait. Point.

Il s’éloigna et sembla soudain s’évaporer. Milo sursauta et se précipita sur lui, main tendue en avant :

-Attendez !!

Ses mains passèrent au travers de la poussière d’étoile qui venait de se former et la voix de Shaka résonna autour de lui :

-Fais-moi confiance, Milo…

Le Scorpion resta là un long moment, les paumes tournées vers le ciel, la poussière s’élevant autour de lui. Il baissa la tête et serra les poings :

-Merde ! Que faire ? Aller voir Camus ou faire comme il me conseille de faire et suivre Aiolia ? Merde, merde, merde !

Il souffla et leva la tête vers le ciel : la dernière fois que Shaka lui avait dit de veiller sur Camus, il avait failli arriver trop tard à cause de ses doutes. Il soupira et se dirigea vers la maison des Taurus : sa rapière se trouvait toujours dans sa chambre. Ainsi que sa cape.

Et il était hors de question qu’il sorte sans cape !

Il se faufila dans la chaumière, vit avec soulagement qu’Aldébaran et son épouse étaient allés se coucher et se dirigea vers sa chambre. Il attrapa ses effets et sortit, trottinant sur les traces de son ami…

Chapter Text

Mû dormait du sommeil du juste lorsqu’un bruit lui fit ouvrir les yeux. D’abord légèrement engourdi, le jeune homme aux cheveux mauves se redressa à demi, prenant appui sur son coude. Il cligna des yeux, tendit l’oreille et se rallongea avec un soupir. Il sourit et repoussa délicatement une mèche de cheveu noir qui barrait le front clair de sa bien-aimée. Elsa sourit dans son sommeil et Mû déposa un baiser furtif sur ses lèvres. Puis il se redressa légèrement pour recouvrir les épaules de la jeune femme avant de fermer les yeux en…

-Crr

Mû rouvrit promptement les yeux, le cœur battant : cette fois il en était sur, il avait bien entendu un bruit !

Il se redressa en position assise et tendit l’oreille, le corps en alerte. Lorsque le bruit se répéta, il comprit qu’il venait d’en bas. De la salle à manger.

Mû déglutit et serra les dents. Il se glissa hors de son lit et se leva aussi discrètement que possible pour ne pas réveiller Elsa. Le jeune homme aux yeux de jade enfila une chemise et ouvrit la porte de leur chambre. Jetant un coup d’œil dans le couloir, il fronça les sourcils lorsqu’il aperçu une faible source de lumière émaner de l’étage en dessous. Mû entendit un bruissement et il se tourna vivement vers sa droite, la main en avant comme son professeur d’arts martiaux lui avait apprit. Il esquissa un sourire attendri lorsqu’il aperçu une petite silhouette se détacher sur le blanc du mur et il souffla :

-Kiki : qu’est-ce tu fais debout ?

Demanda-t-il se s’accroupissant. L’enfant se frotta les yeux et se rapprochant en trottinant pour finalement se jeter dans les bras de son grand-frère :

-J’ai entendu un bruit en bas… Et j’ai voulu venir près de toi.

Mû sourit et passa une main apaisante dans la tignasse rousse de son petit frère :

-Prends ta couette et ton oreiller et va te coucher dans notre lit : j’arrive.

-Tu vas où ?

S’étonna Kiki en écarquillant ses grands verts. Û hésita puis sourit :

-Je vais aller boire un verre d’eau. Je t’en ramène un ?

Kiki le serra contre lui en soupirant :

-Merci mon grand-frère d’amour que j’aime de tout mon cœur !

Le jeune homme aux cheveux lilas sourit et serra son frère contre lui, remerciant encore le Seigneur de les avoir épargnés et de…
Une petite voix lui chatouilla soudain l’oreille :

-Et est-ce que je pourrais aussi avoir un petit biscuit au chocolat ?

Mû ouvrit les yeux et esquissa un sourire rusé :

-Killian ?

-Oui mon grand frère adoré ?

Mû rit doucement et ébouriffa les cheveux de son cadet :

-Sacré chenapan va ! Allez, va pour cette fois ! Va vite te coucher, j’arrive.

Kiki sourit jusqu’à ses deux oreilles et s’en fut en trottinant vers sa chambre. Le jeune homme aux yeux de jade se leva et cessa de sourire. Fronçant les sourcils, il descendit silencieusement les escaliers.

Comme il s’en doutait, la lumière provenait de la salle à manger. Une douce lumière chaude et lumineuse, semblant parsemer la pièce de poussière scintillante. Une lumière surnaturelle. Et il était sûr et certain d’avoir éteint la bougie.

Mû s’adossa contre le mur et ferma les yeux, se concentrant sur sa respiration : il y eut un bruit de tasse que l’on déplace et il frissonna. Enfin, il déglutit et passa la porte, mains tendues :

-Pas un geste !

S’écria-t-il. Il s’arrêta immédiatement, ébahi, lorsque la personne qui se trouvait dans sa salle à manger se retourna lentement vers lui et lui offrit un sourire lumineux :

-Bonsoir Mû. Comment vas-tu ?

Le jeune homme écarquilla des yeux ébahis lorsqu’il se rendit compte que la lumière semblait émaner de l’homme. Mû ouvrit la bouche et la referma plusieurs fois de suite, le doigt pointé sur l’inconnu qui :

-Que… Qu’est-ce que vous faîtes chez moi ?! Et qui êtes-vous ?!

L’homme esquissa un sourire et porta une tasse (de thé à la menthe ?!!!) à ses lèvres :

-Mon nom ne t’apportera rien si ce n’est le trouble. Et puis, ce n’est pas si important que ça.

Mû tiqua et désigna la tasse (Sa tasse !) du doigt :

-Est-ce que vous vous êtes servi une tasse de thé ?!

-En effet : tu es très observateur. Délicieux, soit dit en passant.

Sourit l’homme. Etrangement, Mû ne se sentit pas en danger un seul instant. Dès qu’il avait vu cet homme, il avait soudain été envahi par une vague de plénitude et il s’était senti…
Léger…

Il esquissa un sourire et désigna une armoire :

-Avec une madeleine c’est encore meilleur.

L’homme sourit, semblant amusé par le sens de la répartie et de l’adaptation de son hôte (forcé) :

-Avec plaisir.

Il posa un regard sur l’armoire qui s’ouvrit et dont s’échappa un petit biscuit rond. Mû en resta bouche-bée et il balbutia :

-Mais ! Mais ! Mais !

-Hm, tu as raison : ça lui donne un peu de douceur…

-Mais !!!

-Oui ? Tu as une question ?

-Mais ! Que ?! Comment ?! Vous ?!

S’énerva le pauvre Mû en agitant les mains, complètement perdu. L’homme posa sa main devant ses lèvres pour dissimuler un petit rire :

-Allons, calme-toi ! Ce n’est rien de si impressionnant.

Mû serra les poings, plus du tout amusé par cette situation plus que dérangeante :

-Je me vois dans l’obligation de vous demander de quitter les lieux. Vous êtes ici chez moi et je ne me rappelle pas vous avoir invité alors je…

-Saga est en danger.

Mû écarquilla des yeux horrifiés :

-Comment ?

L’homme avala une gorgée de thé et continua :

-Ton rêve de vengeance exaucé, revoir ton frère adoptif, retrouver cette maison que tu chérissais tant,… Je t’offre tout cela sur un plateau, ce soir. Il te suffit de te rendre à l’instant dans ton ancienne demeure, armé et déterminé.

Le jeune homme aux cheveux mauves tituba et se rattrapa en s’appuyant sur le mur, portant une main à son front :

-C’est… C’est insensé… Comment pouvez-vous le savoir ?

L’homme sourit, les yeux étrangement fermés :

-Je le sais. C’est tout.

Mû balbutia :

-Mais… Comment ?... Comment conaissez-vous mon nom ? Comment et pourquoi êtes vous entré par effraction chez moi et comment pouvez-vous faire… Ces… Ces choses ?!

L’homme sourit et avala la dernière gorgée de thé, semblant soudain devenir poussière :

-Merci pour le thé : c’était délicieux. Oh et Mû ?

Le jeune homme écarquilla les yeux et tendit la main :

-Attendez ! Ne partez pas !

-N’oublie pas le verre et le biscuit pour ton frère.

Sourit l’homme avant de disparaître, plongeant la pièce dans le noir. Mû resta silencieux un instant avant de serrer les poings et de se tourner vers un petit coffre. Il l’ouvrit et en sortit une courte dague effilée. Il ne doutait pas : cet homme n’avait aucune raison de lui mentir et puis, dès qu’il avait pénétré dans la pièce, Mû s’était senti infiniment bien. Il ne doutait pas de cet étrange personnage aux pouvoirs si mystérieux.

Il attrapa vite ses vêtements (qu’il avait laissé près du feu par chance), les enfila, enroula son long foulard rouge autour de son cou, rangea la dague dans sa ceinture et… Jeta un œil intrigué derrière lui : sur la table, trônaient un gobelet rempli d’eau ainsi qu’un petit biscuit nappé de chocolat…

$s$s$s$

-Debout !

Camus entrouvrit difficilement un œil, l’autre étant trop gonflé pour réagir. Il lui fallut un moment pour comprendre où il était : il avait perdu connaissance lorsqu’Aphrodite et ses comparses les avaient traînés hors du salon et il avait vaguement eu conscience d’avoir été transporté. Néanmoins, il faisait un noir d’encre dans la pièce et il ne parvenait pas à voir autour de lui.

Le Français s’humecta les lèvres et grimaça lorsqu’il se rendit compte que sa lèvre inférieur était méchamment ouverte : sans doute s’était-elle fendue sous les coups… Un coup dans la chaise où il était ligoté le fit grogner de douleur et il se redressa :

-Où suis-je ? (Il se dressa plus sur sa chaise et gronda) Où sont les enfants ?!

-Silence ! (Clama une voix face à lui) Tu n’as d’ordre à donner à personne, traître.

Camus fronça les sourcils et il sursauta lorsqu’une main se posa sur son épaule, furtive :

-Reste calme mon chou : Il n’est pas de très bonne humeur.

Camus se tourna vers la gauche, se tordant douloureusement la nuque pour tenter d’apercevoir celui qui venait de parler :

-Aphrodite…

Souffla-t-il en tremblant de rage. Le jeune homme aux cheveux bleus pouffa :

-He bien : il semblerait que ta mémoire ne te fasse pas encore défaut !

Comme il se penchait, la voix gronda :

-Laisse-nous Aphrodite : nous avons à parler.

Le jeune homme fit la moue :

-Mais j’ai envie d’écouter moi !

-Dehors !

Aphrodite pouffa devant l’agacement perceptible de son employeur et s’en fut en sautillant presque. Un bruit de porte de porte qui s’ouvre. Qui se referme. Camus se tourna devant lui et se dressa fièrement sur sa chaise :

-Qui êtes-vous ? Et que me voulez-vous ? Je vous préviens : si je disparais sans laisser de traces, on s’en inquiétera.

Il y eut un craquement et une allumette éclaira faiblement la pièce, allumant un cigare et éclairant faiblement un visage. Camus tenta de garder un visage neutre lorsque la voix de l’homme répondit, un sourire dans la voix :

-Je suis ton pire cauchemar, traître d’hérétique.

L’homme se pencha et s’appuya sur la table en grondant :

-Et si tu es ici, c’est parce que tu as pactisé avec le démon et que tu dois être châtié.

Camus déglutit et toussa lorsqu’un nuage de fumée de cigare l’aveugla et lui chatouilla la gorge. Les yeux rougis, il gronda entre deux quintes de toux :

-Je ne comprends rien à ce que vous racontez ! Je ne suis coupable de rien ! Et je n’ai pas pactisé avec un quelconque démon ! Pourquoi donc pensez-vous ça ?!

Il se tut et glapit presque lorsque la main gantée de cuir de l’homme l’agrippa violemment à la gorge. Camus ne put même pas tenter de déserrer la poigne de fer de son geôlier et il ne put se débattre lorsqu’il feula :

-Tu mens et c’est là ton second péché : tu as pactisé avec un criminel. Un voleur et un assassin par-dessus le marché !

Camus déglutit et inspira profondément lorsque l’homme le relâcha. Il souffla et sentit un long filet de sueur froide rouler le long de son dos. Comme il ouvrait la bouche pour parler et défendre sa cause, son geôlier susurra :

-Néanmoins : sache que si tu nous dis où le trouver, nous te relâcherons ainsi que tes enfants.

Camus se redressa :

-Les enf… Où sont-ils ?! (s’écria-t-il soudain) Qu’avez-vous fait d’eux ?!

-Si tu nous dis où trouver le Scorpion, la réponse te sera donnée immédiatement et tu seras relâché sur le champ. Sain et sauf. Tu as tout à y gagner Camus.

-Mais puisque je vous dit que je ne comprends rien ! Je ne sais pas qui est le « Scorpion » ! Tout ce que je veux, c’est rentrer chez moi avec les enfants !!

La gifle projeta sa tête sur la gauche avec violence, manquant presque de le faire tomber :

-Je te repose la question : « Où est le Scorpion » ?

Camus ne répondit pas, gardant résolument la tête haute et les lèvres pincées. L’homme sembla presque amusé :

-Bien. Si c’est la voie que tu choisis d’arpenter… Je tâcherai de réaliser ton souhait jusqu’à ce que tu te décides à parler.

Il leva la main et Camus sentit du sang gicler hors de ses lèvres pourtant fermées. Il ferma les yeux et s’empêcha formellement de crier.
Il n’offrirait pas un seul cri, pas un seul mot à ce malade.

Lorsque l’homme éclata d’un rire de fou, il rouvrit les yeux et balbutia :

-Mais… Vous…

-J’aime ta façon de résister Camus ! C’est à la foi courageux et ridicule ! Ca me plaît !

La lumière se fit soudain dans les yeux du Français et il pâlit, la lèvre et le visage en sang :

-Vous êtes…

L’homme ricana et secoua son cigare. La mince lumière qui éclairait la pièce disparut et Camus fut plongé dans le noir.

-Non…

Non loin, allongés dans une cellule noire et humide, Hyoga et Isaak se serrèrent en tremblant l’un contre l’autre lorsqu’un hurlement de douleur déchira l’obscurité de leur cachot…

$s$s$s$
-Señor Dragon.

Kanon répondit par un grognement et s’emballa dans sa couverture en grommelant vaguement :

-*Mgrbll* Quoi ?!

-Un homme vous demande Señor. Et il insiste.

Kanon soupira, bien déterminé à ne pas bouger de son lit :

-Est-ce trop demandé que de laisser les honnêtes citoyens dormir paisiblement ?! Remballe-le ! Et utilise la force s’il le faut !

-Mais Señor… (Balbutia le garde de l’autre côté de la porte)

-Et gare à toi si tu reviens m’emmerder ! Je suis vraiment pas d’humeur !

-Si Señor !

Le garde s’éloigna d’un pas pressé et Kanon remonta la couverture jusqu’à son menton en grommelant :

-Hmpf… Quel crétin ! Il sait pourtant très bien que le sommeil est sacré ! Abruti ! Quelle idée de venir me réveiller pour une connerie pareille ?!

S’énervant tout seul, Kanon trouva qu’il faisait soudain une chaleur insupportable dans la chambre. Sans ouvrir les yeux pour autant, il repoussa sa couverture d’un coup de pied rageur et se tourna vers la droite, les sourcils froncés. Il gronda et se retourna bruyamment sur le dos, puis sur la gauche, sur le ventre. Kanon serra les poings et se roula en boule :

-Putain de merde ! Impossible de se rendormir bien sûr ! Bordel, ce mec il va entendre parler de moi si je le retr…

-Heu…… Señor Dragon ?...

Kanon tiqua et enfouit sa tête sous son oreiller, gémissant d’abord puis en grondant, au bord de la crise de nerf :

-QUOI ENCORE ?!!!

Il entendit un bruit de chute et il ne put s’empêcher de ricaner en imaginant ce lourdeau de garde affalé sur son séant :

-C’est… C’est cet homme Señor ! Il refuse de partir et… Et…

-Et quoi ?! Bordel, parle !

-Il a dit que ça concernait votre frère…

Kanon ouvrit brusquement les yeux et se redressa d’un bond,… Avant de se laisser retomber assis sur son lit, la main perdue dans ses cheveux en broussaille :

-Mon frère tu dis ?

-Si Señor.

Kanon se leva, étouffa un bâillement et enfila un pantalon correct :

-Et qu’est-ce qu’il dit d’autre ?

-Rien Señor. Il a juste dit que vous comprendriez la gravité de la situation.

Le jeune homme aux cheveux azurs grogna et enfila une chemise propre avant de plonger dans ses bottines :

-Fais-le entrer.

-Si Señor !

Et le garde s’éloigna. Kanon bâilla et se laissa tomber sur une chaise. Il croisa ses pieds sur la table et déboucha une bouteille de cognac avec les dents, cracha le bouchon au loin et porta le goulot à sa bouche. Buvant avidement, il réfléchissait à qui pouvait venir le voir de la sorte et surtout pourquoi ! Comme il se torturait le cerveau (fatigué !), on frappa à la porte et il gronda :

-Fais-le entrer !

La lourde porte s’ouvrit sur le garde, accompagné d’un homme qui…
Kanon s’étrangla avec sa gorgée de cognac en le reconnaissant et il se leva d’un bond :

-Vous ?!

L’homme aux longs cheveux blonds esquissa un sourire :

-Navré de te réveiller de si bonne heure Kanon.

Le jeune homme aux cheveux azurs hésita puis congédia le garde d’un mouvement de main :

-Laisse-nous.

-Si Señor.

Le garde s’inclina et s’en fut, refermant la porte derrière lui. Kanon attendit un moment, fixant cet étranger avec un mélange de suspicion, de respect et de crainte. Après un moment, il désigna une chaise libre de la main :

-Bon ben : asseyez-vous.

-Nul besoin, je te remercie : le message que j’ai à te faire passer est assez court.

-Ok. Grouillez-vous parce que je suis crevé et sur les nerfs !

Shaka sourit :

-Ton frère est en danger.

-Et ?

-Comment ça « Et » ? (s’effara l’homme) C’est donc là l’unique réaction face au danger que cours Saga ?

Kanon ricana et se laissa tomber mollement sur sa chaise :

-Ecoutez : entre Saga et moi,… C’est un peu mort. Vous comprenez ? Il a failli me tuer cet enfoiré. Hors de question que je vole à son secours, qu’il se jette à mon cou en pleurant à quel point il est heureux de me savoir en vie, qu’on se réconcilie et ce genre de conneries. Vu ? Je n’irai pas l’aider. Qu’il crève, ça lui fera les pieds !

-Oh mais je ne te demande pas d’aller le sauver Kanon.

Le jeune homme aux cheveux azurs tiqua :

-Que voulez-vous dire ?

-N’est-ce pas ton plus grand rêve que de voir ton frère mourir de tes propres mains ? N’as-tu pas une vengeance à accomplir ?

Kanon se leva lentement :

-Attendez une seconde : vous venez me chercher pour me dire que mon frère est en danger et vous me motivez à aller le tuer ?! Ca n’a aucun sens car si le danger qui le guette est…

Souffla-t-il, de peur de comprendre. Shaka souffla, dissimulant une sorte de petit rire amusé :

-Ce n’est pas toi. Mais si tu ne veux pas que quelqu’un de mal intentionné de vole cette joie : tu ferais mieux de te dépêcher…

L’homme sourit et disparut, laissant Kanon complètement désemparé. Le jeune homme hésita puis s’appuya contre la table, la tête entre la main :

-Me… Voler ma joie?...

Un sourire pervers et carnassier étira ses lèvres et il ne put s’empêcher de ricaner :

-Jamais ! Si quelqu’un doit tuer Saga, c’est moi et personne d’autre !

Il s’enroula vite fait dans une longue cape sombre, attrapa un révolver et une épée et sortit, sans pouvoir s’arrêter de sourire :

-J’arrive Saga…

Chapter Text

Milo courait. Ou plutôt, trottinait pour ne pas risquer de tomber du toit du haut duquel il pistait Aiolia. Il avait dit à Shaka qu’il suivrait son ami sans passer voir Camus mais il avait été soulagé que leurs pas les mènent devant la maison des Deverseau… Tandis qu’Aiolia continuait de marcher, il s’était arrêté quelques secondes, juste le temps de s’assurer de loin que tout allait bien…

Mais il n’avait pas eu le temps d’entrer car Aiolia continuait sa route, s’enfonçant de plus en plus profondément dans la haute ville… Ce qui était très intriguant !

Milo fronça le nez : mais où donc allait-il ?! Et sa belle idée de rejoindre Marine ? Il en faisait quoi ?!

-Mais qu’est-ce qu’il fabrique ?

Grommela le Scorpion entre ses dents. Un étrange sentiment de peur et de trahison lui nouait le ventre : Aiolia lui avait dit retourner chez lui… Pourquoi lui avait-il donc menti ?! Pourquoi se dirigeait-il vers la partie riche de la ville alors qu’il habitait à l’opposé ?

Soudain, Aiolia prit un chemin sur sa gauche, menant sur les hauteurs de la ville. Un chemin de sable qui menait à l’unique maison noble de la colline.
La maison des Atalante.

Interdit, Milo s’arrêta, appuyé sur une haute cheminée pour éviter que le vent, qui soufflait avec rage, ne le fasse tomber :

-Mais… (Souffla-t-il) Pourquoi irait-il chez Saga à une heure pareille ? Ca n’a aucun sens !

Sa longue cape volant sur sa gauche au gré du vent, Milo ajusta son chapeau et son masque puis, quand Aiolia fut assez loin sur le chemin pour qu’il puisse le suivre sans se faire repérer (rah ! Il répugnait à espionner ainsi son ami !), il se laissa tomber dans le vide avant de se réceptionner parfaitement, un large sourire sur les lèvres.

Milo se releva et se mit à courir sans pouvoir retenir un petit ricanement de satisfaction : il ne s’était jamais senti… Aussi bien !

Quand la peau de Shaka et la sienne étaient entrées en contact et qu’il avait été englobé de cette étrange lumière, il avait d’abord ressenti un grand sentiment de bien-être et de plénitude. De plus, ses plaies avaient totalement disparu et il se sentait en pleine forme ! Frais comme un sous neuf !

Ce Shaka n’était pas un simple magicien de pacotille, oh ça non ! Mais il n’était surement pas un ange, Milo en aurait mis sa main au feu ! Il était… Bien plus que ça. Il émanait de cet homme une aura et une puissance surhumaine.
Quasi divine…

Milo se secoua mentalement : là n’était pas la question immédiate. Pour le moment, ce qui devait le préoccuper, c’était le fait qu’Aiolia lui avait menti et se rendait maintenant chez Saga.
Pour une raison qu’il ignorait !

Le Scorpion grommela, courant un peu plus vite :

-J’aime pas ça…

$s$s$s$

Aiolia leva la main et poussa la porte de la grande maison d’un geste rageur. Le garde se redressa en sursaut et fit mine de sortir son épée de son fourreau :

-Halte ! Qui va là ?!

-J’ai à faire avec ton maître : laisse-moi passer où ça pourrait mal finir pour toi.

Gronda seulement Aiolia en poussant le garde de l’épaule. Comme il s’avançait dans le long couloir, le garde bafouilla :

-Mais… Señor !

-Laisse-moi. Je connais le chemin. Et ne t’en fais pas pour ton maître : je bosse pour lui.

Le garde pâlit lorsqu’il se retrouva la cible de deux yeux verts remplis de colère.
Des yeux absolument effrayants… Tellement effrayants qu’il le laissa passer, les mains tremblantes :

-Je… Laissez-moi… Vous escorter : le Señor Saga est dans son bureau.

Aiolia le fixa quelques secondes avant de désigner le couloir du menton :

-Fais-vite !

-Si Señor !

Le garde passa devant Aiolia et lui montra la route, quelque peu hésitant et précipité. Le jeune homme aux cheveux châtains avait les sourcils froncés, déterminé à parler à Saga. Après tout, il ne dormait pas alors, il n’avait pas à se sentir coupable !

Le garde s’arrêta devant la salle à manger que Saga avait transformée en bureau. Aiolia grommela un vague « merci » et poussa violemment la porte. Assis à la longue table, Saga se redressa en sursautant, les yeux cernés et rougis de fatigue. En reconnaissant celui qui l’avait surpris de la sorte, il sourit et se leva, les bras ouverts pour l’accueillir :

-Ah… Aiolia… Comment vas-tu ?

Le jeune homme aux cheveux bleus le serra tendrement et fraternellement contre lui. Aiolia hésita puis ferma les yeux et serra Saga contre lui à son tour, un long soupir mêlant tristesse et lassitude franchissant la barrière de ses lèvres :

-Aussi bien que possible… Et vous ?

Saga esquissa un demi-sourire et un petit rire lui échappa :

-De même…

Les deux hommes se reculèrent légèrement et Saga demanda doucement :

-Tu veux boire ou manger quelque chose ?

Aiolia répondit sans sourire :

-Non merci. Je suis venu pour parler.

-Oh ! (Sembla s’étonner le jeune homme aux cheveux bleus. Puis, il sourit et se retourna) He bien je t’écoute !

Aiolia fronça les sourcils, le poing légèrement tremblant :

-C’est… A propos de la mission que je vous ai demandé de me confier.

-Ah ? (Sembla sourire Saga en se servant un verre d’alcool) As-tu retrouvé… (Il baissa la tête) L’assassin ?

Aiolia grinça des dents :

-Non.

-Oh…

Soupira Saga en passant une main fatiguée dans ses cheveux. Il resta un instant silencieux avant de murmurer :

-Au fond… Peut-être que cette ordure est mort de ses blessures… Celles du combat avec ton frère et Shura et la balle que j’ai tiré. Peut-être que tes recherches sont vaines… Je suis désolé Aiolia.

Le jeune homme aux cheveux châtains fit deux pas en avant :

-J’ai retrouvé le Scorpion, Señor.

Saga s’étrangla avec sa gorgée d’alcool et recracha ce qui pouvait encore l’être. Il toussa en se frappant le torse, les yeux rougis sous l’effort :

-Que-Comment ?!! Mais tu disais ne pas avoir retrouvé l’assassin ?!!

Aiolia se rapprocha encore et sa main se rapprocha lentement de son épée dorsale pour ne pas alerter Saga :

-J’ai dit ne pas avoir retrouvé l’assassin en effet.

-Quoi ?! (S’écria Saga en écarquillant les yeux, ébahi) Mais qu’est-ce que tu racontes ?!!

Aiolia fronça les sourcils et s’approcha encore, lentement, comme un fauve qui traque sa proie :

-Parce que le Scorpion n’est pas l’assassin. Il est mon ami et il n’aurait jamais tué Aioros.

-Que… Que… Que… (Balbutiait Saga en secouant la tête, complètement perdu) Mais je l’ai vu !

-Est-ce que vous l’avez-vu faire ?!

Rugit soudain Aiolia en se retenant pour ne pas empoigner Saga tellement il était enragé. Ce dernier balbutia en reculant d’un pas :

-Mais… Mais je… Non mais…

-TAISEZ-VOUS!!

Hurla le brun tellement fort que Saga manqua de tomber à la renverse. Aiolia continua sur sa lancée :

-Je suis extrêmement déçu !! Vous avez inventé cette histoire de toute pièce uniquement pour le faire arrêter, j’en suis sûr !!

Saga leva les mains, soudain devenu livide :

-Arrête ! Tu dis n’importe qu…

- A cause de vous, j’ai failli tuer mon meilleur ami !! Mon frère !! Vous entendez : mon frère !!

Saga hoqueta et se prit soudain la tête entre les mains en tremblant, laissant tomber son verre qui éclata sur le sol en mille morceaux :

-Tais…toi !!

Cria-t-il en un hurlement rauque. Il secoua la tête et se mit soudain à ricaner :

-Hé hé hé…. Ces paysans sont plus malins qu’on ne le penserait…

Aiolia pâlit d’effroi et recula d’un pas et balbutia :

-Heu… Sa…

Soudain, les cheveux de Saga devinrent entièrement gris et il rejeta la tête en arrière en éclatant d’un rire de fou :

-Hahaha !!! Ca a failli marcher ! Vraiment ! Seulement vous êtes tous plus perspicaces que prévu !

Il baissa la tête et posa deux yeux rouges sang sur Aiolia qui recula de deux pas. Un horrible sourire diabolique sur les lèvres, Saga gronda :

-Un peu trop même…

Aiolia écarquilla les yeux, horrifié, et recula d’un pas :

-Mais qu’est-ce que ?!

Commença-t-il. Mais Saga plissa les yeux, ce sourire toujours collé aux lèvres :

-Tu en sais beaucoup trop Aiolia… Et c’est bien dommage car tu avais un grand potentiel. Comme ton frère en fait.

Aiolia serra les dents et fit un pas en avant :

-Mais qu’est-ce que vous racontez ?! Et quelle est cette sorcellerie ?!

Saga ricana :

-Perspicace mais pas trop hein ? Aioros l’était bien plus, c’est ça qui était problématique vois-tu. (Il sourit de toutes ses dents, d’un sourire tout sauf naturel) Quand il a découvert qui j’étais réellement, il a bien fallu que je m’en occupe…

Aiolia pâlit subitement, exsangue :

-Mais… Mais qu’est-ce que vous racontez ?...

Il avait affreusement peur de comprendre… Terriblement peur…
Saga sourit, confirmant ses pires cauchemars :

-C’est pour ça que j’ai ordonné à Shura de m’en débarrasser.

Chapitre 58

Aiolia recula de plusieurs pas et dut s’appuyer à un mur pour ne pas tomber :

-Non…

Balbutia-t-il en tremblant. Saga ricana :

-Qu’est-ce que tu croyais Aiolia ? Quand on découvre qu’un espion du Roi d’Espagne surveille nos faits et gestes, on s’en débarrasse sans plus de cérémonie.

Aiolia porta une main tremblante à son front, sanglotant légèrement :

-Non… C’est impossible…

Sa vue se brouillait de larmes de désespoir et de trahison : non ! Saga ne pouvait pas avoir ordonné l’exécution de son frère ! Son meilleur ami ! C’était impossible ! Il ferma les yeux un instant puis, il se reprit et se redressa en hurlant :

-Qu’avez-vous fait, MONSTRE ?!!!!

Il dégaina vivement l’épée de son dos et se jeta en hurlant sur Saga :

-CRÈVE !!!!

Le jeune homme sourit et se décala simplement d’un pas… Attrapant brutalement Aiolia à la gorge.

Son hurlement s’étouffa dans sa gorge et le brun porta les mains à celle qui l’empêchait de respirer. Saga rapprocha son visage du sien et susurra :

-C’est tellement fascinant un être humain en manque d’air…

Aiolia tenta de déglutir et leva la main qui serrait son arme :

-Va… Te faire… Foutre !

Il abattit son épée sur le dos de Saga.
Essaya.

La lame fut arrêtée lorsque la deuxième main de Saga lui agrippa le poignet avant de le tordre en souriant. Aiolia poussa un hurlement de douleur et l’homme éclata de rire en le balançant violemment contre le mur :

-Hahaha !!! L’être humain est d’une faiblesse et d’une fragilité ! C’est ridicule !

Aiolia essuya le sang qui coulait sur son menton :

-En.. Foiré !

Cria-t-il en se relevant d’un bond. Saga leva la main au niveau de son visage et Aiolia pâlit lorsqu’il se rendit compte que son épée n’était plus dans sa main…
Mais dans celle de son agresseur !

Il n’eut pas le temps de réagir. Déjà, la lame fusait vers lui à toute vitesse.
Aiolia écarquilla des yeux horrifiés et hurla lorsque sa propre épée le cloua au mur, transperçant son épaule droite et s’y enfonçant jusqu’à la garde.

Le jeune homme aux cheveux châtains empêcha des larmes de douleur de rouler sur ses joues et il s’acharna sur la garde en grimaçant : si il ne se dégageait pas rapidement, il se retrouvait impuissant face à ce malade !

Saga s’approcha lentement et il tenta :

-Pourquoi Saga ?!

-Saga n’est pas là, Aiolia. Mais ça, personne ne le comprends…

Aiolia essaya de retirer la lame de son épaule, sans succès. Comme il relevait la tête, il se retrouva nez à nez avec son adversaire et il sursauta :

-Mais tu vas mourir Aiolia… Sans avoir compris quoi que ce soit… La population sera désolée d’apprendre que le Scorpion vient de faire une nouvelle victime parmi les honnêtes gens.

Il sourit et sortit une courte dague de sa ceinture :

-Alors adieu, Aiolia.

Il leva la main et comme le brun fermait les yeux, un cri le fit sursauter :

-Arrête Saga !

Tous deux levèrent la tête pour voir d’où provenait la voix : debout sur l’appui de fenêtre, une ombre enveloppée d’une longue cape sombre les toisait, épée en main. Saga fronça les sourcils et recula d’un pas pour essayer de découvrir l’identité du gêneur :

-Qui est-là ?

Un sourire dans la voix, l’homme répondit :

-Celui que tu cherches tant !

Aiolia sourit, mi-soulagé mi-étonné :

-Milo ?!

Le jeune homme blond sauta de la fenêtre à laquelle il s’était perché et il atterrit juste devant Aiolia, faisant reculer Saga de quelques pas prudents, sans pour autant se départir de son sourire. Milo esquissa une semi révérence narquoise :

-Le Scorpion, pour vous servir !

Saga croisa les bras, souriant :

-Ainsi c’était toi… J’aurais dû m’en douter lorsque je t’ai rencontré chez Camus lors de cette soirée.

Milo fronça les sourcils et gronda :

-Je ne comprends pas ce qui t’arrive Saga. Tu es quelqu’un de si gentil : qu’est-ce qui t’arrives ?

Saga éclata de rire et se retourna, se dirigeant calmement vers le fond de la pièce :

-Vous êtes tous tellement naïfs !

Milo hésita un instant puis, profita du fait qu’il lui tournait le dos pour ôter d’un coup sec l’épée qui clouait Aiolia au mur. Le brun s’effondra sur le sol, tenant son bras contre lui en grimaçant et le Scorpion s’accroupit à ses côtés pour lui souffler :

-Tout va bien ?

Aiolia leva la tête et le foudroya du regard :

-C’est quoi cette question stupide ?! Bien sûr que non ça ne va pas abruti ! (Il désigna son bras en s’énervant tout bas) Je viens de me faire perforer le bras ! Je suis crevé ! J’ai failli mourir et toi, tu débarques en me demandant si je vais « bien » ?!!

Milo ne trouva pas la force de rire de la mauvaise humeur de son ami tellement la situation était grave : le bras d’Aiolia saignait abondement et Saga se mit soudain à parler :

-Vous êtes tellement naïfs que ça en devient ridicule.

Milo se leva lentement :

-Qu’est-ce qui t’arrive Saga ?

- Vous ne comprenez donc pas que, en ce moment, vous ne parlez pas à Saga ? Quand je suis là, c’est comme s’il était mort !

Milo pâlit et gronda :

-Qu’est-ce que c’est que ses conneries ?

Saga fronça les sourcils mais un terrible sourire écarta ses lèvres, illuminant ses yeux rouges d’un éclat diabolique :

-Je suis une personne à part entière. Et quand je suis là, Saga est inexistant. Mort.

-Comment ?!

S’écrièrent Milo et Aiolia sans comprendre :

-Je n’ai pas de nom précis. Je suis juste l’Autre, la face cachée de la lune, le côté obscur du Saga que vous connaissez. (Il leva la tête, les yeux fermés et inspira profondément) Le mal incarné… Un démon.

Milo frémit et fit un pas menaçant en avant :

-Tu dis n’importe quoi !

Saga (non,… L’Autre) baissa les yeux vers lui et le fusilla du regard :

-Je somnolais depuis toujours en lui. (Un sourire terrible étira ses lèvres) Et c’est Kanon qui m’a réveillé…

Milo entrouvrit la bouche et souffla :

-Kanon ? Mais comment ?!

L’Autre souriait toujours :

-Les mots ont un pouvoir bien plus puissant que tu ne peux l’imaginer Scorpion…

Chapter Text

28 ans auparavant…

-Félicitation Señora Gemini ! (S’exclama le médecin, un large sourire sur les lèvres) Vos jumeaux sont en parfaite santé !

Emilie Gemini, le front trempé de sueur après ce long travail de 17 heures, haleta vaguement :

-Mon… Trez-les moi…

Le médecin déglutit, le sourire fixé sur les lèvres. Il hésita puis se rapproche de la jeune femme aux cheveux azurs, les mains en avant :

-Señora, vous en êtes bien sûre ? Vous sentez-vous bien ?

-Je vous en prie…

Souffla-t-elle, livide, à bout de souffle. Le médecin baissa la tête en clignant des yeux :

-Oui Señora…

Il se saisit doucement du plus jeune, passant une main délicate dans le dos et sous la nuque de l’enfant. Le bébé se débattit vaguement, une grimace boudeuse sur les lèvres.
Derrière son masque d’épuisement, Emilie sourit, éclairant ses grands yeux bleus :

-Kanon…

Comme le médecin écrivait le nom et l’heure de naissance du bébé, ce dernier poussa un vagissement frustré, la bouche grande ouverte à la recherche du sein tant convoité ! Le médecin esquissa un sourire tandis qu’Emilie, des larmes de bonheur et d’épuisement dans les yeux, riait :

-Mon tout petit…

Elle regarda le médecin, quémandant d’un regard ce qu’elle convoitait. Il déglutit et offrit un sourire rassurant à la jeune maman, hochant la tête lentement. Il attrapa délicatement le premier né, l’ainé de quelques heures et le déposa dans les bras de sa mère qui souriait aux anges. Tout en caressant le front du bébé, elle souffla doucement :

-Saga…

Le bébé gazouilla et desserra les doigts, cherchant à attraper un objet invisible. Le médecin s’approcha et écrivit le prénom du bébé sur l’acte de naissance qu’il glissa dans sa poche ainsi que l’heure où l’enfant était sorti du ventre de sa mère. Puis, il posa une main douce sur le front de la jeune femme et fronça les sourcils : elle avait de la fièvre.
Une mauvaise fièvre qui avait déjà décimé une bonne partie de la population…

La fièvre maligne.

Le médecin écarquilla les yeux : comment ce petit bout de femme avait-il bien pu enfanter de jumeaux avec une telle fièvre ?!

Pâlissant légèrement, il ouvrit la bouche pour parler mais la voix douce d’Emilie le fit taire mieux que n’importe quelle parole :

-Ces enfants… Mes petits… Sont le dernier cadeau que m’a laissé mon époux…

Il déglutit et elle leva les yeux vers elle, un triste sourire sur les lèvres :

-Mon époux était garde du roi… Il avait promis de revenir nous chercher après la guerre civile… (Elle baissa les yeux vers ses enfants) Mais il est mort… Me laissant seule avec nos enfants…

Silence. Lourd et désespéré :

-Mais je vais bientôt le rejoindre…

Le médecin s’avança :

-C’est hors de question ! Je vais vous soigner immédiate…

La jeune femme fut soudain secouée par un haut-le cœur et elle toussa violemment :

-Señora !

Le médecin écarquilla des yeux horrifiés lorsque du sang roula sur son menton, allant jusqu’à gouter petit à petit sur la tête de l’un des bébés :

-Vite ! Ecartez les enfants… De… Moi…

Le visage voilé par une longue mèche de cheveux, Emilie se tourna lentement vers lui. Un éclair déchira le ciel et illumina l’intérieur de la maison. Le médecin retint un hurlement effrayé lorsque, perçant derrière les lourds cheveux gris, un œil rouge vermeil le fixa soudain. Un sentiment de terreur sourde le fit frissonner : ce regard… N’était pas humain.

-Emilie ?!

Osa-t-il demander. Un large sourire étira les lèvres livides de la jeune femme :

-Emilie n’est plus là. Et il est hors de question que je meure avec elle.

Elle se retourna vers les enfants, toujours avec cette lenteur affolante :

-Mais je vois là de quoi me sauver…

Un petit ricanement secoua la jeune femme puis, tout son corps s’arqua vers le haut et sa bouche s’ouvrit sur un cri muet. Le médecin pâlit et se recula précipitamment : une fumée mauve sombre s’échappa des lèvres d’Emilie et flotta un instant dans les airs, méditant sur quel enfant choisir. Puis, il y eut un grand rire et l’ombre fondit sur l’un des bébés.

Les bougies s’éteignirent sous le souffle glacial projeté par cette ombre néfaste et un hurlement de douleur pur résonna. Suivi par un cri de nourrisson.

Jonas Corvus ne savait pas depuis combien de temps il était là, assis, recroquevillé dans un coin de la pièce le plus éloigné du lit, les bras enroulés autour des jambes.

Il tremblait mais il ne savait plus depuis quand. Il savait juste qu’il avait peur.
Terriblement peur.

Un petit cri de bébé le fit soudain sursauter mais il ferma les yeux et se remit à trembler :

-Areuh…

Jonas se força à ouvrir les yeux, lentement pour éviter de tomber nez à nez avec cette ombre démoniaque. Mais rien ne lui fit obstacle lorsque ses yeux se posèrent sur le lit. Un bras blanc neige en dépassait, vide de toute réaction.

Le bébé (un des deux en fait) poussa un petit cri perçant et agacé, sans doute le second, plus farouche que son aîné. Emilie lui avait donné le nom de Kanon et l’autre c’était…
Saga.

Saga et Kanon.

Bref, Kanon poussa donc un petit cri et Jonas, en tant qu’adulte, se força à se lever. Les jambes flageolantes, il s’approcha lentement du lit et appela d’une petite voix :

-E… Emilie ?...

Seul le silence lui répondit. Un lourd silence glacial qui lui procura un frisson d’horreur et d’effroi. Il déglutit difficilement et se pencha sur le lit :

-Emilie ?

Un éclair déchira le ciel avec un craquement, éclairant soudain la pièce et le médecin sursauta : la tête de la jeune femme avait roulé sur le côté, ses yeux étaient exorbités à l’extrême et du sang avait cessé de couler le long de son menton et de sa bouche, ouverte sur un hurlement muet.

Jonas porta une main à sa bouche :

-Non…

C’était impossible ! Elle ne pouvait pas être morte ?! Et puis, qu’était devenu ce démon de fumée qui…
Jonas écarquilla les yeux et les posa lentement sur les deux enfants : l’un d’entre eux criait, vagissait presque, les joues rouges et les poings serrés. L’autre sanglotait vaguement, les yeux fermés et une main serrant celle de son frère dans la sienne.

Le médecin tiqua et fronça les sourcils : si le démon avait disparu de la sorte… Cela voulait dire que…
Une perle de sueur roula sur sa joue et il jeta des regards effrayés aux enfants : le démon avait pris possession de l’un des enfants, ça devait être ça.
Mais dans lequel ?!

Jonas avait beau essayer, il ne parvenait pas à différencier les enfants ! Lequel était lequel ?!
Il déglutit et fut soudain décidé : il ne pouvait laisser un démon demeurer en vie. Jonas ferma les yeux, serra les poings puis souffla en attrapant les bébés dans ses bras :

-Pardonnez-moi Emilie… Mais je dois le faire pour notre bien à tous…

Il fronça les sourcils et se retourna vers la porte. Dans ses bras, l’un des bébés se mit à sourire tandis que l’autre portait son poing à sa bouche, apparemment en manque de lait maternel. Il hésita un instant puis se gifla mentalement et passa la porte.

Il pleuvait. Enormément.
Les cheveux trempés, Jonas s’arrêta juste en face de ce qui se trouvait au centre de la petite place du quartier Sud de la ville…
Le puits.

Jonas essuya la pluie qui trempait son front qui, mêlée à la sueur, coulait dans ses yeux. Il se retourna vivement, s’assurant que personne ne pouvait le voir, soudain pris de panique. Il était bien seul. Seul sous la pluie et l’orage avec deux enfants.

Jonas s’approcha du puits et leva les bras au dessus de l’eau noire et si lointaine du sombre boyau obscur. Mais soudain, l’un des bébés ouvrit les yeux et le médecin se sentit happé par les yeux azurs de cet enfant. Frémissant d’horreur, pris de remords, Jonas sentit son menton trembler : il ne pouvait pas tuer des bébés.

Non.

Il ne pouvait pas tuer des innocents qu’il venait de mettre au monde.
Il en était incapable.

Il n’était pas assez fort…

Mais, alors qu’il allait reculer, le second bébé ouvrit les yeux et Jonas retint un cri horrifié : l’œil droit était d’un superbe bleu-azur mais le gauche…
Oh le gauche…

D’un rouge sang si profond que Jonas avait l’impression de se noyer dedans.

Il déglutit et leva le bras qui tenait cet enfant au dessus du puits aussi vite qu’il le pouvait. Soudain, comme un nouvel éclair déchirait le ciel avec un bruit assourdissant, l’œil droit vira lui aussi au rouge et un sourire étira les lèvres du bébé tandis qu’une voix sortie du plus profond des Enfers grondait hors de sa petite bouche :

-Trop tard.

Jonas recula précipitamment lorsqu’une ombre sortit en fumée de la bouche du bébé pour le prendre soudain à la gorge. Il trébucha et tomba en arrière, laissant rouler les bébés sur le sol trempé. Des pleurs déchirèrent la nuit comme Jonas étouffait sous la poigne surnaturelle du démon.

Il toussa et du sang roula le long de son menton tandis qu’il sentait ses yeux se révulser. Soudain, l’ombre, qui avait pris forme humaine, esquissa un horrible sourire aux dents pointues :

-Laisse-moi abréger tes souffrances…

Il redevint fumée et s’insinua dans les narines et dans la bouche de Jonas, bloquant chaque orifice respiratoire aussi hermétiquement qu’avec des tissus. Le médecin hoqueta et porta les mains à sa gorge, s’étouffant petit à petit. Il jeta un œil exorbité sur les enfants et pâlit : l’un hurlait, les poings levés vers le ciel, l’autre… Le plus grand…

Le regardait avec un grand sourire pervers.

Jonas eut soudain l’impression qu’on le déchirait de l’intérieur et son corps fut parcouru d’un soubresaut. Puis d’un frémissement et il poussa un demi-cri étouffé.

Son corps et sa main retombèrent sur le sol, inertes.
La pluie continuait de tomber sur son visage figé dans une expression d’horreur et de souffrance.

L’ombre sortit en fumée pourpre du corps du médecin et retourna vers son hôte.
Vers Saga.

Trop épuisé après tant d’efforts, l’Autre murmura en souriant :

-Ne m’oublie pas Saga : je ne fais qu’attendre le moment propice… Et quand ce moment viendra, je règnerai sur cette ville. Patience… Patience…

Kanon hurlait toujours, les joues rouges à force de cris, affamé et horriblement incommodé par la pluie. Saga ferma les yeux et souffla avec une voix surnaturelle :

-Patience.

Puis il poussa un gazouillement de bébé.
L’Autre s’était endormi…

***

Trouvés par une femme sortie durant la nuit, alertée par les cris du nourrisson, Saga et Kanon furent placés à l’orphelinat de la ville. Saga était en parfaite santé, quoiqu’un peu chétif, et Kanon, ayant été privé trop longtemps et trop tôt de nourriture ne cessait d’en réclamer.

Ils grandirent vite. Saga maîtrisa la langue à une vitesse affolante : à deux ans et demi, il faisait des phrases aussi longues et compliquées que celles d’un adulte. Hélas, Kanon était plus lent de ce côté-là, préférant jouer que d’apprendre les petites leçons que l’on donnait à l’orphelinat pour parler un minimum correctement.

Les jumeaux étaient indissociables. Soudés et liés comme les doigts de la main.
Ils faisaient tout ensemble, protégeant chacun les arrières de l’autre.
Ils s’aimaient et étaient terriblement fusionnels.

La vie était aussi belle que possible.

***

-Saga ?

-Oui ?

-On restera toujours ensemble hein ?

-Bien sûr !

Kanon sourit et se serra contre son grand frère :

-Promis ?

Saga sourit et serra la main de son frère dans la sienne, avec force :

-Promis.

***

-Saga !!

Le petit garçon aux cheveux bleus se retourna et sourit :

-Kanon.

Saga regarda avec bienveillance son cadet arriver près de lui, courant à en perdre haleine : ils venaient d’avoir 12 ans et leur entente ne cessait de croitre. Ils se ressemblaient de plus en plus. Kanon s’arrêta en dérapant juste devant lui et se mit à trépigner, les yeux remplis d’étoiles :

-Regarde regarde ! T’as vu c’que j’ai… (Il fronça les sourcils et désigna les mains de son frère aîné) C’est quoi c’truc ?

Saga baissa les yeux sur son livre et hésita un moment :

-C’est un livre que j’ai emprunté à la bibliothèque…

-Et c’est quoi comme histoire ?

Saga haussa les épaules :

-C’est une fille qui…

-Ouais mais en fait j’m’en fous ! Regarde plutôt !

Saga tiqua devant la grossièreté de son cadet mais ne dit rien : tournant sa langue 14 fois dans sa bouche pour éviter d’être méchant. Kanon ouvrit les mains, dévoilant un petit oisillon aux plumes bleues. Saga sourit et se pencha :

-Ohh ! Comme il est mignon !

Kanon fronça les sourcils :

-J’te demande pas s’il est beau ou pas enfin !

Le petit garçon se pencha en avant puis pâlit :

-Il est… Mort ?!

-Bien observé !

Ricana ironiquement Kanon en levant les yeux au ciel. Saga fronça les sourcils et regarda son frère droit dans les yeux :

-Comment s’est-il fait ça ?...

Kanon haussa les épaules :

-C’est moi qui l’ai tué. Je vais le mettre dans le lit de Sancho pour lui fiche la trouille !

-Quoi ?! Mais Kanon c’est horrible !!

S’écria Saga en portant des mains horrifiées à sa bouche. Puis, un semblant de sourire étira ses lèvres et il se rapprocha :

-Et comment t’y es-tu pris ?

Mais, comme Kanon ouvrait la bouche, ravi que son frère s’intéresse à « ça », Saga plaqua les mains sur sa bouche, dégouté par ses propres paroles : un court instant, il avait senti… Quelque chose remuer dans son être. Quelque chose qui lui avait procuré de la peur mais aussi une espèce de joie sadique…
Et il avait détesté cela !

Saga recula, retenant un haut-le-cœur dégouté :

-Je… Je suis désolé. Je n’aurais pas dû… Je ne voulais pas… Excuse-moi.

Il se détourna et s’éloigna en courant, les mains pressées sur la bouche pour ne pas vomir de dégout.
Kanon le regarda partir, les sourcils froncés avant de hausser les épaules :

-Pff! Quelle petite nature!

Saga courut aussi longtemps qu’il le put et finit par s’écrouler au pied d’un arbre juste à côté d’une rivière. Il se pencha en avant et, ne pouvant se retenir plus longtemps, il vomit de la bile et son dégout, écœuré par cet étrange remuement dans son ventre qui le torturait de la sorte.

Le petit garçon se redressa, haletant et les yeux rougis sous l’effort. Il s’adossa contre le tronc de l’arbre et souffla profondément, passant une main tremblante sur son front et ses yeux :

-Tout va bien… Tout va bien… Ce n’est rien…

Le gout amer de la bile pestait encore dans sa bouche et dans son nez alors, avec une grimace écœurée, il se pencha sur la rivière et s’aspergea le visage d’eau. Comme il relevait la tête, il rouvrit les yeux et sursauta : là, dans l’eau, son reflet lui souriait.
Son reflet parfaitement identique…

A l’exception de la couleur de ses cheveux et de ses yeux…
Gris et rouges sang…

Saga voulut reculer, s’éloigner de cet horrible reflet, mais il ne put détacher ses yeux de cette image tellement enivrante. Voire hypnotique.

Il tendait curieusement la main vers son reflet quand celui-ci parla soudain :

-Patience, Saga…

Saga poussa un petit cri surpris et il chassa l’image diabolique d’un mouvement de main dans l’eau.
L’onde parcouru la rivière et, lorsque le reflet reparut, c’était bien son propre visage effrayé qui lui faisait face. Accompagné d’un autre très semblable :

-Mais qu’est-ce que tu fabriques ?!

-HAAA !!!!

Hurla Saga en reculant précipitamment et terminant son mouvement…
Dans la rivière.

Kanon pressa ses mains sur sa bouche et se mit à pouffer bruyamment :

-Pfffrrr !! Bah, qu’est-ce qui t’arrives frangin ?!

Haletant, tremblant, trempé jusqu’au os, Saga leva vers son frère un regard hagard :

-Qu’est-ce que… Mais t’es malade ?!

S’écria-t-il en se levant soudain. Kanon essaya de retenir son fou rire mais lorsqu’il aperçut une algue barrer le front et le visage de son aîné, il se laissa tomber par terre et se mit à hurler de rire, les bras pressés sur le ventre.

En temps normal, Saga aurait ri avec son frère. En temps normal, ils auraient passé des heures à rire ensemble et à ressasser cet évènement. Puis ils seraient rentrés et auraient mangé avant d’aller se coucher et de rire encore.

Mais Saga se mit à trembler de rage et il se jeta sur son frère, l’attrapant par le col en hurlant :

-Mais t’es malade ?!! Pourquoi est-ce que tu as fait ça ?!!

-Oh oh ! Calmos : j’ai rien fait de grave purée !!

S’égosilla Kanon en se débattant, mi-riant, mi-surpris : d’ordinaire, Saga était d’un naturel calme, sérieux, souriant,… Mais là, Kanon se sentait…
En danger.

Menacé même.

Saga le redressa et le plaqua violemment contre le tronc de l’arbre en grondant :

-Qu’as-tu vu ?!

Kanon s’étrangla avec sa salive et tressaillit lorsque l’œil gauche de son frère se vrilla dans le sien.
Rouge sang dans bleu azur.

Mais, en un battement de cil, les yeux de Saga étaient redevenus normaux et Kanon secoua la tête avant de repousser brutalement son aîné. Bien qu’il soit le second, il était légèrement plus grand et faisait plus d’exercice : il était plus « massif » que le « frêle » Saga.

Ainsi, quand il repoussa son aîné et qu’il s’écrasa lourdement sur le sol, il se dressa au dessus de lui, fier et orgueilleux :

-J’t’ai juste vu dégobiller. Parce que tu es faible…

Persiffla-t-il, un grand sourire sur les lèvres. Saga se redressa, sourcils froncés :

-Arrête.

-Sinon quoi ? Tu vas me frapper ?

-Ne me tente pas.

Gronda Saga. Mais Kanon rit puis, se pencha légèrement en avant, un large sourire étirant ses lèvres :

-Je demande à voir.

Le poing de son frère s’écrasant sur sa joue le fit vaciller et même trébucher. Kanon leva des yeux ébahis sur son aîné puis frotta le sang qui gouttait sur son menton :

-Ah… Alors tu veux jouer…

Saga lui faisait face, les poings serrés et… Souriant. Kanon hésita à peine et leva les poings :

-J’adore jouer...

***

-Je suis extrêmement déçue les garçons : vous battre ainsi avant le jour des visites ! Vous me décevez énormément.

Saga baissa honteusement la tête, se mordillant les lèvres et jouant avec l’ongle de son pouce, horriblement gêné. Kanon, lui, gardait la tête haute et soutenait dignement le regard de la Grande Sœur qui gérait l’orphelinat, foudroyant son frère de temps en temps.

La joue bleuie par les coups, l’aîné souffla :

-Pardon Grande Sœur…

-Ce n’est pas moi qui dois être adopté Saga… (Soupira la vieille femme en se massant les tempes) Tu devrais plutôt t’excuser envers toi-même et présenter des excuses à ton frère.

Saga serra les dents puis se tourna à demi vers son cadet :

-Pardon Kanon…

-Y’a intérêt !

-Kanon !

S’écria la Grande Sœur, les sourcils froncés. Le petit garçon aux cheveux azurs se tourna farouchement vers elle :

-Quoi ?

-Ne parle pas ainsi à ton frère. Excuse-toi pour ce manque de respects et pour les coups que tu lui as donnés.

Kanon posa un regard hautain sur la femme et croisa les bras :

-Et si j’le faisais pas ?

-Tu serais sévèrement réprimandé.

Kanon poussa un petit reniflement dédaigneux :

-Quoi ? Vous allez me priver de repas ?

La main de la Grande Sœur s’écrasa sur sa joue, projetant sa tête vers la droite. Saga écarquilla les yeux et se recula d’un pas prudent.

Kanon fusilla la femme du regard et gronda :

-Ca y est, j’peux y aller maintenant ?

-Excuse-toi. Immédiatement.

Kanon regarda son frère avec haine :

-S’cuse moi. Ca va, vous êtes contente?

La Grande Sœur le fixa longuement puis souffla en secouant la tête :

-Vous pouvez disposer… Préparez-vous pour demain.

Saga et Kanon sortirent de la grande pièce et la porte se referma derrière eux. Kanon fusilla son aîné du regard :

-Bien joué frangin !

-Moi ?! (S’offusqua Saga) Mais c’est plutôt moi qui devrais te dire ça !

-Et pourquoi je te prie ? Je suis venu voir comment tu allais. Oh… (Singea Kanon en portant ses mains à son cœur) Pauvre chaton… Je le ferai plus si ça te déranges…

Saga fronça les sourcils :

-Il vaudrait mieux… Qu’on en parle à tête reposée : on va se reposer et se préparer pour demain et après, éventuellement, nous en reparlerons.

-Oh ouiii ! (Sourit Kanon en sautillant, mimant une espèce de fausse hystérie) Préparons-nous pour essayer de se faire acheter par un vieux pervers de noble pour qu’il puisse nous faire un taaas de choses en touuuute légalité !

-Kanon ! (S’écria Saga en rougissant furieusement) Mais qu’est-ce que tu racontes enfin ?!

Kanon éclata d’un rire mauvais :

-Allons Saga, sois réaliste : personne de censé n’adoptera de jumeaux uniquement pour le fait d’avoir des enfants. Ils en voudront juste à notre…

-Mais tais-toi, pour l’amour du ciel !! (Hurla Saga en se bouchant les oreilles) Tu dis n’importe quoi !

-T’as qu’à demander aux grands : ils savent pertinemment qu’y a que les vieux pervers qui adoptent des petits garçons. Ou les petites filles.

Saga se retourna et foudroya furieusement son frère du regard :

-Le seul pervers que je connaisse, c’est toi. Tu n’es qu’un pervers Kanon. Un pervers et un obsédé cruel et violent.

Ces dures paroles prononcées, Saga posa un regard écœuré sur son cadet et souffla :

-Tu me dégoutes…

Il se retourna et s’éloigna de deux pas avant de s’arrêter et d’asséner durement :

-Si tu ne veux pas être adopté, libre à toi. Mais moi, je veux vivre autre chose qu’une vie d’orphelin inculte, je vois plus grand que tu ne le feras jamais.

Puis, après un court instant, Saga s’éloigna, la tête haute et le regard fier, déterminé.
Kanon suivit son frère du regard, posant deux yeux furieux entre ses omoplates et grommelant entre ses dents, les poings serrés à s’en faire blanchir les articulations :

-Je te hais.

$s$s$s$

-Kanon ?

Aucun son ne répondit à l’appel murmuré dans le silence du dortoir. Saga déglutit et humecta ses lèvres sèches avant de réitérer son infime chuchotement :

-Kanoooon ?

-Grmbl… Quoi ?!

Gronda Kanon sans se retourner. Saga souffla :

-Tu dors ?

Un petit ricanement le fit sursauter :

-Mais bien évidemment ! Et je suis actuellement en train de faire un rêve magnifique, peuplé de licornes magiques, d’arcs-en-ciel et de vieux pervers courants dans des champs de fleurs. Bien sûr que non que je ne dors pas, crétin !

Saga leva les yeux au ciel et soupira :

-Excuse-moi…

-Pff ! Manquerait plus que ça.

-Je veux dire, pour tout à l’heure. (Termina Saga en jouant avec ses draps) Je ne voulais pas te parler de la sorte. C’était mal et déplacé, et je m’en excuse.

Il y eut un court instant de silence puis, Kanon se retourna bruyamment sur son matelas et plongea ses yeux dans ceux de son aîné :

-C’est un peu facile ça.

-Mais…

-Tu penses vraiment que je vais accepter tes excuses, comme ça ? (Interrogea sérieusement Kanon, absolument pas moqueur) Tu me méprises tellement que tu me donnes envie de vomir Saga. Soi-disant tu vois plus haut que moi, mais n’en sois pas si sûr.

Il le fixa longuement puis secoua la tête :

-Je t’aimais Saga mais ça, je ne suis pas prêt de l’oublier. Ni de te pardonner, sois-en sûr. Sur ce, bonne nuit.

Souffla-t-il en se retournant, montrant résolument son dos à son aîné. Saga hésita puis se tourna à son tour et ferma les yeux. Néanmoins, il souffla :

-Bonne nuit…

-Ta gueule et laisse-moi dormir.

Saga se mordit la lèvre devant tant de vulgarité mais il ne dit rien. Il ferma les yeux mais ne s’endormit pas… Pas avant deux bonnes heures… Kanon, lui, souriait dans son sommeil et murmurait de temps à autre :

-Je te hais… Je te hais…

***

-Bienvenue Señor Shion ! Notre orphelinat est extrêmement flatté de l’honneur que vous lui faites en nous rendant visite !

Gloussait la Grande Sœur en enchaînant courbettes sur courbettes. Shion, loin de s’en agacer, lui sourit en secouant doucement la main :

-Je vous en prie : cela me fait toujours plaisir d’aider mon prochain.

La Grande Sœur écarquilla des yeux ébahis :

-Vous ne comptez pas adopter Señor ?

Shion rit doucement :

-Ma chère, je n’ai pas de temps à consacrer pour des enfants : j’ai tellement à faire pour cette ville… (Il soupira) Cela ne me déplairait guère mais… Ils ne seraient pas heureux.

-Mais… Alors pourquoi vous déplacer ?

S’étonna la vieille femme en haussant les sourcils. Shion posa un regard doux sur elle :

-Je suis venu les voir, parler avec eux et aussi faire un don à l’orphelinat.

La femme hoqueta puis sourit jusqu’à ses deux oreilles, des larmes de joie et de reconnaissance plein les yeux :

-Oh ! Merci Señor ! Merci!

Sanglota-t-elle à demi en embrassant les mains de Shion. Le jeune homme aux cheveux verts clairs se recula, gêné par le comportement de la dame :

-Voyons voyons ! Je vous en prie Señora !

La femme leva des yeux larmoyants vers lui et souffla :

-Vous êtres si bon Señor Atalante… Merci, merci de tout cœur…

Shion sourit :

-Mais je vous en prie… (Puis, il prit doucement la femme par les épaules) Allons donc voir ces enfants.

Ils marchèrent un moment à l’ombre du bâtiment en carré qui faisait le tour du jardin intérieur. La Grande Sœur descendit les deux marches qui menaient au carré de jeu où courraient et jouaient une trentaine d’enfants. L’un d’entre eux était assis dans le seul arbre du jardin et un autre lisait paisiblement assis sur un banc :

-Et voilà les enfants !

Shion esquissa un sourire amusé lorsque tous les enfants se mirent en rang d’oignons à toute vitesse, certains gloussant presque.

-Les enfants, voici le Señor Shion Atalante.

-Bonjour Señor Shion !!

S’écrièrent les enfants en cœur. Seul Kanon, resté dans son arbre, garda fièrement les lèvres pincées et n’articula pas un mot tandis que Saga baissait les yeux et tentait de cacher ses hématomes avec ses cheveux, rougissant de honte. Shion sourit :

-Bonjour les enfants.

Il haussa vaguement les épaules en passant une main hésitante dans sa nuque :

-Vous pouvez continuer… Vos occupations.

Saga haussa les sourcils et ne put s’empêcher de demander :

-Vous ne… Souhaitez pas adopter, Señor ?

-Saga !

Réprimanda légèrement la Grande Sœur. Mais Shion leva la main en souriant :

-Je vous en prie, laissez.

La femme hésita puis congédia les autres enfants :

-Allez jouer mes petits…

Saga se retrouva seul face au célèbre Señor Atalante… Et il se sentait…
Tout petit.

Il déglutit et Shion s’accroupit :

-Qu’est-ce que tu lis de beau mon grand ?

-C’est… L’histoire d’une…

Mais Saga rit doucement et cacha le livre dans son dos en baissant la tête :

-Pardonnez-moi… Ce n’est pas important…

-Au contraire, cela m’intéresse grandement.

Sourit Shion en penchant légèrement la tête sur le côté. Saga écarquilla les yeux :

-C’est que… Je n’ai pas pour habitude de parler de mes passions avec d’autres…

Le jeune homme haussa légèrement les sourcils puis, un doux sourire sur les lèvres, il tendit la main :

-Tu me montres ?

Saga hésita un instant puis osa tendre son précieux ouvrage au Seigneur qui lui faisait face. Shion attrapa délicatement le bouquin et regarda le titre :

-Ah ! (S’exclama-t-il) C’est un de mes préférés !

-Vraiment ?! (S’exclama Saga en haussant les sourcils) Vous aimez ce genre de lecture ?

-Evidemment : ce sont mes préférés.

Saga cligna des yeux, étonnement surpris : lui qui pensait que les gens de noble naissance n’appréciaient que les gros livres de comptes ou ennuyeux… Il était étonné que le Señor Shion ait une préférence pour les livres d’Histoire, les livres de contes ou mieux encore, les livres qui racontaient des histoires fictionnelles, avec des dragons et de la magie, irréelles mais tellement passionnantes !

Shion lisait le résumé et un léger sourire quelque peu nostalgique étira le coin de ses lèvres :

-Tu en es où ?

-Pardon ?

-Dans le livre ? Que se passe-t-il pour le moment ?

Saga passa une main légèrement honteuse dans sa nuque :

-En fait… Je… J’ai déjà lu le livre en entier.

Shion le regarda avec étonnement :

-Vraiment ?

-Oui… (Souffla Saga en gardant la tête basse) Mais je l’ai tellement aimé que je vais le rendre à la bibliothèque pour le reprendre aussitôt et le relire à nouveau. J’aimerais savoir la suite mais le bibliothécaire ne peut plus se procurer de bouquins pour l’orphelinat… Alors je le relis encore et encore et j’imagine la suite…

Shion regarda longuement ce jeune garçon aux cheveux bleus avec un regard mêlé de respect mais aussi… D’une légère once de pitié.

-Pauvre petit… (Songeait-il avec dépit) Il semble réellement intelligent et il veut apprendre… Mais dans un orphelinat pareil, quelle chance a-t-il de pouvoir dépasser sa condition et apprendre les choses qui le font tellement rêver ? Si seulement il avait la possibilité d’être élevé par quelqu’un qui pourrait l’y aider…

Une légère lueur malicieuse éclaira les yeux mauves du jeune homme et il sourit :

-Si tu veux, (Murmura-t-il) j’ai le tome deux et trois chez moi.

-Et est-ce que ça finit bien ?!

S’enquit Saga, des étoiles plein les yeux. Shion prit une expression mystérieuse et il plissa les yeux sans cesser de sourire :

-Pourquoi ne pas le découvrir par toi-même ?...

Saga cligna des yeux :

-Je… Comment ça ?

Shion lui rendit son livre et lui tendit la main :

-Que dirais-tu que je te ramène avec moi ?

Saga hoqueta et écarquilla les yeux :

-Que je… Moi ?!

Demanda-t-il, la voix rauque. Oh ! Il avait tellement peur de se faire des espoirs vains ! Est-ce que Shion voulait vraiment sous-entendre une éventuelle adoption ou…

Des larmes de bonheur envahirent ses yeux lorsque Shion sourit :

-Evidemment : tout homme rêverait d’avoir un garçon comme toi pour fils. Et comme je suis veuf et que je n’ai pas eu le temps d’avoir d’enfants… (Il posa une main rassurante et apaisante sur le sommet de la tête de Saga) Je serais ravi que tu deviennes mon fils, Saga.

Le jeune garçon sentit son menton trembler et il se mordit la lèvre pour s’empêcher de pleurer de joie et de reconnaissance. Mais deux grosses larmes dévalèrent le long de ses yeux sans qu’il puisse les arrêter et il sourit, hoquetant vaguement :

-Et je… Je serais flatté de le devenir Señor Shion.

Shion prit Saga par les épaules et sourit :

-Alors, allons signer les formalités chez la Grande Sœur.

Tout à son bonheur, Saga faillit en oublier son frère ! Mais il eut soudain un sursaut et il arrêta Shion dans le même mouvement :

-Oh Señor, attendez !

-Que se passe-t-il ?

S’étonna Shion, les sourcils haussés avec surprise. Saga se mordit les yeux et baissa les yeux, faisant des cercles avec son pied :

-C’est que… Je… Ne suis pas seul.

Les sourcils du jeune Seigneur s’arquèrent gracieusement sur son front et Saga souffla :

-J’ai un frère jumeau.

Shion eut un léger mouvement de surprise et, après quelques fragments de secondes, il sourit :

-He bien, présente-le moi donc ! Je ne tiens pas à ramener un inconnu avec nous !

Saga sourit avec reconnaissance et fila vers l’arbre du petit jardin. Vite arrivé, il cria :

-Kanoon !!

-Quoi ?!

Gronda dangereusement son jumeau sans bouger d’un iota. Saga ne pouvait plus arrêter de sourire :

-Descends-vite ! Le Señor Shion nous ramène avec lui ! Il nous adopte Kanon ! Nous ne sommes plus seuls !

-Et si j’ai pas envie ?

Répondit laconiquement Kanon en fronçant les sourcils et en croisant les bras sur son torse avec détermination. Saga fronça les sourcils à son tour : Kanon ne bougerait pas de cet arbre. Il en mettait sa main au feu !

-He bien du descends quand même : ne fais pas attendre le Señor Shion !

-Pff ! Ton « Señor Shion », il a qu’à aller se faire mettre !

Saga rougit furieusement, mi enragé, mi horrifié et mi choqué :

-Rohh ! Kanon ! C’est honteux !

-Que se passe-t-il ?

Demanda doucement Shion en posant une main sur l’épaule de Saga qui sursauta. Rougissant encore plus de peur que le Seigneur aux yeux mauves n’ait entendu les horribles propos de son frère, Saga répondit hâtivement :

-Rien rien ! Il… Mon frère descend tout de suite !

-Faux : je ne bouge pas.

-Kanon !

-Saga !

Le singea-t-il en geignant faussement et en secouant les mains. Saga sentit un léger tic secouer sa joue et il serra le poing :

-Tu me fais honte !

-Pauvre chou !

Shion regarda les enfants tour à tour puis il posa un regard doux mais strict sur Kanon :

-Jeune homme, quel est ton nom ?

-Ca vous regarde ? (Gronda Kanon avec une ironie grinçante)

-Un peu oui, je souhaiterais vous adopter ton frère et toi. Le minimum convenable serait que je connaisse ton prénom.

Reniflant avec dédain, l’enfant aux cheveux azurs cracha :

-Kanon.

-Enchanté Kanon, je suis Shion.

-Et ?

-Et je souhaiterais vous adopter.

-Et vous avez pensé à me demander avant de prendre cette décision ?

Shion fronça légèrement les sourcils :

-Je ne savais pas que tu étais là. Maintenant, si tu ne désires pas nous suivre, rien ne t’y oblige. Surtout pas moi.

Kanon sembla hésiter, surpris par ces paroles assez… Satisfaisantes au fond. Hmpf ! Mince ! Shion lui avait dit ce qu’il voulait entendre trop tôt ! Il aurait préféré qu’il insiste, qu’il s’énerve,… Mais non… Ce Señor Shion semblait être aussi intelligent qu’on le disait…

Il baissa les yeux lorsque Shion prit l’épaule de Saga pour le mener vers le bâtiment principal :

-Allez, adieu Kanon. Prends soin de toi.

Saga jeta un regard perdu et affolé à son frère : il ne voulait pas partir sans lui ! Malgré ce qu’il lui avait dit la veille, Kanon restait son frère, sa moitié. Il avait besoin de lui !
Mais alors qu’il allait arrêter Shion, Kanon daigna enfin les rejoindre. Il se laissa tomber de l’arbre et atterrit sur les pieds, accroupi. Il se leva lentement et posa un regard légèrement hargneux mais surtout interrogatif sur le jeune homme aux cheveux verts qui lui faisait face :

-Pourquoi vous nous adoptez ?

Shion ne sourit pas, gardant une expression désintéressée sur son visage :

-Parce que je veux que vous meniez autre chose qu’une simple vie d’orphelin inculte. Et parce que j’ai toujours aimé les enfants et que je n’ai pas eu le temps d’en avoir avec ma compagne avant son décès. Libre à toi de choisir.

Shion le regarda longuement et Kanon soutint son regard avant de souffler :

-Ca marche. Je vous suis.

***

-Kanon ?

-Zzzz…

Saga déglutit :

-Kanoooooooooon ?!

-Hm… (Protesta vaguement Kanon dans son sommeil)

-Kaaaaanooooooooon ?

-Han ! Mais quoi putain ?!!

-Je… J’ai vu quelqu’un dans ma chambre.

-J’m’en branle.

Gronda Kanon en se retournant lourdement dans son lit. Saga se mordit la lèvre : ils passaient leur première nuit dans leur nouvelle maison et dans leur nouvelles chambres et il fallait avouer que cela lui faisait un peu peur.

Oui oui : nouvelles chambres avec « s » !

Mais un horrible songe avait réveillé Saga en sursaut et, apercevant une ombre démoniaque se dresser au dessus de son lit, l’absence de son frère s’était fait ressentir…
Alors, il venait de pousser la porte de la chambre de Kanon, dans l’espoir d’être rassuré.

En vain…

Saga frissonna et souffla :

-Kanon ?

-Quoi-heu ?!!

S’énerva Kanon sans bouger. L’aîné hésita un instant puis osa murmurer :

-Est-ce que… Je pourrais… Dormir avec toi ce soir ?

-Non : laisse-moi dormir.

-Oh mais… (S’effara le jeune garçon dans l’espoir que Kanon finirait par l’accepter)

-Dégage.

Saga se mordit la lèvre et soupira :

-D’accord…

Il referma la porte sans savoir que, face à la fenêtre, Kanon souriait à s’en faire mal aux joues, un ricanement terrifiant s’échappant de sa bouche…

Saga se recoucha et se roula en boule dans son lit, remontant ses couvertures jusque son menton en tremblotant. Il jeta un coup d’œil à la fenêtre et sursauta lorsqu’une branche d’arbre cogna contre la vitre. Il souffla :

-Ce n’est rien : ce n’était qu’un cauchemar…

Un éclair déchira le ciel et une ombre maléfique surplomba la chambre, un sourire démoniaque sur les lèvres. Saga poussa un petit cri lorsque l’ombre ricana :

-Patience Saga… Je ne t’oublie pas.

Saga ferma les yeux et des larmes de terreur dévalèrent ses joues.

Chapter Text

3 ans plus tard…

-Ce sera tout pour aujourd’hui Saga.

Saga baissa respectueusement la tête et referma soigneusement le livre de Latin que lui prêtait Shion pour ses cours. La leçon était donc terminée et, après deux heures intensives de traduction de textes, il pouvait enfin vaquer à ses occupations favorites : lire calmement un ouvrage d’aventure dans le jardin.
Au soleil et au calme.

Le bonheur total !

Comme il se levait, Shion demanda soudain :

-As-tu une idée de l’endroit ou pourrait se trouver ton frère ?

Le jeune garçon haussa les épaules, penaud : oh il avait bien une idée… Mais il refusait d’avouer à Shion ce que Kanon faisait de ses temps libres… Alors, rougissant très légèrement, il éluda la question :

-Aucune… Désolé Señor…

Shion fronça légèrement les sourcils, soucieux, puis, il sourit :

-Ne t’en fais pas : c’est juste qu’il a raté trois leçons de suite et je commence à m’inquiéter.

Saga soupira :

-Pardonnez-le Señor : il est très… Turbulent.

Comme pour confirmer ses dires, la porte s’ouvrit soudain avec un claquement sec tandis que retentissait un grossier :

-C’est moii !

Saga ferma les yeux et grimaça devant le manque de savoir-vivre de son cadet :

-Kanon…

Soupira-t-il. Il sursauta néanmoins lorsque Kanon posa un baiser bruyant, baveux et terriblement ironique sur sa joue :

-Mon grand-frère adoré que j’aime de tout mon cœur !! Comment vas-tu en cette superbe journée ?!

Saga recula d’un pas et frotta vivement sa joue trempée de bave (beuuuurk !!) avec sa manche et Kanon le désigna du doigt en s’adressant à Shion :

-Il est chou quand il est gêné, hein ?

Saga le fusilla du regard en grommelant :

-Où étais-tu ? Tu as raté le cours. Encore.

Kanon attrapa une pomme dans la corbeille de fruits et se laissa nonchalamment tomber dans un sofa en poussant un soupir :

-Et en quoi est-ce que ça te concerne, Saint Saga ?

Le jeune garçon aux cheveux bleus sentit ses oreilles siffler et il gronda :

-Tu es censé suivre les leçons que le Señor Shion nous offre avec bonté et tu les manques ! C’est honteux et terriblement irrespectueux Kanon !

Le garçon aux yeux azurs mima un bec avec sa main :

-Pouet pouet : si Shion a un problème avec moi, il m’en parlera directement, vu ? J’ai pas besoin que tu interviennes.

Saga serra les poings et Shion le regarda :

-Tu peux disposer Saga : je vais parler avec ton frère.

-Ah ! Tu vois !

Ironisa Kanon en désignant tour à tour Shion et son aîné de la main. Saga grinça des dents et s’inclina légèrement :

-Bien sûr Señor.

Shion lui sourit, mimant une inspiration puis une expiration profonde, lui conseillant silencieusement de se calmer. Saga, complice, répondit par un faible sourire et passa le pas de la porte (que Kanon n’avait évidement pas refermée en entrant… (Désespérant, absolument désespérant…)). Mais comme il l’avait presque refermée, il entendit encore une insupportable remarque de son cadet :

-Bisous frangin !!

Saga frissonna de rage et se força à ne pas se retourner : il risquait d’envoyer son bouquin au visage de cet infect cafard et c’était lui qui risquait de se faire enguirlander ! Très peu pour lui !
Ce serait donner la victoire à ce démon !

Et c’était absolument hors de question ! Il ne lui ferait pas cet honneur ! Oh que non !

Saga se dirigea à pas lourds et énervés vers le jardin, les dents serrées et les sourcils froncés.

S’asseyant sur un banc de marbre à l’ombre d’un grand saule et juste en face d’une petit fontaine, il poussa un soupir d’aise et ferma les yeux en levant la tête vers le ciel : lui qui travaillait tant avait la récompense qui rendait ses heures de travail si gratifiantes…
Le motivant à toujours travailler plus !

Pour avoir plus de ces moments privilégiés et pour obtenir la fierté de Shion, qu’il savait néanmoins acquise depuis longtemps… Néanmoins, il continuait de travailler : c’était sa manière de remercier son père adoptif de sa bonté quotidienne. Et il savait pertinemment que Shion le remarquait et lui en était reconnaissant mais surtout très fier.

Et c’était sans aucun doute sa plus belle récompense.

Mais Kanon ne cessait de réduire tous ses efforts à néant ! Et ça avait le don de le mettre hors de lui !!

Il souffla profondément et ouvrit son livre avec délectation : le héros se trouvait en situation désespérée et il était impatient de connaître la suite de ses aventures !

Plongé dans sa lecture, Saga ne se rendit pas compte qu’il avait lu presque la moitié du bouquin en moins d’une heure. Il arriva plus vite qu’il ne le crut possible aux derniers chapitres ! Là où le héros allait affronter le démon, méchant de l’histoire !

Comme il finissait la page de gauche, il se perdit dans la contemplation de l’image qui couvrait la page de droite : le héros se trouvait là, armé de son épée, faisant face à une gigantesque ombre démoniaque au sourire et aux yeux rouges sang.
Le démon Loki.

Saga voulait savoir la suite de l’histoire mais il ne pouvait détacher ses yeux du démon. Un démon qui lui rappelait étrangement l’ombre qui hantait ses cauchemars et ce, depuis qu’il avait été adopté…
L’ombre qui le terrorisait et le faisait se réveiller en sueur, avec l’horrible sensation d’étouffement qui s’ensuivait.

Perdu dans l’image, il vit soudain l’ombre articuler :

-Saga… Saga…

Le jeune garçon cligna des yeux puis plissa les yeux et se pencha légèrement en avant :

-Mais qu’est-ce que…

Le démon esquissa un horrible sourire :

-Je te vois. Et je ne t’oublie pas.

Saga poussa un cri horrifié et jeta le livre au loin, s’éloignant autant que possible de cette illusion diabolique… Néanmoins, un sentiment de pitié pour ce pauvre bouquin, éventré dans les graviers et dans le sable, le fit se rapprocher prudemment. Il se pencha et ramassa à demi le livre avant de soupirer et de…

Loki avait disparu.

Seul demeurait le chevalier.
Seul face à un mur.

Saga sentit un filet de sueur froide glisser le long de son dos et il pâlit lorsqu’un souffle ardent lui chatouilla la nuque :

-Je suis là…

Saga frémit et se redressa vivement, les yeux fermés, fouettant l’air avec son livre :

-Laissez-moi !!

Il y eut un ricanement suivit d’un souffle glacial et Saga osa ouvrir les yeux : il était seul.
Il jeta un œil à l’illustration et écarquilla les yeux :

L’ombre avait rejoint le chevalier.
Était devenue le chevalier.

Et menaçait le roi de son épée avec un grand sourire…

Saga referma violemment le livre en haletant : il fallait qu’il en parle à quelqu’un ! Cela devenait trop grave ! Mais il ne pouvait pas raconter à Shion qu’il voyait des choses anormales ! Non !
Saga hésita puis leva la tête vers les appartements Est.
Ceux de Kanon…

$s$s$s$

Saga poussa brutalement la porte de la chambre de son frère, haletant d’avoir couru du jardin jusqu’au dernier étage :

-Kanon !

Il s’arrêta sur le pas de la porte et se sentit rougir jusqu’à la racine des cheveux : assis sur son lit, chemise ouverte, Kanon ne l’avait pas entendu arriver. Du moins pas encore…
Perdu dans la découverte du corps d’une superbe jeune fille brune à moitié nue assise sur ses genoux, les lèvres collées aux siennes.

Saga frissonna et se retourna vivement en balbutiant, horriblement gêné :

-Pardon Madame ! Je ne voulais pas vous…

-Hééé ! Saganounet ! (S’écria soudain Kanon, le souffle court) On t’a jamais appris à frapper aux portes avant d’entrer comme un malpropre ?!

Saga rougit encore plus lorsque la jeune fille poussa un petit rire et il bégaya :

-Je… Je suis… Je voulais te parler.

-Et bien ça attendra ! Célia n’est à moi que pour deux heures alors j’ai pas de temps à te consacrer !

Puis il pressa ses lèvres contre celles de la fille, caressant son dos et la serrant contre lui. Saga était mort de honte : évidement… C’étaient là les activités de Kanon lorsqu’il ne suivait pas les leçons…
Il allait au bordel…

Evidement.

-C’est urgent.

Tenta-t-il néanmoins. Il y eut un léger bruit de suçon qui fit trembler Saga de dégout puis, Kanon ricana :

-Bah t’as qu’à participer alors, ça passera plus vite !

-Comment ?!!

S’écria Saga en se retournant malgré lui, le rouge aux joues. La fille lui sourit et il empêcha ses yeux de glisser vers sa gorge nue, concentrant son regard furieux sur son cadet. Kanon haussa les épaules :

-Ben quoi : t’as jamais été tenté par les trucs à trois ?

-Rohhh !!!

S’horrifia Saga en esquissant une moue absolument dégoutée. Kanon éclata de rire et il poussa gentiment la fille vers lui :

-Va donc convaincre mon petit frère, beauté fatale.

La fille sourit et se leva avant de s’avancer d’une allure féline et souple vers lui, se déhanchant autant que possible :

-Allons Señor… Venez vous faire plaisir…

-Je… (Balbutia Saga en détournant pudiquement les yeux) Mais non enfin !

-Allons… (Minauda la fille en passant un doigt lascif sur sa joue) Vous allez me rendre triste …

Elle ôta lentement le premier bouton de chemise de Saga mais il se reprit et, rouge comme une demi-douzaine de pivoines, il recula vivement vers la porte :

-Non ! Non, je refuse !

La fille fit la moue et, comme elle faisait mine de faire un pas en avant pour le retenir, Saga frissonna de dégout et s’enfuit en courant vers ses appartements, mort de honte !

Kanon éclata de rire devant la gêne de son aîné et se laissa tomber sur son lit, pressant ses côtes de ses bras :

-Hahaha !! Mais quel couillon ! Quel couillon, quel couillon ! J’en reviens pas !

La fille hésita un instant puis Kanon ronronna :

-Et si on reprenait là où il nous avait interrompus ?...

Elle sourit, passant une langue provocatrice sur ses lèvres. Elle fit un pas vers lui mais il l’arrêta :

-Mais cette fois-ci : ferme quand même la porte, on ne sait jamais qu’il change d’avis !

La fille haussa les sourcils puis obtempéra et Kanon sourit en tapotant le lit à côté de lui. La jeune fille s’approcha lentement et demanda :

-Pourquoi lui demande de participer si c’est pour l’empêcher de revenir ?

Kanon ricana :

-De un : il ne participe pas aux frais.

La fille poussa un petit gloussement amusé et elle s’assit à califourchon sur lui. Kanon lui jeta un regard de prédateur puis continua :

-Et de deux : je m’autorise à te faire un tas de choses ; je t’autorise à me faire un tas de choses mais lui, je l’autorise juste à rien du tout !

La jeune fille sourit et se pencha en avant, son souffle caressant le visage du jeune garçon :

-Tes désirs sont des ordres…

Kanon sourit et les lèvres de la fille se posèrent sur les siennes…
Le garçon aux cheveux azurs ferma les yeux et poussa un soupir d’aise, tout souci oublié…

Au diable ce gêneur de Saga…
Il avait mieux à faire pour l’instant.

$s$s$s$

Saga faisait les cent pas dans sa chambre en se rongeant les ongles, ses joues reprenant peu à peu une couleur normale : il pensait pouvoir faire confiance à Kanon mais non ! Hors de question de raconter son problème à un grand gamin de 17 ans qui côtoyait des… Des… Des filles de joies toutes les semaines !

Saga s’assit sur son lit et leva la tête en soupirant : il était seul.
Seul face à cette ombre qui le tourmentait.
Seul face à l’Autre.

Et il n’était pas sûr d’être assez fort pour lui résister encore longtemps…

Chapter Text

-Encore en train de potasser ?

Grinça Kanon en s’avançant vers lui, les mains dans les poches. Saga retint un soupir désespéré face au manque de culture et de politesse de son cadet. Il répondit sans lever les yeux de son livre, acerbe :

-Tu devrais en faire autant Kanon : ça te rendrait moins bête et plus évolué.

Il y eut un petit reniflement de la part du plus jeune et Saga poussa un cri de surprise lorsque son livre lui fut littéralement arraché des mains :

-Hé !!

Il aperçut avec horreur le livre que le Señor Shion lui avait prêté dans les mains diaboliques de son cadet.

-Oh non…

Songea-t-il avec horreur : maintenant, Kanon avait un moyen de pression sur lui ! S’il déchirait ne fusse qu’une page, Saga n’était pas sûr de pouvoir se retenir de lui envoyer son poing dans la figure ! Kanon interrompit le fil de ses pensées :

-Gné gné gné !

-Oh ciel, comme c’est mature…

Pensa Saga avec dépit et en s’empêchant de lever les yeux au ciel :

-Toujours en train de me faire la morale ! Tu n’es pas mon père pigé ?

-Et heureusement.

Ne put-il s’empêcher de souffler avec mépris. Mais Kanon, horriblement susceptible, gronda, menaçant :

-Qu’est-ce que tu insinues ?!

Saga soupira et tendit la main :

-Ne fais pas l’enfant tu veux ! Rends-moi ce bouquin et va étudier, c’est ce que tu as de mieux à faire.

Kanon ricana et tendit le bras au dessus de l’eau :

-Viens le chercher alors.

Saga pâlit et écarquilla de grands yeux horrifiés :

-Non : arrête…

Souffla-t-il sans oser bouger. Oh non ! Oh non ! S’il fait ça… Shion ne me le pardonnera jamais !

Son cadet ôta deux doigts de la reliure de cuir sans le quitter des yeux :

-Oups ! (Rit-il) Je pense qu’il commence à me glisser des doigts…

Saga se leva lentement, très lentement pour ne pas que Kanon lâche le livre uniquement dans le but de le faire se sentir coupable :

-Non ! Ne fais pas ça Kanon. Je t’en prie.

Ce livre était l’un des préférés de Shion et il lui faisait l’honneur de lui prêter ! Si Kanon le lâchait…
Saga frissonna : il n’osait pas imaginer l’état du livre mais surtout la mine déconfite de Shion lorsqu’il lui présenterait avec honte son précieux bouquin. Mais Shion se forcerait à sourire et dirait que ce n’est rien de mal… Que ce n’est pas grave…

Mais il serait déchiré par cet accident ! Saga le savait !

Kanon esquissa un horrible sourire :

-Pour toi ce sera « Je t’en supplie »

Saga fronça gravement les sourcils et tendit une main impatiente :

-Arrête de faire l’enfant ! (S’énerva-t-il) Tu es un adulte à présent alors arrête de te comporter comme un sale gosse pourri gâté ! Rends-moi ce livre: il n’est même pas à moi !

Kanon pouffa d’abord puis, ne pouvant se retenir, éclata d’un rire diabolique :

-Sans blague ?! Tu aurais volé un livre du vieux Shion ?

-C’est faux ! (S’écria Saga en serrant les poings) Il me l’a prêté ! Et je t’interdis de parler du Señor Shion comme ça !

Kanon se pencha en avant et ôta un autre doigt de l’objet tant convoité, faisant frémir Saga d’horreur :

-Je parle de lui comme je veux. Tu l’as dit toi-même frangin : je suis un adulte et j’ai le droit de faire et de dire ce que je veux !

-Arrête Kanon.

Souffla Saga, las du comportement puéril de son cadet. Mais soudain, Kanon prononça les mots les plus horribles qu’il avait jamais entendu :

-Et laisses moi te dire que j’en ai plus qu’assez de l’autre schnoll! On ferait mieux de s’en débarrasser et de garder son héritage pour nous...

Saga ouvrit de grands yeux estomaqués et hoqueta, sous le choc :

-Que… Quoi ?!

Est-ce que Kanon parlait de… De tuer Shion ? Leur bienfaiteur, leur père !
Non ! C’était impossible ! Il savait que Kanon avait un sérieux problème mental mais à ce point, c’était impossible !

Mais la réalité le heurta de plein fouet : son frère lui parlait d’assassiner Shion et ça pour… Avoir l’héritage ?! C’était honteux !
Pourtant, alors que cette idée le répugnait au plus haut des poings, il sentit… Quelque chose remuer dans ses entrailles. Quelque chose qui semblait…

Se réveiller.

Saga se gifla mentalement et leva le poing :

-Comment oses-tu dire une chose pareille ?!!

Kanon s’écroula sur le sable et lâcha le livre qui atterrit directement dans la fontaine. Les poings serrés à s’en blanchir les jointures, Saga n’essaya même pas d’aller le récupérer : il était horrifié par les paroles de son cadet :

-Je ne pourrais jamais te pardonner d’avoir dit une horreur pareille ! Malgré le fait que tu sois mon frère, tu entends ?! Tu me dégoûte Kanon ! Comment peux-tu seulement avoir des pensées aussi tordues ?!

Le jeune garçon aux cheveux azurs ricana, provoquant un nouveau remuement dans le ventre de Saga, et se releva lentement :

-Allons Saga, cesse de jouer les vertueux : je peux t’aider à l’éliminer, je veux même bien faire le sale boulot... Personne n’en saura rien et nous serons les seuls maîtres de cette maison.

Une sorte de torpeur malsaine envahit l’esprit de Saga. Et une voix sourde lui susurra à l’oreille :

-Oui… Tuons-le… Tu sais que tu en meurs d’envie Saga…

Le jeune garçon ferma les yeux, frissonna puis empoigna violement son frère par le col pour lui cracher au visage :

-Imbécile ! Es-tu devenu complètement fou ! Il nous a recueilli et élevé et toi tu parles de l’assassiner ?! Comment oses-tu me parler de le trahir ?!

Kanon referma sa main sur celle de son frère, l’obligeant à le lâcher. Saga grinça des dents et le jeune homme aux cheveux azurs ricana :

-Allons « grand frère », sois honnête avec toi-même…

-Quoi ?!

Feula Saga en grimaçant de rage. De nouveau, le murmure reprit :

-Ne lutte plus Saga… C’est inutile…

Il dut résister à l’envie de se boucher les oreilles mais Kanon se détourna en soupirant et il tendit l’oreille malgré lui, sourd aux commentaires de la voix qui lui susurrait ces horribles paroles :

-Ah Saga… Depuis ta plus tendre enfance, tu n’as cessé de vouloir protéger la veuve et l’orphelin et tu continues de le faire même adulte. Tu as la réputation d’être juste et bon. Tout le monde t’admire et te respecte.    Bien que nous soyons jumeaux, nous sommes comme l’ange et le démon, le jour et la nuit. Mais inutile de mentir : tu ne peux rien me cacher. Je sais très bien qu’au fond tu es comme moi et qu’un démon sommeille dans ton cœur. Un démon qui ne demande qu’à se réveiller.

Saga fit un pas en avant :

-Qu’est-ce que tu dis ?

-La face cachée de la lune frangin…

La chose en Saga enfla soudain, au point de fuser jusqu’à son cerveau. Ce fut comme un électrochoc et, ne pouvant résister, Saga, en tremblant, hurla en frappant du poing, violemment :

-Tais-toi !

Il frappa de nouveau, malgré le fait que Kanon soit à terre et il rugit :

-Je ne veux plus entendre un seul mot ! Plus un seul tu entends ?!

Une mèche grise apparut dans les cheveux clairs de Saga et… Tout devint soudain…
Lointain…

Saga avait l’impression de regarder le monde à travers une baie vitrée. Il ne contrôlait plus rien. Il ne put rien faire lorsque son bras bougea contre sa volonté pour frapper directement Kanon au ventre.
Si fort qu’il en eut mal lui-même !

Kanon, affalé sur le sable, trouva la force de ricaner :

-Héhé… Tu vois, tu te laisses emporter par la haine… Ce que tu refuses d’admettre… Je le lis en toi comme un livre ouvert Saga… C’est ta véritable nature…

Saga se força à fermer les yeux et, lorsqu’il les rouvrit, il eut l’impression de retrouver l’air après une heure d’apnée. La voix souffla :

-Il sait ! Il sait !

-Oui… Il sait…

Souffla Saga, les yeux exorbités. La voix continua :

-Il doit disparaître ! Personne ne doit savoir, tu comprends Saga ? Personne !

-Personne…

-Pas même lui. Il doit mourir.

Un sourire mauvais étira les lèvres de Saga mais il frissonna et se reprit. Il avait l’impression d’avoir eu un moment d’absence mais… Il savait quoi faire. Haletant, il feula, le souffle court :

-Je ne peux plus faire comme si de rien était… Je ne peux plus te protéger Kanon, tu comprends cela ?! Un démon comme toi… Ne peut pas rester une minute de plus dans cette maison ! Ta présence nous met tous en danger ! Puisqu’il en est ainsi, je vais t’enfermer moi-même !

Il attrapa son frère par les épaules et le traina à côté de lui :

-Je ne voulais pas en arriver là mais tu ne me laisses pas le choix.

Kanon pouffa :

-Arrête de te mentir Saga… Je sais que… Tu en mourrais d’envie…

Saga esquissa un terrible sourire qui provoqua un frisson de terreur à son cadet :

-Comme tu nous connais bien Kanon…

-Saga ? (Balbutia le plus jeune, étonné du vocabulaire usé par son aîné)

-Tu devrais te réjouir, tu as enfin une raison de nous détester (Son sourire s’aggrandit) Tu vas voir : tu vas te plaire au Cap Sounion…

Kanon pâlit et se débattit légèrement :

-Non ! Pas ça !

-Oh que si !

Kanon poussa un petit cri horrifié lorsque son frère éclata d’un rire mauvais et qu’il darda deux yeux de braise sur lui…

$s$s$s$

Saga contemplait avec indifférence l’eau grimper dans la cellule, l’air absent. Les cris de Kanon lui parvenaient à peine, couverts par les hurlements du vent et par le bruit furieux des vagues s’écrasant sur la falaise :

-Relâche-moi !! Saga !!! Relâche-moi immédiatement tu entends !! Tu as l’intention de tuer ton propre frère ?!! Hein ?!! C’est ce que tu as toujours voulu n’est-ce pas ?!! Avoue-le au moins ?!!

Saga déglutit : il n’avait pas souvenir d’avoir marché jusqu’ici… Aucun souvenir…
Le dernier étant cette voix qui lui soufflait de tuer Kanon. Pour qu’il ne sache rien.
Mais… Pour qu’il ne sache pas quoi ?!

Il cria à l’adresse de son cadet, ne sachant pas si ce qu’il faisait était juste ou non :

-Kanon ! Bien que tu soie mon frère, tu ne sortiras jamais de cette prison ! Tu resteras enfermé ici jusqu’à ce que le démon de ton cœur disparaisse et jusqu’à ce que j’ai pu te pardonner. Et je ne sais pas si j’en serais capable un jour… Adieu.

Comme Saga se détournait, la mort dans l’âme, Kanon le rappela :

-Le même sang coule dans nos veines frangin ! Si je suis un démon, alors toi Saga, tu ne dois pas en être loin non plus ! Tu refuses de l’admettre mais un jour, tu finiras par succomber ! Même dans la mort je te poursuivrais Saga ! Je te tourmenterais jusqu’à te rendre fou ! Tu ne le sais pas encore mais un jour, ta vraie nature se réveillera et tout le monde saura qui tu es réellement! Le mal t’appelle Saga ! Tu ne peux pas y échapper !

Saga grogna et se retourna vivement, les poings serrés :

-Vas-tu te taire, maudit ?!

Ses cheveux se hérissèrent et devinrent entièrement gris tandis ses yeux viraient au rouge sang et Saga se sentit aspiré à l’intérieur de son propre corps ! Il voulut se débattre, mais comment résister lorsqu’on n’est qu’une âme sans enveloppe charnelle ?!

L’Autre inspira profondément et souffla, un grand sourire sur les lèvres :

-Enfin…

-Abruti de Saga !! (Hurla soudain Kanon) Je te tuerai de mes mains !! Je te le jure !! Et je reprendrai la place qui m’est due !! Alors quand ce moment viendra : j’espère que tu ne m’en voudras pas !

L’Autre ne le regarda même pas. Levant les mains au niveau de son visage, il sourit en apercevant avec joie une peau lisse et nette, pas de rides ni de blessures.
Il s’était incarné dans le corps d’un jeune garçon en pleine force de l’âge.

-Parfait…

Souffla-t-il, un large sourire inhumain sur les lèvres. Il posa un regard amusé sur l’humain qui se débattait en riant contre la marée et il s’en détourna. Appréciant de nouveau d’avoir en sa possession un vrai corps fonctionnel, l’Autre se mit à rire. Mais soudain, son hôte sembla lutter et le repoussa. Poussant un grognement frustré, l’Autre laissa la place à Saga.

Le jeune garçon recula de plusieurs pas et portant la main à son cœur en haletant :

-Qu’est-ce qui…

-Tu m’as chassé ! Voilà ce qui est arrivé, grossier personnage !

S’entendit-il se répondre avec ébahissement ! Il se retourna et souffla :

-Que ?!

-C’est moi qui te parles, idiot !

Articula-t-il encore contre son gré. Saga se prit la tête entre les mains et se laissa tomber à genoux en haletant, terriblement nauséeux :

-Qui êtes-vous ? (Souffla-t-il en tremblant) Et que me voulez-vous ?

-Je suis toi Saga, la partie sombre de toi-même.

-C’est impossible…

-Et pourtant je suis là, bien vivant ! Ouvre les yeux Saga !

Il frissonna et se recroquevilla sur lui-même, terrorisé :

-Tu n’as pas besoin d’avoir peur : je ne te veux pas de mal.

-Que voulez-vous de moi ?

-Juste la garantie de pouvoir utiliser ton corps de temps en temps : tu n’imagine pas comme voir le monde en étant uniquement spectateur est ennuyeux !

Saga ouvrit les yeux et s’humecta les lèvres :

-Vous voulez… Juste ça ?

-Juste ça.

-Promis ?

-Juré.

Saga hésita un instant puis souffla :

-Est-ce que je deviens fou ?

L’Autre sembla hésiter :

-Ca dépend pour quoi.

-C'est-à-dire ?

S’inquiéta le jeune garçon, le cœur battant. L’Autre rit doucement :

-S’il te venait à l’idée de me trahir ou de mettre quelqu’un au courant de mon existence, alors oui, tu serais complètement fou !

Saga déglutit gravement et se releva :

-Je ne dirai rien : je vous le jure.

Il ne se voyait pas mais néanmoins, il sentit ses lèvres s’étirer en un sourire :

-Je compte sur toi.

Puis, il eut l’impression qu’un souffle de vent lui fouettait le visage et la présence de l’Autre s’évanouit.

$s$s$s$

Saga ne sut même pas comment il put rentrer à la maison Atalante sans s’effondrer tant il se sentait dévasté et effrayé : de un, une voix, un autre lui, lui parlait et lui demandait de pouvoir prendre possession de son corps et de deux… Il avait… Saga posa sa main sur la poignée de sa chambre et se mordit la lèvre : il avait…

-Saga !

Le jeune garçon écarquilla les yeux et se retourna lentement, le visage à moitié dissimulé derrière une mèche de cheveux :

-Señor Shion…

L’homme aux cheveux verts trottinait vers lui, sa longue toge bleue marine bruissant derrière lui. Un air terriblement inquiet sur le visage, Shion arriva à son niveau :

-Par les Dieux ! Mais où étiez-vous donc passé ?! Je vous cherché partout !

S’écria-t-il en serrant vivement son fils adoptif contre lui. Saga sentit sa gorge se serrer et il ferma les yeux en balbutiant :

-J’étais… Je…

-Bah ! Aucune importance : tu vas bien, c’est le principal.

Sourit Shion, rassuré. Passant une main apaisante dans les cheveux de Saga, il releva soudain la tête :

-Où est ton frère ?

Saga se mordit la lèvre et baissa la tête :

-Il… Je l’ai…

Mais il ferma les yeux et se mit à trembler : non ! Il ne pouvait pas dire à Shion ce qu’il avait fait ! Il resserra ses bras sur lui-même et se recula de Shion en tremblant :

-Saga ?

S’interrogea l’homme aux yeux améthystes, étonné par le comportement du jeune garçon

-Je suis un monstre…

-Mais… Qu’est-ce que tu dis enfin ! Tu es le meilleur fils que pourrais rêver avoir !

-J’ai fait… Quelque chose d’horrible…

Shion pâlit :

-Que veux-tu dire ?

Une mèche grise parsema la longue chevelure du garçon qui releva un visage ruisselant de larmes vers lui :

-Je l’ai tué !!

Il tomba à genoux et se prit la tête entre les mains, sanglotant et hurlant à la foi :

-Je l’ai tué parce que je voulais vous protéger ! Mais… Mais je… (Haleta-t-il) J’ai tué mon propre frère !

Il se mit à pleurer, les épaules secouées de lourds sanglots véritables :

-Je suis tellement désolé, Señor Shion ! Je suis un monstre !

Saga se sentait sale : malgré leurs disputes et leurs différents, il aimait son frère et le fait d’avoir fait une chose aussi terrible le remplissait d’effroi et de dégoût. Il avait l’impression qu’on lui avait arraché une partie de lui-même :

-Mais je n’avais pas le choix ! Il parlait de… De vous assassiner et je ne pouvais pas fermer les yeux sur cet acte ! Mais je… Je…

Saga sursauta et rouvrit les yeux lorsque, dans un bruissement, Shion s’assit à ses côtés et le serra contre lui en soufflant :

-Tout va bien Saga. Tout va bien. Je suis là… Je suis là…

Saga étouffa un sanglot mais serra la toge dans Shion dans ses mains, crispant ses doigts autour du tissu sombre avec l’énergie du désespoir :

-Je l’aimais vraiment… Mais je ne pouvais pas le laisser faire… Alors je l’ai enfermé au Cap Sounion.

Saga sentit le corps de Shion se tendre à ses côtés et il ferma les yeux :

-Je suis tellement…

-Pardonne-moi Saga.

-Shion posa un regard grave sur lui et Saga fut surpris de voir deux larmes rouler sur ses joues :

-Je suis votre père et je n’ai pas été à la hauteur… Je suis désolé.

Shion esquissa un sourire terriblement triste et posa ses lèvres sur le sommet de la tête de Saga :

-Je suis désolé…

Répéta-t-il encore. Saga ferma les yeux et éclata en lourds sanglots : Là était toute la gentillesse et l’abnégation de Shion… Il n’avait pas demandé de détails, il n’avait pas crié, il ne s’était pas emporté, il n’avait pas posé de questions…

Il s’excusait et prenait toute la faute sur lui, espérant soulager son fils adoptif du poids qui l’oppressait.

Mais il ne pouvait savoir que ce poids était bien loin de disparaître…

Chapter Text

Shion organisa un enterrement pour Kanon le lendemain, sachant pertinemment que Saga était dévasté et avait besoin d’un semblant d’apaisement et de reconnaissance… Le meilleur moyen était là…

Il faisait lourd et orageux. Agenouillés face à une pierre érigée près des arbres fruitiers, Saga et son père adoptif, au premier rang, ainsi que les domestiques priaient silencieusement en la mémoire du jeune garçon, espérant que son âme puisse rejoindre le paradis avec cette humble cérémonie.

Saga n’essayait pas de cacher ses larmes. Elles roulaient sur ses joues, silencieusement mais lourdement, le nœud dans sa gorge ne parvenant pas à se dissiper… Shion releva la tête et souffla :

-Amen…

Même quand tous eurent répété ce mot, Saga murmura encore :

-Amen…

Les domestiques se relevèrent et Saga et Shion se retrouvèrent seuls face à la pierre grise. Le jeune garçon gardait les mains jointes et murmurait d’insondables mots que lui seul pouvait entendre. Shion posa une main sur son épaule et chuchota :

-Tu as fait le bon choix Saga… Même si c’était le plus dur…

Saga hésita puis essuya ses joues humides avec le revers de sa manche :

-Je ne sais pas… J’aurais dû venir vous en parler avant de faire une chose aussi horrible…

Shion pressa l’épaule de son fils adoptif et soupira longuement, hésitant sur les paroles à prononcer pour ne pas blesser Saga plus qu’il ne l’était déjà :

-Je n’aurais rien pu faire tu sais : il avait des idées tellement étranges et effrayantes en tête que j’aurais été bien incapable de les lui ôter du crâne ! Tu as fait ce qu’il fallait faire.

Saga ne répondit rien, reniflant une ou deux fois. Alors, Shion déglutit et s’agenouilla de nouveau au côté de lui :

-Parle-moi, Saga : dis-moi ce que tu as sur le cœur…

-Ce que j’ai sur le cœur ? (Ricana Saga doucement, le visage caché par une mèche bleue) Vous voulez dire : la mort de mon frère jumeau ? La trahison que je lui ai faite ? La condamnation la plus horrible jamais faite ? Avez-vous un frère Señor ?

-Je… (Commença vainement Shion)

-Vous ne pouvez pas savoir ce que je ressens (le coupa Saga en secouant la tête) : je le haïssais mais il restait mon frère. Et un jumeau c’est encore plus proche qu’un simple lien de parenté. Il était une part de moi et en le tuant, c’est comme si je venais de me tuer moi-même ! Comme si je m’étais arraché une partie de moi-même !

Termina-t-il en se prenant la tête entre les mains. Il frissonna puis se redressa à demi :

-J’ai l’impression que je me suis arraché le cœur… Et qu’on me le ressert sur un plateau d’argent pour le dîner…

Gronda-t-il en posant son front contre la pierre glacée. Shion resta silencieux un long moment, horrifié de voir à quel point Saga sombrait dans le désespoir, le regret, les remords mais surtout,… Une espèce de folie qui s’emparait de son esprit depuis quelques jours…
Et qui l’inquiétait au plus haut des points.

Le jeune homme aux yeux améthystes se mordilla la lèvre et murmura :

-Pardonne-moi Saga : je n’ai pas été à la hauteur de mon rôle et c’est de ma faute si… C’est arrivé.

-Non : tout est de ma faute. Et de la sienne.

Shion se mordit la langue mais la question qui lui trottait en tête depuis la veille sortit avant qu’il n’ait pu la retenir :

-Que t’avait-il dit ?

Saga serra les dents et souffla :

-Il… M’a proposé de… (Il déglutit) De vous tuer. Pour avoir votre héritage.

Shion ne réagit pas, du moins, pas physiquement. Intérieurement, il était estomaqué : comment Kanon pouvait-il avoir dit une chose pareille ?! D’où lui venait donc cette idée ? Le jeune homme aux cheveux verts fronça les sourcils : qu’avait-il donc si mal fait pour que Kanon arrive à imaginer un tel scénario ?

-Je ne pouvais pas me permettre de faire comme si de rien était : il était hors de question qu’il reste ici. C’était beaucoup trop dangereux…

Shion était perdu dans ses pensées : il n’avait jamais été d’une dureté et d’une exigence rare avec Kanon. Au contraire, il était extrêmement compréhensif, voire laxiste avec lui ! Il ne lui avait fait des réprimandes que lorsque c’était nécessaire, ne s’autorisant pas à le punir plus qu’il ne le fallait.
Mais alors, pourquoi ?!

-Je… Comprends…

Souffla Shion, pâle comme un linge. Saga se leva et essuya ses yeux du revers du bras :

-Non. Vous ne pourrez jamais comprendre…

Il souffla et se détourna, passant à côté de son père adoptif pour rejoindre sa chambre mais il s’arrêta soudain. Se tournant à peine, il demanda :

-Qu’avez-vous enterré ?

-Pardon ?

S’étrangla Shion en se retournant vivement vers le jeune garçon aux longs cheveux bleus :

-Il sait… Il est au courant… S’horrifia-t-il. Mais il tenta une diversion :

-Le… Le corps de ton frère bien sûr.

Saga poussa une sorte de reniflement :

-Vous me mentez… Hier soir, je suis ressorti alors que vous dormiez et j’ai été voir au Cap Sounion… La cellule était vide. La mer à sans doute emporté son cadavre…

Il leva la tête et rit doucement :

-C’est bizarre… Je suis déçu et heureux à la foi.

-Comment ça ?

S’enquit Shion en fronçant légèrement les sourcils. Saga se retourna et il sourit avec bienveillance :

-Je suis déçu que vous m’aiyez menti… Mais… Ca me réchauffe le cœur que vous ailliez voulu me cacher la vérité et m’épargner cette douleur…

Saga sourit et Shion esquissa un sourire triste :

-Je suis désolé…

-Pas autant que moi.

Et il se détourna, les yeux baissés, la démarche lente. Shion resta encore un moment face à la pierre et souffla :

-Tu lui manques Kanon… Et tu me manques à moi aussi…

Il se détourna et se dirigea à pas lents vers ses appartements, le cœur lourd…

$s$s$s$

L’Autre ne refit plus surface et Saga en oublia même la présence. Il avait fini par se convaincre qu’il avait eu une illusion due à la chaleur et il oublia cet étrange démon qui prétendait être lui.
Persuadé d’avoir rêvé…

Ses nuits se résumaient par des cauchemars. Cauchemars mêlant mort et tristesse.
Des cauchemars où il revoyait son frère.

Parfois, cela commençait comme dans un rêve : Kanon était pareil à celui qu’il était plus jeune, lorsqu’ils s’entendaient encore comme les doigts de la main. Alors, ils riaient ensemble, ils parlaient, complices.
Mais à la fin, c’était toujours le même scénario…

$s$s$s$

-Saga !

Saga cligne des yeux et se retourne lentement :

-Kanon ?...

Des larmes de bonheur et de soulagement envahissent ses yeux lorsqu’il reconnait la silhouette qui lui fait face : cette posture provocante, ces yeux pétillants et rieurs, ces longs cheveux azurs tombant en cascade jusqu’aux genoux, cette tunique bleue, cette allure négligée… Kanon lui adresse un petit signe de la main, un sourire légèrement moqueur sur les lèvres :

-Comment va, frangin ?

-C’est bien toi !

-Je t’ai manqué j’espè-ugh !!

Kanon hoquète bruyamment lorsque Saga se jette comme un boulet de canon (lol !!) dans ses bras et le serre contre lui :

-Oh Kanon ! Tu es vivant ! Merci, merci !

Kanon hésite un instant puis referme ses bras sur son frère en souriant :

-Ouais… On ne se débarrasse pas de moi aussi facilement, que veux-tu.

Saga se met à sangloter :

-Ne dis pas… Des horreurs pareilles !

-Hé ! Mais calme-toi enfin !

Rit Kanon en décollant son frère de lui pour mieux le regarder. Saga sourit, mi riant, mi pleurant :

-Je suis désolé Kanon ! Tellement désolé ! Je ne voulais pas le faire mais… Mais tu disais des choses tellement horribles ! Je t’en supplie : pardonne-moi ! Je t’aime tu sais !

Le sourire de Kanon se fige sur ses lèvres et il fronce soudain les sourcils :

-Je vois… Que tu n’as pas réfléchi à ma proposition…

-Kanon ?

Hoquète Saga en écarquillant des yeux horrifiés. Le dos de son frère s’arque et des épines sortent de sa colonne ainsi que des griffes de ses ongles :

-Tu dis m’aimer, Saga ?

Gronde une voix grave très semblable à celle de Kanon et pourtant tellement différente. Son sourire s’orne de terribles dents pointues et ses yeux deviennent rouge sang :

-Mais qui tue pour montrer son amour si ce n’est un démon !

-Kanon !

Crie Saga en reculant. Il se prend les pieds dans une racine et tombe lourdement sur le dos. La Chose se penche au dessus de lui et sourit jusqu’à ses deux oreilles :

-Qui de nous deux méritait de mourir Saga ? Moi qui avais de mauvaises pensées… Ou bien toi qui commets un fratricide ?

-Non ! Je t’en prie ! Arrête !

Sanglote Saga, horrifié et tétanisé. Il veut se redresser et s’enfuir mais la Chose plante ses griffes dans sa potrine en souriant :

-Je te hanterai jusqu’à ce que tu meures Saga ! Ne l’oublie jamais !

Saga hoquète et pousse un long cri de douleur lorsque la main droite du monstre ressort de sa poitrine pour lui présenter son cœur :

-Vois ! Vois car ceci est la seule vérité !

Saga pousse un hurlement terrifié et des larmes d’horreur dévalent ses joues : son cœur est dans la paume du monstre. Noir et rongé par des vers et toutes sortes de bestioles plus répugnantes les unes que les autres.

Kanon éclate de rire :

-Là est ta vraie nature Saga ! Ne l’oublie jamais !

Saga écarquille les yeux puis, les ténèbres l’engloutissent…

$s$s$s$

-Nooooon !!!

Hurla Saga en se redressant brutalement sur son lit, le corps trempé de sueur et les joues de larmes. Il porta la main à son cœur en haletant et découvrit fébrilement sa poitrine : son corps était intact.
Le jeune garçon poussa un long soupir de soulagement puis, les images de son cauchemar lui revinrent en tête et il se mordit violemment la lèvre, agrippant son cuir chevelu de ses doigts.

-Non, non, non !

Comme son murmure devenait cri, Saga porta sa main à sa bouche et planta ses dents dans sa peau en sanglotant : il ne devait pas alerter Shion. Il devait rester brave et pleurer en silence.
Rester brave…

Saga mordit violemment sa main lorsque le visage de son frère lui revint en tête et du sang roula, gouttant dans son lit et tachant les draps d’une couleur vermeille…
Le jeune garçon ferma les yeux et se recroquevilla sur son lit, enserrant ses jambes de ses bras tremblants : il ne se rendormirait pas cette nuit. Comme la nuit précédente et celles encore avant…

Il devrait de nouveau attendre que le jour se lève et ne chasse les ombres qui l’étouffaient…

Comme chaque nuit depuis la mort de Kanon…
Comme chaque nuit depuis 2 ans…

Saga avait maintenant 20 ans, et cela faisait 2 ans que ses nuits se résumaient en un mot.
Cauchemar…

Chapter Text

2 ans plus tard…

-Je peux m’asseoir ?

Saga releva la tête de son ouvrage et cligna des yeux, légèrement ébloui par la lumière que la fenêtre projetait sur ses yeux fatigués. Le jeune homme qui lui faisait face sourit et désigna le banc en face de lui de la main :

-Puis-je ?

Saga sourit poliment et montra le banc de l’autre côté de la longue table d’un petit mouvement de main :

-Bien sûr.

Le jeune homme sourit, un sourire lumineux et d’une simplicité renversante :

-Merci.

-Je vous en prie.

Souffla Saga en reportant son attention sur son livre : Shion lui avait donné une après-midi de libre, dans l’espoir qu’il profiterait du beau temps mais Saga s’était immédiatement dirigé vers la bibliothèque de la ville. Il y avait là un livre que son père adoptif ne possédait pas : c’était le moment d’en profiter, non ?

-Qu’est-ce que vous lisez de beau ?

Saga releva lentement la tête, un sourcil haussé sur son front :

-Pardon ?

Le jeune homme au sourire chaleureux désigna son livre du menton :

-Que lisez-vous ?

-« Traité de philosophie et de réflexion sur la société »

Répondit laconiquement Saga en baissant de nouveau la tête, bien décidé à faire comprendre à cet individu qu’il désirait lire en paix. Mais il en fallait plus pour décourager le nouveau venu :

-Ca a l’air… Passionnant ?

Se hasarda-t-il en esquissant un demi-sourire sceptique. Saga hocha la tête et tourna la page en répondant par un vague « Hm hm… » : il n’allait pas répondre, oh non ! Il allait lire tranquillement et ne plus se laisser interromp…

-Vous ne préfériez pas lire quelque chose de plus… Vivant ?

Saga sentit un léger frisson irrité lui parcourir l’échine et il grommela poliment :

-Ce genre de lecture est assez vivant pour moi, je vous remercie.

Une moue étonnée se dessina sur le visage légèrement hâlé du jeune homme :

-Vous êtes sérieux ?

-Bien évidemment.

-Parce que si vous cherchez de la grande littérature, j’ai ici quelque chose d’approchant mais de plus divertissant que des « traités de philosophie et de réflexions sur la société ».

Sourit-il en tendant finalement un petit ouvrage à Saga :

-Non merci…

-Allez, j’espère que vous ne vous laissez pas influence par sa taille tout de même !

Saga haussa les sourcils et compara les tailles des livres : un : traité de 400 pages ; deux : pièce de…
80 pages…

Il leva des eux interrogateurs vers le jeune homme aux cheveux chocolats :

-Vous… Vous moquez de moi, n’est ce pas ?

Le jeune homme haussa les sourcils en plissant les yeux, posant un regard malicieux sur lui :

-A votre avis ?

Saga hésita un instant puis sentit ses lèvres s’étirer en un sourire amusé tandis que le jeune homme éclatait de rire :

-Hahaha ! Vous auriez dû voir votre tête quand je vous ai tendu le livre !

Saga pouffa légèrement :

-J’ai eu un instant peur que vous ne soyez simplet.

-Haha ! Et moi, j’ai cru que vous étiez une espèce de « Monsieur-prout-ma-chère » méprisant !

-« Prout-ma-chère » ? (Pouffa Saga en plaquant ses mains sur sa bouche) Qu’est ce que c’est pour une expression ?

-On ne dit pas ça chez vous ?

S’horrifia faussement le jeune homme et Saga rit :

-Pas que je sache !

-Haha !!

-Silence !!!!!!!

Hurla silencieusement (si si, silencieusement !)    le bibliothécaire en écrasant ses mains sur leur table, les faisant sursauter violemment. Saga recula précipitamment vers l’extrémité du banc tandis que le jeune homme aux yeux verts tombait par terre en poussant un cri de surprise :

-Haa !!!

-Il y a des gens qui voudraient bien lire au calme ! Et vous les empêchez de se concentrer !

Saga cligna plusieurs fois des yeux et leva les mains :

-Pardonnez-nous Señor : cela ne se reproduira plus.

-Mais j’y compte bien !

Le bibliothécaire les fusilla du regard et pointa deux doigts accusateurs sur le jeune homme aux courtes boucles brunes avant de s’en aller à reculons…

Saga et le jeune homme se regardèrent puis un grand sourire illumina leurs visages : cela faisait presque 4 ans que Saga n’avait pas souri…

Ils pouffèrent un moment, aussi silencieusement que possible puis, Saga décida de faire le premier pas :

-Je m’appelle Saga.

Sourit-il en tendant la main. Le jeune homme aux yeux verts n’hésita pas une seconde et la serra avec vigueur et chaleur :

-Aioros.

$s$s$s$

Saga et Aioros devinrent inséparables. Ils partageaient tout, aimaient les même choses, riaient des mêmes,… Alors que le mot sourire avait été rayé du vocabulaire du jeune homme aux cheveux bleus.

Saga avait enfin trouvé quelqu’un avec qui s’entendre. Passant le plus clair de son temps avec son meilleur ami, le jeune homme aux cheveux bleus semblait renaître et reprendre vie. Ses joues reprenaient des couleurs, laissant sa pâleur et sa maigreur cadavérique au passé. Il recommençait à sourire, à rire et ses nuits étaient désormais bien plus calmes…

Et Shion était extrêmement reconnaissant envers ce jeune homme aux cheveux bruns et au sourire éclatant. Ainsi, Aioros passait la plupart de son temps avec Saga, restant parfois deux ou trois jours de suite dans la demeure des Atalante…

Grace à Aioros, Saga se sentait renaître et l’Autre semblait avoir disparu définitivement…
Même s’il ne pouvait pas se douter que le monstre en lui restait vigilant et ne faisait que somnoler, attendant patiemment son heure…

$s$s$s$

3 ans plus tard…

-Comment vas-tu Saga ?

Shion et Saga étaient assis à la grande table de la salle à manger et prenaient paisiblement leur petit déjeuner. Aioros était rentré dans leur vie trois ans auparavant et tout allait pour le mieux depuis. Saga sortait, ne passait plus son temps enfermé dans les bibliothèques ou dans ses appartements,…
Tout le bonheur que Shion lui souhaitait se réalisait enfin…

Le jeune homme aux yeux azurs releva la tête de son bol de salade de fruits en souriant :

-Bien merci. Et vous ?

S’enquit-il poliment. Shion sourit :

-Bien, bien…

Saga sourit et avala son morceau de pèche avant de poser sa fourchette sur la table :

-Aioros viendra aujourd’hui vers 15 heures : j’espère que ça ne vous dérange pas.

-Pas le moins du monde ! (Sourit Shion en penchant la tête sur le côté) Il sait parfaitement qu’il peut passer quand il le souhaite !

Saga sourit et ouvrit la bouche pour parler mais il fut interrompu par deux petits coups frappés à la porte. Shion se redressa et fronça légèrement les sourcils avant de dire d’une voix forte :

-Entrez !

La porte s’ouvrit doucement et la silhouette d’une jeune fille aux longs cheveux blonds se faufila silencieusement dans la grande salle :

-Señor Shion, une lettre vient d’arriver pour vous. Elle est urgente.

Expliqua la jeune servante en s’inclinant respectueusement pour tendre un paquet à son Maître. Shion fronça les sourcils et remercia la jeune fille d’un sourire chaleureux :

-Merci Ariane, tu peux disposer.

La jeune fille aux yeux bleus s’inclina encore une fois face à Shion puis face à Saga en soufflant :

-Señor Saga…

Saga fit un petit mouvement de tête et se replongea dans son assiette. Ariane referma la porte derrière elle et Shion ouvrit la lettre : il avait engagé cette jeune servante l’année passée, la jugeant extrêmement qualifiée après ses cinq ans passé au service d’une autre grande maison de la ville, la maison Pisces.
Ayant dû subir les lubies et les caprices du futur jeune Seigneur de la maison, répondant au doux nom d’Aphrodite, Ariane savait faire preuve de patience et d’un calme incommensurable.

Un don que Shion lui reconnaissait et appréciait énormément.

L’homme aux cheveux verts déplia délicatement le papier à lettre jauni et plissa les yeux avant de murmurer :

-Señor Atalante, nous avons la peine et l’extrême regret de vous annoncer…

Shion pâlit soudain et devint littéralement exsangue. Les yeux exorbités sur la lettre qu’il serrait entre ses doigts tremblants, sa lèvre se mit à trembler :

-Non…

-Que se passe-t-il ?

S’inquiéta Saga. Shion ne lui répondit pas, parcourant et re-parcourant la lettre avec des yeux de fou :

-Señor Shion ?

L’homme aux yeux améthyste leva des yeux vides vers lui et lâcha la lettre qui glissa sur le sol avant de plaquer sa main sur sa bouche pour étouffer un sanglot. Saga se leva brutalement et accouru vers son père adoptif :

-Señor ! Que vous arrive-t-il ?!

Shion déglutit bruyamment et se força à respirer profondément avant de répondre :

-C’est… Ma petite sœur…

Saga cligna des yeux : il savait bien que son bienfaiteur était l’aîné d’une famille de trois enfants. Il y avait lui, suivi de sa jeune sœur Yuzuriah et du plus jeune Tokusa.
Le cadet était mort le même jour que les parents de Shion, tombé dans une crevasse alors qu’ils accomplissaient un voyage à travers les montagnes.

Yuzuriah (tout comme Shion avant elle) s’était mariée dès ses 18 ans avec un jeune et humble petit Seigneur du nord de l’Espagne, un certain Yato Unicorn. Maître d’un petit château, c’était plutôt l’argent et la renommée du nom de son épouse qui avaient réellement donné de l’importance à son nom. Il avait d’ailleurs choisi d’abandonner son nom et de prendre celui de sa bien-aimée afin de le transmettre à leurs enfants…

Ils s’aimaient réellement et très vite, Yuzuriah avait donné naissance à leur premier enfant : Mû. Leur garçon avait fait le bonheur de leur maison et, l’accouchement s’étant parfaitement déroulée, lorsque Mû eut 12 ans, il se retrouva grand frère d’un deuxième garçon : Killian, surnommé Kiki.

Yuzuriah avait tout pour être heureuse et Shion en était lui-même heureux : lui qui avait perdu son épouse lorsqu’une épidémie avait touché la ville avant même d’avoir pu donner naissance à un enfant. Le nom et la renommée des Atalante étaient bien loin de s’éteindre !

Mais alors, qu’est-ce qui pouvait rendre Shion si bouleversé ? Un frisson d’horreur parcouru l’échine du jeune homme aux cheveux bleus lorsque son bienfaiteur souffla :

-Elle… Elle se rendait en Irlande avec son époux pour les affaires et... Le bateau à fait naufrage. Ils sont… (Shion serra les dents tellement fort qu’elles grincèrent) Morts.

Saga porta une main horrifiée à sa bouche pour étouffer un cri : c’était horrible ! Comment Shion pouvait-il avoir l’air si inébranlable ?! Un sursaut de lucidité traversa l’esprit du jeune homme et il demanda soudain :

-Et les enfants ?! Que sont-ils devenus ?!

Shion, le visage fermé souffla lentement :

-Ils étaient restés en Espagne… Le testament de ma sœur demande que je m’en occupe jusqu’à leur majorité…

Saga cligna des yeux :

-Elle vous demande donc de…

-Les adopter. Ils arriveront début de la semaine prochaine.

Saga s’empêcha de sourire : deux sentiments contradictoires le torturaient. Un : la joie d’avoir un peu de vie dans le calme de cette si grande maison ; deux : l’idée qu’il y ait Trop de vie dans le calme de cette si grande maison !

Néanmoins, il posa une main apaisante sur l’épaule de son père adoptif :

-Je suis désolé Señor…

L’homme aux cheveux verts inspira profondément :

-Laisse-moi seul, s’il-te-plaît…

Souffla Shion en lui adressant un demi-sourire qui se voulait rassurant et Saga hésita légèrement avant de s’incliner :

-Bien sûr Señor...

Il s’éloigna et referma la porte sur lui après un dernier regard inquiet à son père adoptif. Quand la porte se fut refermée, Shion attendit un instant avant de d’inspirer profondément en tremblant : il n’avait pas tout montré à Saga… Il y avait autre chose…

Le paquet ne contenait pas que la lettre et le testament : au fond du papier brun, se trouvait un long morceau de tissu rouge. Shion attrapa fébrilement l’écharpe de soie et la porta à son visage : l’écharpe de Yuzuriah… Celle que leur mère avait portée avant elle… L’écharpe qui ne la quittait jamais…

Inspirant profondément le parfum de sa mère et celui de sa sœur tant aimée, Shion put enfin laisser libre cours à ses émotions et il éclata en lourds sanglots.

Lorsque ses parents et son frère étaient morts, il avait dû retenir ses larmes pour consoler et calmer celles de sa sœur : c’était son devoir d’aîné que d’être fort et brave. Il avait dû tenir le rôle de patriarche pour les ruines de leur famille… Il avait gardé la tête haute, s’était marié dès ses 18 ans pour permettre un avenir meilleur à sa famille et à sa sœur. Il s’était accroché à sa sœur comme à une bouée de sauvetage : elle était son soleil, sa raison de vivre… Il avait trouvé le meilleur parti possible pour elle, l’avait mariée avec son consentement et même sa bénédiction…

Puis, son soleil était parti vivre dans le nord du pays… Le laissant seul dans le noir…
Mais Rose était là, à ses côtés. Rose avait ramené la lumière qui lui manquait tant… Rose l’avait sauvé.
Rose l’avait aimé de tout son cœur…

Tout comme il l’avait aimé elle.

Ses longs cheveux bruns-roux qui tombaient en cascade sur ses épaules dénudées et dans le bas de son dos, ses grands yeux bleus océan dans lesquels Shion se noyait si souvent, son sourire éclatant, son visage si doux et son rire…

Oui, il l’avait aimé…
Comme un fou…

Jusqu’à ses derniers instants et encore après…
Il se souvenait encore de son sourire alors qu’elle se mourrait dans ses bras. Ses derniers mots étaient des excuses :

-Pardonne-moi...

Et elle était partie…
Shion était de nouveau seul…

Il reporta toute son attention sur sa sœur, veillant à ce qu’elle ne manque de rien, qu’elle soit aussi heureuse que possible. Et alors que tout ce qui l’entourait finissait immanquablement par mourir, il était soulagé de voir que le chemin qu’avait emprunté sa cadette était celui de la vie…

Mais maintenant qu’elle n’était plus… Qu’allait-il donc devenir ? Et comment pourrait-il regarder ses neveux sans sentir les regrets le prendre à la gorge ?

Les regrets de ne pas être passé la voir avant ce désastre...

Plongeant son visage dans l’étoffe de soie, le Seigneur de la dernière lignée des Atalante poussa un cri de désespoir…

Chapter Text

Mû et Kiki arrivèrent le mardi suivant. Shion alla les chercher au port, là où la calèche les avait déposés.

Dès le premier regard, Saga sut qu’il s’entendrait parfaitement avec ses nouveaux frères, particulièrement avec Mû. Ce garçon aux yeux de jade ne s’énervait jamais, était toujours de bonne humeur et transmettait cette joie à son entourage.

D’une intelligence rare, Mû faisait la fierté de son oncle.

Et quelque chose en Saga en était irrité :

-C’est moi qui était là le premier ! (Gronda-t-il un jour dans sa chambre, tournant en rond face au miroir) C’est injuste que Shion le préfère à moi !

-Allons Saga, tu sais bien que personne ne t’aime.

-Quoi ?!

S’énerva le jeune homme aux cheveux bleus en se tournant vers le miroir, un œil ayant viré au rouge. Son reflet aux cheveux gris lui offrit un sourire narquois et provocateur :

-Personne ne t’aime. C’est une évidence.

Saga fronça dangereusement les sourcils :

-Comment oses-tu ?!

-Oh mais assez facilement je dois dire : (se moqua l’Autre en haussant les épaules) je ne dis que la vérité et je dois avouer qu’elle est assez cocasse et ironique !

Saga grinça des dents et se retourna :

-Je te déteste !

-« And so do I » (Répondit l’Autre, philosophe) Tu es moi, Saga, et je suis toi. Or, si tu me déteste, cela veux dire que je te déteste aussi et donc que je me déteste également. Ainsi tu te détestes toi aussi ce qui fait que personne, pas même toi, ne t’aime.

Termina-t-il avec un petit sourire sarcastique et victorieux sur les lèvres. Saga se retourna à demi, un sourcil haussé et la lèvre tordue en une mimique sceptique :

-Quoi ?

-Laisse tomber : tu ne peux comprendre le génie de mon cerveau.

Ironisa l’Autre en admirant ses ongles. Saga esquissa un sourire diabolique :

-Pourtant… Ton cerveau est le mien, non ? Si ton cerveau est un génie, le mien l’est donc aussi. Merci du compliment.

L’Autre mima des applaudissements moqueurs :

-Bravo : l’a fallu le temps mais tu apprends plus vite que je ne le craignais !

Saga haussa les épaules et se renfrogna :

-Ca me dégoûte : même quand il n’étudie pas, il a des meilleurs points que moi. Et il a seulement 19 ans ! (Termina-t-il en se laissant tomber sur son lit, le front soutenu par une main stupéfaite) C’est incroyable !

L’Autre souffla, faisant voler une mèche grise qui lui gâchait la vue avant de s’énerver :

-Arrête un peu de jouer la victime et bats-toi pour montrer à Shion ce que tu vaux vraiment !

Intrigué, Saga se redressa à demi :

-C'est-à-dire ?

-Soyons honnête Saga : nous sommes parfaits.

Le jeune homme haussa les sourcils et esquissa un sourire moqueur :

-Ah bon ? Rien que ça ?

-Je t’assure. Grace à mon aide, nous avons atteint un idéal de perfection tant au niveau de l’intelligence qu’au niveau de la beauté physique ! Regarde-toi enfin ! Regarde-toi et ose me dire que nous ne sommes pas magnifiques !

Termina l’Autre en le désignant de la main. Saga lui jeta un regard sceptique et ricana :

-Et bien, on ne peut pas dire que la modestie soit ton point fort.

-Faux : pourquoi nous mentir Saga : nous sommes parfaits et c’est ainsi ! Les autres n’ont qu’à aller se rhabiller !

Expliqua vaguement l’Autre en secouant la tête. Saga se redressa et jeta un œil hésitant au miroir. Son reflet lui intima de s’approcher :

-Allez ! Viens-donc contempler notre œuvre !

Saga fit quelques pas en avant et, comme il avançait, son reflet souriant fut remplacé par sa véritable image. Un jeune homme d’une grande beauté lui faisait face. De beaux yeux océans légèrement en amande, de longs cheveux bleus aux reflets azurés se coulant gracieusement dans son dos, un visage fin aux traits doux quoique légèrement sévère s’il fronçait les sourcils, des lèvres légèrement pincées, une peau claire et lisse…

Saga sourit vaguement :

-Disons que la tête est acceptable…

Souffla-t-il humblement. L’Autre, dans sa tête, gronda :

-Non mais tu te fous de moi ?! Regarde mieux imbécile !

Saga posa à nouveau les yeux sur son reflet et le détailla : des épaules pas trop larges mais pas trop frêles, des bras légèrement musclés, une chemise cachant un torse à la musculature fine, une carnation toute aussi claire,…

Saga retint un sourire satisfait : il n’allait pas se mentir, il aimait beaucoup ce que son reflet lui dévoilait…
L’Autre le sentit et ricana :

-Et je ne te parle même pas de la taille de ta…

-Je ne tiens pas à savoir, merci.

Le coupa sèchement Saga. L’Autre éclata de rire :

-A toi de voir. Mais avoue quand même que cette perfection n’est pas feinte. Tu es un véritable Dieu sur terre, Saga.

Saga hésita, jetant un regard à son reflet du coin de l’œil :

-Mmmm… Moui… Peut-être…

-Non pas « peut-être » (singea l’Autre) : certainement ! Sois honnête un moment Saga !

Léger silence, rompu par un petit sourire satisfait :

-Tu as raison.

-Comme toujours.

Saga jeta un regard suspicieux à son reflet, redevenu l’Autre :

-Ca, je demande à voir…

-Quand tu veux mon gars.

Deux coups frappés à la porte le firent légèrement sursauter et il frissonna lorsque l’Autre retourna en lui en grommelant :

-Ca a intérêt à être important !

Saga leva une main tremblante à son front et souffla profondément : il avait l’impression d’avoir vécu un espèce de moment d’absence et… Il détestait cette sensation !

Une voix appela à travers la porte :

-Señor Saga ? Vous êtes là ?

Saga inspira profondément, tentant de recouvrer ses esprits, avant de répondre faiblement :

-Je… J’arrive…

Il ouvrit la porte et tomba nez-à-nez avec à Ariane, leur visage séparés par quelques centimètre. Surpris, Saga se recula légèrement :

-Oh ! Ariane !

La jeune fille avait légèrement rougi de la proximité du jeune homme et elle se recula en baissant respectueusement la tête :

-Le Señor Shion vous demande… Pardon pour… Le dérangement.

Et elle s’éloigna calmement, les yeux baissés et les mains croisées devant elle, sur son tablier blanc. Saga la regarda parcourir le couloir en sens inverse, les yeux perdus dans les longs cheveux blonds de la jeune servante. La voix de l’Autre lui susurra soudain à l’oreille, moqueuse :

-Plutôt mignonne la servante…

-Arrête ! (Gronda Saga) Ce n’est qu’une enfant !

-Et alors ? Je te connais mieux que personne, tu sais. Tu ne peux pas me cacher l’attirance que tu ressens pour cette gamine !

Sourit l’Autre et Saga eut l’impression qu’il lui plantait des doigts aussi acérés que des serres dans l’épaule :

-Avec ton rang, ton physique et ton intelligence, elle ne pourrait rien te refuser.

-Suffit ! J’ai l’âge d’être son frère !

-Au risque de me répéter mon cher : et alors ? Tu es son futur maître : ordonne et elle obéira.

Saga referma la porte de ses appartements et feula :

-Et alors je refuse même d’imaginer ce à quoi tu penses. Maintenant, laisse-moi !

L’Autre souffla avec un certain dédain :

-Couillon va.

Puis, sa présence disparut soudain. Saga inspira profondément puis s’appuya un instant sur le mur, une main tremblante soutenant son front. Haletant, il souffla :

-Qu’est-ce que… Qu’est-ce qui s’est passé ?

Il massa un instant ses tempes douloureuses en fermant les yeux. Lorsqu’il les rouvrit, ils avaient tout deux repris leur couleur d’origine :

-J’ai dû prendre un coup de chaud avec le soleil…

Se murmura-t-il à lui-même, pourtant peu convaincu.
Il eut un léger sursaut et il se mit en route vers la grande salle, là où l’attendait sûrement Shion.

$s$s$s$

-Vous m’avez fait demander Señor ?

Shion leva la tête de son livre de comptes et sourit :

-Ah, Saga. Entre je t’en prie : Mû ne va pas tarder.

Le jeune homme aux cheveux bleus cligna des yeux : pourquoi donc Shion convoquait-il Mû en même temps que lui ? Que se passait-il donc ?

Saga hésita donc un instant avant de s’asseoir dans le fauteuil face au bureau de son père adoptif :

-Il ne se passe… Rien de grave j’espère ?

Shion sourit et ôta ses fines lunettes grises de son nez avant de se frotter les yeux :

-Non, non : ne t’en fais pas. C’est par rapport avec ma succession et mon héritage.

Quelque chose en Saga se gorgea de fierté et d’une espèce de joie impossible à réfréner, et tandis qu’un sourire étirait inexorablement ses lèvres, il dut se pincer la jambe pour arrêter, de peur que ce sourire soit mal interprété :

-Oh… Rien de grave alors.

On frappa à la porte et Ariane entra. Elle posa un regard furtif sur Saga et sursauta légèrement avant de baisser les yeux en rougissant à peine lorsqu’elle se rendit compte que le jeune homme la fixait avec insistance. L’air de rien, Saga détailla la jeune fille des yeux : plutôt grande pour son âge, un visage fin et doux, de longs cheveux blonds qui tombaient comme une cascade d’or jusqu’au bas de ses omoplates, de grands yeux brillants d’une couleur indéfinissables…

Saga était estomaqué chaque fois qu’il posait les yeux sur elle : cette jeune fille avait passé 5 ans dans cette maison et à chaque regard, il la trouvait toujours plus belle que la fois précédente.
Belle et désirable.

Lumineuse même…

Il se gifla mentalement et reporta son attention sur le bureau, les sourcils froncés avec détermination : Ariane était encore une enfant ! Comment pouvait-il trouver une enfant attirante ?! Elle n’avait que 19 ans et lui en avait presque 10 de plus ! 27 ans… Déjà…

Tandis qu’il se morigénait mentalement, Ariane annonça calmement :

-Señor Shion, le Señor Mû est là.

-Bien, fais-le entrer Ariane.

Elle s’inclina légèrement et elle sortit, laissant entrer le jeune homme aux cheveux lilas. L’air légèrement surpris de croiser Saga dans la pièce, il haussa les sourcils :

-Que se passe-t-il ? Êtes-vous souffrant ? Ou bien est-ce toi, Saga ?!

S’inquiéta-t-il. Saga sourit devant la tendre inquiétude de son « frère » : Mû était tel son oncle, d’une gentillesse sans pareille, toujours à s’inquiéter du bien des autres avant le sien. Shion le rassura d’un mouvement de main :

-Rien de tout cela, ne t’inquiète de rien. Viens t’asseoir.

Mû obéit et jeta un regard rempli d’interrogations à son aîné. Saga pouvait presque lire « Que se passe-t-il ? » dans les grands yeux de jade du jeune garçon. Il sourit et adressa un clin d’œil à Mû pour le rassurer et Shion croisa calmement les mains sur la table :

-Mes garçons, je vous ai fait demander pour parler d’une chose très importante. En effet, le temps passe et bientôt, Mû serra un adulte responsable tandis que Saga est plus que capable de gérer une Maison. Vous êtes devenus des personnes bien mes garçons, et je suis fier de voir désormais deux grands jeunes hommes prêts à s’élancer sur le chemin de la vie avec joie et responsabilité. (Il sourit et posa des yeux doux sur Saga puis sur Mû) Je suis fier de vous et il est temps de parler de votre futur.

Mû haussa les sourcils tandis que Saga se redressait sur son siège, un sourire impatient sur les lèvres :

-Saga, bientôt il sera temps pour toi de te marier et de fonder ta propre famille : à ma mort, je te lèguerai donc le tiers de ma fortune et l’entièreté de ma bibliothèque. Mû, à toi je promets un autre tiers de mon héritage et tu vivras dans cette Maison qui sera la tienne. A Killian, je destine le dernier tiers de ma fortune et il héritera du château dans lequel vous êtes nés. L’argent que vos parents vous ont laissés sera divisés en deux parties et vous en recevrez chacun une part équitable à ma mort. Mû, tu es donc mon héritier : sois digne de cet honneur.

Saga s’empêcha de tiquer : c’était… Une plaisanterie n’est-ce pas ?! Non, Shion devait se moquer de lui. Ce n’était pas possible… Il ne lui ferait jamais une chose pareille. N’est-ce pas ? Lui qui avait vécu avec lui depuis presque 15 ans, il était impossible qu’il ne soit pas l’héritier de Shion. Non, c’était une plaisanterie.

Hélas, plus son père adoptif parlait, plus il sentait son visage se liquéfier : Shion ne plaisantait pas. Il était même très sérieux. Saga déglutit difficilement puis sourit, un vrai sourire soulagé : après tout, c’était logique. Il n’avait aucun lien du sang avec Shion : il était normal que son parents et descendant le plus proche hérite de sa maison.

Oui, il n’y avait aucune injustice dans ce testament : il était d’une égalité quasi parfaite. Il était même flatté que Shion lui lègue ainsi sa bibliothèque au complet…
Son bien le plus précieux…

Après tout, Saga était extrêmement touché que Shion lui confie sa plus grande richesse et sa plus grande passion… Il leva des yeux reconnaissants vers son père adoptif et souffla, des larmes d’émotion dans la voix :

-Merci… Merci pour tout…

-Oui : merci mon oncle… Je saurai me montrer digne de notre nom.

Ajouta Mû. Shion leur sourit :

-J’ai confiance… Je sais que vous ne me décevrez pas, mes fils.

Termina-t-il avec une certaine émotion dissimulée dans la voix. Il cligna vivement des yeux et se redressa soudain :

-Bon ! Hé bien, désolé de vous avoir dérangé dans vos activités ! Vous pouvez disposer.

Saga et Mû se levèrent et inclinèrent la tête avant de parler comme un seul homme :

-Merci père.

L’homme aux yeux améthyste esquissa un large sourire puis secoua la main :

-Allez ! Filez !

Mû et Saga se sourirent puis sortirent dans le couloir, laissant Shion à ses comptes. Quand la porte se fut refermée, le plus grand des deux pressa affectueusement l’épaule de l’autre :

-Félicitation Mû : tu dois être fier !

Le jeune garçon aux cheveux lilas baissa la tête avant de murmurer, peu convaincu :

-Oui… Je… Non… Pas tant que ça…

-Comment ça ?

S’inquiéta Saga en haussant les sourcils. Mû inspira profondément :

-J’ai peur de ne pas être à la hauteur. Et puis… Hériter de cette maison et y vivre… Sans Shion et avec tous les souvenirs des moments passés ensemble… Ca me fait peur, Saga. Terriblement peur. (Il frissonna et referma ses bras sur sa poitrine en tremblotant) Je suis terrorisé à l’idée de ne pas y arriver…

Saga resta interdit un instant puis se rapprocha de son « frère » et le serra tendrement contre lui, murmurant des paroles apaisantes à son oreille :

-Tout ira bien Mû : je te le promets. Tu es la personne la plus qualifiée que je connaisse pour gérer cette maison. Et je ne doute pas un instant que tu feras honneur au nom Atalante.

Mû releva soudain la tête et demanda doucement :

-Saga ?

-Oui ?

-Tu resteras avec moi ? S’il-te plaît… Au moins le temps que… Que je m’habitue.

Saga entrouvrit la bouche, les yeux dans le vague, assailli par un souvenir terriblement douloureux qui lui tordit les entrailles :

*-Saga ?

-Oui ?

-On restera toujours ensemble hein ?

-Bien sûr !

Kanon sourit et se serre contre son grand frère :

-Promis ?

Saga sourit et serre la main de son frère dans la sienne, avec force :

-Promis.

Promis… Promis…

Ce mot chuchoté tournait autour de lui, accompagné par le visage souriant de Kanon.
Kanon qui, à ce moment, était encore sa moitié. Était encore souriant. Était encore son meilleur ami.

Kanon qui, à ce moment, était encore en vie…

Saga frémit violemment, pris d’un haut-le-cœur, et se recula soudainement de Mû, le repoussant presque. Levant une main fébrile à son front douloureux, Saga haleta :

-Oui… Oui bien sûr… Je serai toujours avec toi.

Surpris par la réaction de son aîné, Mû se rapprocha d’un pas, inquiet :

-Saga ? Est-ce que ça…

-Oui ! (S’écria Saga en reculant précipitamment) Oui ne t’en fais pas c’est juste… (Il passa la main sur son visage en tremblant) Un mal de crane. J’ai dû rester trop longtemps au soleil ou quelque chose comme ça.

Mû cligna des yeux et fit mine d’avancer :

-Tu veux que j’aille te chercher quelque cho…

-Non ! Ne m’approche pas !

Rugit soudain Saga en jetant un regard haineux au jeune garçon à travers ses doigts écartés. Mû recula vivement, les yeux écarquillés et la bouche entrouverte :

-Mais…

Saga haleta et se recula :

-Je… Je suis désolé… Je… Je vais aller me reposer un instant…

-Señores ? Tout va bien ?

Saga se retourna vivement et recula prestement en retenant une exclamation surprise : Ariane les regardait avec un mélange d’interrogation et de doute. Le jeune homme aux cheveux bleus se mit à trembler, les yeux exorbités : il était en train de perdre le contrôle ! Et c’était trop risqué pour eux !

-Oh non ! (Songea Saga avec horreur) Oh non ! Ils ne doivent pas…

-Personne ne doit être au courant Saga ! (Hurla l’Autre dans sa tête) Reprends-toi ! Reprends-toi ou on sera obligé d’intervenir !!

Comme Saga ouvrait la bouche pour expliquer l’étrangeté de son comportement soudain, Mû intervin :

-Saga allait aller se reposer : il est légèrement souffrant.

Le jeune homme aux cheveux bleus posa un regard reconnaissant et soulagé sur son cadet avant de souffler :

-Oui… Pardonnez mon comportement : je vais rejoindre mes appartements…

Mû regarda Saga un instant, les sourcils légèrement froncés puis il dit calmement :

-Ariane va te raccompagner : ainsi tu ne seras pas seul si tu as un malaise...

La jeune fille s’inclina, la tête baissée avec respect :

-Bien Señor.

Mû hocha la tête, fit mine de s’approcher de Saga, renonça… Il se détourna doucement et esquissa un sourire inquiet :

-Tu… Repose-toi bien alors.

Saga déglutit, la gorge sèche :

-Merci…

Mû lui adressa un petit signe de tête puis s’éloigna vers le jardin, le visage neutre mais le cœur tourmenté par le comportement de son aîné…

Saga regarda un instant son cadet s’éloigner puis il se retourna lorsque la voix d’Ariane le ramena à la réalité :

-Saurez-vous marcher, Señor ?

Le jeune homme hocha lentement la tête et se dirigea vers ses appartements :

-Oui. Merci.

La jeune fille haussa un sourcil puis elle avança à la suite de Saga, laissant une distance respectueuse entre eux deux. Tout en marchant, le jeune homme serrait les dents en s’encourageait mentalement :

-Courage : tiens au moins jusque dans ta chambre. Accroche-toi pour ne pas lui montrer ce que tu caches !

A un moment, une douleur fulgurante lui traversa le crâne et il dût s’appuyer au mur pour éviter de s’effondrer. Il porta une main moite à son front en grognant, luttant contre ce qui voulait prendre possession de son esprit :

-Elle en sait trop ! Tu dois me laisser le contrôle Saga !! Tu as promis !! (S’égosillait l’Autre)

-Pas… Maintenant !

Feula Saga tout bas. Il sursauta et releva la tête lorsqu’il sentit une main douce et secourable se poser sur son épaule :

-Señor Saga ! Est-ce que vous êtes sûr que tout va bien ?

S’inquiéta la jeune fille, ouvrant grands ses yeux à la couleur indéfinissable. Saga haleta, luttant contre cette douleur puis… Il abandonna et souffla :

-Non… Je ne… Me sens pas bien…

Ariane fronça les sourcils et se redressa :

-Je vais aller chercher un médecin.

-Non ! (S’écria Saga en agrippant soudainement son poignet, la faisant sursauter) Reste avec moi ! S’il-te-plaît…

Il voulait protéger la jeune fille : si elle faisait mine d’aller chercher de l’aide, l’Autre prendrait possession de son esprit et la tuerait. Parce que si un médecin l’examinait, il était intimement persuadé que l’Autre serait découvert. Alors, il devait protéger ceux qu’il aimait : Mû, Shion,… Ils ne devaient pas savoir !
Et ce à n’importe quel prix ! Peu importait les souffrances qu’il devait endurer pour leur cacher Sa présence !

Ariane posa un regard inquiet sur lui avant de céder et de se pencher pour relever et soutenir le jeune homme aux cheveux bleus :

-Bien. Mais alors, vous me laisserez vous soigner : je ne tiens pas à ce que votre cas s’aggrave.

Dit-elle d’un ton doux mais sans appel. Saga écarquilla des yeux étonnés devant le cran qu’arborait cette jeune fille à l’allure si frêle. Il esquissa un demi-sourire :

-Bien… Merci Ariane.

La jeune fille sourit et Saga se sentit… Soulagé.
L’oppressante ombre de l’Autre s’était comme évaporée avec la présence chaleureuse et lumineuse de la jeune servante aux cheveux blonds.

Comme par magie…

Ariane l’escorta jusqu’à ses appartements et, une fois la porte refermée, elle aida Saga à s’asseoir sur son lit, les jambes tremblantes. Une fois assis, il poussa un soupir d’aise et ferma les yeux. La jeune fille se redressa et s’avança vers la fenêtre :

-Que fais-tu ?

S’inquiéta Saga. Ariane ne se retourna pas et ouvrit grand les verrières, laissant entrer un grand coup de vent dans la pièce :

-J’aère : l’air de cette pièce est maladif.

Saga la regarda longuement : le vent jouant dans ses cheveux, le soleil éclairant son visage clair, son sourire éclatant… L’Autre lui avait au moins ouvert les yeux sur une chose : la beauté et la gentillesse de la jeune servante qui était à ses côtés depuis déjà 5 ans.

Ariane se rapprocha de la table se trouvant au fond de la pièce et attrapa la cruche d’eau pour en verser un peu de son contenu dans une petite bassine. Elle sortit ensuite un linge de son tablier et s’approcha du lit, la bassine dans une main et le linge dans l’autre. Elle s’assit à côté de Saga et trempa son linge dans l’eau claire avant de dégager les cheveux du front du jeune homme pour y passer délicatement le linge humide.

Saga frissonna légèrement au contact de la main, pourtant douce, de la jeune fille et elle sourit :

-Détendez-vous : plus vous vous tendez, plus ce mal de tête persistera.

Saga ferma les yeux un instant et soupira :

-Je vais essayer.

Un petit rire lui fit rouvrir les yeux et il vit Ariane dissimuler sa bouche derrière sa main. Il hésita avant de sourire :

-Qu’est-ce qu’il y a de drôle ?

-Hé bien… C’est drôle que vous vouliez « essayer » de vous détendre. En général, c’est chose facile, non ?

Saga la regarda un instant avant d’avouer :

-Je n’ai jamais vraiment su me « détendre » : avant, quand je lisais, c’était plus ou moins faisable.

-Vous n’y arrivez plus en lisant ?

-Plus tout à fait…

Eluda Saga vaguement. Mais la jeune fille, inconsciente de son trouble, insista, détournant son patient de la douleur qui le torturait de la sorte :

-Comment cela se fait-il ?

Saga déglutit :

-Je ne prends plus autant de plaisir à lire qu’auparavant… C’est tout.

-Que lisez-vous ces temps-ci ?

L’interrogea-t-elle gentiment. Saga réfléchit à peine :

-Des traités, des manuels, des encyclopédies,…

-Et que lisiez-vous « avant » ?

Saga passa une main légèrement honteuse dans sa nuque :

-Oh… Des contes pour enfants, des histoires irréelles… Rien de bien recherché.

Ariane sourit et dit, philosophe :

-Au fond, si ces lectures vous détendaient, pourquoi avoir arrêté de les lire ?

Saga haussa les sourcils, étonné :

-Hé bien… Parce que je ne suis plus un enfant !

-Et alors ?

Saga cligna des yeux : était-elle sérieuse ? Lui, un adulte, lire des livres pour enfants ? Mais elle sourit, interrompant le fil de ses réflexions :

-Personne ne peut vous empêcher de lire ce qui vous plaît, non ? Ce n’est pas parce qu’on grandit qu’on est obligé d’abandonner tout ce que nous aimions enfants… Vous ne pensez pas ?

Le jeune homme hésita un instant puis sentit un sourire agréablement étonné étirer ses lèvres et il répondit :

-C’est une façon de voir les choses, effectivement…

Ariane sourit, assez satisfaite de l’effet qu’avaient produit ses paroles sur son patient :

-Quand j’étais petite, j’adorais grimper aux arbres : mais ce genre d’activité ne m’est plus permis ici… Par contre, lire des livres de contes… Je n’ai jamais arrêté. J’adore lire… Ca me permet de m’évader du quotidien, de vivre des aventures par procuration,…

Saga écoutait, attentif et souriant : cette jeune fille à l’air si réservé était en fait une personne cultivée et, ma foi, plutôt intelligente pour une servante issue des bas quartiers. Ils parlèrent un moment de livre, de ceux qu’ils aimaient, ceux qu’ils détestaient,…

Et Saga n’avait plus mal : la douleur procurée par la présence de l’Autre s’était évanouie. Chassée par la bonne humeur contagieuse et la douceur de la jeune fille blonde. A un moment, revenant sur leur sujet de conversation premier, Ariane sourit et le regarda :

-Enfin bref, si vous n’appréciez plus autant la lecture, quand vous sentez-vous le mieux alors ? Quand vous sentez-vous dans un état approchant de celui que procure la détente ?

Saga hésita un instant puis, se rappelant de ce que l’Autre avait dit, il attrapa la main d’Ariane et l’éloigna doucement de son front pour la mener vers son cœur :

-Quand tu es là… Ta présence suffit à me faire me sentir mieux.

La jeune fille rougit violemment et elle se mit à balbutier :

-Oh… Je suis désolée mais je…

Elle fit mine de retirer sa main mais Saga posa sa deuxième main sur les leurs :

-Merci.

-Me… Merci ?

S’étonna-t-elle en cessant tout mouvement. Saga sourit :

-Merci d’être là pour moi…

Ariane entrouvrit la bouche et elle se perdit dans les yeux océans du jeune homme. Elle y lut énormément de détresse, de douleur, de peine, de trahison, de désespoir mais surtout… De l’amour. Saga lui sourit et elle sentit ses propres lèvres se redresser sur les bords : elle aurait pu tomber plus mal. Saga n’était pas repoussant, il n’était pas stupide ni inculte…

C’était un beau jeune homme raffiné, cultivé et gentil…

Mais alors, d’où venait cette légère impression de danger qui grandissait en elle ? Et cet étrange sentiment de trahison qu’elle avait au bord des lèvres ?

Saga leva la main pour caresser sa joue et elle sursauta avant de se lever vivement :

-Bien ! Je… Je vais aller…

Saga se leva en même temps qu’elle et, sans lâcher sa main, se rapprocha d’elle :

-Ariane ?

-Ou… Oui Señor ?

Balbutia-t-elle lorsqu’elle se retrouva adossée au mur, Saga posa ses mains de part-et d’autre du visage de la jeune fille, empêchant tout espoir de fuite de sa part, et souffla doucement :

-Est-ce que… Je te fais peur ?

Ariane leva des yeux hésitants vers lui et le regarda longuement avant d’avouer :

-Non… Non vous êtes… Quelqu’un de bon…

Saga sourit :

-Merci.

Il se pencha légèrement et Ariane ferma les yeux en baissant la tête : non ! Non, elle ne pouvait pas ! Elle n’était qu’une servante ! Et puis ! Saga était son supérieur ! Il ne pouvait pas profiter de son pouvoir pour faire ce qu’il voulait d’elle ! Et puis… Et puis il y avait…

Les lèvres de Saga effleurèrent sur son front et elle ouvrit des yeux ébahis avant de relever timidement la tête : Saga lui souriait et elle se sentit ses joues s’enflammer. Après un moment de silence, le jeune homme se recula et murmura calmement :

-Merci de t’être occupée de mon mal de tête…

Ariane cligna des yeux et ajusta son tablier avant de se diriger vers la porte, la tête basse et les joues en feu :

-Je… Avec plaisir Señor…

Et, après un maigre sourire gêné, elle sortit, les yeux dans le vague. Mais, après avoir fait quelques mètres, elle se retourna et sourit :

-Appelez-moi si vous avez besoin de parler...

-Je n’y manquerai pas…

La jeune fille sourit, lui fit un petit signe de la main et s’éloigna, un léger sourire sur les lèvres.

Saga referma la porte sur elle et s’effondra soudainement sur le sol de sa chambre.
Se prenant la tête entre les mains, il entendit l’Autre gronder :

-Non mais je peux savoir ce qui t’a pris !

Saga ferma les yeux et feula :

-J’ai fait ce que j’avais à faire pour la protéger !

-Ose seulement me dire que tu ne l’aime pas et je te jure que je te frappe.

-Tu ne peux pas me frapper : tu n’existes pas !

Cracha Saga avec dédain. Il sursauta violemment lorsque sa propre main s’écrasa sur sa joue, violemment. Il resta un instant ébahi avant de souffler :

-C’est… Toi qui viens de faire ça ?

-Oui : et crois-moi, si tu redis encore des trucs pareils ou si tu tentes encore de me nuire ou de me réfréner, je te ferai souffrir le martyr ! Tu veux une démonstration ou la menace seule te suffira ?!

Saga grimaça et l’Autre susurra sournoisement à son oreille :

-A moins que tu ne préfères que je te fasse souffrir d’une autre façon ? En faisant du mal à ceux que tu aimes par exemple.

-Non ! (S’écria Saga) Tu n’as pas le droit !

-Et qui va m’en empêcher, Saga ? Toi ? Tu ne peux rien contre moi ! Rien du tout ! Alors tiens-toi à carreau !

Saga haleta sous l’effort et se releva lentement :

-Je t’interdis de toucher à un seul de leurs cheveux !

-Ah bon… Voyez-vous ça… Même ceux de ton cher Shion ?

Saga s’arrêta soudain, la bouche entrouverte et une goutte de sueur roulant le long de sa tempe :

-Qu’est-ce que tu veux dire ?

L’Autre éclata d’un rire mauvais :

-Enfin Saga, tu as déjà oublié ?! Ton « Señor Shion » s’est bien foutu de ta gueule !

-Que… Comment ça ?...

Balbutia Saga, les jambes flageolantes. L’Autre feula :

-Depuis le début il te fait croire que tu comptes pour lui mais en fait il s’en contrefout ! Il n’en a rien à faire de toi, Saga ! Tu n’étais qu’un objet, un jouet ! Une espèce de marionnette qu’il pouvait manipuler quand il s’ennuyait ! Ouvre les yeux enfin ! Il t’a légué sa bibliothèque bordel ! Sa putain de BIBLIOTHÈQUE !! Est-ce que tu te rends seulement compte qu’il vient de se foutre magistralement de ta gueule ?!

Termina-t-il sur un hurlement rageur. Le poing de Saga partit sans qu’il puisse rien faire et envoya la cruche d’eau valser sur le sol, la faisant éclater en mille morceaux. Le jeune homme aux cheveux bleus haleta, l’air perdu :

-Oui… Oui tu as raison…

-Mais bien évidemment que j’ai raison crétin !! Il se Fout De Ta Gueule !! (Martela l’Autre durement) Réveille-toi Saga !!

Le jeune homme passa une main horrifiée dans ses cheveux en soufflant :

-Oui… C’est vrai… Tous ces efforts, tous ces sacrifices, toutes ces souffrances pour… Pour rien ? (Il se prit la tête entre les mains et la releva soudain vers le ciel, les yeux rouges sang et les cheveux entièrement gris) Et en plus il me disait ça avec le sourire !! C’est du délire !! J’hallucine ! C’est pas possible autrement !! Je vis avec lui depuis que j’ai 12 ans et il lègue sa maison à un petit merdeux qu’il a vu 2 fois dans sa vie et qui habite chez lui depuis moins de 5 ans ! Non mais sérieux : c’est quoi ce foutage de gueule ?!!

Termina-t-il en poussant un cri de rage pure. Puis, le souffle court, la voix de l’Autre se mêla à la sienne :

-Oh non : ça ne peut pas se passer comme ça… Il va me le payer… Non, ils vont tous payer pour les souffrances que j’ai dû endurer ! Tous ! Tous sans exceptions !!

Saga, devenu l’Autre, leva les mains au ciel et éclata de rire : tout serait fini ce soir.
Ou le lendemain au plus tard.

$s$s$s$

Tard dans la nuit, une silhouette poussa silencieusement la porte des appartements qu’occupait Shion.

L’Autre referma la porte derrière lui et plissa les yeux lorsqu’il aperçu sa cible : Shion dormait paisiblement dans son grand lit, la respiration calme et régulière. L’Autre esquissa un terrible sourire et siffla pour lui-même lorsqu’il sentit Saga bouger en lui :

-Laisse-moi faire, vieux. C’est pour notre bien. C’est notre vengeance.

Il s’approcha du lit aussi silencieusement que possible et s’arrêta juste à côté de la table de nuit : un choix douloureux s’offrait à lui : un, sortir le poignard de sa ceinture et égorger proprement ce traître ; deux, verser une ou deux gouttes de poison dans ce gobelet qui n’attendait que ça ?

L’Autre esquissa un sourire torve et décida bien vite que le mieux serait de le faire souffrir…

Souffrir longtemps et douloureusement…

Le poison ferait parfaitement l’affaire.

Saga n’était pas au courant de ce qu’il faisait : il s’était endormi, la rage au cœur et l’Autre en avait sournoisement profité pour prendre enfin possession de son hôte…

L’Autre porta une main à sa poche et en sortit une petite fiole qu’il s’était procuré quelques mois auparavant sans que Saga ne soient au courant : il s’était rendu en ville, la nuit, et y avait rencontré un homme qui vendait des concoctions en tout genre… Mais seul le poison l’intéressait.

L’Autre sourit jusqu’à ses deux oreilles, dévoilant deux canines acérées :

-Il ne fallait pas se moquer de moi comme ça, vieux sénile!

Le poison coula sans bruit dans le verre, se mêla à l’eau et disparut sans laisser une seule trace de son passage…

L’Autre se pinça pour s’empêcher de ricaner de contentement :

-Passe une bonne dernière nuit…

La porte se referma sur lui et il ricana lourdement, les épaules secouées par des soubresauts ravis…

Chapter Text

-Señor Mû ! Señor Saga !

Saga et Mû se retournèrent comme un seul homme et écarquillèrent les yeux. Le plus grand pâlit légèrement :

-Ariane ?

La jeune fille courait vers eux, le visage tiré d’angoisse. Saga frémit puis se tourna vers Mû et le supplia :

-Je t’en prie : ne dis rien à personne.

Les jambes flageolantes, Mû jade hocha lentement la tête et balbutia d’une petite voix :

-Promis.

Ariane arriva à leur hauteur et ils furent horrifiés de constater que des larmes roulaient sur ses joues claires. Mettant ses sentiments de côté, Saga attrapa la jeune fille par les épaules :

-Que se passe-t-il Ariane ?! Qu’est-ce qui te met dans cet état ?

La jeune fille blonde leva des yeux larmoyants vers lui et hoqueta :

-C’est… C’est le Señor Shion.

Saga cessa tout mouvement, écarquillant des yeux horrifiés. Il souffla silencieusement :

-Non… Tu n’as pas osé…

L’Autre ricana :

-Allons Saga… Je sais que tu en mourrais d’envie…

Le jeune homme aux cheveux bleus e mit à trembler de rage et il reporta son attention sur Ariane :

-Il est… monté dans sa chambre peu après votre départ, se disant fatigué. Et quand je lui ai apporté sa tisane quelques minutes après il… Il était…

Saga serra les doigts sur les épaules de la servante tellement fort que ses articulations en blanchirent :

-Il était quoi ?!! Parle donc !!

Hurla-t-il en la secouant brutalement :

-Il était évanoui et brulant de fièvre !!

Finit-elle en un ultime sanglot de peur. Saga pâlit, comprenant soudain ce que l’Autre avait fait, et la lâcha pour se diriger à toute vitesse vers leur demeure. Il n’avait jamais couru aussi vite. Malgré le vent qui sifflait dans ses oreilles, il entendit la voix de Mû qui lui hurlait son prénom.
Mais Saga ne voulait pas s’arrêter. Il ne voulait pas les attendre : Shion, son bienfaiteur, son père était en danger ! Il devait se dépêcher ! Il ferma les yeux jusqu’à en avoir mal, serra les poings et accéléra.

-Dis-moi que je suis en train de rêver et que tu n’as pas fait ça !

-Tu voudrais que je te mente Saga ? (Ricana l’Autre) C’est nous qui sommes derrière tout ça mon gars ! Nous et non pas moi !

-Non ! Je n’y suis pour rien !

-Ah non ? Vraiment ? Ose me dire que tu ne lui en voulais pas à mort ?

Saga haleta et poussa violemment la porte des appartements de Shion :

-Señor Shion !!

L’homme aux yeux améthyste entrouvrit faiblement les yeux et un maigre sourire étira ses lèvres livides :

-Sa…ga…

Le jeune homme retint un cri horrifié devant la pâleur de Shion, d’une carnation pourtant légèrement mate à la base, et se précipita au chevet de son père adoptif en hoquetant :

-Oh non ! Oh non ! Ce n’est pas possible ! Que sentez-vous père ?! Où avez-vous mal ?!

Shion esquissa un sourire et leva une main tremblante que Saga agrippa sur le champ :

-Parlez-moi, je vous en prie !

L’homme aux cheveux verts ouvrit la bouche et murmura :

-J’ai… Je vais bien Saga…

-Non ! Arrêtez de jouer la comédie pour nous protéger ! (Cria Saga, au bord des larmes) Je suis un adulte : j’a le droit de savoir ce qui vous arrive !

Shion rit doucement et son rire se mua en une horrible quinte de toux. Saga serra la main de son bienfaiteur dans la sienne lorsque du sang roula le long du menton livide de ce dernier :

-Señor Shion !

-Ah… Je… Je ne comprends pas… (Souffla Shion, haletant à la recherche d’air) Ce matin encore tout… Tout allait bien…

Saga déglutit bruyamment et, comme la voix de Shion devenait de plus en plus rauque, il attrapa fébrilement le verre qui se trouvait sur la table de nuit et le posa sur les lèvres sèches de son père adoptif :

-Buvez : ça vous fera du bien !

Shion déglutit difficilement puis se remit à tousser et Saga reposa le verre, les yeux exorbités :

-Je… Je ne comprends pas ! Qu’est-ce qui se passe ?!

Soudain, l’Autre éclata de rire dans sa tête :

-Hahaha !! Halala Saga ! T’es vraiment un boulet quand tu veux ! Hahaha !

-Qu’est-ce que tu veux dire ?

Feula-t-il mentalement. L’Autre riait encore et toujours :

-Tu pense vraiment que tu viens de lui donner de l’eau ? T’avais rien remarqué ?

Saga pâlit brusquement : lorsqu’il avait pris le verre, il était déjà à moitié vide… Ce qui voulait dire que Shion avait déjà bu…

Ce qui voulait dire que…

Le jeune homme aux cheveux bleus sentit ses lèvres trembler lorsqu’il comprit qu’il venait de donner le coup de grâce à son bienfaiteur et il enfouit sa tête dans les draps, serrant la main de Shion dans les siennes :

-Pardonnez-moi… Je… Je ne peux plus lutter… (Hoqueta Saga) J’ai… J’ai essayé de l’en empêcher mais Il est trop fort ! Je suis désolé…

Shion caressa doucement les cheveux de son fils adoptif et souffla :

-Qu’est-ce que tu racontes ?... Tu n’y es pour rien…

Saga releva la tête, le visage inondé de larmes :

-Si je… C’est ma faute ! Je n’étais pas assez fort pour vous protéger et je… (Un sanglot plus fort secoua ses épaules et il ferma les yeux, portant la main de Shion à son front) C’est moi… C’est moi qui vous ai tué !

Shion ne réagit pas et Saga ne pouvait plus arrêter ni ses larmes ni ses paroles désespérées :

-Je devais vous le dire, j’aurais dû vous prévenir mais… Mais j’avais peur ! J’avais terriblement peur de ce que vous pourriez penser ou de ce qu’Il aurait pu vous faire ! Je suis désolé père ! Tellement désolé !

Contre toute attente, Shion rit doucement :

-Je ne comprends pas tout… Mais… J’ai l’impression que le fardeau que tu portes… Est bien trop lourd… Allons… Tu dois… Donner l’exemple…

Saga retint une grimace de dépit : comment avait-il pu croire un seul instant que Shion comprendrait ce qu’il devait subir ? L’Autre grinça, ironique :

-Bien joué Saga ! Ta belle déclaration a juste rien changé du tout !

-Tais-toi ! Tais-toi !

-Saga…

-Je suis là…

Hoqueta-t-il lourdement, le cœur déchiré. Shion toussota :

-Tu… Mû n’est pas encore majeur… Il n’est pas encore prêt pour… Diriger cette maison… Je voudrais que… Que tu le fasses à sa place jusqu’à sa majorité…

Saga écarquilla les yeux et la voix rageuse de l’Autre résonna dans sa tête :

-Non mais il rigole ?! Ce gamin sera majeur dans moins d’un an ! C’est quoi cette blague ?!

Saga le chassa de sa tête et murmura :

-Je le ferai Señor… Je vous le promets…

La porte s’ouvrit sur Mû et Ariane tandis que Saga terminait en un souffle :

-Je vous en prie… Pardonnez-moi…

Le jeune garçon aux cheveux mauves se précipita sur le bord du lit et serra la main gauche de Shion dans les siennes en criant d’effroi devant l’état dans lequel se trouvait son oncle :

-Mon oncle ! Mon oncle ! Parlez-moi !

Les paupières de Shion frémirent et il souffla en tournant la tête vers la gauche :

-Mû ?…

-Je suis là mon oncle.

Hoqueta courageusement le jeune garçon. Shion inspira douloureusement et murmura :

-Où est… Killian ?…

-Je vais le chercher Señor !

S’exclama Ariane en faisant volte-face. Shion soupira et sembla se rendormir : Mû et Saga se jetèrent un regard terrorisé de part et d’autre du grand lit. Saga se renferma sur lui-même : maintenant que Mû avait débarqué, Shion ne lui parlerait plus, c’était une certitude…
Mû chuchota :

-Avez-vous mal mon oncle ?

Shion secoua doucement la tête et il ouvrit lourdement les yeux :

-Je dois… (Haleta-t-il) Me lever. Il me reste des tas de choses à faire et…

-Non ! Il faut vous reposer !

S’écrièrent les deux garçons en cœur en repoussant Shion sur son matelas.
Ariane entra alors, poussant aussi calmement que possible Kiki devant elle. Le petit garçon retint bravement ses larmes et se jeta littéralement sur le lit pour se lover contre son oncle :

-Oh… Mon tout petit.

Sourit Shion en posant sa main droite sur la tignasse rousse de son jeune neveu, la dégageant de l’étreinte des mains de Saga. Comme le jeune homme serrait les poings et que Kiki reniflait, l’Autre ricana :

-Tu vois ? Il s’en moque de toi ! Tu ne fais pas partie de la famille et ça n’a jamais été le cas Saga ! Ouvre donc les yeux !

Saga grinça des dents :

-Arrête.

-Non : toi, arrête ! Arrête d’être si naïf et réveille-toi ! Shion s’en fout de toi ! Tout ce qu’il veut, c’est juste le bonheur de ces deux mioches et que tu dégage d’ici dès que le premier sera adulte !

-Non… Tu mens… (Souffla Saga, complètement perdu)

-Et pourquoi te mentirais-je ? (Susurra l’Autre) Regarde la vérité en face, Saga : te mentir ne me servirais à rien. Il se fout de toi depuis le début et même dans la mort il continue de le faire.

Saga cligna des yeux : non ! Il refusait de l’admettre ! Shion l’aimait et lui faisait confiance ! Il le lui avait dit !

Comme Ariane se détournait, l’homme aux yeux améthystes leva la main et la rappela faiblement :

- Ariane… Mon enfant, approche donc…

La jeune fille se retourna, la bouche entrouverte sur une exclamation de surprise muette :

-Que… Moi ?

Shion sourit et la jeune fille se laissa tomber à côté de Mû, contenant ses larmes aussi bravement que possible. L’homme se tourna à demi vers Saga en tendant la main qu’il lui avait ôtée :

-Saga…

Le jeune homme déglutit et murmura :

-Oui Señor ?

Un pâle sourire étira les lèvres de l’homme et Saga serra sa main entre les siennes :

-Tu veilleras bien sur eux… Pour moi ?

Un lourd sanglot échappa à Ariane et elle enfouit son visage dans les draps, Mû ayant passé un bras réconfortant sur ses épaules. Saga sentit son menton trembler et ses dents claquer mais il soutint le regard améthyste de Shion :

-Je vous en fais le serment.

-C’est bien… Mû ?

-Oui mon oncle ?

-Tu es l’héritier du nom des Atalante : je sais que tu nous feras honneur…

Le jeune garçon hoqueta et amena la main de son oncle jusqu’à son front :

-Je vous en fais le serment…

Saga sentit ses sourcils se froncer contre son gré et l’Autre souffla perfidement à son oreille :

-Alors… Tu n’es pas idiot Saga : tu vois bien que tu n’es qu’un instrument, juste une poupée avec laquelle il pouvait jouer quand il s’ennuyait. Il te l’a dit lui-même : il n’a pas eu le temps d’avoir d’enfants. Maintenant que tu as grandi, il n’a plus besoin de toi ! Regarde donc, il a hérité de deux gamins ! Que pourrait-il faire d’un jeune homme de presque 30 ans ? Il n’a plus besoin de toi Saga : rien ne t’oblige à appliquer ses dernières volontés… Rien ni personne…

Le jeune homme aux cheveux bleus répondit en un souffle :

-Que dois-je faire ?

L’Autre sourit et répondit d’un air victorieux :

-Je me suis débarrassé de ce vieux crouton : laisse-moi m’occuper des gosses.

Les yeux de Saga s’écarquillèrent d’effroi :

-Tu me demande… De te laisser tuer Mû et Kiki ?

-Je te demande de me laisser les rênes de ton corps et de ton esprit le temps d’une journée ou d’une nuit… Le temps que je m’occupe de les faire disparaître. Plus vite tu te décideras, moins ils souffriront. A toi de voir.

Saga posa un regard hésitant sur son père adoptif qui se mourrait à petit feu entre ses mains, puis sur Kiki qui sanglotait lourdement, plongea ses yeux dans ceux de Mû…
Les yeux noyés de larmes de Mû…

Mû qui pleurait en silence…

Mû…

Saga baissa rageusement les yeux et gronda avec la voix de l’Autre, un sourire carnassier sur les lèvres :

-Tu as carte blanche : tant que personne ne se doute de rien et que je deviens le seul maître de cette maison.

L’Autre sourit :

-A tes ordres.

Tard dans la nuit, Shion rendit son dernier soupir… Et, alors que les cris de Killian se mêlaient aux sanglots de Mû et d’Ariane, Saga se mit à pleurer, comprenant que son père venait de mourir mais également qu’il venait de pactiser avec un démon…

Mû et Kiki allaient mourir à cause de lui…
Et il n’en avait plus du tout envie…

Mais il était trop tard… Car, comme chacun le sait, une fois qu’on pactise avec le mal, on ne peut plus revenir en arrière…
Son âme se consumait petit à petit sans qu’il ne puisse plus rien faire…

Et cela le rendait malade…

$s$s$s$

-Nous avons fouillé toute la propriété Señor Gemini… Ils sont introuvables…

Saga baissa la tête, les yeux exorbités et le souffle court : ils avaient patrouillé toute la nuit et à présent que le jour se levait presque, les recherches confirmaient ce que personne n’osait dire à voix haute…
L’Autre avait réussi…

Mû et Kiki étaient…

Lentement, Saga se laissa glisser sur le sol :

-Non. Non non non non ! (Il entoura sa tête de ses mains, griffant son cuir chevelu avec ce qui restait de ses ongles) C’est impossible !

Quand l’Autre avait pris possession de son esprit, ce fût comme s’il s’était endormi. Il ne se souvenait de rien. Juste des yeux de Mû le regardant avec un mélange de crainte et de soulagement.

Et quand il s’était réveillé… Il était dans cette salle et Ariane le prévenait de la disparition des enfants.
Saga ne gardait aucun souvenir de sa nomination officielle, aucun souvenir de ce que l’Autre avait pu faire des enfants…

Rien.

Rien que le noir et cette impression de se noyer…

-Je suis un monstre…

Souffla-t-il tellement bas que personne ne l’entendit. L’Autre renifla avec dédain :

-C’est ce que tu voulais Saga.

-Arrête ! C’est ta faute !

-C’est faux : tu m’as demandé de les éliminer. Tu es le seul à blâmer pour ce qui arrive.

Saga retint un hurlement et ne put que gémir en se griffant sans ménagement :

-C’est impossible ! C’est impossible ! Qu’as-tu fait d’eux ?

-Nous les avons tués, Saga. Tu ne te souviens donc pas de cette douce sensation ? De l’expression sur leurs visages quand nous les avons embrochés ? De cette délicieuse jouissance quand nous les avons regardés se vider de leur sang ? Tu ne te souviens de rien ?

Saga poussa un gémissement terrifié :

-Tu mens…

-Allons Saga : tu me connais bien maintenant. Et tu sais bien que je n’ai aucune raison de te mentir.

Ricana l’Autre. Saga sentit des larmes d’horreur rouler sur ses joues :

-Non… Je n’ai pas pu faire une chose pareille…

-Pourtant, nous l’avons fait…

Saga ferma les yeux :

-Tais-toi… (Murmura-t-il, la voix rauque) Tais-toi…

Inconscient de ce qui se déroulait dans l’esprit torturé de Saga, les domestiques se jetèrent des regards désolés et le plus vieux d’entre eux posa sa main sur l’épaule de son nouveau maître pour l’aider à se relever :

-Señor Gemini…

-Lâchez-moi !! Ne me touchez pas !! (Hurla soudain Saga en se recroquevillant sur lui-même) Sortez tous !!!

-Oh mais Señor…

-SORTEZ !!!

Les gens de la maison s’enfuirent aussi vite qu’ils le pouvaient, sans se retourner et la porte se referma. Toujours accroupi, Saga ne pouvait que répéter cette terrible litanie :

-Quelle horreur ! Quelle horreur ! Et c’est moi qui les ai tué… C’est moi qui ai fait ça…

Comme il sanglotait, un grincement le fit se recroqueviller davantage :

-Je vous ai ordonné de me laisser !

Gronda-t-il d’une voix rauque. La porte se referma et il soupira, laissant échapper un sanglot douloureux :

-Je n’en peux plus... Je ne veux plus de tout cela…

Un bruissement le fit sursauter et deux bras l’entourèrent tendrement :

-Chut… Chut… Tout va bien…

Souffla une douce voix féminine. Saga se dégagea et recula vivement en haletant :

-Que ?! (Il écarquilla des yeux ébahis) Ariane…

La jeune femme, les joues trempées de larmes, s’approcha lentement de lui :

-Señor Saga… (Souffla-t-elle) Vous ne devez pas garder tout le poids de votre chagrin pour vous seul. Je sais ce que c’est…

-Non ! Non, tu ne sais pas !

Hurla Saga en s détournant :

-Tu ne viens pas de perdre ton père et tes frères !

Termina-t-il en enfouissant son visage dans ses bras croisés sur ses genoux. Il se tut un instant puis il souffla :

-Laisse-moi…

-Non.

Le jeune homme releva la tête et plongea dans les grands yeux d’Ariane :

-Non ?

Hésita-t-il. La voix douce, elle répéta :

-Non.

Ariane le serra contre elle, passant une main aussi rassurante que possible dans ses cheveux :

-Je ne vous laisserai pas seul dans un moment aussi critique.

Saga hésita puis, ne pouvant retenir davantage ses larmes, il referma ses bras sur la jeune fille et la serra contre lui en poussant un cri de désespoir. Ariane ferma les yeux et serra Saga contre elle, le front pressé contre le crâne du jeune homme :

-Je suis là Señor… Je suis là…

Saga ne put se retenir et éclata en lourds sanglots, serrant la jeune fille contre lui aussi fort qu’il le pouvait :

-Ne me laisse pas ! Je t’en prie !

-Chut… Je vous le promets… (Elle sanglota un instant puis se reprit) Je serai là pour vous…

Saga inspira profondément puis, avec l’énergie du désespoir, il entoura le visage d’Ariane de ses mains et plaqua ses lèvres contre les siennes. Elle écarquilla les yeux, abasourdie. Elle voulut se reculer mais les mains de son nouveau maître l’empêchèrent de bouger aussi efficacement qu’un étau. Et soudain, alors que personne n’était là à part eux, elle entendit une voix lui souffler à l’oreille :

-Tu es à moi à présent ma belle. Et ne t’avise pas de me trahir ou de me désobéir.

Ariane écarquilla les yeux puis, alors qu’un sentiment de terreur lui tordait les entrailles, elle céda. Comme Saga passait ses mains dans son dos pour la serrer contre lui, elle leva les bras et les referma sur sa nuque.

Elle ne pouvait pas lutter…
Elle n’était pas de taille…
Elle devait obéir à son seigneur et maître sans broncher…

Alors, Ariane ferma les yeux et ne résista pas lorsque Saga l’allongea sur le sol pour approfondir leur baiser.

Dans la tête de Saga, l’Autre éclata d’un rire mauvais : Il avait le pouvoir, il avait l’intelligence, il avait la beauté et à présent, il avait même Ariane.
Il avait gagné.

Sur toute la ligne.

Chapter Text

-Aiolia : (Souffla Milo tandis que l’Autre parlait) tu vas aller chercher de l’aide.

-Quoi ! (S’écria silencieusement le brun en serrant les poings) Mais t’es malade ?! Je vais quand même pas te laisser ici tout seul avec ce malade ?!

Milo serra le garrot d’un coup autour de la plaie béante du bras d’Aiolia, lui faisant pousser une exclamation de douleur. Comme son ami le foudroyait du regard, le Scorpion lui adressa un sourire « désolé » :

-Oups : excuse-moi.

-Grmbl… T’avise pas de recommencer !

Grogna Aiolia en grimaçant. Milo fronça dangereusement les sourcils :

-Fais ce que je te dis alors : dans ton état, tu m’es inutile et tu seras plus un fardeau qu’autre chose.

-Mais je !

Commença vainement le jeune homme aux yeux verts. Milo lui jeta un regard noir :

-Si tu veux vraiment m’aider : obéis. Va chercher de l’aide : Aldé, la Garde royale,… Tout ce que tu veux tant que tu me ramènes de quoi faire arrêter ce taré.

Aiolia hésita un long moment puis, il se mit lentement debout et, après avoir jeté un regard suspicieux à Milo, il gronda :

-T’as intérêt à tenir le temps que je revienne.

Milo sourit et le chassa d’un mouvement de main :

-Grouille-toi alors.

Aiolia lui adressa un petit mouvement de la tête et, profitant de ce que l’Autre ne leur tourne un instant le dos, il s’en fût en courant.

Milo se redressa et fronça les sourcils avec détermination : l’Autre continuait de parler :

- J’ai toujours fait partie de lui. J’étais là depuis le début. Mais Saga ne le savait pas : il ne connaissait pas la haine et était la bonté même. Kanon était l’hôte dont j’avais besoin… Mais il était trop tard désormais. Ainsi, je somnolais, attendant patiemment que la colère n’envahisse le cœur de Saga afin que je puisse prendre possession de son esprit. Et j’attendais… Encore et toujours. Mais enfin, Kanon proposa de tuer Shion… Ce qui réveilla en Saga quelqu’un chose de bestial et d’instinctif qu’il ne pouvait contrôler. Moi. En mentionnant la Mort, Kanon m’avait libéré. J’avais enfin le droit d’accéder à son esprit. De manipuler son corps et de vivre ! Mais je ne pouvais pas me permettre de garder Kanon en vie, témoin de ma présence. Il aurait pu mettre mon plan hors-jeu et après avoir attendu tellement longtemps, c’était hors de question. Parce que mon plan était infaillible : tuer Shion, récupérer l’héritage et Saga serait tellement effondré que je pourrais prendre possession de son esprit jusqu’à la fin ! Je pourrais avoir une vie! Kanon aurait pu m’être utile mais dans le cas présent, il devenait un danger pour moi. Il savait que j’existais et je lisais dans ses yeux qu’une fois la tache accomplie, il n’hésiterait pas à tuer son propre frère pour rafler tous les honneurs. Et moi avec. Je l’ai fait enfermer, le faisant passer pour fou. J’ai attendu un peu, jugeant plus prudent de resté caché le temps que Saga m’oublie ou presque…
Il était dévasté d’avoir perdu son frère unique et reportait tout son amour sur Mû et Killian, vouant une admiration sans borne pour Shion. Jamais on ne l’aurait soupçonné. J’étais sauvé et innocenté d’office. Ainsi, quand j’ai appris que Shion destinait tout son héritage à ces sales mioches et me léguait une bibliothèque, je l’ai empoisonné sans que Saga ne soit au courant. Et il est mort sans que les symptômes ne soient visibles. Génial, tout bonnement génial. Et avant que Saga ne comprenne qu’il s’était fait manipuler, j’ai décidé de me débarrasser des morveux. Seulement, Il s’est réveillé avant que je ne puisse les tuer et il m’a réfréné, m’empêchant de m’en occuper… Il les a laissé fuir et a tenté de me faire disparaître. Mais maintenant que j’étais là, hors de question que je m’en aille ! J’étais là, aux commandes et j’y resterais ! Alors, c’est moi qui l’ai chassé le temps d’alerter tout le monde que les enfants avaient disparus. Et je lui ai fait croire que nous les avions tués. Que nous avions adoré ça. Il était dévasté ! Tellement dévasté que son esprit m’était presque entièrement ouvert.

Milo fronça les sourcils :

-C’est monstrueux.

L’Autre se tourna vers lui, un terrible sourire déformant son visage :

-N’est-ce pas. Je t’avouerai que je suis assez fier de moi sur ce coup !

Le Scorpion serra la main sur la garde de sa rapière et feula :

-Il y a quand même un détail qui me chiffonne : et moi dans tout ça ?

L’Autre se mit à ricaner :

-Toi ? Hé bien vois-tu, à un moment, Saga était tellement désespéré qu’il s’est dit que la seule solution pour m’échapper était le suicide. Mais j’ai rit, sachant pertinemment qu’il n’aurait pas assez de cran : «Mais bien sûr ! Et ton honneur, tu en fais quoi ? Et ton argent ? Pour ça, mieux vaut te faire assassiner ! » L’ennui, c’est qu’il m’a prit au mot et est parti à la recherche d’un assassin compétent pour mettre fin à cette longue mascarade qu’était sa vie ! Et il est tombé sur toi.

Milo haussa un sourcil :

-Donc… Celui qui est venu me demander de tuer Saga n’était autre que…

-Saga lui-même, en effet !

L’Autre éclata de rire devant la mine déconfite du Scorpion :

-C’est tordu hein ?

Milo ouvrit la bouche pour parler mais déjà, l’homme aux cheveux gris grondait :

-Quand j’ai pu reprendre le contrôle, je lui ai ouvert les yeux et lui ai démontré le ridicule de la situation. Parce que s’il mourait, je mourais avec lui ! Et après tant d’effort, c’était absolument hors de question ! Alors nous avons posté des gardes et je me suis dit que, après tout, pourquoi ne pas avoir le fameux Scorpion à mes ordres ? Mais tu as échoué. Et il me fallait un moyen de te mener à moi et de te faire payer d’avoir ne fut-ce que penser à me tuer ! Et j’ai trouvé deux moyens délicieux de te faire souffrir.

L’Autre leva les doigts, énumérant avec une joie perceptible ces deux fameux moyens :

-Le premier c’est fait par la force des choses et le second… (Un sourire torve étira ses lèvres) Par pur hasard.

Devant l’air sceptique de Milo, l’Autre tendit un bras :

-Mais tu m’as l’air légèrement perdu Scorpion. Alors, laisse-moi te présenter mon second moyen de pression !

Il claqua des doigts et une silhouette apparut à sa droite. Une silhouette de femme encadrée par deux armoires à glace…

Milo devint littéralement livide :

- Non… Ariane !

Le Scorpion sentit le rouge affluer à ses joues avec rage lorsque la jeune femme blonde baissa honteusement la tête, le visage voilé par ses longs cheveux blonds. L’Autre sourit et l’attrapa sans ménagement par la taille :

-Alors, contente de revoir Milo ?

Le Scorpion frémit :

-Relâche-la sur-le-champ, sale monstre !!

-Tu es sérieux Milo ? Vraiment ?

Ariane ne réagit pas, ne se débattit pas, comme vide de toute expression. Elle gardait les yeux désespérément baissés et Milo pâlit :

-Ari…

La jeune femme baissa la tête et souffla :

-Pardonne-moi Milo…

-Que ?!

Mais l’Autre éclata de rire, l’empêchant de répondre :

-Haha !! Cette expression de douleur sur ton visage vaut tout l’or du monde Milo ! Vois-tu, quand Saga était au bord du gouffre, il a vu en Ariane une lueur d’espoir, la lueur de la vie qu’il avait perdue. Il en est tombé follement amoureux et je t’avouerai que je vois bien pourquoi. Ariane est une jeune femme absolument sublime, rusée, intelligente… Au début, je trouvais ridicule le fait de s’attacher de la sorte à une simple servante. Mais elle était gentille. Tellement gentille qu’elle endormait la vigilance de Saga. Il l’aimait comme un fou. A tel point que j’ai fini par faire de même… Mais je lisais dans les yeux de cette charmante créature une espèce de lueur de désespoir chaque fois que Saga lui faisait de grandes et belles déclarations d’amour, quand il l’embrassait…

Milo rougit violemment en réalisant avec horreur ce que Angelo lui avait dit :« Elle est à un autre… » C’était donc lui cet Autre ! Mais… Pourquoi donc Ariane était-elle captive ?! Comment avait-elle pu… Il pâlit brutalement : Ariane… Était…

Mais déjà, perturbant Milo dans ses horribles réflexions, l’Autre continuait :

-J’ai vite compris qu’elle n’aimait pas Saga comme lui l’aimait. Chaque baiser était destiné à un autre. Chaque « Je t’aime » s’adressait à quelqu’un d’autre que Saga… Chaque soupir était pour un autre…

Milo se sentit soudain sourire malgré la haine et la peur qui le faisaient frémir : mais alors… Se pouvait-il que ?…

-Elle en aimait un autre. Un chanceux qu’elle a fini par suivre et par trahir sous mes ordres. (Un sourire diabolique étira ses lèvres) Parce qu’elle savait très bien que j’avais la vie de Saga en main. Et que si elle décidait de me désobéir, je pourrais très bien la faire accuser de sorcellerie ou autre… Mais pourtant, quand je lui ai demandé d’aller mettre fin aux jours du prétendu assassin d’Aioros, elle m’a désobéi pour la première fois. Et c’est la raison pour laquelle j’ai dû l’enfermer avec mon autre moyen de pression… N’est-ce pas mon cœur ?

Ariane baissa encore plus la tête et, les lèvres entrouvertes, elle souffla :

-Oui…

Milo tiqua :

-Comment ça ?! C’est quoi cette embr…

Soudain, tout fut clair dans son esprit, engourdi par cet aveu détourné : comment Masque de Mort avait pu le retrouver, comment Shura avait trouvé Camus, comment l’Autre avait été au courant de qui il devait assassiner... Il murmura, estomaqué :

-C’est… C’est toi… C’est toi qui as trahi tous mes faits et gestes à Saga… C’est pour ça qu’il savait toujours ce que je faisais à l’avance… C’est pour ça que Masque de Mort m’a trouvé… C’était toi qui…

Soudain, il pâlit violemment et souffla :

-Non… Camus…

Milo serra le poing et se mit à hurler :

-Où est-il ?!! Réponds-moi !!

L’Autre éclata de rire et claqua des doigts :

-Un peu long à la détente !

Une seconde silhouette apparut alors, encadrée par deux hommes. Une silhouette légèrement voutée à la joue gonflé et entaillée. Aux yeux fatigués et bleuis par les coups.
Une silhouette aux longs cheveux rouges.
Camus.

Dans un état horrible…

Chapter Text

-Camus !!

S’écria Milo en avançant d’un pas rageur. Néanmoins, il s’arrêta aussitôt lorsqu’Aphrodite (cet homme aux cheveux océan ne pouvait être qu’Aphrodite) posa une lame de couteau sur la gorge du Français :

-Un pas de plus et je l’égorge.

Milo s’arrêta subitement, la main serrée sur la garde de sa rapière à s’en briser les jointures : ce malade ne riait pas. Il n’hésiterait pas à trancher la gorge de son meilleur ami s’il jugeait un mouvement suspect. Un seul mouvement déciderait du sort de Camus.

Lorsque le Français leva des yeux épuisés vers lui, il gronda, les poings serrés au point que ses gants grincèrent:

-Relâche-le.

L’Autre, serrant toujours Ariane contre lui, ricana :

-Oh mais bien sûr ! Relâchons-donc notre otage numéro un ! Sérieusement, tu pensais vraiment que j’allais t’obéir ? Voyons Milo : c’est un moyen de pression extrêmement efficace, vois-tu. Je n’ai aucune raison de le libérer.

Termina-t-il en haussant les épaules. Le Scorpion fronça les sourcils, son regard passant de Camus à Ariane en un instant :

-Pourquoi faites-vous ça ?! Je ne vous ai rien fait, pas plus qu’eux !

Termina-t-il en désignant tour à tour Ariane et Camus du bras. L’Autre plissa ses yeux rouges sang sans cesser de sourire :

-Il y a que je désire quelque chose… Et que je suis prêt à tout pour l’obtenir.

Milo hésita un instant, fixant ce démon avec hargne, puis cracha à contrecœur :

-Que voulez-vous de moi ?

L’Autre fit un pas en avant, laissant Ariane aux bons soins des deux hommes qui l’empoignèrent brutalement par les épaules. La jeune femme baissa la tête après avoir jeté un long regard de désespoir et de détresse au Scorpion… Milo pâlit : des larmes brillaient dans les yeux si clairs d’Ariane…
Elle qui était si stricte avec elle-même…

Elle qui refusait de se montrer faible à tout prix.

Un frisson de rage parcourut l’échine de Milo et il dut se faire violence pour ne pas se jeter sur ces monstres et leur balancer son poing dans leurs sales tronches de bâtards !

La voix glaciale et coupante de l’Autre le fit sursauter :

-Je veux que tu n’obéisses qu’à moi. (Susurra-t-il) Que tu te débarrasses des gêneurs et que tu tiennes ta langue.

Le Scorpion hésita, plongeant ses yeux dans le rouge de ceux de l’Autre. L’Autre qui lui tendit la main en souriant :

-Alors ?... Marché conclu ?

Milo baissa les yeux vers cette paume de main, rongé par deux sentiments contradictoires : que devait-il faire ? D’un côté, il refusait de courber l’échine devant un salopard pareil mais de l’autre… Il ne pouvait pas le laisser faire plus de mal à Camus et à Ariane. Ils avaient déjà trop soufferts (à leur manière) pour mériter d’autres châtiments.

Le Scorpion ferma les yeux et soupira :

-Si je le fais… Est-ce que vous les libérerez ?

L’Autre répondit en un ultime sourire diabolique :

-Ce sera la première chose que je ferai Milo, je te le promets.

Le Scorpion scruta le rouge des yeux du démon et y lut la vérité… Il retint un long soupir frustré et leva la main : il n’avait pas le choix. Il devait protéger ceux qu’il aimait… Et ce, à n’importe quel prix.

Soudain, alors que leurs mains se touchaient presque, le cri de Camus le fit sursauter et lever précipitamment la tête :

-Non ! Ne cède pas !

Milo le dévisagea quelques secondes, observant avec horreurs les détails des blessures et le sang qui couvraient le visage de son meilleur ami. La rage au ventre, il désigna l’Autre de la main :

-Ouvre les yeux ! Il menace de te tuer ! Et c’est hors de question !

-Milo ! Une seule fois dans ta vie, je te demande de m’écouter et de me faire confiance ! Je t’en prie ! Obéis et tais-toi !

-Je refuse de t’abandonner encore une fois !

Hurla le Scorpion en fermant les yeux. Camus se tut, soufflé par les paroles de son ami, et cessa de se débattre. Milo respira profondément et souffla :

-Je refuse…

L’Autre ricana et mima des applaudissements faussement joyeux :

-Comme c’est chou !

Milo se tourna rageusement vers lui et gronda :

-Cessez immédiatement.

-Sinon quoi ? Que penses-tu pouvoir me faire ? (Grinça l’Autre) C’est moi qui ai les otages, c’est moi qui ai gagné la partie. Que crois-tu pouvoir faire pour me faire du mal ? Ca reviendrait à blesser mon innocent réceptacle.

Milo serra les dents et gronda :

-C’est d’accord. (Souffla-t-il à contrecœur) J’obéis mais j’ordonne qu’ils soient libres à l’instant.

L’Autre sourit, victorieux :

-Alors, à genoux.

Milo se mordit l’intérieur de la joue, tellement fort que le gout métallique du sang se déversa dans sa bouche. Serrant les dents et les poings, il plia la nuque et le genou. La main droite sur le cœur, il ferma les yeux pour ne pas risquer de hurler de rage et de frustration : c’était terminé. A quoi bon lutter, l’Autre avait déjà tout prévu et rien ne pouvait plus le surprendre.

Rien ni personne…

A moins que…

Alors qu’il ouvrait la bouche pour parler et prononcer un serment d’allégeance, un sourire étira les lèvres de Milo lorsqu’il jeta un coup d’œil à sa gauche :

-Pile à l’heure comme toujours.

Elle était là. Et Elle lui serait d’une grande aide…

Comme il levait la tête, la voix d’Ariane résonna dans la pièce :

-Non Milo ! Ne fais pas ça !

Le Scorpion leva la tête, les yeux écarquillés : Ariane avait porté les mains à son cœur et avait avancé, échappant quelques secondes à la poigne de ses geôliers. Les liens crissèrent sur ses poignets et elle termina en un cri :

-Bats-toi !

L’Autre fut parcouru d’un frisson agacé et il leva la main, dirigeant toute sa colère vers Ariane :

-Sale garce ! Comment oses-tu seulement me trahir ?!

Sa main s’écrasa tellement fort sur la joue de la jeune femme qu’elle fut projetée sur le sol. Elle se redressa à demi pour foudroyer l’Autre du regard.

Milo se leva précipitamment et hurla :

-Je t’interdis de la toucher !!

-Parce que tu penses que tu as ton mot à dire ?

Milo se saisit de sa rapière : tant pis pour le reste, seul la colère le faisait se mouvoir. Une colère telle qu’il avait l’impression de bouger par réflexe.
Il ne contrôlait plus rien.

Tout ce qu’il voulait, c’était trancher la gorge de ce démon et de voir son sang couler.
Voir son sang goutter sur le sol.

Voir le sang couler en fontaine rougeoyante sur ses mains.
Sentir cette douce torpeur s’emparer de lui et sentir avec délectation la chaleur du liquide glisser le long de ses bras.

Milo sourit : oh oui. C’était ce qu’il voulait.

Il levait son épée lorsqu’un garde qui tenait Ariane auparavant se dressa sur sa route et para le coup mortel destiné à l’Autre avec sa lame. L’homme gronda :

-Tu viens de faire une grosse erreur Scorpion.

Milo esquissa un terrible sourire :

-Que tu crois.

Avant qu’il ne s’en rende compte, le garde était tombé sur le sol, la gorge barrée d’une ligne rouge, tracée par un coutelas… Il s’effondra sur les marches, mort avant d’avoir pu comprendre ce qui lui était arrivé.
Milo sourit et lança son petit coutelas à Ariane :

-Allez, debout princesse !

La jeune femme leva des yeux ébahis vers lui puis, comme victime d’une décharge électrique, elle hocha la tête et entreprit de couper ses liens.

Milo fit face au second garde, plus coriace, celui-ci utilisait deux longues et lourdes lames : analysant rapidement la situation, le Scorpion comprit que cet homme n’était pas un simple garde.
C’était un mercenaire. Un tueur des bas quartiers.
Un homme dangereux.

Milo enchaîna coup sur coup, s’acharnant à désarmer son adversaire qui répliquait à forces de gros coups puissants. Néanmoins, une de ses lames vola dans la pièce pour se ficher juste à côté d’Aphrodite qui vira au livide.

Soudain, le mercenaire gronda et tenta une estocade sur le côté gauche et le Scorpion se décala et…
Agita les bras : en reculant, il venait de descendre une marche et ce changement de niveau l’avait surpris et déstabilisé.

Milo écarquilla les yeux et il les leva vers l’homme en pâlissant…
L’homme qui levait son imposante épée…

Avant que Milo n’ait pu réagir, l’homme fut projeté sur le mur par un coup de pied d’une force magistrale. Ariane avait bougé.

Tellement vite que ça en devenait effrayant.

Elle prit le temps d’offrir un clignement d’œil malicieux au Scorpion avant de lui sourire :

-Merci…

-Merci.

Soufflèrent-ils ensemble. Ils se regardèrent un court instant avant de se ruer d’un commun accord vers leurs adversaires respectifs. Ariane fonça vers Camus dans le but de le libérer tandis que Milo faisait face à l’Autre. Le démon poussa un reniflement dédaigneux :

-Pathétique : tu pensais vraiment que je te ferais face avec seulement 4 hommes ?

Deux gardes sortirent de derrière les rideaux, leurs longues dagues devant eux. Milo sourit et entama sa danse favorite : la danse de la mort.

Ariane se jeta sur Aphrodite, plus proche de Camus que le second garde et elle sortit la courte dague de Milo. L’arme fut bloquée par celle du jeune homme aux cheveux océans qui souffla :

-Ne penses pas que ça va être si simple, ma jolie !

Ariane fronça les sourcils et se mit à frapper, tournoyant, dansant presque. Une dance mortelle mais tellement envoutante.

De son côté, Milo désarma le premier garde et l’attrapa par le col pour l’envoyer valser sur son collègue avant de se retourner vers Camus pour…
Il pâlit et hurla :

-CAMUS ! Bouge !!

Le Français se retourna.
Ecarquilla les yeux avec horreur : le second garde levait son épée dans son dos.

Il ordonna à ses jambes de bouger, de fuir, de…
Elles refusèrent tout mouvement si ce n’est d’infimes tremblements.

Milo fonça sur lui mais le poignard s’abaissa trop vite.
Camus lui jeta un dernier regard puis, la lame tomba.

Ariane se retourna quelques secondes puis pâlit :

-Non !!

Hurla Milo sans cesser de courir. Camus ferma les yeux, horrifié à la vue du sang qui roulait de son dos. Il se sentit tomber en avant, sans pouvoir se retenir…

Sans forces…

-C’est vraiment trop bête… (Pensa-t-il en un ultime sursaut de lucidité) Je n’ai pas su dire au revoir aux garçons…

Comme il s’écroulait, un bras fermel’arrêta dans sa chute et le redressa. Il rouvrit les yeux et…

Les écarquilla : il… N’avait…
Pas mal ?!

Ma foi, c’était qu’il devait être plus coriace qu’il ne le pensait !

Il se retourna à demi et pâlit : le sang qui coulait n’était pas le sien. Mais celui du garde. La gorge barrée par une immonde plaie, il s’effondra en poussant un cri qui se termina en un gargouillis répugnant. Le bras passa sous l’épaule du Français aux cheveux rouges (légèrement traumatisé par cette vision cauchemardesque) et le redressa doucement :

-Tout va bien Camus ?

Le Français détacha ses yeux du garde mort et leva la tête vers son sauveur.
Ou plutôt sa sauveuse.

Une rougeur sans pareille s’empara de ses joues et il balbutia :

-Mais ! Mais ! Mais ! Lé… Léna ?!!

La jeune femme rousse lui offrit un sourire éclatant, sa capuche sombre à moitié tombée sur ses épaules :

-Vous ne pensiez tout de même pas que j’allais vous abandonner, non ?

Chapter Text

-Mais que faites-vous là ?!

S’exclama Camus, complètement abasourdi : que faisait Léna-sa servante, nom d’un chien !- dans un endroit pareil et vêtue de cette façon ?! Pas que le pantalon et la veste sombre lui aille mal mais… Mais par tous les dieux, que faisait-elle ici ?!

La jeune femme rousse sourit et désigna Milo du menton qui s’était subitement arrêté :

-Je suis sous ses ordres, Señor. Et je veille sur vous, comme il me l’a demandé.

Camus pâlit et regarda tour à tour son meilleur ami et Léna, la bouche ouverte sans qu’il puisse l’en empêcher :

-Tu… Milo… Vous… Il… Je… Milo !

Termina-t-il en un cri rageur et outré (mais aussi soulagé à la fois) à l’adresse de son meilleur ami. Il fronça les sourcils et Milo esquissa un sourire gêné en haussant les épaules :

-Héhéhé… Que veux-tu mon pote, j’étais soucieux de ta sécurité… T’es pas fâché tout de même ?

Camus le fusilla du regard puis s’adressa à Léna :

-Vous… (Un sentiment de désespoir minime le prit à la gorge) Vous ne restiez pas… Pour nous ? (se rattrapa-t-il au dernier moment)

Léna rougit :

-Je pense qu’il est plus judicieux d’en parler plus tard.

-ARRÊTEZ DE CAUSER DE VOS PETITS PROBLÈMES DE COUPLES !!! ON EST LÀ POUR SE BATTRE OUI OU MERDE ?!!

Tous sursautèrent violemment lorsque l’Autre poussa un hurlement de rage (et de frustration ?). Ariane se ressaisit la première et leva soudain le pied pour frapper Aphrodite dans le sternum, l’envoyant valser contre le mur. La jeune femme blonde se tourna vers lui et esquissa une semi révérence :

-C’est chose faite, Seigneur.

L’Autre pâlit et ses yeux semblèrent s’illuminer d’un éclat plus sombre encore. Milo arriva vivement près d’elle et ils firent tous les quatre face (Léna soutenant Camus et tenant sa lame de l’autre main) à l’Autre.

-C’est fini.

Dit simplement Milo. Les yeux exorbités, l’Autre se mit à hurler :

-JE REFUSE DE PERDRE !!! Garde !!

Une douzaine de soldats passèrent les rideaux de l’arrière de la salle et encerclèrent les quatre « rebelles ».
Ils se mirent dos à dos et, après un regard, tous quatre se jetèrent sur leur partie du cercle.

Autant Camus se battait instinctivement, faisant néanmoins des dommages plutôt importants parmi les rangs ennemis, Milo, Ariane et Léna se battaient avec grâce et souplesse, les rendant aussi redoutables qu’une vingtaine de soldats. Milo gronda :

-Essayez de faire le moins de morts possible !

-Compris !

Répondirent les trois autres en cœur. Rapidement, le cercle de soldats ne fut plus réduit qu’à une maigre poignée d’hommes hésitants mais dont le cercle se refermait peu à peu sur Milo et ses comparses.

Comme ils se remettaient tous dos à dos, les portes s’ouvrirent soudain et une silhouette se dessina.
Une silhouette seule.

L’Autre se redressa et gronda :

-Où est passée le reste des hommes, soldat ?!!

-Oups ! Navré mais le reste de ta « garde » vient de se faire méchamment rétamer !

L’Autre fronça les sourcils, comprenant qu’il ne s’adressait pas à un de ses hommes :

-Qui va là ?!

L’ombre s’avança, un sourire dans la voix :

-Allons… Ne me dis pas que tu m’as oublié, frangin ?

Milo sursauta et laissa échapper un cri de surprise :

-Kanon ?!

Le jeune homme aux cheveux azurs cligna de l’œil en adressant un petit signe de main à son ami :

-Hey Milo ! Ca va ?

Demanda-t-il narquoisement, du sang tachant sa fine lame et gouttant sur le tapis de la même couleur. Milo balbutia, ébahi :

-Mais… Mais qu’est-ce que tu fiches ici ?!

-T’es frustré que je participe à votre petite réunion ? (Ricana Kanon en avançant vers eux) Nan mais j’m’ennuyais un peu vois-tu… Et comme je passais dans le coin, je me suis dit « Pourquoi pas ? ».

Termina-t-il en haussant les épaules sans cesser de sourire.
Camus et Léna se regardèrent un instant, effarés par la ressemblance frappante entre cet homme et Saga, tandis qu’Ariane en restait bouche-bée :

-Mais cet homme…

Commença-t-elle. Milo hocha la tête et Kanon mima une révérence ironique :

-Kanon Gemini, pour vous servir, gente demoiselle.

Les yeux écarquillés, Ariane le fixa longuement avant de souffler :

-Vous êtes le frère de Saga.

-Bien vu ! Champagne pour tout le monde !

Ironisa encore Kanon. Il sursauta néanmoins lorsque l’Autre ricana :

-Ainsi… Tu étais vivant. J’aurais mieux fait de m’assurer de ta mort moi-même plutôt de me contenter de croire cet imbécile de Saga.

-J’te le fais pas dire.

Confirma platement Kanon en continuant d’avancer avec cette attitude nonchalante. L’Autre haussa un sourcil surpris avant de ricaner :

-Après tout, je suis heureux que tu sois là, Kanon : ça me permettra de rayer 5 gêneurs d’un coup et sans me faire aucun mal.

Kanon esquissa un sourire :

-Et avec quelle armée vas-tu nous arrêter ? T’es tout seul avec six gardes grand max! Comment veux-tu nous stopper, hein ? Ce qu’il restait de ta garde, je viens de l’envoyer de l’autre côté du gouffre, si tu vois ce que je veux dire, termina-y-il avec un clin d’œil malicieux.

L’Autre rit doucement, comme si la situation ne le concernait pas :

-Je n’ai pas besoin d’une armée pour m’occuper de vous : vous n’êtes que des fétus de paille comparé à moi. Moi et ma toute puissance. Alors, je vais me débarrasser de vous 5. Et il ne me restera plus qu’à égorger les gamins et à trouver Aiolia dès demain pour mettre fin à cette mascarade.

Il leva un bras, dévoilant un coutelas d’or dans sa main gauche. Il esquissa un terrible sourire et porta la lame à son visage pour terminer :

-Néanmoins, je compte m’amuser un peu avant de vous achever…

Il gronda à l’adresse des gardes :

-Occupez-vous d’eux : pour l’instant, je règle une histoire entre Kanon et moi…

-Bien !

S’exclamèrent les six gardes en fondant sur leurs adversaires. Milo fut le premier à réagir et, tandis qu’il se démenait avec un soldat, il gronda :

-Camus : tu prends celui de gauche ; Léna, les deux de droite et Ariane les deux de derrière ! Allez !

Le Français sembla hésiter puis sursauta et attrapa la lame que lui jetait Léna avec un clignement d’œil :

-Tâchez d’en faire bon usage.

-Mais…

Commença Camus avant de parer le coup qui lui était destiné avant de froncer les sourcils et de riposter :

-Ah c’est comme ça ?!

Il frappa soudain, et, sans laisser au garde le temps de se ressaisir, il se mit à tournoyer, retrouvant le peu de réflexe d’épéiste qu’il avait dû apprendre. Ses cheveux rouges volant derrière lui, il envoya le manche de la rapière dans le menton de l’homme qui poussa un ultime grognement de douleur avant de s’écrouler, sans connaissance. Camus leva son épée en grondant :

-Voilà ce qui arrive quand on s’en prend à la mauvaise personne.

De son côté, Léna avait assommé le premier garde et « taquinait » le seconde de la pointe de sa rapière, piquant une cuisse ici, un biceps là,…
Finalement, agacé par cette technique épuisante, le soldat leva son épée et la jeune femme rousse en profita pour lever le pied et frapper.
De toutes ses forces.

Dans le plexus solaire de l’homme qui tomba sur le sol, essoufflé.
Léna se pencha en avant et souffla :

-Fais de beaux rêves.

Et elle appuya doucement sur un point précis de la nuque du garde qui fut pris d’un frémissement avant de fermer les yeux.
Endormi.

Ariane combattait les deux autres gardes en même temps, frappant l’un du coude et le second de sa lame, sa longue tresse blonde battant dans son dos.
Elle finit par lever la jambe presque à 180 degrés pour frapper dans la jugulaire du plus grand, le faisant s’écrouler instantanément.

Le second resta ébahi quelques millièmes de secondes et, lorsqu’Ariane se tourna vers lui en souriant, il recula d’un ou deux pas prudent :

-Oh… (Se vexa faussement la jeune femme blonde) Je te ferais peur ?

Le garde ouvrit la bouche et la referma aussitôt avant de persiffler :

-Je ne te crains pas!

-Viens alors. Et mets-y toute ta force !

Le garde gronda en se jetant en avant, la lame tendue pour…
Manquer de tomber lorsque la jeune femme se baissa soudain pour frapper du manche de son épée dans son ventre.

Le garde se retourna vivement, les yeux écarquillés et la main pressée sur son ventre douloureux :

-Tu…

-Allez : on recommence. Mais cette fois, ne me fais pas de cadeaux !

L’homme étira les lèvres en un rictus de rage et plongea de nouveau en avant. Lorsqu’Ariane bougea, il inclina sa lame vers le bas :

-Je ne me ferai pas avoir deux fois !

Ricana-t-il pour lui-même. Ce fut sa dernière pensée lucide.
Parce qu’Ariane ne s’était pas accroupie.

Au contraire, elle avait bondi. Tellement haut que cela semblait impossible.

Le garde la fixa un instant, ébahi, avant de se ramasser ses pieds dans la nuque et de s’effondrer, les yeux exorbités et la bouche ouverte sur un cri de douleur muet. La jeune femme se réceptionna sur les pieds et se redressa.

Milo, quand à lui, venait d’envoyer valser le garde qu’il affrontait contre une colonne et agrippa soudain Aphrodite par le col. L’homme aux cheveux océans poussa un glapissement terrorisé :

-Non ! Pitié !

-Où sont-ils ?

Gronda le Scorpion en rapprochant dangereusement sa lame du visage du jeune homme qui tenta de se reculer.

-Qui ça ?!

-Les enfants, bougre d’imbécile ! Où sont les enfants ?!

Aphrodite glapit lorsque la lame glacée du Scorpion se posa contre sa jugulaire chérie et il ne résista pas bien longtemps avant de céder :

-Au sous-sol ! Ils sont dans la troisième cellule à gauche !

-Et comment on y accède ?

-Par derrière ! Il y a un escalier derrière les rideaux !

Sans plus se préoccuper d’Aphrodite, Milo l’attrapa par le col et le balança aux pieds de Camus :

-Camus : vas libérer les garçons. Ce pâle type va te servie de guide. Léna va t’accompagner.

-Bien, Señor.

Acquiesça la jeune femme avant d’agripper Aphrodite par la chemise et de le forcer à se lever :

-Montre-nous le chemin.

Camus plongea dans les yeux de Milo et souffla :

-Je reviens tout de suite : ne fais pas de bêtises surtout !

Milo ricana :

-Promis.

-Toi et tes promesses…

Sourit vaguement Camus avant de disparaître à la suite de Léna et d’Aphrodite…

Chapter Text

Nous n’allons pas nous mentir, Kanon, peinait face à la vigueur quasi surnaturelle de son adversaire. Un filet de sueur roulant le long de sa tempe, il recula d’un pas.
Le troisième en moins d’une minute.

Le jeune homme aux cheveux azurs retint une grimace : ça, ça sentait plutôt mauvais.
En escrime, reculer est synonyme de défaite. Et, dans ce cas présent, défaite est synonyme de mort.

Tandis qu’il méditait sur ces douces paroles, Saga (non ! l’Autre !) enroula son épée autour de la lame de Kanon qui leva les yeux pour observer la superbe parabole que formait sa rapière chérie :

-Han ! (S’exclama-t-il) Putain mec : tu sais combien elle m’a coûté cette épée ? La peau des fesses !

S’énerva-t-il franchement en se tapant la tempe du doigt. L’Autre fronça les sourcils, pas rieur pour un sou :

-Peu m’importe.

-Ouais ben tu devrais pas parce que c’est toi qui va me la repayer si elle est abi… *Ouch !*

Kanon décolla littéralement du sol lorsque le poing de l’Autre le cueillit dans le menton.
Et lorsqu’il s’écrasa sur le dos, il crut mourir.

L’air refusait d’entrer dans ses poumons et son dos le faisait atrocement souffrir. Sans compter qu’en plus de tout ça, il avait l’air tout à fait ridicule devant les spectateurs !
Merde ! Merde ! Et re-merde!

L’Autre s’approcha en souriant :

-C’est fini Kanon, accepte ta défaite et peut-être que je t’épargnerai et te donnerai un rôle de choix dans la suite.

-Genre, celui du cadavre ?

Ironisa le Dragon des Mers, un large sourire diabolique sur les lèvres. L’Autre se pencha en avant et l’agrippa par les cheveux pour le plaquer violemment contre une colonne. Kanon sentit du sang gicler hors de sa bouche et il leva des yeux rageurs vers son frère qui cracha :

-Tu te crois vraiment marrant Kanon ? Mais tu es pathétique ! On dirait un gosse de 10 ans et encore, c’est plutôt vexant pour les gosses de 10 ans !

Le jeune homme aux cheveux azurs voulut parler mais il ne put lorsque les yeux rouges sang de l’Autre se fichèrent dans les siens : ces yeux d’une couleur si terrifiante mais tellement enivrante…
Hypnotique…

L’Autre susurra soudain en posant sa lame sur sa gorge :

-Si le rôle du mort te plait tant, laisse-moi exaucer ton souhait.

Kanon refusa de fermer les yeux : il regarderait la mort en face.
Il allait quand même pas mourir comme un couillon, hein !

Non, merde ! S’il fallait crever, autant le faire avec un semblant de dignité !

Alors, Kanon fit taire la peur dans son ventre et regarda droit devant lui, attendant.
Mais le coup ne vint pas.

Il leva les yeux vers l’Autre et les écarquilla : les cheveux de son adversaire hésitaient entre une teinte grise et…

Bleue mer…

Kanon écarquilla les yeux et souffla :

-Saga ?

-Je ne… Je ne vais pas pourvoir le retenir très longtemps ! Fuis !

Articula difficilement la voix de son aîné. Kanon souffla :

-Saga mais… Qu’est)ce que tu fous ?

-Va… T-en !

Soudain, faisant taire la voix de son hôte, l’Autre recula violemment et se prit la tête entre les mains :

-Qu’est-ce que tu fabriques ?! (Gronda-t-il contre lui-même) J’allais lui régler son compte !

-Ca suffit (Cria-t-il avec la voix de Saga) : je refuse que tu fasses encore du mal à quiconque !

L’Autre leva la tête au ciel, comme soudain hors d’haleine :

-Ha ! Si tu n’intervenais pas à des moments aussi… Aussi critiques… Je serai déjà le maître de cette ville depuis longtemps !!

-Arrête cela ! Laisse-les partir.

-Hahaha ! T’as cru toi ! Vraiment !

L’Autre éclata d’un rire diabolique planta ses ongles dans son visage, comme s’il luttait avec lui-même :

-Naïf ! Naïf et tellement faible !

Sa tête tomba en avant et il se mit à respirer bruyamment, avec d’énormes difficultés :

-Je ne… Veux pas que… Tu sèmes le mal sur terre !

Grondèrent les voix de l’Autre et de Saga ensembles. Hypnotisé par le spectacle que donnait son aîné, Kanon tenta de se relever mais son dos l’élança violemment et il resta assis, grimaçant sous la douleur :

-Peux plus… Bouger…

Pensa-t-il avant de sombrer dans un semi brouillard…

Après un moment de silence, l’Autre se redressa soudain et inspira profondément avant de souffler :

-Je… Dirige ce corps.

-Que tu crois !

L’Autre se retourna à demi et poussa un grognement étouffé lorsque la lame de Milo traça une ligne de feu sur son bras. Le Scorpion sourit :

-Tu m’avais oublié ?

Serrant son bras blessé contre lui, l’Autre gronda :

-Toi ! Comment oses-tu porter la main sur moi ?!

-Assez facilement, je dois l’avouer.

Se moqua Milo en faisant tournoyer son épée. L’Autre fronça dangereusement les sourcils et il leva la main :

-Alors viens qu’on en finisse.

-Avec plaisir !

Milo plongea en avant, lame tendue devant lui, un sourire dément sur les lèvres. L’Autre para le coup et tenta de lui faire perdre l’équilibre en le repoussant avec force. Le Scorpion fit un bond sur le côté pour éviter de se faire embrocher et…

Ecarquilla les yeux avec horreur lorsqu’il trébucha.

Trébucher ?!

Mais comment avait-il pu trébucher ?!!
Le Scorpion baissa des yeux horrifiés er comprit lorsqu’il vit le pied tendu de l’Autre juste devant sa jambe ! Le fourbe !

Il leva les yeux sans pouvoir se rattraper et tomba droit dans les bras de son adversaire qui souriait :

-Gagné.

Milo se décala aussi vite qu’il le pouvait lorsque l’Autre leva la main pour le poignarder droit au cœur ! La lame se planta dans son épaule gauche et il retint un cri de douleur avant de s’écrouler sur le sol.

Ariane cria pour deux :

-Milo !!!

Le blond s’écroula en pressant son épaule trempée de sang de la main, une grimace de douleur pure sur le visage. L’Autre se dressa au dessus de lui et ricana :

-Tu fais trop le malin: c’est ce qui te perdra ce soir.

Il leva son couteau et Milo n’eut pas le temps de se dégager : là, il voyait difficilement comment s’en sortir… C’était fini.

Mais une ombre se dressa devant lui et para le coup mortel qui lui était destiné ! Des étincelles fusèrent lorsque les deux lames glissèrent l’une contre l’autre et Milo écarquilla des yeux ébahis :

-Ari !

La jeune femme blonde grimaça sous le poids de son adversaire et articula difficilement :

-Je ne te laisserai pas faire de mal à Milo ! Ni à personne d’autre d’ailleurs !

L’Autre se pencha en avant et feula :

-Parce que tu penses pouvoir m’arrêter ? Tu n’es rien comparé à moi Ariane ! Et il est grand temps que tu le comprennes !

L’Autre se dégagea et frappa droit en direction de l’aine. Mais Ariane fit un bond sur le côté et riposta aussi vite qu’elle le pouvait. Néanmoins, le couteau de son adversaire traça une ligne de feu sur sa joue mais elle grimaça à peine, reléguant sa douleur au second plan.

L’Autre lui agrippa soudain le poignet et sourit :

-Tu sais Ariane : tu es comme un petit oiseau que le chat aurait attrapé…

Il tourna violemment la main et le poignet se rompit en un craquement douloureux. La jeune femme blonde poussa un cri et tenta de se dégager mais l’Autre la plaqua contre lui pour lui susurrer à l’oreille :

-Tu m’as beaucoup amusé, tu m’as diverti mais à présent, j’en ai assez… Et sais-tu ce que font les chats quand ils ont assez joué avec la souris?

Ariane écarquilla des yeux horrifiés :

-Ils l’achèvent.

Comme il leva la main pour la frapper avec son couteau, un sourire étira soudain les lèvres de la jeune femme :

-Et qui est-ce qui fait trop le malin maintenant ?

L’Autre fronça un sourcil et poussa un hurlement de douleur et de surprise lorsque l’épée d’Ariane plongea dans sa cuisse gauche ! Il serra les dents et gronda :

-Sale garce !

Il baissa brusquement le poing et Ariane écarquilla des yeux horrifiés avant de s’écraser sur le sol, à moitié assommée par la violence du choc.
Sans un cri.

Milo se redressa sur le coude :

-Ariane !!

L’Autre se pencha à demi et pressa sa blessure en poussant un feulement de douleur. Il se redressa alors et contempla ses mains rouges et poisseuses de sang, les yeux légèrement écarquillés. Il regarda une goutte rouler le long de son poignet avant de tomber doucement sur le sol, disparaissant dans le rouge du tapis…

-Alors c’est donc cela… La douleur.

Il serra le poing et gronda :

-C’est détestable ! Tu vas me le payer ! Non : Vous allez me le payer ! Vous entendez ?! Est-ce que vous…

-Saga !

L’Autre se figea et se retourna lentement. Lorsqu’il reconnu celui qui avait parlé, il pâlit littéralement et il entrouvrit légèrement la bouche. Et alors que Milo se rapprochait douloureusement d’Ariane pour la redresser et la serrer contre lui, s’assurant qu’elle n’était qu’évanouie, c’est avec la voix de Saga que l’Autre souffla :

-Mû…

Chapter Text

Mû fit un pas hésitant en avant :

-Est-ce que c’est bien… Toi ?

L’Autre poussa un gémissement étouffé et porta la main à son front :

-Non…. Non, pas ça…

Souffla la voix de Saga hors de ses lèvres. Mû avança d’un pas, des larmes d’émotions brillants dans ses yeux clairs :

-Saga… Ca fait si longtemps ! Mais qu’est-ce qui se passe ? Et qu’est-ce que tu as fait à tes cheveux ? Et que…

Mû fit un bond sur le côté pour éviter le coutelas que Saga venait de lancer dans sa direction ! Les yeux écarquillés, il se tourna vivement vers son « frère » :

-Mais…

Commença-t-il vainement. L’Autre recula de deux pas et gronda contre lui-même, contre Saga :

-Je ne peux pas te laisser reprendre le contrôle ! Arrête immédiatement espèce d’emmerdeur !

-Non ! Il est hors de question que tu fasses du mal à Mû, tu entends ?!

L’Autre pressa sa tête de ses mains et poussa un long gémissement de douleur et de frustration. Mû pâlit et souffla :

-Mais… Qu’est-ce qui te prend Saga ?

L’Autre se redressa soudain, un terrible sourire carnassier sur les lèvres et les yeux injectés de sang :

-Je ne suis pas Saga ! Et je vais terminer ce que j’aurais dû faire il y a bien longtemps !

Mû recula d’un pas :

-Mais… Mais qu’est-ce que tu racontes enfin ?! Je ne comprends pas !

-Allons Mû : tu es un garçon intelligent non ? Comment ne peux-tu pas te rendre compte que le Saga que tu connaissais est mort et enterré ?!

Le jeune homme aux cheveux lilas hoqueta :

-Mais… Mais ça n’a aucun sens ! Tu délires !

L’Autre leva des yeux las au ciel :

-Pourquoi est-ce que personne ne comprends ?...

Alors, l’Autre esquissa un sourire et commença à raconter l’histoire que Milo venait d’entendre, se délectant de l’expression de douleur qui se dessinait sur le visage du jeune homme au fur et à mesure qu’il avançait dans son récit...

D’ailleurs, en parlant du loup, Milo faisait le point sur ses effectifs :

Alors voyons voir : Lui-même ? HS. Kanon ? HS. Ariane ? HS aussi. Camus ? Avec les enfants. Léna ? Avec Camus, lui-même avec les enfants. Aiolia ? Parti chercher de l’aide. (« Mais qu’est-ce qu’il fouuuut ! Ca demande pas deux heures d’aller chercher la garde non ?! »). Le Scorpion grimaça : ils étaient plutôt mal barrés.

Le blond jeta un coup d’œil à Ariane : heureusement, la jeune femme n’était qu’inconsciente suite au coup qu’elle avait reçu mais son poignet était vraiment dans un sale état… Tout en songeant cela, Milo osa regarder son épaule et retint un grimace : le sang ne cessait de couler de la plaie et… C’était plutôt mauvais signe !

Milo posa doucement Ariane sur le sol et se leva, profitant que l’Autre lui tournait le dos : bon, c’était pas très glorieux mais… Il n’y avait qu’une seule façon de battre ce malade. Le Scorpion fronça les sourcils et sortit un couteau de sa ceinture : la ruse…
Et Mû, (mais qu’est-ce qu’ils foutaient tous là enfin ?! Ils s’étaient donné rendez-vous ou quoi ?!) était la diversion dont il avait besoin.

Soudain, l’Autre, toujours en train de parler à Mû, sourit et asséna :

-C’est Saga qui m’a demandé de te tuer.

Le jeune homme aux yeux de jade pâlit subitement et trébucha soudain, manquant même de s’effondrer sous le choc :

-Non… (Balbutia-t-il) C’est impossible…

-Pourquoi te mentirais-je ?

Reprenant subitement ses esprits, le jeune homme se redressa et gronda :

-Pourquoi ? Simplement parce que vous me haïssez et que vous haïssez la terre entière !

L’Autre haussa un sourcil :

-Ha ?

-Parfaitement ! Je refuse de croire ce que vous me racontez ! Je sais que Saga est vivant ! Je sais qu’il m’entend !

Termina-t-il en un cri rempli de sanglots bravement contenus. Il serra les poings puis souffla :

-Et… Je sais qu’il ne me ferait pas de mal.

L’Autre poussa un petit reniflement amusé :

-Tss… Tu es si naïf… Si fragile petite chose…

Les joues du médecin se colorèrent d’un rouge furieux et il se mit en garde :

-Venez donc voir si je suis si fragile que ça !

L’Autre sourit :

-Je n’en demandais pas tant. Mais avant de jouer avec toi, je dois m’occuper de ce gêneur qui s’imagine que je ne l’ai pas vu.

Milo pâlit soudain et poussa un « Hein ?! » de surprise suivit d’un glapissement lorsque l’Autre, sans se retourner, l’attrapa par les épaules (Ouille !) pour le balancer violemment contre le sol ! Le Scorpion ouvrit la bouche à la recherche d’air, le dos en miettes et l’épaule ensanglantée :

-Mais… Mais comment ?!

Se demanda-t-il avant d’essayer de se relever. Mais son dos hurla de douleur lorsqu’il tenta de faire un mouvement et il retomba, sans forces…

Mû poussa un cri :

-Milo !

Mais comme il allait avancer vers son ami, l’Autre se dressa juste devant lui, de toute sa hauteur.
Mû recula d’un pas devant l’imposante silhouette aux yeux de sang et son adversaire sourit :

-Allons, allons : ne me dis pas que tu me refuses cette danse ?

Et il frappa.
Lâchement.

Mais Mû était prêt et, vif comme l’éclair, il se décala et riposta vivement, les sourcils froncés et le visage concentré. Il avait pris des cours d’escrime étant plus petit : les réflexes ne tardèrent pas à revenir et très vite, il se mit à tournoyer.

C’était presque une danse tellement ses mouvements étaient envoûtants et précis.

Les yeux à demi-clos, Mû murmurait :

-Feinte ; pirouette ; pique ; un pas en avant ; feinte ; se décaler ; pique…

Et chaque mot semblait porter son épée vers sa cible, frappant toujours plus fort et plus précisément son ennemi. Pour la première fois, l’Autre commença à reculer et une lueur étrange éclaira ses yeux rouges.
Dès lors, ses coups se firent désordonnés, rageurs,…
Effrayés.

Alors, Mû profita d’un instant de distraction pour piquer droit dans le bras de son adversaire.
L’Autre poussa un cri de douleur et releva la tête :

-Comment oses-tu ?!

Il attrapa l’avant-bras du jeune homme aux cheveux mauves qui n’avait pas encore dégagé sa lame et l’attira à lui. Mû écarquilla les yeux mais le pied de son adversaire s’écrasant sur son ventre lui coupa la parole et le souffle mieux que n’importe quelle réponse. Avec un sourire, l’Autre lâcha son bras dès qu’il le frappa et le jeune homme aux yeux de jade fut littéralement propulsé à travers la salle.

Mû tomba sur les marches qui séparaient la grande salle des rideaux et resta là, les bras en croix et le souffle court, incapable de se relever. L’Autre pressa la plaie de son bras en poussant un feulement :

-Je vais… Vous MASSACRER !!!

Il s’avança vers Mû, leva la main qui tenait son épée et sourit :

-Une dernière parole ?

Mû plongea le bleu de ses yeux dans le rouge de l’Autre et murmura simplement :

-Saga…

L’Autre tressaillit et recula d’un pas en bafouillant :

-Tu… Tu ne…

Comme il s’ébrouait et faisait mine d’avancer, le démon poussa soudain un hurlement de douleur en portant les mains à son cœur ! Mû écarquilla les yeux et souffla :

-Mais… Tu es ?!

Là, juste derrière l’Autre, une silhouette aux longs cheveux azurs poussa encore une fois sur le manche du poignard qu’il venait de planter dans le dos de son aîné ! Milo haleta :

-Kanon !!

Le jeune homme aux yeux bleus océan, le visage déformé par un rictus mêlant rage et désespoir, gronda :

-C’est fini !

L’Autre hurla et soudain, Kanon fut secoué d’un frisson et tomba en arrière, les mains serrées sur son cœur, haletant. Milo se redressa :

-Kanon !! Qu’est-ce qu’il t’a fait ?!!

Mais il écarquilla les yeux et comprit lorsque l’Autre et son ami poussèrent un cri à l’unisson. Le Scorpion souffla :

-Des jumeaux… Ressentent toujours lorsque l’autre souffre ou meurt…

Ainsi… Kanon ressentait la même douleur que son aîné ! L’Autre tomba à genoux et se mit à haleter, le souffle court :

-Qu’est-ce que ?! Que… Fais-tu ?

Les yeux exorbités, le gauche vira soudain au bleu et Saga parla :

-C’est assez ! Tu as fait assez de mal dans ce monde ! Il est temps de me laisser reprendre le contrôle !

-Jamais !!! C’est hors de question !!

Il tentait de se relever, provoquant un flot de sang qui coula sur le sol lorsque soudain, une intense lumière dorée enveloppa son corps et il recula de plusieurs pas :

-Que ?! Mais qu’est-ce que c’est que ça ?!

S’effraya-t-il en levant les mains vers son visage. Cette lueur dégageait une intense chaleur… Un feu, un incendie qui lui brûlait horriblement la peau. Les yeux parcourant la salle à toute vitesse, l’Autre hurla :

-Que se passe-t-il ?!! Qui est derrière cette sorcellerie ?!

Une étincelle frappa sa tempe et ses yeux se révulsèrent quand il tomba à genoux pour se prendre la tête entre les mains. Un long gémissement sorti de ses lèvres et soudain, il releva la tête et poussa un hurlement de douleur…

Un hurlement mêlé de sa voix et de celle de Saga.
Mû se boucha les oreilles.

L’Autre hurla :

-Nooon !! Je refuse !! Je refuse d’abandonner… Ce corps !!

Mais la lumière gagnait en intensité et très vite, son corps fut agité de spasmes et de soubresauts qui le firent s’effondrer sur le sol. Les yeux révulsés, du sang coulant de sa bouche, son corps s’arqua vers le haut et un nouveau hurlement déchira le silence de la nuit. Milo, qui avait rampé jusqu’aux escaliers, attrapa Mû, fixant avec horreur ce terrifiant spectacle, par les épaules et le plaqua contre lui, pressant sa tête contre son torse avec protection :

-Ne regarde pas !

Mû se serra contre lui en tremblant et Milo écarquilla les yeux avec horreur lorsqu’il vit ce qui se passait : les doigts serrés sur le tapis, des ongles arrachés à force de gratter le sol, le corps de l’Autre se tordait en tout sens et soudain…
Soudain…

Une fumée noire et épaisse s’échappa de la bouche de Saga !

Avec un bruit infâme de suçon, le Démon, l’Autre, sortit du corps de son hôte et promena un regard furieux sur les gens qui se trouvaient dans la salle. Alors, d’une voix caverneuse, il gronda :

-Qui… A fait… CA ?!!!

La fumée esquissa un terrible sourire et ricana :

-Bah : peu m’importe ! Il était déjà sur le point de crever ! Je n’ai qu’à prendre le corps de quelqu’un d’autre ! Quelqu’un qui me conviendra parfaitement !

Paralysé par la peur et le dégoût, Milo ne put répondre lorsque les yeux rouges de l’Autre se posèrent sur lui puis sur…

Un sourire gourmand étira la bouche du Démon :

-Kanon…

Il ricana et les bougies de la pièce furent soudain soufflées par un coup de vent glacial.
Mais comme il s’élevait pour mieux plonger sur sa proie, une intense lumière jaillit de la fenêtre…
Milo écarquilla des yeux ébahis : la lumière…
Une lumière aussi intense que celle du soleil ! En pleine nuit ?!

L’Autre poussa un hurlement tandis qu’une voix que Milo ne parvint pas à identifier criait :

-Tenkuhaja Chimimoryo !

L’ombre écarquilla des yeux horrifiés et fut alors comme aspirée vers la fenêtre en un long hurlement aigu :

-Nooon !!!

Il y eut un grand cri rauque puis, il un grand flash de lumière éclaira subitement la pièce, semblable à un éclair et le silence se fit soudain…

Chapter Text

-Les garçons !

S’écria encore Camus, la main en porte-voix. Seul son écho lui répondit et il sentit le désespoir et la rage s’emparer de son cœur de pierre. Alors, il se retourna et agrippa violemment Aphrodite par le col pour le plaquer contre le mur :

-Où sont-ils ?!

-J-j-j-j-juste là!!

-Je n’ai pas de temps à perdre, alors tu vas me mener à leur cellule et fissa !

Léna haussa un sourcil mais ne releva pas l’énervement soudain du Français. Lorsque Camus le lâcha, Aphrodite se laissa tomber sur les genoux, les jambes flageolantes et le visage quasi translucide :

-Je… D’accord…

Il se redressa lentement et avança dans le couloir. Camus souffla profondément et rajusta le col de sa chemise. Un petit gloussement le fit se retourner : Léna dissimulait sa bouche derrière la paume de sa main et le Français fronça les sourcils :

-Qu’y-a-t-il de risible dans cette situation ?

Léna s’avança à la suite d’Aphrodite en souriant :

-Rien… Vous êtes juste… (Elle se retourna à demi et lui adressa un clin d’œil espiègle) Tellement plus attaché à ces enfants que vous ne vouliez me le faire croire…

Camus sentit une légère rougeur chauffer ses pommettes et il la chassa en se secouant et en dépassant la jeune femme rousse :

-Grmbl… Avançons.

Léna sourit et obéit sans rien dire de plus…

Bien vite, Aphrodite s’arrêta devant une cellule et tendit un trousseau de clés au Français en cafouillant :

-Je ne sais pas quelle clé il faut…

-Laissez-moi faire.

Soupira simplement la jeune femme rousse en repoussant une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle se positionna face à la porte, observa le verrou comme si elle réfléchissait à quel outil utiliser, et frappa du pied sur la porte. Camus écarquilla des yeux ébahis et la mâchoire d’Aphrodite se décrocha littéralement de 10 bons centimètres. La porte s’ouvrit en un grincement lorsque, d’une pichenette du doigt, Léna la poussa en souriant :

-Nous n’avons pas de temps à perdre, non ?

-Je…

Commença Camus mais une furie blonde se jeta soudain dans ses bras en sanglotant :

-PARRAIN CAMUUUUUUS !!!!!

Le Français réceptionna le petit monstre dans ses bras et le serra contre lui de toutes ses forces :

-Oh Hyôga ! Tu n’as rien ? Et où est Ias…

-Camuus !!

Le Français aux cheveux rouges hoqueta lorsqu’Isaak se jeta littéralement dans ses jambes, l’obligeant à se mettre accroupi pour ne pas tomber à la renverse :

-Oh mes garçons ! Je suis si heureux que vous n’ayez rien !

Soupira le jeune homme aux cheveux rouges en serrant les enfants contre lui :

-Ne nous abandonne plus jamaaiiiis !!

Pleurnicha Hyôga en se mouchant dans la veste de son parrain (beuuuurkk !) et Camus s’autorisa à fermer les yeux :

-Jamais plus…

A ce moment, un petit « clic » retentit dans le couloir et Camus se retourna avec horreur : Aphrodite pointait un fusil sur lui, un sourire narquois sur les lèvres :

-Tu as vraiment cru que j’étais si faible ? Jamais tu ne reverras la lumière du jour !

Camus n’eut pas le temps de réagir que Léna avait bondi pour frapper du poing et…

La balle fusa et frôla sa joue constellée de taches de rousseur lorsqu’elle roula sur le sol.

Aphrodite leva la tête et éclata de rire:

-Haha !! Vous ne pouvez rien contre moi !

Mais il décolla littéralement lorsque le poing fermé de Camus le cueillit dans le creux de la gorge. Il retomba sur le dos et laissa échapper son fusil qui alla se perdre derrière les barreaux d’une cellule.

Camus fronça dangereusement les sourcils et gronda :

-Ne t’avise plus jamais de faire du mal à ma famille. Compris sale ordure ?

Papillonnant des yeux, à moitié assommé, Aphrodite hocha béatement la tête en souriant :

-O…ok…

Puis il s’écroula.
HS.

Bouche-bée, Isaak souffla :

-Ben ça…

S’il avait su que son parrain savait se battre comme ça ! Léna s’approcha du Français et souffla :

-Merci Camus, vous avez…

Mais elle se tut, les yeux écarquillés et le rouge aux joues : la main de Camus se posa sur le bas de son dos et il la plaqua contre lui pour l’embrasser avec force et détermination.
Hyôga joignit les mains et se mit à sourire :

-Oh…. C’est trop… Beau!!

Mais Isaak plaqua vivement ses mains sur les yeux du Russe en se détournant lui-même :

-Hyôga, ne regarde pas ces choconeries !

Léna sourit derrière le baiser et referma ses bras sur la nuque de Camus.
Camus qui souriait.

 

$s$s$s$

Inconscient de la victoire et de la réussite amoureuse de son meilleur ami, le Scorpion se redressa lentement. La vue parsemée d’étoiles vertes suite à ce trop plein de lumière, Milo cligna des yeux plusieurs fois de suite pour essayer de s’habituer à l’obscurité soudaine qui régnait dans la pièce.
Il faisait désormais horriblement silencieux et le Scorpion n’osait le rompre de peur de faire une bêtise.
Et si l’Autre était encore là ?

Non, le silence était bien trop léger…
Pas de sensation de danger étouffant la pièce précédemment…

Il hésita un moment avant d’humecter ses lèvres sèches et de craquer :

-Est-ce que tout le monde va bien ?

Un pouce se leva sur l’estrade pour Kanon qui poussa un vague « Au poil ! », une quinte de toux à sa droite répondit pour Ariane et Mû se décolla soudain de lui pour se lever et courir vers l’estrade en hurlant :

-Saga !!!

Kanon, affalé sur le dos releva soudain la tête, une grimace d’incompréhension sur le visage :

-Bah… Et moi alors ?

Mais Mû le contourna sans faire de manières (« Grmbl ! »), se laissa tomber avec horreur aux côtés de son frère adoptif et le redressa :

-Saga ! Je t’en prie, parle-moi !

Le jeune homme aux cheveux bleus mers avait les yeux fermés et la bouche rougie par le sang qu’il avait craché, sa poitrine était désormais marquée par une plaie circulaire d’où ne cessait de couler un liquide rouge et noir…

Milo redressa doucement Ariane et s’assura de son état :

-Est-ce que ça va ?

Souffla-t-il. La jeune femme blinde hocha doucement la tête et murmura :

-Je… Je voudrais le voir…

-Ari, je ne crois pas que…

-S’il te plaît…

La douleur dans la voix de son amie fit déglutit le Scorpion qui soupira et souleva Ariane en grommelant :

-Tu m’énerves quand tu fais ces yeux là !

La jeune femme esquissa un faible sourire et se laissa aller contre le corps de Milo, rassurée par sa simple présence...

-Milo ?

-Hm ?

-Je… Je suis désolée de t’avoir… Trahi mais… Il menaçait de faire du mal à Saga si je refusait et… Je n’étais pas de taille… Je… Je…

-Chut… (Souffla le Scorpion en posant un doigt sur ses lèvres) On parlera de ça plus tard…

Ariane hocha la tête, tentant de repousser les larmes qui lui brouillaient la vue et Milo la serra un peu plus fort contre lui et l’aida à monter les marches. La jeune femme sentit des larmes d’horreur affluer, se mêler à ses larmes de honte, rouler sur ses joues… Elle se dégagea doucement de l’étreinte de Milo et elle s’écroula de l’autre côté du corps de Saga en sanglotant :

-Oh mon Dieu ! Saga !

Milo les regarda un instant puis il alla s’assurer de l’état de Kanon : il n’était rien pour Saga et vice versa, il n’avait pas à les gêner. Il s’accroupit et redressa son ami :

-Ha mec ? Est-ce que ça va ?

Le jeune homme aux cheveux azurs s’agrippa soudainement à ses épaules et le regarda avec des yeux et un sourire de fou :

-T’as vu ? Je l’ai eu ! Je l’ai buté cet enfoiré !

Mû se retourna rageusement et, un éclair de rage traversant ses yeux clairs, il se jeta sur eux, repoussa Milo et agrippa Kanon par le col :

-Qu’as-tu fait ?!!

-J’t’ai sauvé la vie, voilà ce que j’ai fait ! Tu pourrais me témoigner un peu plus de respect, gamin !

-Tu l’as tué !! Tu as tué Saga !!

-Grand bien lui fasse !

Choqué, Mû écarquilla les yeux et relâcha légèrement son emprise sur le col de la chemise de Kanon :

-Comment… Comment oses-tu dire une horreur pareille ?! Tu ne te sens pas mal ? Tu as tué ton propre frère ! Comment peux-tu seulement…

Soudain, un infime soufflement les fit tous se retourner :

-Mû…

Le jeune médecin hésita à peine avant de repousser Kanon et de se précipiter vers son aîné :

-Saga !

Le jeune homme entrouvrit difficilement les yeux et hoqueta :

-Il… Il est parti ?

-Qui donc ?

Les yeux de Saga s’écarquillèrent et sa voix se fit pressante :

-L’Autre.

Mû esquissa un sourire et murmura doucement, comme à un enfant qu’on rassurerait après un cauchemar :

-Oui… Oui, il est parti…

Un immense soulagement se lut soudain dans les yeux de Saga et il expira longuement avant de se mettre à rire doucement :

-Mû ?

-Oui ? Je suis là !

-Ha… Tu n’as… Pas changé…

Un sourire ému étira les lèvres du jeune médecin aux cheveux lilas et des larmes embuèrent ses yeux clairs. Il serra vigoureusement la main de son ami dans la sienne et le redressa légèrement :

-Accroche-toi Saga ! Reste avec moi !

Le jeune homme aux cheveux bleus rit doucement puis se mit à tousser et Mû le redressa pour le serrer contre lui en sanglotant :

-Non ! Allez, accroche-toi !

-Je… Je suis fatigué Mû… Ca fait tellement longtemps qu’il m’empêchait… De dormir… Je vais enfin pouvoir me reposer…

Mû allait répondre quelque chose mais Saga tourna lentement la tête vers sa gauche et murmura en tendant la main :

-Ariane ?...

Mû baissa les yeux et comprit que Saga faisait ses adieux à ceux qu’il aimait… Et qu’il ne devait pas le garder égoïstement pour lui… Il serra les dents et tenta de s’empêcher de pleurer. La jeune femme s’empara fébrilement de la main que lui tendait Saga et elle souffla, la voix chargée d’émotion :

-Oui… Oui je suis là ! Reste avec nous ! Je t’en prie !

Le sourire de Saga lui comprima horriblement le cœur dans un étau qui refusait de se desserrer :

-Ha… Je… Je t’aime tu sais…

Ariane hoqueta à demi et serra la main de Saga dans les siennes, incapable de répondre quoi que ce soit : elle… Elle n’avait jamais été… Amoureuse au sens propre du terme de Saga… Elle avait été obligée de rester sous la menace de l’Autre mais… Mais la façon dont il lui avouait ça…
Une brusque nausée s’empara d’elle : depuis toujours, Saga essayait de la protéger et elle…

-Je…

Commença-t-elle. Mais Saga souffla, la faisant taire mieux que n’importe quel geste :

-Je suis désolé… Qu’Il t’ait fait du mal… Et de… De t’avoir fait souffrir…

Des larmes dévalèrent les joues de la jeune femme blonde et elle porta la main du jeune homme à son front :

-Saga…

Hoqueta-t-elle sans pouvoir s’excuser de ce qu’elle avait fait… Sans pouvoir lui mentir et lui dire qu’elle l’aimait…

Saga souffla soudain :

-Milo ?

Le Scorpion, resté à l’écart, écarquilla les yeux et demanda doucement :

-Moi ?

-Veille bien sur elle… Pour moi…

Milo hésita, voulu répondre quelque chose… Croisa le regard bleu de Saga… Et refusa de lui mentir :

-D’accord… C’est promis.

Saga sourit :

-C’est bien… Merci… Et où… Où est Kanon ?

-Chuis là…

Grommela son cadet sans vraiment oser se rapprocher. Saga toussa soudain puis supplia :

-Viens…

-Je crois pas que c’est une bonne idée…

Commença vainement le jeune homme aux cheveux azurs mais la voix rieuse et tout à fait provocatrice de Saga le rappela :

-Tu as peur ?

Kanon hésita entre s’énerver violemment et s’approcher de son frère : comment osait-il seulement remettre en doute son courage ? Lui, l’impitoyable Dragon des Mers, n’avait peur de rien ! Alors, Kanon se mordit l’intérieur de la joue et il choisit de faire le second pas :

-Bien sûr que non !

Grommela-t-il en se laissant tomber mollement aux côtés de son frère tandis que les autres reculaient respectueusement. Saga souffla alors :

-Tu sais quoi ?

Kanon dut presque coller son oreille contre la bouche de son aîné tant sa voix était devenue un filet ténu, presque inaudible. Il renifla vaguement, un étrange sentiment lui comprimant les entrailles, puis, il souffla :

-Nan… Dis toujours ?

-Je… T’ai toujours admiré… Et je… je regrette… De t’avoir fait du mal…

Kanon ne sembla absolument pas touché par cet aveu : les mâchoires serrées et les sourcils froncés, il semblait hésiter mais soudain, contre toute attente, il se pencha et serra son frère contre lui, des sanglots dans la voix :

-Il t’en a fallu du temps !

Saga hoqueta vaguement, à moitié de douleur et à moitié de surprise, lorsque les bras puissants de son cadet se refermèrent brutalement sur son corps brisé par la fatigue et il sentit bien vite des larmes d’émotion affluer et embuer ses yeux clairs :

-Tu… Tu me pardonnes ?

-Bien sûr, abruti : tu sais bien que j’ai jamais pu rester fâché après toi bien longtemps.

Saga sourit et ferma les yeux, faisant rouler les larmes sur ses joues livides :

-Merci… (Murmura-t-il) Merci pour tout…

Il inspira doucement avant de chuchoter avec un soulagement palpable le prénom de son frère :

- Kanon…

Puis, il sourit calmement :

-Je suis si fatigué… Je vais dormir un peu… Puis on… On parlera… D’accord ?

Kanon hocha la tête et répondit d’une voix chevrotante :

-Ouais… T’as raison : repose-toi.

Saga sourit et poussa un léger soupir :

-Tu m’as manqué… Petit frère.

Le souffle de Saga se fit alors plus long, moins fréquent…
Apaisé.

Lorsqu’il comprit que c’était fini, Mû porta les mains à sa bouche pour s’empêcher de pousser un cri horrifié et il se laissa tomber sur les genoux en sanglotant silencieusement. Ariane hoqueta puis se blottit contre Milo, les épaules tremblantes et les joues noyées de larmes tandis que le blond referma les bras sur elle en une douce étreinte rassurante.

Kanon ferma douloureusement les yeux lorsque son propre cœur manqua un ou deux battements…
Pile au moment où celui de son aîné cessait de battre…

Alors, Kanon serra le corps sans vie de Saga contre lui et poussa une plainte rauque, le visage enfoui dans le creux de la gorge de son aîné. Une larme roula sur sa joue et termina sa chute sur le visage épanoui de Saga qui souriait doucement…
Enfin, il pouvait se reposer…

Lorsqu’Aiolia débarqua enfin, la garde royale suivant derrière lui, il fut ébahi de trouver un spectacle de désolation dans la pièce. Sur l’estrade, un homme aux cheveux azurs serrait le corps de Saga contre lui, à côté, un jeune homme aux yeux de jade sanglotait doucement et là…

Aiolia s’écria en voyant l’épaule ensanglantée de son ami :

-Milo !

Le Scorpion leva des yeux fatigués vers son ami et leva le pouce :

-Hé Aio… lia…

Il poussa un soupir d’épuisement et se laissa tomber en arrièreet de perdre connaissance. Ariane le rattrapa en poussant un cri d’horreur :

-Milo !

Le Scorpion sourit :

-Ari…

Puis il ferma les yeux : c’est qu’il n’avait plus dormi depuis deux jours et qu’il commençait à fatiguer lui !
Au moins pouvait-il emporter comme dernière image celle du doux visage d’Ariane penché au dessus de lui…

$s$s$s$

Derrière le lourd rideau rouge, un homme aux longs cheveux d’or souffla doucement :

-Le mal est enfin vaincu… (Un demi-sourire mystérieux étira ses lèvres) Bien joué, Scorpion…

Il fit mine de se détourner mais il hésita et jeta un regard aux personnes présentes dans la salle… 
Aux acteurs de la pièce qui venait de se terminer avec des couleurs de drame… Sans déserrer les paupières, il sourit :

-Nous nous reverrons… Dans une autre vie… A bientôt, Milo.

Puis, il ne fut plus que poussière d’étoiles.
Shaka s’était évaporé…

Chapter Text

Le juge de droite leva son marteau et frappa trois fois sur son petit socle en poussant un gros « Silence ! » bourru.

Milo sursauta et se tourna vers les trois bonhommes qui décideraient de son sort. A l’extrême gauche, Eaque De Garuda, noble héritier d’une famille de l’Est du pays, réputé pour son espièglerie sans pareille et pour son sens de l’humour plus que douteux...
A l’opposé, Rhadamanthe de la Whyverne, (nom qu’il s’était permis de se donner à lui-même pour se différencier de son aîné), sourcils (ou sourcil ?) froncés, cheveux blonds en bataille et bouteille de scotch mal dissimulée derrière ses bouquins : pas un rigolo le coco !

Mais le plus imposant était sans aucun doute le personnage central… Milo déglutit lorsque ce dernier le dévisagea sans vergogne de ses yeux dorés dissimulés derrière sa lourde frange blanche, un léger sourire sadique sur les lèvres.

Bon, avouons-le, Milo était un sadique, et il le reconnaissait volontiers mais là,…
Il venait de trouver son maître dans ce domaine !
Et il n’était pas sûr que c’était rassurant…

Minos du Griffon, premier héritier de la Maison du même nom et frère aîné de Rhadamanthe (et frère adoptif d’Eaque (adopté par les parents de Minos et de Rhadamanthe avant de…Bref ! On s’en fout ! Ca fait littéralement trop de parenthèses !))

Pour l’instant, Milo avait d’autres chats à fouetter, genre « sauver sa peau » ? Ouais, c’était un plan plutôt sympa.

Là maintenant, le Scorpion craignait juuuuste un peu pour sa peau.
Pourquoi ?

Hé bien parce que…

Eaque se redressa de la chaise où il s’était nonchalamment affalé et s’adressa directement au Scorpion, dardant ses yeux violets sur lui et faisant taire les réflexions philosophiques de l’accusé :

-Milo Antarès, vous êtes accusé de vols, d’agressions, d’assassinats en tout genre sous le nom du Scorpion mais aussi du meurtre de Saga Gemini. (Il attendit que le brouhaha provoqué par la foule se calme pour terminer, un œil plissé avec attention) Que plaidez-vous ?

Milo se redressa et clama d’une voix assurée :

-Non coupable, votre Honneur.

Eaque se tourna vers Minos et ricana pour amuser la populace :

-Ils disent tous ça avant d’avouer.

Les personnes présentent s’autorisèrent un petit rire global et le rouge monta aux joues du Scorpion, la honte et la colère commençant lentement mais sûrement à faire leur nid dans son cœur…
Camus lui avait demandé de tenir, de ne pas provoquer de catastrophes le temps qu’il revienne.
Mais Milo commençait à trouver le temps bien long…

Et la patience n’avait jamais été son fort…
Mais si en plus cet emmerdeur de juge faisait tout son possible pour lui faire perdre son calme, le jugement prendrait bien vite la tournure d’un peloton d’exécution !

Il grinça juste des dents lorsqu’Eaque se tourna à nouveau vers lui, un sourire narquois sur les lèvres :

-Nous allons entendre les accusations.

Rhadamanthe se leva alors et, sans défroncer le sourcil (si, Milo était sûr qu’il n’y en avait qu’un seul !) il lut à voix haute les accusations retenues contre lui :

-Milo Antarès, le tribunal ici présent vous accuse de…

-Vols, agressions, assassinats,… Je sais, on vient de me le dire. On passe à la suite maintenant ? Il me semble que c’est la partie où je me défends, non ?

Le blond fronça dangereusement le sourcil et une lueur de rage contenue éclaira furtivement ses yeux dorés :

-L’accusé n’a pas droit à la parole tant que le juge ne lui accorde pas.

-Ouais ben s’il faut que j’attende que vous ayez fini, on est encore là demain !

Grommela Milo en faisant mine de croiser les bras, bien que ses liens l’en empêchaient…
Un léger tic agita l’œil de Rhadamanthe qui ouvrit la bouche pour parler mais, d’un simple mouvement de main, son aîné le fit taire.

Minos se redressa sur sa chaise et, royal, majestueux, il se pencha légèrement en avant :

-Aurais-tu peur de la sentence ? La mort t’effraie-t-elle maintenant que tu ne la donnes pas ?

Le Scorpion frémit lorsque la voix affûtée du juge sortit en un sifflement perfide, sifflement qui semblait capter autant ses oreilles que ses yeux. Minos esquissa un sourire pervers et Milo haussa un sourcil, faussement naïf :

-Je ne sais pas si votre frère acceptera que je vous réponde, votre Honneur. Dois-je obtenir sa permission avant de l’outrager de la sorte ?

Le poing de Rhadamanthe s’écrasa sur le bois avec une force et une violence sans pareille et un hurlement rauque sortit de sa gorge :

-SILENCE !!

La foule sembla se ratatiner sur elle-même tant le juge était imposant et Eaque dissimula un petit ricanement derrière l’épaisse manche de sa veste tellement caractéristique de sa fonction : rien à faire, Rhadamanthe s’énervait toujours trop facilement !

Minos se tourna à demi vers son cadet et, sourcils froncés derrière sa frange, lui intima silencieusement de se taire et de se rassoir. Rhadamanthe grinça bruyamment des dents et, à contrecœur, se rassit en foudroyant le Scorpion du regard. Milo haussa les sourcils et murmura à son adresse :

-Désolé…

Rhadamanthe se fit violence pour ne rien répondre à cet insolent personnage et détourna crânement le regard : il valait mieux que ça ! Minos repoussa une longue mèche de cheveux blancs immaculés derrière son épaule et il se redressa de toute sa hauteur :

-Rune rédigera tout ce qui se dira dans ce tribunal : tout ce que tu clameras pourra être retenu contre toi, je te conseille donc de te taire.

Comme Milo s’autorisait à faire craquer ses poings, Rune, jeune homme aux cheveux blancs démesurément longs, il hocha la tête avant de se mettre à écrire sur une feuille immaculée les propos dits depuis le début de la séance. Le Scorpion lui jeta un coup d’œil méfiant : il n’aimait pas le regard sournois de cet homme.

Minos se rassit et Milo se vit contraint d’écouter sans broncher les accusations retenues contre lui…
Hélas véridiques pour la grande majorité d’entre elles…

Néanmoins, lorsque Rhadamanthe prononça la dernière, le Scorpion se redressa et ne put empêcher un cri de franchir la barrière de ses lèvres :

-Ainsi que l’assassinat de Saga Gemini, il y a deux jours.

-C’est faux ! Je jure que ce n’est pas moi !

-Silence. (Gronda Rhadamanthe sans le regarder avant de continuer sa lecture) De plus, l’accusé a refusé de répondre aux interrogatoires ayant eu lieu durant ses journée de détention.

Milo se renfrogna en repensant à ces « interrogatoires » : coups, menaces,… Comment aurait-il pu coopérer avec des ordures pareilles. L’Inquisition et le Pouvoir du Roi donnaient au tribunal le feu vert pour faire parler les coupables et rien ne pouvait y être fait…

-Et enfin, l’accusé est également coupable de sorcellerie et de…

-QUOI ?!! (S’exclama Milo plus fort qu’il ne l’aurait voulu) Mais c’est n’importe quoi !! Il ment ! Il dit n’importe quoi, je suis sûr qu’il vient de l’inventer parce que je l’ai un peu titillé !!

-Silence, l’accusé n’a pas droit à la parole.

-Parce que vous croyez vraiment que je vais vous laisser dire des calomnies pareilles ?!! Je refuse que vous me cramiez sur un bûcher pour des choses que je n’ai pas faites !!

Minos le coupa en levant la main et en disant un ton plus fort pour se faire entendre au-delà des hurlements de rage de Milo :

-Les accusations étant lues, que l’avocat de l’accusé s’avance.

Il y eut un lourd silence tandis que les gens se retournaient, à la recherche de l’avocat qui ne faisait pas mine de faire un mouvement. Milo se mordit la lèvre et se retourna, cherchant du regard cette chevelure de feu parmi les badaux. Mais celui qu’il cherchait n’était pas là…

Un étau se resserra brusquement autour des entrailles du Scorpion qui ne put retenir un léger tremblement à l’idée de ce qui l’attendait si personne ne le défendait.

Eaque se redressa, parcourut faussement la foule du regard et s’inquiéta faussement de cette absence :

-Oh ? On dirait que votre avocat vous a posé un lapin, Señor Scorpion !

Comme ce dernier ouvrait la bouche, le claquement de la porte qui s’ouvre fit sursauter tout le monde et Milo se retourna lorsque la voix du nouveau venu le fit légèrement sourire :

-Pardonnez mon retard, Votre Honneur.

-Camus…

Souffla Milo avec un soulagement non-feint. Le Français lui adressa un léger hochement de tête et s’avança à ses côtés en sifflant :

-Comment se fait-il que je t’entende beugler comme un possédé alors que je t’avais ordonné de la fermer ?

Milo désigna discrètement Rhadamanthe du doigt :

-Il ment ! Il a dit que j’avais tué Saga et que j’étais coupable de sorcellerie ! Dis-leur que c’est pas vrai !

-Silence. (Persiffla Camus) Laisse-moi faire.

Inconscient de ce petit échange, Eaque esquissa un sourire moqueur :

-Vous êtes tout pardonné Señor : nous savons bien que la vie de père célibataire n’est en rien aisée…

Ironisa-t-il avec un certain plaisir. Les gens ricanèrent discrètement et Milo sentit le rouge affluer en masse mais, contre toute attente, Camus baissa légèrement la tête :

-Merci, Votre Honneur, mais je ne m’en plains pas : c’est la vie que j’ai choisi et je l’assume avec plaisir.

Eaque haussa un sourcil surpris tandis que Minos lui jetait un regard désapprobateur : Camus et lui avaient souvent eu à faire pour maintenir la bonne entente commerciale entre la France et l’Espagne et il vouait un certain respect à cet homme aux cheveux rouges, d’où sa présence en tant qu’avocat alors que ce n’était nullement sa profession. Minos se redressa :

-Bien : la parole est donc à la défense.

Camus ajusta le col de sa chemise et fit un pas en avant, la tête haute, noble malgré les bleus parsemant encore sa joue :

-Votre Honneur : mon client est coupable de bien des choses mais je peux vous assurer qu’il n’a plus commis de meurtre ou d’assassinats depuis bien longtemps.

Milo déglutit lorsqu’il repensa à Angelo et à Shura mais il se garda bien de le dire : heureusement que Saga avait gardé le nom de l’assassin secret et ne l’avait dit qu’à Aiolia !
Mais déjà, Camus continuait :

-Je ne vais pas mentir pour essayer de sauver sa peau : il a volé, bien des fois, mais uniquement au début.

Minos fronça les sourcils et Rhadamanthe se pencha en avant :

-Pourtant, pas plus tard que la semaine dernière, la Duchesa…

-Il me rapportait l’argent à moi. Argent que je remettais à l’orphelinat de la ville. C’était son idée et je trouve qu’il faut en tenir compte.

Comme la foule explosait en un brouhaha ébahi, Camus déglutit : il jouait sa vie dans ce procès. Soit, et il l’espérait, Minos passerait l’éponge au vu de son rôle, soit il perdait.
Et il mourrait en même temps que Milo.

Mais il était hors de question qu’il laisse son meilleur ami dans le pétrin.

Eaque abattit doucement son marteau sur son bureau, suffisant amplement à faire taire la foule :

-Vous étiez donc son complice, Señor ?

-Absolument pas, Votre Honneur : je ne faisais que l’aider à réaliser son projet.

Minos se gratta délicatement le menton puis fit un petit mouvement de main :

-La Cour en tiendra compte, continuez…

Camus retint un léger sourire victorieux : comme il l’avait pensé, Minos était déjà dans sa poche. Restait maintenant à convaincre les autres…

-Le décès de Saga Gemini nous a tous affecté mais j’étais là, Votre Honneur, lorsqu’il est mort. Il m’avait retenu prisonnier, moi ainsi que mes garçons, et a usé de la force pour me faire avouer des choses que même moi j’ignorais. Mon client est venu dans le but de nous secourir et je peux vous jurer que ce n’est pas lui qui a porté le coup fatal à Saga… Et puis, même s’il l’avait fait, cela aurait été un acte de légitime défense.

Camus avait pensé expliquer le Démon qui avait pris possession du corps de Saga mais il avait abandonné cette idée : jamais on ne le croirait et il serait brûlé pour hérésie…
Saga était mort, plus rien ne pourrait lui arriver.

Il comprenait sans doute ses raisons de là où il était…

-Maintenant, j’appelle les témoins à la barre.

Appela Minos lorsque Camus eut fini de parler. Eaque jeta un œil à sa feuille (ou à son copion, cela dépend du point de vue…). Appelé en premier, Aiolia se leva nerveusement de sa chaise et s’avança, ajustant encore et encore le nœud de son foulard autour de sa chemise. Arrivé face aux trois juges, il jeta un œil hésitant à Camus qui l’encouragea d’un mouvement de tête. Eaque se leva et Aiolia pâlit lorsqu’il comprit que ce serait cet homme qui l’interrogerait et il faillit en perdre ses moyens :

-Vous êtes un ami de l’accusé, n’est-ce pas ?

-Oui.

-Depuis combien de temps ?

-3 ans, Votre Honneur.

-Et quelle est l’ambigüité de votre « amitié » ?

Aiolia rougit furieusement sous l’insinuation douteuse et jeta un regard gêné et perdu à une jeune femme aux épais cheveux roux qui lui intima silencieusement de respirer… Marine… Le jeune homme aux yeux verts se ressaisit : cet homme ne faisait que le provoquer, il ne devait pas se laisser avoir :

-Une amitié fraternelle tout ce qu’il y a de plus normal, Votre Honneur.

Un sourire moqueur sur les lèvres, Eaque reprit :

-Confirmez-vous les dires de Camus Deverseau ici présent ?

-Oui, Votre Honneur.

-Et étiez-vous mêlé à ce marché ?

-Non, Votre Honneur.

Le juge aux cheveux sombres plissa ses yeux violets et sourit :

-Quel lien vous unissait à Saga Gemini ?

Un filet de sueur roula sur la tempe du jeune homme, percé par le regard améthyste de son interrogateur :

-Je… Je…

Qu’allait-il dire ?! Il ne pouvait pas parler d’Aioros sans parler de Shura ! Et en parlant de Shura, il devait dire que Milo l’avait tué ! Oh Seigneur ! Que devait-il faire ?!

Aiolia déglutit :

-Je… Le Señor Gemini était un bon ami de mon frère aîné et je lui avait offert mes services après que mon frère soit mort…

Eaque sembla amusé de l’état dans lequel se trouvait sa victime et il continua :

-Comment est mort votre frère ?

Aiolia déglutit bruyamment et baissa la tête, incapable de soutenir le regard perçant du juge :

-De… De maladie… (Souffla-t-il) Il s’était blessé lors d’un duel amical et il a succombé à la gangrène…

Termina-t-il en soupirant, plutôt fier de la façon dont il s’en était tiré. Eaque, sans cesser de sourire, demanda doucement :

-Etiez-vous présent au moment de la mort de Saga Gemini ?

-Non, j’étais parti chercher la garde après que Milo m’ait sauvé.

-Sauvé ? (Interrogea le juge) Vous étiez aussi retenu par ledit Saga ?

-Non : il m’a menacé de mort et gratifié de ce souvenir…

Termina-t-il en désignant son épaule en écharpe du regard. Eaque hocha la tête :

-Bien : vous n’êtes donc d’aucune utilité dans l’affaire ; vous pouvez disposer. Merci pour votre « participation ».

Aiolia fronça les sourcils et se recula sans un mot de plus, les mâchoires serrées à s’en faire mal. Milo souffla :

-Merci vieux…

-Pas de quoi… C’est un vrai connard ce type !

Gronda Aiolia juste assez fort pour que son ami l’entende. Milo sourit :

-Une belle brochette de connards, en effet…

Aiolia esquissa un demi-sourire puis retourna s’assoir près de sa compagne qui lui sourit.
Eaque continua l’appel et devint soudain livide lorsqu’il dit :

-Mû Atalante ?...

-Oui.

S’écria Mû en se levant d’un bond. Eaque le regarda s’avancer, un léger sourire sur les lèvres :

-Ainsi tu étais toujours vivant…

Mû leva les yeux et sourit à demi. La mâchoire de Milo se décrocha de deux bons centimètres et il bafouilla :

-Mais… Mais… Mais… Mais ?!

-Eaque est originaire de la ville voisine de celle où est né Mû, (Expliqua Camus avec un sourire victorieux) et il côtoyait sa famille assez souvent pour dire qu’ils sont de bonnes connaissances originaires du même coin reculé du pays.

Milo haussa un sourcil :

-Dooonc… Tu es un peu en train de soudoyer les juges, nan ?

Camus lui jeta un regard en coin :

-Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

Répondit-il innocemment. Mais là, à l’instant, Milo était sûr de l’avoir vu cligner de l’œil. Alors, le Scorpion sourit :

-Bien joué Cam’Cam’…

-Et arrête de m’appeler comme ça ou je te laisse tomber.

Milo étouffa un ricanement et reporta son attention sur Mû et Eaque qui conversaient comme si de rien était :

-Et tu dis que c’est Saga Gemini lui-même qui a assassiné Shion puis qui vous a chassé Killian et toi ?

Mû hocha la tête :

-Oui… Milo n’a fait que me protéger : ce n’est qu’un malentendu, crois-moi.

Eaque plissa ses yeux améthyste et esquissa un sourire :

-Bien… Tu peux disposer.

Mû s’inclina légèrement et retourna s’assoir, adressant un clin d’œil victorieux à Milo au passage.

Alors, Rhadamanthe se leva à son tour :

-J’appelle (Il s’étrangla à demi lorsqu’il lut le prénom de celui qu’il allait interroger mais il se reprit) Kanon Gemini à la barre.

Le jeune homme aux cheveux azurs se leva d’un bond, un sourire narquois sur les lèvres :

-C’est moi !

Il s’avança nonchalamment jusqu’à la barre et s’y accouda avant d’adresser un clin d’œil malicieux au juge qui fronça davantage le sourcil :

-Bien le bonjour, Rhadada… Ca faisait longtemps…

Chapter Text

Milo regarda tour à tour Kanon puis Rhadamanthe, sans pouvoir comprendre : comment deux personnes aussi différentes pouvaient-elles se connaître ?! C’était tout bonnement impensable !

Déjà, Rhadamanthe s’était repris et il questionnait calmement et froidement le témoin :

-Quelle est votre relation avec l’accusé ?

-Ami d’enfance.

-Et avec la victime ?

-Frère jumeau et assassin.

-Que ?!

S’étrangla Rhadamanthe tandis que la foule éclatait en cris et hurlant déjà au scandale !
Milo écarquilla les yeux et désigna Kanon du doigt tout en demandant à Camus qui souriait à demi :

-C’est prévu, ça ?!

Camus hocha légèrement la tête et souffla :

-Vois-tu… Je suis une personne très importante pour Minos : c’est moi qui m’occupe des relations entre nos deux pays.

-Oui mais et Kanon ?! Il va se faire démonter si…

Camus posa une main rassurante sur le bras de son ami, sans cesser de sourire :

-Notre cher juge a eu une… Disons « relation » avec lui. Et bien que les termes de cette relation soient compliqués, Rhadamanthe tient trop à Kanon pour le faire disparaître. Et si Rhadamanthe est convaincu de ton innocence tout comme Minos a une foi aveugle en ma parole et Eaque connaît Mû depuis toujours. Tu sais comme moi que Mû ne mentirais jamais à personne, n’est-ce pas ?

Milo sentit ses lèvres s’étirer en un léger sourire et il souffla, une lueur rouge dans les yeux :

-Mais c’est que tu apprends vite, dis-moi…

Camus haussa les épaules :

-J’ai eu un bon professeur…

Ils se sourirent et Rhadamanthe abattit violemment son marteau sur le bureau, faisant taire instantanément la foule :

-Il suffit ! Kanon Gemini, vous reconnaissez avoir tué votre propre frère ?

-C’est cela même.

Un léger tic agita la joue du juge qui insista :

-Vous en êtes sûr ?

-Ouais : mais c’était de la légitime défense. (Argumenta Kanon en levant les mains)

-Vous menaçait-il ?

-Pas que moi : Camus Deverseau, Mû Atalante et Milo Antarès ici présents étaient eux-aussi menacés et j’ai sacrifié une personne dérangée pour le bien des autres.

Rhadamanthe fronça le sourcil et ouvrit la bouche mais Minos l’interrompit :

-Agissez-vous sous la contrainte, Señor Gemini ? Vous savez qu’ici, nul ne peut rien contre vous ; parlez librement.

Kanon secoua la tête avec désinvolture :

-Absolument pas.

Minos, Rhadamante et Eaque se regardèrent et l’aîné plissa les yeux :

-Bien… C’est… Un rebondissement inédit…

Il croisa les mains sur son bureau puis, après avoir fait claquer sa langue sur son palais, il se leva, vite imité par les deux autres :

-Bien : la cour va se concerter. La sentence sera prononcée dans la demi-heure qui suit.

Et ils se retirèrent tous trois, bien que Rhadamanthe se retourna une demi seconde pour adresser un regard mi-meurtrier mi-passionné avec Kanon qui lui souriait toujours.
Rune referma son épais livre et les suivis, laissant la foule seule avec ses interrogations.

Aiolia trottina jusqu’à Milo et balbutia :

-C’était quoi cette embrouille ? Qu’est-ce qui s’est passé ?!

Milo entreprit de lui expliquer la situation puis, Aiolia se rembrunit et gronda à l’adresse de Camus :

-Ca veut dire que tu m’as envoyé au casse-pipe uniquement pour que ça passe sans problème ?

Camus leva les yeux au ciel :

-Bien sûr que non, et puis, même si c’était le cas, tu t’es très bien débrouillé.

Aiolia hésita, ouvrit la bouche, la referma, la rouvrit et fut coupé par Kanon qui le poussa sans ménagement pour saluer Milo :

-Hé ! Ca va mec ? Tu as l’air en pleine forme, ma parole !

Kanon faisait sans doute allusion aux coupures et multiples bleus qui ornaient le visage et les bras du Scorpion qui lui répondit par une grimace de dépit :

-Je ne suis pas trop défiguré au moins ?

Kanon lui attrapa les épaules en riant :

-Absolument pas : ça te donne un air de dur !

Milo se dégagea et le pointa d’un doigt accusateur :

-Il faudra que tu m’expliques ce que tu as fait à ce pauvre Rhadamanthe pour qu’il te regarde comme ça.

Kanon posa un doigt sur ses propres lèvres et chuchota :

-Tu es encore trop jeune : je me dois de préserver ton innocence.

-C’est cela oui…

Marmonna Milo, sachant pertinemment que sans Kanon, il ne saurait sans doute pas comment embrasser une fille…
Plus les choses qui allaient avec, évidemment !

Néanmoins, une autre question lui brûlait les lèvres :

-Mais comment est-ce que vous avez pu vous retrouver dans le même coin vu vos origines et vos classes sociales ?!

Kanon leva les mains :

-Ben… Dans un bar, pardi !

-Et tu l’as abordé comme ça, tranquille ?

-Pas vraiment… (Hésita Kanon en passant une main faussement gênée dans sa nuque) Disons qu’il avait un peu trop bu et que j’étais assez loin niveau alcool… Et… Bref, c’était juste un plan d’un soir, hein ; va surtout pas t’imaginer des choses, petit coquin va !

Milo sourit lorsque le jeune homme lui ébouriffa amicalement le crâne tout en se murmurant à lui-même :

-C’est cela oui… C’est cela…

$s$s$s$

Le retour des juges provoqua un grand silence dans la salle et ainsi, lorsque Rune parla, on pouvait presque entendre les mouches voler :

-La cour s’est concertée : Kanon Gemini, vu la situation, la cour ne retient pas d’accusation contre vous.

Kanon sourit et se tourna à demi vers Rhadamanthe pour le remercier d’un regard. Mais le juge blond se détourna sans pouvoir masquer totalement la légère rougeur qui tâchait ses joues.
Rune se tourna vers Milo et le toisa longuement avant de cracher avec dédain :

-Quand à vous, Milo Antarès, le tribunal vous condamne à 6 mois d’emprisonnement sans sursis.
Tous poussèrent des soupirs de soulagement et Camus manqua de défaillir tant il avait craint que son plan n’échoue. Milo sourit : preuve que cette histoire de sorcellerie venait d’être inventée, on n’en parlait plus !
Minos abattit son marteau sur le bureau :

-La séance est levée.

Eaque se dirigea immédiatement vers Mû tandis que Rhadamanthe intimait silencieusement à Kanon de le rejoindre pour une discussion en privé. Se retrouvant seuls, Minos et Rune s’en furent en soufflant : que la journée avait été longue…

Milo se jeta au cou de Camus en riant :

-Merci mec ! Tu m’as sauvé la vie !

Camus sourit et se décolla tant bien que mal de l’étreinte de son ami :

-Et j’avoue en être assez fier.

Deux gardes approchèrent et Milo soupira :

-Bon… 6 mois c’était long mais c’était toujours mieux que la corde au cou ou encore que de finir cuit sur un bûcher ! Non ?

Camus hocha la tête :

-Si, je trouve aussi.

Les deux amis se regardèrent longuement et Milo souffla, ému :

-Merci…

-Avec plaisir. Quand tu sortiras, je t’attendrai… (Un sourire étira ses lèvres) Et je ne serai pas le seul, si tu vois ce que je veux dire…

Le Scorpion sourit et les deux gardes l’empoignèrent calmement par les bras pour l’emmener vers sa cellule :

-Ca marche !

Il rongerait son frein…
Après tout, Ariane l’attendait dehors…

Il serait patient…

Chapter Text

-Et maintenant ???

-Pas encore.

Kiki poussa un long soupir mêlé d’un gémissement impatient et manqua même de trépigner de frustration sans pour autant toucher au bandeau qui couvrait ses yeux. Mû esquissa un sourire devant la comédie que jouait son cadet et il serra la main d’Elsa dans la sienne. La jeune femme aux cheveux noirs lui rendit son sourire et l’accompagna d’un regard brillant lorsqu’ils atteignirent leur destination.

Alors, enfin, Mû s’accroupit derrière son petit frère et dénoua doucement le bandeau de ses yeux :

-Prêt ?

Murmura-t-il à son oreille. Le petit garçon roux frémi d’impatience :

-Oui !

-Alors, permets-moi de te présenter…

Le bandeau rouge tomba sur le sol et Kiki ouvrit les yeux :

-Notre chez-nous.

Le petit garçon écarquilla les yeux et, la bouche entrouverte, il se tourna vers son aîné, désignant la demeure du doigt :

-Mais c’est ?!

Mû hocha doucement la tête et sourit :

-Bienvenue à la maison, Killian.

Kiki sentit des larmes d’émotions rouler sur ses joues mais il n’essaya pas de les cacher.
Il n’avait pas à dissimuler sa joie…

Alors, serrant les poings, le petit garçon s’élança dans le grand jardin et se mit à courir en riant, le visage rayonnant de bonheur.

Mû serra tendrement Elsa dans ses bras et souffla, repoussant l’émotion qui tentait de le submerger :

-Je ne me rendais pas vraiment compte… Je ne pensais pas que revoir cette maison me ferait autant de bien que de mal…

La jeune femme aux cheveux noirs sourit et posa sa tête sur l’épaule de son compagnon :

-Tout ira bien mon cœur… Nous sommes avec toi.

Mû sourit et murmura doucement :

-Tu penses que les morts nous voient depuis le paradis ?

-J’en suis sûre.

Le jeune médecin aux yeux de jade sourit et leva la tête :

-Je serai brave… Et je ferai honneur à notre lignée… C’est promis…

Puis, ils s’avancèrent calmement vers la maison, sans se presser…
Enfin, ils étaient de retour chez eux…

$s$s$s$

Milo soupira bruyamment : allongé sur son lit de fortune, les bras croisés sous la nuque, il ne trouvait pas le sommeil. Après seulement deux semaines de détention, il avait l’impression qu’il ne sortirait jamais !

A nouveau, un soupir franchit la barrière de ses lèvres et il gémit :

-Purée, que j’en ai marre d’être ici !

Les visites se faisaient rares : Camus avait mieux à faire maintenant que Léna et lui planifiaient leur vie à deux (ou cinq si on comptait Hyôga, Isaak et le petit bout-de-chou qui ne tarderait pas à être mis en route (Milo en était sûr)) et il n’avait pas eu de nouvelles d’Ariane…
Sans doute était-elle partie, lasse de l’attendre…

-Elle a pas intérêt parce qu’il faut qu’on parle !

Grommela-t-il entre deux soupirs. Soudain, un bruit de caillou tombant sur le sol le fit sursauter et il se redressa d’un bond : là, sur le sol de sa cellule, un petit caillou blanc luisait dans la lueur de la lune, un papier ficelé autour.

Ni une ni deux, le Scorpion se précipita sur l’objet et lut fébrilement le message :

« Milo,

Te voilà encore dans de beaux draps : je ne serai pas toujours là pour te sortir des ennuis dans lesquels tu te fourres. Car ce n’est pas la première fois que je te sauve, il me semble…
Néanmoins, pour te récompenser de l’aide que tu m’as apportée, je vais encore une fois te sauver la mise : j’espère pour toi que tu ne dors pas car tu risques d’être drôlement surpris. (Là non plus ça ne serait pas la première fois, non ?) Si tu es réveillé et que tu lis ce message, cache-toi derrière ton lit et attend mon signal.

Un ami »

Milo sentit ses lèvres s’étirer en un sourire ravi : une seule personne pouvait écrire ce genre de message énigmatique. Le nom sortit en un murmure de ses lèvres :

-Shaka…

Alors, le Scorpion s’assit derrière ce qui lui servait de lit (tout en se disant qu’il devrait récupérer sa rapière, son chapeau et sa cape) et attendit que le miracle se produise à nouveau.
Miracle qui ne tarda pas.

Il y eut un petit « clic » puis, le mur qui menait sur l’extérieur explosa dans un grand flash de lumière. Milo se protégea la tête de ses bras puis, dès que l’explosion eut cessé, il se redressa et sourit en voyant une silhouette aux cheveux blonds se dresser dans le trou percé dans le mur :

-Je commençais à me demander ce que vous fichi…

-Excuse-moi pour l’attente, Scorpion, mais il faut du temps pour réunir tant de poudre.

Soudain, une fois n’est pas coutume, la mâchoire de Milo s’affaissa d’une quinzaine de centimètres lorsqu’il reconnu la voix et le sourire de son sauveur :

-ARIANE ?!!!

La jeune femme aux cheveux blonds souriait victorieusement et elle désigna l’extérieur de son pouce ganté de cuir brun :

-Et oui : que veux-tu, je n’ai pas ta patience !

Rit-elle, taquinant gentiment son ami. Le Scorpion la désigna du doigt :

-Tu… Tu…

-Je propose qu’on parle de ça quand tu seras sorti, tu ne crois pas ?

Milo, trop abasourdi pour répondre, se contenta de hocher la tête et il emboita vivement le pas de la jeune femme aux yeux clairs qui continuait de lui sourire. Une fois les décombres enjambés, Ariane l’attrapa par la manche et l’entraîna vers la gauche :

-Viens vite ! J’ai préparé un cheval et…

-Attends ! (L’interrompit soudain Milo en s’arrêtant net) Comment ça, « un cheval » ?

Ariane le regarda de ses grands yeux si particuliers et expliqua comme si ça coulait de source :

-Hé bien oui : comme ça, tu fuis vers l’Ouest, tu y restes quelques jours puis tu reviens ici et tu pourras travailler comme maître d’armes chez Camus et…

-Et toi ?

Demanda doucement Milo sans lâcher le bras d’Ariane. Elle déglutit et baissa les yeux :

-Je ne sais pas : je pense qu’après ce que j’ai fait, personne ne voudra de moi dans sa Maison… je vais me trouver un travail dans une taverne… il y en a une assez sympathique, « les 5 pics » je pense, et puis je… J’aviserai.

Termina-t-elle en souriant à demi. Milo hésita puis se rapprocha d’elle et souffla :

-Tu n’as rien fait de mal, Ari… Au contraire : c’est toi qui a soutenu Saga quand il allait au plus mal, c’est l’Autre qui te forçait a faire ce que tu as du faire et… et tu l’as trahi pour moi.

Le Scorpion sourit et repoussa une mèche de cheveux blonds derrière l’oreille d’Ariane qui, des larmes d’émotion dans les yeux, l’écoutait sans broncher :

-Tu es une personne formidable Ariane, d’une beauté d’âme sans pareille… Et il est hors de question que je te laisse derrière moi après tout ce que j’ai fait pour te retrouver. Il est hors de question que je laisse la femme que j’aime loin de moi…

Alors, doucement, Milo serra Ariane contre lui et posa ses lèvres sur les siennes, avec une tendresse toute particulière.

La jeune femme écarquilla des yeux ébahis puis, elle cessa de se mentir et elle referma les bras autour de la nuque de Milo… De celui qu’elle n’avait jamais cessé d’aimer.
Ils restèrent longuement ainsi, enlacés, découvrant enfin dans cette étreinte le corps de l’autre.

Puis, Milo mit fin à leur baiser et sourit :

-Allez princesse : on va visiter d’autres horizons le temps que ça se calme. Puis on reviendra ici, ensemble.
Rose de bonheur, le sourire aux lèvres, Ariane prit la main que Milo lui tendait avant de se reprendre :

-Oh ! Attends !

Elle s’éloigna en trottinant et disparut derrière un buisson pour en revenir très vite, portant les effets de Milo dans ses bras. Le Scorpion sourit et enfila un à un ses objets fétiches :

-Oh ! Ma cape ! Ma rapière ! Et mon chapeau aussi ! Tu es géniale Ari !

Il l’embrassa vivement (nooon, il ne profitait absolument pas de l’occasion) et la jeune femme souffla :

-En fait… C’est étrange mais… C’est un homme qui me les a apportés pendant que j’arrangeais la poudre…

Milo fronça les sourcils :

-Un homme ?

-Oui… (Souffla Ariane en se mordillant la lèvre) Un homme avec de longs cheveux blonds et qui marchait les yeux fermés. Je ne l’avais jamais vu et pourtant, il connaissait mon prénom.

Milo resta interdit un moment puis un léger sourire étira ses lèvres et il se jucha sur le cheval blanc qui semblait les attendre :

-Bah, c’est sans importance, allons-y. Ah et au fait, ton petit mot m’a bien remonté le moral !

Ariane fronça les sourcils :

-Mon… Petit mot ?

-Bah oui, celui où tu me prévenais que tu étais là.

La jeune femme hésita puis murmura :

-Mais… Je n’ai pas écris de message…

Milo resta immobile un moment, la bouche entrouverte sur un « Quoi ?! » muet. Puis, contre toute attente, il éclata de rire :

-Bah, on s’en fiche ! Le principal c’est qu’on soit dehors. Allez, ne perdons pas de temps !

Il tendit la main à Ariane qui la saisit sans hésiter et se retrouva assise derrière lui. Milo se retourna à demi et souffla :

-Accroche-toi.

-Je vais me gêner.

Sourit Ariane en se blottissant dans son dos. (Mais arrêtez avec ces regards : elle non plus n’en profite absolument pas !) Milo esquissa un sourire victorieux (Enfin !!) et jeta un œil à sa gauche : apercevant ce qu’il cherchait du regard, il souleva légèrement son chapeau en guise de remerciement et d’au revoir puis, d’une pression des talons, il fit démarrer le noble Andalous au triple galop, laissant cellule et nuage de poussière derrière eux…
Enfin, Milo était libre.

Libre de vivre sa vie…
Libre d’aimer Ariane…
Libre de faire sa vie à ses côtés et de fonder une famille.

Le Scorpion inspira profondément et serra la main d’Ariane dans la sienne : désormais, tout se passerait bien… C’était sur.

Et quand ils reviendraient, maître d’armes pour deux chenapans comme Hyôga et Isaak semblait assez attrayant.

Milo sourit aux étoiles et il crut apercevoir une constellation qu’il connaissait par cœur…
Celle du Scorpion…

$s$s$s$

Debout sur le toit du bâtiment, Shaka sourit et, tandis qu’un souffle de vent agitait ses longs cheveux blonds, il murmura :

-Bonne chance Milo, et que ta route soit belle.

Alors, il leva la tête et ouvrit les yeux.
Des yeux d’une beauté sans pareille…

Des yeux de dieu…
Au fond, peut-être qu’Aldébaran n’était pas aussi loin de la vérité que Milo ne le pensait…

Le vent emporta la poussière dorée vers les cieux et la voix souriante de Shaka souffla :

-Aussi brillante qu’Antarès…

Dans le ciel, une étoile brilla soudain d’un éclat plus intense avant de reprendre sa teinte d’origine.
Comme si elle approuvait cette phrase d’un clin d’œil…

Chapter Text

2 ans plus tard…

Le vent marin souleva une mèche de cheveux qui vint caresser le visage de l’homme accoudé au pont principal du navire. Kanon poussa un long soupir d’aise, les yeux fermés pour mieux apprécier ce court instant de plénitude qui l’envahissait peu à peu.

Depuis la mort de Saga, il se sentait… Bizarre.

Libéré et tourmenté à la fois…
Libre parce qu’il n’avait plus l’impression d’avoir des regrets ou encore de ressentir de l’animosité envers son aîné : il avait lui-même avoué à son frère qu’il lui pardonnait tout.

Tourmenté parce que…
Parce qu’il l’avait tué.

Oh, tourmenté était un bien grand mot : Kanon, le grand Dragon des Mers, n’était tourmenté par rien du tout ! Hormis peut-être par son fratricide.

Parfois, la nuit, il se réveillait en sueur, le visage de Saga imprimé sur la rétine.
Mais c’était tout.

Cela arrivait rarement.

Une fois par semaine minimum…

Pourtant, il commençait à en avoir assez de cette ville et du poids de son passé qu’il traînait derrière lui. Alors voilà, il s’était mis au service d’une petite chieuse qui dirigeait un superbe navire (Saori Quelquechosemaisenfaitons’enfout) et il n’allait pas tarder à découvrir de nouveaux horizons. Son seul regret c’était…

-Que fais-tu ?

Kanon sourit lorsqu’il reconnut la voix de celui qui l’avait interpellé de la sorte et il répondit sans se retourner :

-Ma patronne est rivale du tien : es-tu sûr de vouloir te promener sur son raffiot ?

Les bras de Rhadamanthe se refermèrent sur sa taille et le blond enfouit son visage dans la nuque de Kanon qui haussa un sourcil lorsque la voix étouffée de son amant souffla :

-Je cours le risque : rien ne pourra m’empêcher d’être près de toi.

Kanon esquissa un demi-sourire et profita silencieusement de l’étreinte que lui offrait ainsi Rhadamanthe.
A la base, il n’était pas amoureux de lui.

A la base, il avait passé la nuit avec sur un coup de tête, l’esprit embrumé par l’alcool.
A la base, il ne se souvenait même pas de son visage.

Juste d’une sensation.
Un sentiment auquel il n’avait eu droit qu’une seule fois, de la part de son frère.

De l’amour.

Depuis ce jour, Kanon pouvait passer des heures à essayer de s’imaginer le visage, le corps, le caractère de celui qui avait partagé sa couche. Et lorsque Camus avait fait la description des juges qu’ils devraient convaincre… Son cœur avait fait un bond dans sa poitrine en entendant son nom.

Rhadamanthe.

Et lorsqu’il l’avait revu, digne dans son costume, il avait su qu’il ne pourrait jamais plus se séparer de ces yeux dorés. Depuis, il ne pouvait imaginer vivre sans ce regard, sans ces douces attentions malgré leur relation tendue et passionnelle.

Voire même fusionnelle.

Alors, Kanon se taisait et profitait simplement de l’amour que lui offrait Rhadamanthe.
Avec un plaisir qu’il dissimulait parfaitement.

-Que fais-tu ? (Répéta donc Rhadamanthe)

-Jaloux ?

-Ne joue pas à ça avec moi, Kanon. Pourquoi t’es-tu embarqué sur ce bateau ?

Kanon se dégagea de l’étreinte du blond et désigna l’océan d’un large mouvement de bras :

-Ouvre les yeux : tu as vu la merveille que tu as devant toi ? Ose seulement me dire qu’elle ne t’appelle pas ! Ose me dire que c’est ridicule.

-Je peux comprendre ton « amour » pour cette vaste étendue de liquide salé et rempli de créatures hostiles mais… Je voudrais une vraie réponse, Kanon.

Le jeune homme passa une main dans sa longue chevelure bleue azurée et soupira :

-Parce que j’en ai marre de cette ville ! J’en ai marre de cette routine infernale, j’en ai marre de continuer à vivre dans une grotte, j’en ai marre… De tout.

Rhadamanthe haussa un sourcil :

-Et moi ?

-Allons, Rhada, c’est pas pareil ! Je ne serai jamais lassé de toi mais…

-Tu as pensé à ce que je pourrais ressentir ?

Kanon stoppa net le flot de paroles qu’il s’apprêtait à déverser lorsqu’il sentit dans la voix de Rhadamanthe une légère fêlure.

Preuve ultime de son amour et de sa douleur de le voir partir.

Kanon se mordilla la lèvre et s’empêcha de lever les yeux au ciel :

-Rhada…

-Arrête avec ça et parle franchement : tu n’as pourtant pas l’habitude de mettre de gants.

Gronda le blond entre ses dents. Kanon fronça les sourcils :

-J’ai… Pensé au bien que ça nous ferais à tous les deux.

-Quoi ?!

S’exclama Rhadamanthe tandis que Kanon se retournait, comme soudainement furieux :

-Fais pas genre, Rhada ! Pas avec moi : je vois les petits regards mielleux que tu adresses discrètement à ta supérieure, Pandore Trucmuche là ! J’avais envie de partir et je me suis dit qu’après tout, c’était peut-être mieux ains…

Mais il ne put pas terminer : les lèvres de Rhadamanthe venaient de se plaquer sur les siennes avec une violence mal contenue. Il ferma les yeux retenant un soupir et, quand le blond mit fin à leur baiser, il entrouvrit vaguement un œil curieux :

-Ca, c’est parce que je t’aime.

-Si tu penses que c’est ainsi que tu vas me faire changer d’av-AÏEUH !!

Termina-t-il en se frottant le crâne : face à lui, deux yeux dorés le fusillaient du regard.
Rhadamanthe venait de…
Le frapper ?

Sérieusement ?

-Mais pourquoi t’as fait ça ?! T’es complètement malade, ma parole ?!

-Ca, c’est pour avoir raconté des imbécilités pareilles.

Kanon fronça les sourcils et argumenta sa souffrance et son incompréhension avec un « Heinn ? » terriblement raffiné. Rhadamanthe lui attrapa le menton et il se noya dans l’océan des yeux de Kanon qui admirait l’or de ses prunelles :

-Pandore est ma supérieure hiérarchique et je ne lui jette pas des « regards mielleux » ! Je la respecte, point, barre. Vu ?

Kanon déglutit et resta un instant silencieux :

-Vu ?

Jugea utile de répéter le blond en captant le regard fuyant de Kanon. L’homme aux cheveux bleus hocha doucement la tête et, ne pouvant se retenir, se jeta au cou de Rhadamanthe, le visage enfouit dans sa nuque :

-Pardon Rhada… Je ne voulais pas te blesser… Je… Je pensais que…

-Ouais… Hé bien on voit le résultat. Si tu veux mon avis, arrête de penser et laisse-moi faire ce genre de boulot.

Rhadamanthe sentit le sourire de Kanon dans son cou et il plissa les yeux : ça y est, c’était gagné.
Kanon ne partira pas.
Mais il refuserait aussi de s’avouer vaincu aussi vite.

Alors, Rhadamanthe l’attrapa par les hanches et le balança, sans gène aucune, sur son épaule, comme un vulgaire sac de patates sous les yeux ébahis du mousse présent (un certain Seiya pensait Kanon…) qui s’enfuit vers les appartements de sa patronne en poussant un « Saori-saaaaan ! » horriblement crispant. Kanon se débattit en rageant :

-Mais lâche-moi ! ‘Tain mec, t’es lourd ! Je dois aller prévenir ma patronne ! Lâche-moi, bordel !

-Non. Ta « patronne » se rendra bien compte que tu n’es pas là : elle comprendra.

-Tu crois, toi ? Elle est complètement débile cette nana ! Limite si elle n’oublie pas de respirer !

-A ce point là ? (Se moqua Rhadamanthe sans pour autant faire mine de déposer son paquetage sur le sol)

-Oh oui ! A ce point là !

Rhadamanthe haussa les épaules et ses pieds touchèrent la terre ferme du port :

-Tant pis pour elle alors.

Kanon sourit dans le dos de son compagnon et se laissa transporter, les bras ballants, faisant de temps en temps des signes aux badauds ébahis qui les regardaient passer.

Après un certain moment, le Dragon des Mers soupira et se redressa :

-Mec !

-Hm ?

-Tu sais quoi ?

-Dis toujours.

-Je t’aime.

-Oh…

Rhadamanthe s’arrêta et Kanon en profita pour se laisser glisser sur le sol, décidant de passer par l’arrière et de…
S’écraser sur le sol la tête la première.
Mince, ses réflexes n’étaient plus ce qu’ils avaient été autrefois !

-Ouch !

-Mais qu’est-ce que tu fabriques ?

-Ca se voit pas ? Je fais mes lacets, andouille !

Grogna-t-il en lui jetant un regard furieux. Rhadamanthe haussa le sourcil, mi amusé, mi surpris, et il croisa les bras :

-Vraiment ?

-Bien sûr que non, imbécile ! Je regardais si le sol était nickel propre ! C’est ma passion en fait !

Le blond sourit et aida Kanon à se relever pour lui voler un léger baiser :

-Moi aussi.

-Hein ?

-Moi aussi je t’aime…

Kanon sourit et tous deux reprennent leur marche, en silence…
Mais pas longtemps :

-Mec, faudra quand même que tu me mettes au courant de ta relation avec Pandore et de celle qu’entretiennent tes frères !

Rhadamanthe poussa un long soupir et Kanon continua :

-Nan mais sérieux ? Eaque se foutait de la gueule d’Aiolia mais…

-Kanon ?

-Ouais ?

-Tais-toi… S’il te plaît.

-Pff… C’est même pas drôle !

Rhadamanthe leva les yeux au ciel et attrapa la main de son compagnon, espérant ainsi le faire taire un court instant. Et le pire, c’est que la ruse fonctionna parfaitement !

Rhadamanthe serra le poing et, des larmes envahissant ses yeux, il remercia le Seigneur Tout Puissant qui lui offrait ainsi ces quelques minutes de répit : mais pourquoi est-ce qu’il avait empêché ce moulin à paroles de partir ?

-Pfiuu… L’amour, c’est quand même compliqué…

$s$s$s$

Le silence. Oppressant. Lourd.
Et cette chaleur…

Le petit garçon pressa une main sur sa bouche lorsque son papa passa derrière lui en grognant :

-Où te caches-tu, petit monstre ?

Chut ! Ne pas faire de bruit ! Sinon, son papa allait le trouver et il allait le…
Un homme aux courtes boucles châtaines se dressa soudain devant lui, un large sourire sur les lèvres :

-Ha ha ! Je vais te manger tout cru !

-Naoon !!!

Hurla le petit garçon roux avant d’éclater de rire et de s’enfuir en courant dans le petit jardin extérieur, son père sur les talons.

Aiolia se releva en souriant aux anges et se lança à la poursuite de son fils aîné, mimant des griffes avec ses mains et imitant de faux rugissements :

-Je vais t’attraper !

-Kyaaaahh !!

Lui répondit le hurlement strident de Leo et Aiolia éclata de rire. Assise sur un petit banc, Marine berçait contre elle une petite fille dont le crâne était couvert d’un épais duvet châtain et qui baragouinait des syllabes incompréhensibles.

Enfin, Aiolia se jeta sur le sol et attrapa le petit garçon qui poussa un nouveau cri :

-Haa !!

-Je te tiens ! Alors… Par quoi est-ce que je commence ?

Leo frémit et se débattit lorsque son papa approcha ses doigts de son ventre :

-Peut-être que la viande n’est pas assez tendre ? Voyons-voir…

Murmura Aiolia pour lui-même avant d’entreprendre la séance « chatouilles de la mort » auxquelles Leo ne savait pas résister. En effet, le petit garçon éclata de rire et se débattit en tous sens, tentant d’échapper à cette terrible torture. Il se débattit tant et si bien que son pied finit par atterrir droit sur le nez de son paternel.

-Ouch !

S’écria Aiolia en portant une main à son nez douloureux et même ensanglanté ( ?!!) tandis que Leo, trop heureux de voir une échappatoire s’offrir à lui, s’enfuyait vers le fond du jardin en éclatant de rire.

Aiolia pressa son mouchoir contre sa narine et se tourna vers son épouse, désignant leur fils du doigt :

-Nan mais tu as vu cette violence ?! Est-ce que tu as vu la force avec laquelle il a défoncé mon pif ?

-Aiolia ! (Le gronda Marine) Pas devant les enfants…

Elle sourit et son compagnon se laissa tomber à côté d’elle :

-Et en plus tu te fiches de moi ! Quelle honte ! On voit de qui il tient cet enfant.

Marine éclata de rire lorsqu’elle vit l’état dans lequel se trouvait le nez de son époux et elle lui tendit leur cadette :

-Laisse-moi m’occuper de ça.

Aiolia leva la tête tout en passant un doigt délicat sur la joue de Camille.
Camille qui sourit et leva les bras en gazouillant.

Aiolia sourit alors que Marine tapotait doucement son nez en riant sous cape :

-Hé bien mon pauvre amour, tu n’es plus aussi solide que tu l’étais.

-Rien à voir ! Il m’a juste explosé le nez ! Ca veut rien dire !

Se défendit le jeune homme en souriant. Marine leva les yeux au ciel pis effleura les lèvres de son époux des siennes :

-Vous êtes fou, Monsieur Arco.

-Mais vous l’êtes autant, Madame Arco.

-Ha bon ? (Marine haussa un sourcil moqueur) Et pourquoi cela ?

Aiolia posa son front contre celui de sa bien-aimée :

-Qui a accepté de m’épouser ?

La jeune femme rousse sourit et, comme elle allait répondre, Leo se jeta sur eux :

-Papaaa ! Pourquoi tu joues plus ?!

-Parce que Papa vient de se faire tuer par son fils.

Leo cligna des yeux avant de murmurer, passant une main douce sur le nez de son papa :

-Oh… C’est ma faute ?

-Pas vraiment : tu n’as…

-Pardon Papa !

S’exclama l’enfant en se jetant au cou de son géniteur, manquant au passage d’écraser sa cadette vite récupérée par sa maman. Aiolia sourit et serra son fils contre lui :

-Ce n’est rien mon grand.

Il jeta un regard à sa compagne et leurs mains s’étreignirent : la vie était vraiment belle.
Et puis, sans doute qu’Aioros les regardait de là où il était.

Aiolia ferma les yeux : jamais il n’avait été aussi heureux…
Et pourtant, le meilleur restait à venir…
Il en était sûr.
Et il comptait bien profiter de chaque parcelle, chaque minute, passée aux côtés de sa famille.

Camille ouvrit alors les yeux pour la première fois.
De magnifiques yeux bleus-verts.

Elle sourit et referma les yeux en poussant un gazouillement de clochette.

$s$s$s$

-Mû ?!

Le jeune homme aux cheveux lilas leva un œil de son journal et déposa sa tasse de thé sur la table :

-Oui, Kiki ?

Le jeune garçon aux cheveux roux leva les yeux au ciel :

-M’appelle plus comme ça ! Je suis plus un gamin !

-Mais tu resteras toujours mon petit frère.

Le taquina l’aîné en souriant. Kiki esquissa un sourire et abdiqua :

-Bon… Passons. Est-ce que je peux aller en ville avec Genbu ? Pas longtemps hein, mais…

Mû se leva et posa les mains sur les épaules de son cadet :

-Killian : j’adore Genbu et je lui fais entièrement confiance, tu le sais et il le sait aussi. De plus, tu n’as jamais fait de bêtise telle que je ne te ferais plus confiance.

Kiki haussa les sourcils et esquissa un sourire charmeur :

-Ca veut dire oui ?

Mû éclata de rire et gratifia son cadet d’une légère claque sur la tête :

-Allez, file ! Et remets-lui mon bonjour.

Kiki rit franchement et donna un baiser bruyant sur la joue de son aîné :

-Merci grand-frère !

-Avec plaisir.

Sourit Mû en regardant son cadet s’éloigner en trottinant vers le couloir, là où attendait le timide Genbu, sans aucun doute. Le jeune homme aux cheveux lilas allait se rasseoir lorsqu’une domestique débarqua soudain dans la pièce :

-Señor Mû !

-Que se passe-t-il, Amanda ? (S’étonna le jeune homme en se retournant vivement) Y a-t-il un problème avec…

-C’est votre épouse, Señor ! Elle est au jardin et elle vous demande !

Mû abandonna bien vite sa tasse de thé et se précipita vers le jardin, là où se trouvait donc Elsa. Il arriva bien vite à la petite fontaine et s’arrêta net lorsqu’il aperçut sa compagne, accroupie sur le sol, soutenant un bébé aux cheveux sombres de ses mains. Elle leva la tête et ses yeux s’illuminèrent lorsqu’elle souffla son prénom :

-Mû…

-Que se passe-t-il mon…

-Regarde.

Elsa poussa délicatement le bébé vers son époux et murmura :

-Va, Shion… Va voir Papa…

Le bébé sourit aux anges puis tendit les bras vers son père en baragouinant :

-Pa…Pa…

Mû rosit de fierté et s’accroupit avant de tendre les bras vers son fils :

-Oui… Oui c’est ça… Viens me voir mon grand…

Le bébé fit quelques pas hésitants en avant, trébucha, manqua de s’écrouler,…
Se ressaisit et offrit un sourire lumineux à son père avant de continuer à avancer, bras tendus.

Mû sourit et, lorsque Shion fut arrivé à destination, il serra son fils contre lui :

-Oui ! Bravo mon grand ! C’est super ! Tu marches maintenant !

Le bébé poussa un cri de joie qui illumina ses yeux de jade et Elsa les rejoignit en quelques pas, un sourire lumineux sur les lèvres :

-C’est génial ! Tu te rends compte ? Tu marches !

Shion rit lorsqu’une mèche lilas chatouilla son visage et Mû serra et sa compagne et son fils dans ses bras :

-Comme je vous aime, mes amours…

Cela faisait deux ans qu’il avait récupéré son titre, deux ans qu’il vivait dans cette maison,…
Et cela faisait deux ans que tout allait pour le mieux.
Enfin…

$s$s$s$

-Non ! Non pas comme ça ! C’est trop… Trop maladroit… Sois-sûr de toi et… Nh ! Un peu plus à gauche… Oui ! Oui, c’est ça ! Oui ! (Milo se mordit la lèvre) Voilà ! Plus vite maintenant ! Ouii ! Plus… Viiite !!

Hyôga poussa soudain un petit glapissement surpris et lâcha son épée de bois lorsque celle d’Isaak cogna contre ses doigts. Milo cessa son monologue et se frappa le front du plat de la main :

-Han ! Mais c’est pas vrai ! Hyôga !

S’écria-t-il alors. Le petit garçon sursauta et se tourna vers son maître d’armes en bafouillant et en triturant ses doigts :

-Heu… Oui ?

-Qu’est-ce que je vous ai dit juste avant que vous ne commenciez votre petit duel ?

-« C’est parti » !

S’écria Hyôga, ravi. Milo haussa un sourcil :

-« C’est par… » Attends : quoi ?!

-Ben oui ! « C’est parti » !

Souriait le Russe, absolument satisfait de sa réponse. L’ex-Scorpion resta un instant immobile puis, il leva le doigt :

-Un instant, je te prie.

Il lâcha sa rapière d’entraînement, s’approcha à toute vitesse du canapé extérieur où lisait Camus et où Léna et Ariane parlaient bébés en surveillant Lukas et Gabriel du coin de l’œil. Là, Milo attrapa violemment un coussin et Camus haussa un sourcil :

-Qu’est-ce que tu fabriques ?

-Deux secondes, mec.

Milo plaqua le coussin sur son visage et poussa un long cri de frustration et d’énervement mal contenu :

-RHAAAAA !!!!

Camus pouffa et les deux jeunes femmes éclatèrent de rire lorsque, après une bonne minute, la voix de Milo ne s’était pas éteinte.

Enfin, le blond sortit la tête du coussin et le balança sur le canapé :

-J’en peux plus de ce gosse ! Il va finir par me tuer !

Gémit Milo en désignant Hyôga du doigt et en se laissant tomber dans le fauteuil. Il attrapa sa gourde et poussa un long soupir :

-Autant Isaak pige bien ce que je lui demande, autant Hyôga… Il est complètement à côté de la plaque !

Léna intervint alors :

-C’est parce qu’il n’est pas fait pour ça, c’est tout.

-Ha ! Je te défie de me dire une chose, une seule, où ce gosse est compétent !

Ricana Milo et il manqua de s’étouffer lorsque Léna souffla :

-Hé bien… La danse classique.

-Gloub !

Milo se mit à tousser violemment, s’étranglant avec son eau sans pouvoir se rattraper. Ariane lui tapota doucement le dos :

-Ne force pas trop, mon cœur.

-*Hiii* Attends ! (S’écria Milo en regardant tout à tour Camus, Léna et Hyôga, les yeux rouges) Sérieux, mec ?! Tu le laisses faire de la dans classique ?!

Camus haussa les épaules :

-Et pourquoi pas ?

L’ex Scorpion tenta d’étouffer son ricanement derrière le plat de sa main mais il renonça et éclata franchement de rire au nez et à la barbe de son meilleur ami et employeur :

-Hahaha !! C’est trop ! De la danse classique ! Haha !!

Camus leva les yeux au ciel :

-Vous pouvez disposer les garçons, votre Maître d’armes est un peu fatigué…

Comme Isaak et Hyôga passait devant eux, Milo se redressa à demi, jeta un coup d’œil au Russe…
L’imagina faire une pirouette, un tutu rose ou blanc accroché à la taille…

Et son fou rire repartit de plus belle.

-Milo ! (Feula Camus) Ca suffit ces gamineries !

-Haha ! Excuse-moi Camus ! Mais je… Je peux pas !! Hahaha !!

Le Français leva les yeux au ciel :

-Bon sang… Je plains ta femme et ton fils…

-Rho ! Mesquin !

S’écria Milo en se levant et en se dirigeant vers son fils :

-T’es vilain ! Mon petit Lukas est juste parfait ! Comme son père !

Sourit-il en tendant la main à son fils :

-Tope-là mon grand !

Le petit garçon leva sa petite main et abattit sa paume contre celle de son papa en souriant :

-Topà !

Léna rit franchement et Camus secoua la tête. Ariane sourit et demanda :

-Et donc, Gabriel ne parle pas encore tu dis ?

-Non… (Soupira Léna) Je commence à m’inquiéter… Et Camus aussi…

-Mais c’est faux ! (S’insurgea le Français en dissimulant sa version collector de «L’âge où parlent les enfants : pathologies et anomalies. ») Il prend son temps ! C’est tout ! Moi aussi j’ai parlé tard !

Ariane sourit et posa une main rassurante sur le bras de son amie :

-Ne t’en fais pas : Lukas « parle » depuis 4 semaines à peine : ça viendra…

Milo se redressa soudain :

-Je vais le faire parler moi !

Camus leva les yeux au ciel :

-C’est inutile Milo : il ne dit même pas encore « Maman » ni même « Papa ». Ce n’est pas toi qui va lui faire dire son premier mot.

Mais le blond poussa un renifflement fier et s’accroupit devant son neveu (parce que oui : Camus et Léna étaient les parrains et marraines de Lukas comme Ariane et lui ceux de Gabriel) et sourit :

-Ben alors mon bonhomme ? Comment va ?

-Gah !

-Milo… (Soupira Camus)

-Chut ! (Le gronda Milo en lui adressant un mouvement impatient de la main avant de se tourner à nouveau vers le petit garçon) Dis-moi mon grand, je suis qui, moi ?

-C’est inu…

-Mi…lo !

La mâchoire de Camus se déboita de 20 centimètres et Léna en laissa tomber son petit gâteau tandis qu’Ariane s’étranglait avec sa gorgée de thé. Milo sourit :

-Tope là !

Mais cette fois, Lukas frappa en même temps que son copain et tous deux gazouillèrent :

-Topà !

-Apa !

Léna manqua de défaillir et Milo se redressa, tout sourire. En passant devant son meilleur ami, il lui murmura :

-Tu vois, avec les enfants, faut juste avoir le feeling…

Puis, il tapota l’épaule de Camus, condescendant :

-Haa… Hé bien mon vieux… je plains ta femme et ton fils…

-Mais la ferme !!

Milo s’enfuit en courant lorsque Camus se leva et le poursuivit, le menaçant de son bouquin d’environs 600 pages :

-Kyahh !!! Noooon !! Pas le bouquin !!!

-Reviens ici tout de suite, stupide arachnide !!

-Jamais !!

-Milooo !!!

Ariane et Léna éclatèrent de rire et, assis dans leur petit carré d’herbe, Lukas et Gabriel s’adressèrent un regard complice avant de claquer leurs paumes de mains :

-Topà !

FIN